J.O. Numéro 156 du 7 Juillet 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 10836

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Saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 juin 2001 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2001-449 DC


NOR : CSCL0104937X



LOI RELATIVE A L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET A LA CONTRACEPTION

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les députés soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.
Cette loi doit être déclarée inconstitutionnelle pour les motifs ci-après développés :


1. Conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 7 de la loi déférée (art. L. 2212-7 du code de la santé publique modifié)
Les dispositions incriminées se proposent de permettre à la jeune femme mineure non émancipée de déroger à l'obligation de recueillir, en vue d'une interruption volontaire de grossesse (IVG), l'autorisation parentale ou celle de son représentant légal, si la jeune femme en question souhaite garder le secret sur sa grossesse ou n'a pas obtenu le consentement.
Or, raisonner de la sorte, c'est vider de sens le principe même d'autorité parentale puisque l'autorisation n'est exigée que dans la mesure où, d'une part, la mineure y consent et si, d'autre part, les titulaires de l'autorité parentale donnent leur accord au recours à l'IVG.
Bien que le principe d'autorité parentale ne soit pas explicitement affirmé par un texte constitutionnel, il semble néanmoins découler directement de la protection constitutionnelle de la famille, affirmée par le Préambule de 1946 en son alinéa 10 et dont la jurisprudence est axée sur la protection des enfants (cf. décision no 97-393 DC).
Si l'enfant, lui-même, jouit d'une protection spécifique quant à sa santé - protection d'autant plus forte pour la jeune femme mineure que la logique du recours à l'IVG est organisée autour de la protection physique et psychologique de la mère -, une éventuelle dérogation à l'autorité parentale ne peut être envisagée que si elle permet une protection adéquate des intérêts de la jeune fille. Force est de constater que le recours à l'assistance de n'importe quelle personne majeure, au choix de la mineure, n'est pas à même d'assurer cette protection dans le cadre de l'IVG. Cette dérogation au principe priverait de garanties légales la protection de la santé de la mineure instituée notamment par l'article 11 du Préambule de 1946 ainsi que l'exercice d'un consentement libre et éclairé dont l'absence est susceptible d'avoir de graves répercussions.
Certes, il n'appartient pas au juge constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur en proposant une solution alternative. Toutefois, il apparaît que seul le recours à un juge assorti d'une procédure d'urgence visant, par exemple, à désigner la personne majeure accompagnant la mineure, est propre à protéger les exigences constitutionnelles en cause.

2. Conclusions dirigées contre les dispositions de l'article 27
(art. L. 232-2 du code de la santé publique)

Les dispositions incriminées envisagent la possibilité de stériliser, le cas échéant, une personne handicapée mentale placée sous tutelle ou sous curatelle sans son consentement si celle-ci n'est pas en mesure de l'exprimer.
Rappelons que la stérilisation contraceptive, en elle-même, est contraire au principe d'intégrité du corps humain dont le Conseil constitutionnel a fait l'un des principes garants de la dignité de la personne humaine. Non seulement elle est le plus souvent irréversible, mais elle porte atteinte à la liberté personnelle de celui qui la subit. En effet, la protection de la liberté de l'individu ne peut être interprétée comme justifiant que l'intervention d'un tiers - en l'espèce, le médecin - le conduise à renoncer de manière définitive à l'exercice même de cette liberté, la liberté de procréer, en l'occurrence. On ne pourrait envisager une éventuelle dérogation thérapeutique que dans l'hypothèse où toute autre pratique contraceptive serait médicalement impossible ou dangereuse.
Outre cette exigence constitutionnelle, il en est une autre qui, au regard des principes de non-discrimination et de liberté personnelle, interdit que l'on procède à la stérilisation des personnes, quand bien même celles-ci seraient incapables, a fortiori d'exprimer leur consentement. En effet, le consentement est une exigence liée à la liberté, droit naturel et imprescriptible, tel que le dispose l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Cet article ne peut pas être considéré comme insusceptible de s'appliquer aux personnes handicapées mentales, sauf à établir une discrimination violant le principe de dignité de toute personne humaine.
En outre, cette absence de consentement ne peut être justifiée par le motif médical puisque ce dernier, qui n'est pas nécessairement thérapeutique, est trop imprécis.
Par ailleurs, la décision rendue par le Conseil constitutionnel en 1971, quant aux pouvoirs du juge judiciaire relativement à la liberté d'association édictée par le Préambule de 1946, permet d'affirmer valablement que l'autorisation d'un juge et les garanties de procédure ne peuvent pas être considérées comme suffisantes pour justifier une atteinte aux principes posés par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Pour l'ensemble des motifs ci-dessus énoncés, les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraires à la Constitution, en vertu du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, les dispositions incriminées de la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, telle qu'elle a été adoptée par le Parlement.
(Liste des signataires : voir décision no 2001-449 DC.)