J.O. Numéro 8 du 10 Janvier 2002
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Texte paru au JORF/LD page 00626
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Avis no 99-618 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 23 juillet 1999 sur le projet de décret relatif à la transposition en droit français des directives 97/66/CE et 98/10/CE et modifiant le code des postes et télécommunications
NOR : ARTJ9900284V
L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu la directive 95/46 du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
Vu la directive 97/66 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des télécommunications ;
Vu la directive 98/10 du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L. 33-1, L. 34-1, L. 34-2, L. 35-1 à L. 35-4, D. 98-1 et D. 98-2 ;
Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret no 96-1125 du 27 décembre 1996 portant approbation du cahier des charges de France Télécom ;
Vu la demande d'avis du secrétariat d'Etat à l'industrie, reçue le 11 juin 1999, concernant le projet de décret relatif à la transposition en droit français des directives 97/66 et 98/10 ;
La commission consultative des réseaux et services de télécommunications (CCRST) ayant été consultée le 8 avril 1999 ;
Après en avoir délibéré le 23 juillet 1999,
Sur le cadre général
1. La directive 97/66 du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 a pour champ d'application le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le cadre de la fourniture de services de télécommunications accessibles au public sur les réseaux publics, notamment via le réseau numérique à l'intégration de services (RNIS) et les réseaux numériques mobiles publics. Elle a pour objectif de compléter les dispositions générales de la directive 95/46 par des éléments spécifiques au secteur des télécommunications.
La mise en place d'une concurrence loyale et le développement de services innovants requièrent, en effet, l'établissement d'un cadre juridique pour le traitement des données à caractère personnel, qui garantira aux utilisateurs la protection de leur vie privée. L'Autorité accueille donc favorablement ce projet de décret, mais souligne qu'il ne définit que partiellement ce cadre. La protection de la vie privée des utilisateurs ne pourra être complètement garantie que si la directive 95/46 est transposée.
Le développement des services sur internet constitue l'un des moteurs de la croissance du secteur des télécommunications. Les services personnalisés que les fournisseurs de services souhaitent offrir se fondent sur des traitements de données à caractère personnel. Ils peuvent en conséquence susciter chez les utilisateurs des craintes quant à la protection de leur vie privée. Le projet de décret n'a pas pour ambition de résoudre l'ensemble des questions liées à la vie privée posées par le développement d'internet. Toutefois, l'Autorité souligne que les services d'accès à internet entrent dans le champ d'application de ce projet de décret. Celui-ci contribue, en fixant des règles qui s'appliquent aux fournisseurs d'accès à internet, à lever certaines inquiétudes des utilisateurs et à créer un climat de confiance nécessaire à l'émergence de services personnalisés.
2. La directive 98/10 concerne l'application de la fourniture d'un réseau ouvert à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel.
Certaines dispositions de la directive 98/10 ne sont pas transposées, notamment celles relatives à l'obligation de cession par les opérateurs de leur liste d'abonnés au bénéfice de l'ensemble des éditeurs d'annuaire universel ou prestataires de service universel de renseignements (art. 6), aux contrats conclus avec les utilisateurs pour la fourniture du service téléphonique au public (art. 10, § 2) et à l'accès spécial (art. 16). L'Autorité estime que leur transposition nécessite une modification législative du code des postes et télécommunications et, en conséquence, souhaite qu'il soit proposé le plus rapidement possible des modifications législatives pour transposer complètement cette directive.
Le projet de décret ne transpose en effet que partiellement les dispositions de cette directive en introduisant un article D. 98-2-1 du code des postes et télécommunications, qui impose aux opérateurs :
De mesurer et de communiquer à l'Autorité de régulation des télécommunications les valeurs de certains indicateurs de qualité de service, dix-huit mois après qu'ils ont commencé à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public fixe ou à fournir le service téléphonique entre points fixes ;
De communiquer à l'Autorité de régulation des télécommunications les spécifications techniques détaillées concernant l'interface d'accès au réseau.
