J.O. Numéro 70 du 23 Mars 2002
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Texte paru au JORF/LD page 05164
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Circulaire du 14 février 2002 relative à la défense économique
NOR : ECOZ0200005C
Paris, le 14 février 2002.
Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à Mesdames et Messieurs les préfets, Mesdames et Messieurs les trésoriers-payeurs généraux
La présente circulaire a pour objet de présenter les différents aspects de la défense économique et de décrire l'organisation qui en découle aux niveaux national, zonal, régional et départemental avec les responsabilités afférentes.I. - Définitions
Par défense économique on entend les actes et initiatives pris par la puissance publique, d'une part pour protéger et défendre l'économie et les entreprises des atteintes de toute nature et, d'autre part, pour subvenir aux besoins de la défense nationale.
Conformément aux dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, elle constitue, avec la défense militaire et la défense civile, l'une des trois composantes de la défense de la nation. Elle est organisée par le ministre chargé de l'économie, sous l'autorité du Premier ministre et avec le concours du secrétaire général de la défense nationale. Elle est conduite avec les moyens dont dispose ce ministre et avec ceux des autres ministres chargés des ressources de biens et de services.
Elle couvre deux domaines :
- l'un, régalien, veillant au fonctionnement général de l'économie, à titre préventif ou curatif ;
- l'autre, émanant de l'Etat stratège et partenaire, dirigé vers les entreprises et relatif à la défense, la sécurité et l'intelligence économiques.
L'intelligence économique est définie comme l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques (1).1.1. La défense économique régalienne
Elle a pour objet de veiller au fonctionnement général de l'économie et consiste en la prévention des dysfonctionnements économiques et la préparation et gestion des crises susceptibles d'intervenir ; il s'agit pour cela de :
- préparer la nation (essentiellement les opérateurs d'infrastructures vitales pour le pays et leur environnement administratif et économique) à faire face à ces atteintes, par une information préalable adaptée et par l'établissement de programmes de prévention, d'action ou de réaction aux difficultés susceptibles de survenir ;
- gérer les situations provoquées par des perturbations du tissu économique ou de son environnement, en liaison prioritairement avec les structures mises en place à cette fin par le ministre de l'intérieur (notamment le centre opérationnel de gestion interministérielle des crises - COGIC - et le centre opérationnel Beauvau - COB), en vue de la répartition des premiers moyens palliatifs et du rétablissement d'une situation normale.
Les moyens mis en place en matière de défense économique au titre de l'ordonnance portant organisation générale de la défense (2) sont étendus aux situations perturbées provenant de menaces ou de risques intérieurs, intentionnels ou non, ou de catastrophes naturelles. En ce cas, la liaison est immédiate et étroite avec les deux ministères en tête des chaînes opérationnelles de gestion de crise que sont le ministère de l'intérieur et le ministère de la défense. Le ministère chargé de l'économie venant en appui des structures mises en place notamment au niveau national : centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC), centre opérationnel interarmées (COIA).1.2. La défense économique partenarialede l'Etat stratège et partenaire
La défense économique repose également maintenant sur la relation établie, au cours des dernières années, entre l'Etat devenu stratège et partenaire des entreprises et des acteurs économiques et ces derniers. Il peut s'agir :
- de politiques de sécurité que les entreprises et la collectivité doivent s'imposer à elles-mêmes, comme la protection et la sécurité des systèmes d'information et les mesures découlant d'éventuelles dépendances stratégiques ;
- de politiques de protection du patrimoine, désormais de plus en plus de la responsabilité des entreprises (3) ;
- d'une politique d'ouverture à la concurrence et à la mondialisation, s'appuyant notamment sur le développement de la maîtrise du savoir au moyen de l'intelligence économique, volet de la défense économique en relation avec l'information économique ouverte.II. - Organisation de la défense économique
L'ordonnance du 7 janvier 1959 situe l'organisation de la défense économique dans un cadre interministériel et attribue un rôle particulier au ministre chargé des affaires économiques (4).
