J.O. Numéro 62 du 14 Mars 2002
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Avis de la Commission de régulation de l'électricité en date du 18 octobre 2001 sur l'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA pouvant bénéficier de l'obligation d'achat
NOR : ECOI0100649V
La Commission de régulation de l'électricité a été saisie, le 24 septembre 2001, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et par le secrétaire d'Etat à l'industrie, d'un projet d'arrêté fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations d'une puissance inférieure ou égale à 36 kVA pouvant bénéficier de l'obligation d'achat.
Sur le rapport du directeur des relations avec les producteurs, la CRE a rendu l'avis suivant :
1. Description du mécanisme d'achat proposé
Le projet d'arrêté fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations de très faible puissance, 36 kVA et moins.
1.1. Les producteurs concernés par cet arrêté tarifaire sont également, en règle générale, des consommateurs d'électricité.
Le principe général du projet d'arrêté est que le tarif d'achat de l'électricité produite est égal, tout au long d'un contrat de quinze ans, au tarif de vente hors abonnement de l'électricité consommée. Les tarifs de l'électricité en France comprennent plusieurs familles et options, se distinguant par des niveaux différents de l'abonnement et de la part variable. Le tarif d'achat applicable est donc variable en fonction de l'option tarifaire du producteur concerné.
Le tableau suivant donne les valeurs moyennes pour les principales options tarifaires :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 62 du 14/03/2002 page 4681 à 4683
La quantité d'électricité achetée à ce tarif est limitée à la consommation annuelle constatée du producteur. L'énergie produite au-delà de cette limite est rémunérée à un tarif moins avantageux : 44,2 Euros/MWh.
1.2. Le cas d'un producteur non lié à l'acheteur par un contrat de fourniture (qui correspond à un consommateur éligible ayant changé de fournissseur) a été prévu :
- le tarif d'achat de l'énergie produite est égal au tarif bleu correspondant d'EDF, pour une puissance souscrite égale à la puissance installée, sans horosaisonnalité et hors abonnement ;
- le plafond de l'énergie achetée annuellement à ce tarif est égal à la puissance installée multipliée par un coefficient valant 1 500 h pour les installations photovoltaïques, 3 800 h pour les installations éoliennes et 8 400 h pour les autres installations.
1.3. Au terme des quinze ans du premier contrat, un second contrat est possible. Le tarif d'achat est alors de 44,2 Euros/MWh.
1.4. Le tarif proposé est le même en Corse et dans les DOM qu'en métropole continentale.2. Comparaison avec les coûts et les externalités évités
2.1. A titre liminaire, il faut rappeler que les producteurs des différentes filières donnant droit à obligation d'achat peuvent déjà, ou pourront, bénéficier de prix de reprise spécifiques à chaque filière. La CRE constate donc que ce projet d'arrêté sur les installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA se superpose à tous ces tarifs et regrette qu'il vienne alourdir encore l'environnement réglementaire.
2.2. Le décret no 2001-410 du 10 mai 2001 prévoit que le tarif d'achat est égal aux coûts de production (investissement et exploitation) évités sur le long terme au système électrique, auxquels peut s'ajouter une rémunération supplémentaire correspondant à la contribution des installations à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la loi du 10 février 2000.
S'agissant des coûts de production évités, il apparaît que la production d'électricité par les petites installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA ne peut être considérée comme garantie. Cela signifie que l'acheteur ne peut pas compter sur cette puissance en cas de besoin, et donc qu'il ne réalise aucune économie de coûts fixes de production.
En conséquence, seuls les coûts variable de production sont évités au système électrique.
2.3. Le tableau suivant donne, pour la métropole continentale, les résultats de la comparaison entre le tarif d'achat proposé (dans le cas du tarif bleu de base) et la somme des coûts évités (coûts variables seuls) et des externalités évitées d'une centrale nucléaire et d'une centrale à cycle combiné au gaz (CCG) :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 62 du 14/03/2002 page 4681 à 4683
Quelle que soit la filière considérée, le tarif d'achat proposé est très supérieur aux coûts et externalités évités en métropole. L'écart est compris entre 39 Euros/MWh et 84 Euros/MWh.