Concernant ce dernier point, l'Autorité tient à souligner que la directive 99/5 du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité comporte également des dispositions relatives à la publication des spécifications techniques concernant l'interface d'accès au réseau. Elle considère que les dispositions prévues par cette directive sont plus efficaces pour assurer la transparence nécessaire à la mise sur le marché des équipements terminaux adéquats.
Le projet de décret transmis pour avis à l'Autorité, qui a pour objet d'assurer la transposition des directives communautaires 97/66 et 98/10, modifie les articles D. 98-1 et D. 98-2 du code des postes et télécommunications et introduit un nouvel article D. 98-2-1 dans le même code.
Pour rendre applicables ces dispositions aux opérateurs déjà titulaires des autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications, une modification du cahier des charges annexé à ces autorisations devra intervenir.Sur la possibilité de ne pas figurerdans les annuaires d'abonnés
3. Le deuxième alinéa du 2 de l'article D. 98-1 prévoit que le coût de l'établissement et la mise à jour de la liste des abonnés à ne pas faire figurer sur les listes publiées doit être calculé pour couvrir les coûts effectivement encourus par l'opérateur.
L'Autorité en déduit que le prix payé par les abonnés pour ne pas figurer dans les annuaires devra être orienté vers les coûts.Sur la durée de conservationdes données nécessaires à la facturation
4. Le quatrième alinéa du 2 de l'article D. 98-1 prévoit que « pour les besoins de la facturation et du paiement des services rendus, l'opérateur peut, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers les données (...) ».
Il n'existe pas en France de règles particulières déterminant une durée maximale de conservation des informations liées au trafic pour les besoins de la facturation des communications.
L'Autorité constate que l'article L. 126 du code des postes et des télécommunications issu de la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 fixe à un an la durée pendant laquelle l'abonné peut contester sa facture et la durée de prescription de l'action en recouvrement par l'exploitant public. Cette disposition est toujours en vigueur et s'applique exclusivement à France Télécom.
Actuellement, les nouveaux opérateurs, qui ne sont pas soumis à cette disposition, choisissent une durée de conservation variable.
L'Autorité estime nécessaire que le régime applicable à l'ensemble des opérateurs de télécommunications soit unifié sur ce point.Sur l'exploitation des données de traficet de facturation à des fins de prospection
5. L'article 6, paragraphe 3, de la directive 97/66 dispose que, « dans le but de commercialiser ses propres services de télécommunications, le prestataire d'un service de télécommunications accessible au public peut traiter les données visées au paragraphe 2 pour autant que l'abonné ait donné son consentement ».
Ainsi, conformément à cet article , l'opérateur détenant ces informations peut les utiliser pour lui-même, mais seulement selon deux conditions cumulatives :
- si cette utilisation a un lien avec l'objet du service fourni ;
- si le client a donné son consentement à cette utilisation.
L'Autorité estime que cette disposition nécessite la modification du régime juridique existant en France, dans la mesure où désormais les données de facturation semblent être exclues des données pouvant être commercialisées auprès de tiers.
Ainsi, le sixième alinéa du 2 de l'article D. 98-1 subordonne désormais l'exploitation par un opérateur des données de facturation à des fins de prospection directe au consentement de l'abonné concerné.
Or, le quatrième paragraphe du deuxième alinéa du 2 de l'article D. 98-1 qui prévoit que toute personne a le droit de s'opposer gratuitement à l'utilisation des données de facturation la concernant à des fins de prospection commerciale, dans l'hypothèse où il serait maintenu, se révèle incompatible avec le sixième alinéa du 2 de l'article D. 98-1 qui assure la transposition de cet article .
L'Autorité propose donc la suppression du quatrième paragraphe du deuxième alinéa du 2 de l'article D. 98-1.Sur l'identification de la ligne appelanteet les renvois d'appel
6.1. Sur l'opportunité de mettre en oeuvre le 3 de l'article 3 de la directive :
Dans sa demande d'avis à l'Autorité de régulation des télécommunications, le secrétariat à l'industrie s'interroge sur l'opportunité de mettre en oeuvre le 3 de l'article 3 de la directive 97/66 . Cet article prévoit notamment que, « lorsqu'il est techniquement impossible de se conformer aux exigences des articles 8, 9 et 10 ou lorsque cela nécessite un investissement disproportionné, les Etats membres en informent la Commission ».