Les préoccupations en matière de défense économique sont à prendre en compte à chaque niveau de l'organisation administrative du pays de même qu'elles sont à intégrer aux différents échelons de l'organisation adoptée par les grands opérateurs d'infrastructures vitales du secteur public comme du secteur privé.
Les orientations générales, directives et instructions d'application, sont fixées au niveau national par le ministre chargé de l'économie et, par délégation, son conseiller en la matière, le haut fonctionnaire de défense du ministère. En particulier, le haut fonctionnaire de défense exerce son action en matière de gestion de crise à l'échelon central.
La défense économique régalienne est traitée au niveau de la zone de défense, échelon adapté à la mise en oeuvre et à l'animation de la prévention, la préparation et la gestion des dysfonctionnements économiques susceptibles d'être d'ampleur nationale ou supra-régionale.
La défense économique, dans sa déclinaison de l'Etat partenaire des entreprises, est mise en oeuvre au niveau adapté de l'action économique que constitue la région. C'est au niveau de cette circonscription administrative qu'est préparé, arrêté et exécuté le contrat de plan entre l'Etat et la collectivité territoriale « région ».
Le département, en qualité d'échelon déconcentré de l'administration, est le support naturel des deux échelons cités plus haut, dans la mesure où ses moyens et ses fonctions propres le permettent.2.1. Le niveau national2.1.1. La défense économique régalienne
Puisqu'elle consiste à assurer en toutes circonstances, y compris en période de crise et quelle que soit la nature de celle-ci, le fonctionnement optimal de l'économie, il importe que soient identifiées les infrastructures d'importance vitale pour le fonctionnement de l'économie et donc de l'Etat et de la vie du pays.
On entend par infrastructure vitale un réseau, difficilement remplaçable, de distribution d'un type déterminé de bien ou de service indispensable à la satisfaction des besoins prioritaires pour la vie des populations, le fonctionnement de l'économie et l'exercice de l'autorité de l'Etat.
Les domaines dont relèvent ces infrastructures sont définis et actualisés régulièrement sur la base des orientations données par le haut fonctionnaire de défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sous la coordination du secrétariat général de la défense nationale (SGDN) et en concertation avec les ministères de ressources et les ministères chargés de l'intérieur et de l'outre-mer.
Le moyen majeur de protection d'une infrastructure vitale est son classement en points et réseaux sensibles (PRS) et/ou en installation d'importance vitale (I2 V). Une importance particulière doit être apportée à ce classement et à la cohérence des niveaux de classement (PS 1 et PS 2 particulièrement) des sites d'une même infrastructure vitale ou entre infrastructures vitales de même nature.
Des plans ressources, dont l'objet est d'organiser en situation de crise le traitement interministériel de la gestion des ressources essentielles à la vie de la nation, doivent être élaborés. Pour le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les ressources concernées qui relèvent d'infrastructures vitales sont principalement :
- émission et circulation des moyens de paiement (y compris électroniques) ;
- échange et traitement des informations ;
- courrier ;
- électricité ;
- gaz ;
- carburants et combustibles.
La logistique de la chaîne alimentaire doit également être considérée comme une infrastructure vitale pour laquelle un plan ressource sera élaboré avec le ministère de l'agriculture et de la pêche.
Les plans ressources établis par le ministre chargé des transports pour les infrastructures vitales relatives aux transports et le ministre chargé de l'aménagement du territoire et de l'environnement pour les infrastructures vitales concernant la production et la distribution d'eau potable sont soumis pour avis au ministre chargé de l'économie qui doit s'assurer de leur compatibilité avec la défense dans le domaine économique.