A supposer qu'une fraction de l'électricité produite par les installations de puissance inférieure ou égale à 36 kVA puisse être considérée comme garantie, l'écart demeurerait très important : entre 30 et 60 Euros/MWh.
2.4. Par ailleurs, le tarif d'achat proposé est fondé sur les tarifs de vente de l'électricité, qui comprennent les coûts de réseau, ce qui est en contradiction manifeste avec le décret no 2001-410 du 10 mai 2001, qui ne mentionne que les coûts évités de production et les externalités.
Même si l'on considère (ce qui n'est pas avéré) que la production décentralisée induit des économies de réseau, il paraît contraire à l'esprit et à la lettre de la loi qu'elles soient supportées par le service public de la production d'électricité.
2.5. Le tableau suivant donne, pour la Corse et les DOM, les résultats de la comparaison entre le tarif d'achat proposé (dans le cas du tarif bleu de base) et les coûts et les externalités évités d'une centrale fonctionnant au fuel ou au charbon :
Vous pouvez consulter le tableau dans le JOn° 62 du 14/03/2002 page 4681 à 4683
En Corse et dans les DOM, le tarif d'achat proposé est couvert par la somme des coûts et des externalités évités.3. Analyse des modalités techniques
3.1. Le principe de l'égalité, pour un producteur donné, entre le tarif d'achat et le tarif de vente a l'avantage d'une grande simplicité de mise en oeuvre.
Ce principe présente toutefois plusieurs inconvénients, dans la perspective de l'ouverture progressive des marchés. Outre le fait que ce tarif d'achat n'a plus de sens dans l'hypothèse d'une ouverture totale (qui entraînerait la disparition de la notion de tarif de vente de l'électricité), il risque de perturber le jeu normal de la concurrence, dans le cas d'un producteur devenant éligible pendant la période de quinze ans du contrat :
- le projet d'arrêté introduit un traitement différencié entre les producteurs liés à EDF ou à un DNN par un contrat de fourniture et ceux qui ne le sont pas (sans qu'on puisse dire a priori qu'une catégorie est favorisée par rapport à l'autre). Le tarif d'achat est différent dans les deux cas, ainsi que la quantité maximale pouvant être achetée à ce tarif. En fonction de sa situation spécifique, un producteur pourra ainsi, s'il devient éligible, être plus ou moins incité à changer de fournisseur ;
- dans le cas où, sans changer de fournisseur, un producteur éligible obtient de meilleures conditions de vente de la part d'EDF ou de son DNN, le projet d'arrêté ne précise pas si le tarif d'achat de sa production s'en trouvera diminué. Si oui, cela constituera un frein pour ce producteur à faire jouer la concurrence.
Ce traitement différencié des producteurs constitue une discrimination qui ne paraît pas fondée juridiquement, dans la mesure où ces derniers sont dans une situation identique du point de vue de la production.
3.2. Rien, dans le projet d'arrêté, n'empêche un producteur propriétaire de plusieurs petites installations de multiplier les contrats d'achat se référant tous à son seul contrat de fourniture de l'électricité, ce qui rend caduc le plafond d'achat.4. Avis de la CRE
4.1. Dans la mesure où le Gouvernement souhaite définir un tarif d'achat spécifique pour les plus petites installations, le dispositif retenu (égalité entre le tarif d'achat et le tarif de vente) a l'avantage d'une grande simplicité de mise en oeuvre.
4.2. Toutefois, le fait que ce principe ne soit pas applicable aux clients ayant quitté EDF ou leur DNN pendant la durée de leur contrat d'achat risque de fausser le jeu normal de la concurrence, et constitue une source de discrimination.
4.3. Le tarif proposé est très supérieur aux coûts et externalités évités en métropole continentale : on constate des écarts variant entre 40 et 80 Euros/MWh. Cela est dû principalement à la nature intégrée des tarifs de vente qui servent de référence à ce tarif, dont les coûts de réseau sont une composante importante.
4.4. Le tarif d'achat proposé ne respecte pas les conditions du décret no 2001-410 du 10 mai 2001, qui ne prévoit pas la prise en compte des coûts de réseau pour la détermination des tarifs d'achat de l'électricité.
4.5. Au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, la CRE émet un avis défavorable sur ce projet d'arrêté.
Fait à Paris, le 18 octobre 2001.Le président,
J. Syrota