Les articles 8, 9 et 10 de cette même directive établissent notamment les dispositions suivantes :
a) La possibilité pour l'abonné appelant d'éliminer appel par appel l'indication de l'identification de la ligne appelante ;
b) La possibilité pour l'abonné appelé d'empêcher l'indication de l'identification de la ligne appelante pour les appels entrants ;
c) La possibilité pour l'abonné appelé de refuser les appels entrants lorsque l'appelant a supprimé l'indication de l'identification de la ligne appelante ;
d) Certaines possibilités d'outrepassement pour les services d'urgence ;
e) La possibilité pour un abonné de mettre fin au renvoi automatique des appels par un tiers vers son terminal.
Les dispositions a et d sont déjà appliquées par les opérateurs. La disposition b ne nécessite pas une procédure automatique et peut être satisfaite si l'abonné demande à l'opérateur de suspendre à titre temporaire ou définitif la présentation de l'identification de la ligne appelante. La disposition e peut être mise en oeuvre au travers de procédures opérationnelles classiques entre opérateurs. Pour ces raisons, les dispositions a, b, d et e ne justifient pas le recours au 3 de l'article 3 de cette directive.
Seule la disposition c soulève quelques difficultés techniques. Les débats en cours dans les organismes de normalisation ont montré que la complexité des développements pour fournir la fonction de rejet d'appel anonyme ne tient pas tant à la mise en oeuvre du service qu'à la mise à niveau des réseaux pour limiter les déclenchements à tort de la fonction.
En conséquence, il n'y a pas de difficulté technique ou économique de nature à justifier le recours au 3 de l'article 3 de cette directive. Néanmoins, il peut être nécessaire de prévoir un certain délai pour la mise à niveau des réseaux. L'Autorité propose une modification du projet de décret dans ce sens.
6.2. Sur les dispositions établies par le projet de décret :
Les services d'urgence ont souligné que la forte croissance des appels d'urgence provenant de téléphones mobiles nécessite qu'ils aient un accès à toute information permettant de mieux localiser un abonné mobile. Afin de prendre en compte ce besoin, l'Autorité propose une modification rédactionnelle du dixième alinéa du 2 de l'article D. 98-1.
Par ailleurs, les dispositions prévues dans le projet de décret peuvent aboutir à ce que certains abonnés ne puissent plus communiquer. L'Autorité propose qu'une option de levée du secret permanent soit offerte, appel par appel, par les opérateurs aux utilisateurs pour pallier cette difficulté.Sur les contrats
7. Le premier alinéa de la clause r de l'article D. 98-2 impose aux opérateurs de préciser dans leurs contrats les conditions de renouvellement des contrats et, le cas échéant, toute durée contractuelle minimale.
L'Autorité constate que l'article 10, paragraphe 2, de la directive 98/10 qui permet aux autorités réglementaires nationales d'exiger une modification des conditions contractuelles de leur propre initiative ou à la demande d'une organisation représentant les intérêts des utilisateurs ou des consommateurs n'est pas transposé.
L'Autorité estime donc nécessaire de prévoir par voie législative une transposition strictement conforme de cette disposition communautaire dans notre droit interne.Sur les objectifs et les indicateurs de qualité de service
8. L'article 12, paragraphe 1, de la directive 98/10 prévoit que les Etats membres doivent être en mesure de fixer la qualité du service téléphonique entre points fixes et qu'à cette fin des objectifs concernant les résultats à atteindre peuvent être introduits dans les licences des opérateurs concernés, notamment pour les organismes qui sont puissants sur le marché pour la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes et/ou de services de téléphonie vocale. L'Autorité constate que cette disposition n'a pas été reprise dans le projet de décret.