Pour le bon fonctionnement des infrastructures vitales et de l'économie en général, le ministère en charge de l'économie veille à ce qu'un certain nombre de secteurs, en cas de dysfonctionnement économique de toute origine ayant des conséquences graves sur le fonctionnement des entreprises et la vie des populations, apportent leur contribution de manière contractuelle ou par voie de réquisition. Les secteurs concernés font l'objet d'une liste limitative établie par le commissariat général à la mobilisation industrielle (CGMI), organisme sur lequel s'appuie le ministre en charge de l'économie, pour la coordination des actions des ministères de ressources en matière de planification, de prévention, de préparation et de gestion de crise en ce qui concerne les biens et les services. Cette liste vaut également pour l'application des textes relatifs au service de défense.
Les organismes de direction et les services centraux des grands opérateurs sont associés aux travaux de planification et de prévention de crise. Ils peuvent être représentés, si nécessaire, dans les organes de décision et de gestion de crise. Les collectivités territoriales en tant que de besoin peuvent également y être associées.2.1.2. La défense économique partenariale
Le ministre chargé de l'économie fixe les orientations générales des politiques de sécurité, de protection et d'intelligence économique qu'il apparaît utile de mener dans l'intérêt des entreprises et des acteurs économiques. A cette fin, il lui revient de prendre les mesures suivantes :
- mise à disposition des entreprises de stratégies de protection du patrimoine : physiques, immatérielles, sécurité des systèmes d'information, sécurité de l'information partagée dans un réseau d'entreprises partenaires ;
- mise en place et fonctionnement d'un dispositif national d'intelligence économique au profit des entreprises : sensibilisation à l'importance de l'information économique utile (aujourd'hui matière première stratégique), mise à disposition des entreprises par l'Etat des informations qu'il possède, par l'intermédiaire de réseaux humains ou informatisés et par tout autre moyen approprié ;
- recensement de secteurs industriels, commerciaux ou de services contrôlés par un nombre limité d'entreprises, éventuellement étrangères, une telle concentration pouvant limiter le développement des entreprises ou conduire à des risques en matière de protection des informations stratégiques ;
- mesures à mettre en place pour limiter ou faire cesser de telles dépendances stratégiques.2.2. La zone de défense
En matière de défense économique, le rôle de la zone est centré sur l'aspect régalien : prévention, préparation et gestion de la crise sous l'autorité du préfet de zone.
Le préfet de zone dirige en la matière l'action des préfets de région et de département de sa zone. Il dispose du comité de défense de zone qui peut être réuni en formation restreinte pour étudier les questions économiques. Il dispose également, au sein de son état-major de zone, d'une cellule économique en charge de la mise en oeuvre zonale des mesures de défense économique régalienne prises au niveau national ou, en certaines circonstances, prises par le préfet de zone lui-même. Deux chargés de mission défense économique (CMDE) y sont placés : un fonctionnaire de catégorie A, relevant du ministère chargé de l'économie, et un commissaire de l'armée de terre affecté auprès du ministère chargé de l'économie pour être mis à disposition du préfet de zone.
Le préfet de zone, en coordination avec les services déconcentrés du MINEFI, d'une part, décline au niveau zonal les plans ressources relevant de ce ministère, d'autre part, veille à la rédaction et à l'actualisation des mesures de défense économique prévues dans le plan général de protection et les autres plans zonaux.
S'agissant des infrastructures vitales, la zone de défense développe, dans le cadre de la politique nationale, un rôle de prévention et de coordination des actions.
Le trésorier-payeur général de région (TPG) du chef-lieu de zone est le conseiller du préfet de zone en matière de défense économique régalienne. Il est, pour la zone, le délégué des services déconcentrés relevant du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
En matière de prévention et de préparation à la gestion des crises, ce rôle d'animation s'exerce également vis-à-vis des TPG de région. Ceux-ci doivent en effet mobiliser les partenaires présents à cet échelon et apporter un soutien méthodologique au bénéfice de leurs collègues de départements.
En situation de crise, il assure l'articulation avec les trésoriers-payeurs généraux de département ; cet échelon territorial étant l'échelon opérationnel.
