J.O. Numéro 201 du 31 Août 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 13982

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Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel (1)


NOR : CETX0105063V



Le Conseil d'Etat (section du contentieux, 10e et 9e sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 10e sous-section de la section du contentieux,
Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 mai 2001, le jugement en date du 26 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, avant de statuer sur la demande du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie tendant à l'annulation du refus de M. Aukusitino Manuohalalo de contresigner l'arrêté portant nomination de M. Philippe Chartier au poste de directeur du centre hospitalier Gaston-Bourret, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1o Le contreseing requis par l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 est-il détachable de l'acte sur lequel il est requis ?
2o Dans l'affirmative, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou son président sont-ils recevables à contester devant la juridiction administrative le refus d'un membre du gouvernement d'apposer son contreseing sur un acte assujetti à cette formalité en application de l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 ?
3o Enfin, dans le cas du refus d'un membre du gouvernement d'apposer le contreseing requis sur un acte dont il est chargé de contrôler l'exécution, l'absence de celui-ci constitue-t-il ou non un vice substantiel ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, modifiée notamment par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 ;
Vu la loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, notamment son article 128 ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Denis, maître des requêtes ;
- les conclusions de Mme Mitjavile, commissaire du Gouvernement,
Rend l'avis suivant :
La loi organique no 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dispose dans son article 108 que l'exécutif de la Nouvelle-Calédonie est le gouvernement, lequel est élu par le congrès et responsable devant lui. Selon l'article 110 du même texte, l'élection du gouvernement a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, les listes des candidats étant présentées par les « groupes d'élus » définis à l'article 79 de la loi organique. D'après l'article 120, la démission du gouvernement est décidée à la majorité de ses membres et présentée par son président au président du congrès. Le deuxième alinéa du même article prévoit également que le gouvernement est démissionnaire de plein droit en cas de démission ou de décès de son président. Aux termes du premier alinéa de l'article 128 : « Le Gouvernement est chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence. Ses décisions sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante. » Toutefois, il est spécifié au troisième alinéa de l'article 128 que « les arrêtés du gouvernement sont signés par le président et contresignés par les membres du gouvernement chargés d'en contrôler l'exécution ». L'article 130 permet dans son dernier alinéa au gouvernement, par délibération, de mettre fin aux fonctions d'un de ses membres, sous réserve de l'accord du groupe d'élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu. Enfin, l'article 132 de la loi organique range parmi les compétences du gouvernement la nomination et la cessation de fonctions du secrétaire général, des directeurs, chefs de service, directeurs d'offices, directeurs d'établissements publics de la Nouvelle-Calédonie et des représentants de la Nouvelle-Calédonie auprès des offices, établissements publics et sociétés.
Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que :
1o La décision par laquelle un membre du gouvernement refuse d'apposer son contreseing sur un acte assujetti à cette formalité en vertu de l'article 128 précité de la loi organique du 19 mars 1999 n'est pas détachable de l'acte pour lequel le contreseing est requis ;
2o Il s'ensuit que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ou son président ne sont pas recevables à contester devant la juridiction administrative le refus d'un membre du gouvernement d'apposer son contreseing sur un acte assujetti à cette formalité en application de l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 ;
3o Le refus d'un membre du gouvernement d'apposer sur un acte dont il est chargé de contrôler l'exécution le contreseing requis par l'article 128 de la loi organique du 19 mars 1999 entache ledit acte d'un vice de forme de nature à entraîner son annulation.
Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, à M. Manuohalalo, au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Il sera également publié au Journal officiel de la République française.


(1) Avis no 233446 du 27 juillet 2001.