Sans préjuger des niveaux de qualité de service offerts par les différents opérateurs, et afin de répondre à d'éventuelles attentes des consommateurs, l'article D. 98-2-1 devrait prévoir la fixation éventuelle des niveaux de qualité de service dans les autorisations délivrées en application des articles L. 33-1 et L. 34-1 du code des postes et télécommunications. Les valeurs de ces indicateurs de qualité seraient fixées par le ministre chargé des télécommunications sur proposition de l'Autorité de régulation des télécommunications.
Les opérateurs doivent avoir une définition commune et des méthodes de mesures standards des indicateurs de qualité de service définis à l'annexe III de la directive 98/10 . L'ETSI a entrepris à cet effet, dans le rapport technique ETR 138, un travail visant à aboutir à cette compréhension commune. L'Autorité préconise conformément à la directive que les opérateurs s'appuient sur ces travaux pour faire les mesures éventuelles de qualité de service. En conséquence, elle propose une modification du projet de décret pour prendre en compte ce point.
Par ailleurs, le paragraphe 3 de l'article 12 de la directive 98/10 prévoit que les autorités de réglementation nationales veillent, s'il y a lieu, à la publication des données relatives à la qualité de service. Cette disposition n'a pas été reprise dans le projet de décret. L'Autorité estime qu'elle est essentielle pour la bonne information du consommateur et fait une proposition afin de transposer cet article .Les spécifications techniques concernant l'interfaced'accès au réseau
9. Le paragraphe 2 de l'article 11 de la directive 98/10 dispose que « les autorités réglementaires nationales veillent à ce que les organismes fournissant des réseaux téléphoniques publics fixes leur communiquent les spécifications techniques détaillées concernant l'interface d'accès au réseau énumérées à l'annexe II de cette directive ».
L'Autorité estime que cette disposition concernant la transmission des spécifications décrivant les interfaces d'accès au réseau à l'Autorité de régulation des télécommunications est une condition nécessaire à l'apparition d'équipements terminaux capables de fournir les services délivrés sur l'interface d'accès.
Toutefois, l'article 4, paragraphe 2, de la directive 1999/5 du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité comporte des dispositions relatives aux spécifications techniques concernant l'interface d'accès au réseau qui visent le même objectif, en prévoyant un mécanisme que l'Autorité juge beaucoup plus efficace. En effet, cet article prévoit que les opérateurs publient les spécifications d'accès décrivant leurs interfaces, ce qui permet ainsi aux fabricants d'équipements terminaux de disposer dans des conditions non discriminatoires des informations techniques pertinentes.
L'Autorité a transmis au secrétariat d'Etat à l'industrie après une large consultation des opérateurs concernés des propositions pour transposer cette disposition de la directive 1999/5 du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité de la nouvelle directive sur les équipements terminaux.
L'Autorité souhaite donc que ses propositions soient introduites dans la clause d de l'article D. 98-2-1 afin d'assurer la transparence des informations nécessaire au développement harmonieux des équipements terminaux.Sur l'introduction d'une disposition concernant l'accès spécial
10. L'article 16, point 9, de la directive 98/10 dispose que « le détail des accords relatifs à l'accès spécial au réseau est mis à la disposition de l'autorité réglementaire nationale qui en fait la demande (...) ».
En conséquence, l'Autorité propose d'introduire à la fin du deuxième alinéa de la clause p concernant les obligations permettant le contrôle du cahier des charges par l'Autorité les accords relatifs à l'accès spécial au réseau.
11. Sous réserve des modifications législatives du code des postes et télécommunications nécessaires à la transposition complète de ces directives et plus particulièrement de l'introduction en droit interne de :
L'obligation de cession par les opérateurs de leur liste d'abonnés au bénéfice de l'ensemble des éditeurs d'annuaire universel ou prestataires de service universel ;
Une durée maximale de conservation des informations liées au trafic pour les besoins de la facturation des communications ;
La possibilité pour l'autorité réglementaire nationale d'exiger une modification des conditions contractuelles des contrats ;
Une obligation d'orientation vers les coûts pour l'accès spécial au réseau,
et des propositions de modifications rédactionnelles formulées en annexe,
Emet un avis favorable.
Le présent avis sera transmis au secrétaire d'Etat à l'industrie et publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 23 juillet 1999.Le président,
J.-M. Hubert