La zone de défense de Paris, qui couvre la région Ile-de-France, fait exception aux dispositions énoncées ci-dessus, du fait de son organisation administrative spécifique.2.3. La région
Circonscription administrative de référence de l'action économique, la région est le lieu de mise en oeuvre de la politique de défense économique partenariale entre l'Etat et les entreprises.
Pour l'exercice des responsabilités correspondantes de défense économique, le préfet de région dirige l'action des préfets de département de sa circonscription et dispose de la commission régionale de défense économique (CRDE).
Le trésorier-payeur général de région est le conseiller permanent du préfet de région pour ces questions de défense économique. Il est assisté, dans l'exercice de ses fonctions, par un chargé de mission défense économique représentant du haut fonctionnaire de défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ce CMDE assure le secrétariat de la CRDE et l'interface avec les services de l'Etat et les opérateurs impliqués dans la défense économique.
Le CMDE est notamment chargé de la sensibilisation des entreprises et des actions d'animation vers les acteurs économiques en matière de protection du patrimoine, de sécurité des systèmes d'information et d'intelligence économique. Il suit les établissements à régime restrictif (ERR) de la région en application de l'instruction interministérielle no 486 précitée, en étroite liaison et sous la responsabilité du service de défense économique placé auprès du HFD.
En période de crise, le TPG de région peut mettre le CMDE à disposition du préfet pour participer à la gestion de crise au niveau départemental.
Le trésorier-payeur général de région a une mission d'information, d'animation et de soutien de l'action des trésoriers-payeurs généraux de département en matière de défense économique partenariale.2.4. Le département
C'est au département, circonscription administrative élémentaire dans le domaine de la défense économique, que se situe l'échelon opérationnel, notamment en période de crise.
Sous l'autorité du Premier ministre, le préfet est responsable dans son département des mesures de défense non militaire. En particulier, il met en oeuvre les mesures adéquates de défense économique dans le respect de l'organisation nationale, zonale et régionale susdécrite et/ou suivant le principe de subsidiarité. Il est chargé d'élaborer, en déclinaison des plans ministériels et zonaux, les plans ressources relevant du ministre chargé de l'économie, et de veiller à la rédaction et l'actualisation des mesures de défense économique prévues dans les plans d'urgence (5), dont il est fait état dans la circulaire interministérielle, et autres plans départementaux.
Le trésorier-payeur général du département est le conseiller permanent du préfet pour les questions économiques intéressant la défense.2.5. Les opérateurs d'infrastructures vitalesen matière économique
En coordination avec le SGDN et en concertation avec les ministères de rattachement des opérateurs, le ministre chargé de l'économie propose ou prend les mesures du niveau nécessaire - législatif, réglementaire, administratif ou contractuel - permettant d'assurer un fonctionnement adéquat des infrastructures vitales vis-à-vis de l'activité des entreprises, de la vie des populations, de la continuité de l'action gouvernementale et des services de sécurité des populations : lutte contre la malveillance et le terrorisme, sécurité informatique, fiabilité générale, résistance aux catastrophes naturelles ou technologiques.
Ces opérateurs d'infrastructures vitales participent, à la demande des autorités administratives de tout niveau, aux instances de prévention, de préparation à la gestion de crise, voire à la gestion de la crise elle-même.Laurent Fabius
(1) Définition du groupe de travail du Commissariat général du Plan, présidé par Henri Martre, en 1994.
(2) Chargés de mission défense économique (CMDE), cellules de crise dans les préfectures.
(3) Cf. instruction interministérielle sur la protection du patrimoine scientifique et technique français dans les échanges internationaux no 486/SGDN/STS/TSE/CVS/DR du 1er mars 1993.
(4) Article 18 : « Le ministre chargé des affaires économiques oriente aux fins de la défense l'action des ministres responsables de la production, de la réunion et de l'utilisation des diverses catégories de ressources ainsi que de l'aménagement industriel du territoire ».
(5) En application de la directive générale interministérielle sur la planification de défense et de sécurité no 10010/SGDN/PSE/PPS/CD du 5 janvier 2001.