Le Premier ministre,
Sur le rapport de la garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de l'intérieur,
Vu la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, signée à Strasbourg le 28 janvier 1981 ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de la route ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et notamment ses articles 15, 31, 36 et 37 ;
Vu le décret no 78-774 du 17 juillet 1978 modifié pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret no 79-1160 du 28 décembre 1979 fixant les conditions d'application aux traitements d'informations nominatives intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu l'avis conforme de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés en date du 19 décembre 2000 ;
Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,
Décrète :
Art. 1er. - Le ministère de l'intérieur (direction générale de la police nationale) est autorisé à mettre en oeuvre une application automatisée d'informations nominatives dénommée « système de traitement des infractions constatées » (STIC), dont la finalité est l'exploitation des informations contenues dans les procédures établies par les services de police, dans le cadre de leur mission de police judiciaire, aux fins de recherches criminelles et de statistiques.
Cette application peut traiter des données nominatives de la nature de celles mentionnées à l'article 31 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, dans les seuls cas où ces informations résultent de la nature ou des circonstances de l'infraction ou se rapportent à des signes physiques particuliers, objectifs et permanents, en tant qu'éléments de signalement des personnes, dès lors que ces éléments sont nécessaires à la recherche et à l'identification des auteurs d'infractions définies à l'article 2.
Art. 2. - Le fichier est constitué des informations recueillies dans les comptes rendus d'enquête rédigés à partir des procédures mentionnées au premier alinéa de l'article 1er lorsqu'elles concernent des personnes à l'encontre desquelles sont réunis, lors de l'enquête préliminaire, de l'enquête de flagrance ou sur commission rogatoire, des indices ou des éléments graves et concordants attestant leur participation à la commission d'un crime, d'un délit ou d'une contravention de 5e classe prévue aux articles R. 625-1, R. 625-7, R. 625-8, R. 635-1, R. 645-1 et R. 645-12 du code pénal, ou les victimes de ces infractions.
Les informations nominatives relatives aux personnes mises en cause et aux victimes ainsi que la qualification des faits, telles qu'elles sont enregistrées dans le STIC, sont transmises au procureur de la République territorialement compétent en même temps que la procédure.
Art. 3. - Le traitement des informations nominatives s'effectue sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui peut demander leur rectification ou leur effacement, ou que soient ajoutées certaines des informations mentionnées à l'article 4.
Pour l'application de l'article 37 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, le procureur de la République transmet au gestionnaire du fichier les informations relatives aux décisions de relaxe ou d'acquittement devenues définitives. Il transmet également les décisions de non-lieu ou de classement sans suite motivées par l'insuffisance de charges à l'encontre du mis en cause. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes mises en cause sont supprimées par le gestionnaire du fichier en cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes ayant bénéficié d'un non-lieu font l'objet d'une mise à jour, sauf dans le cas où le procureur de la République territorialement compétent en prescrit l'effacement. Les informations directement ou indirectement nominatives relatives aux personnes mises en cause sont complétées par les décisions de classement sans suite motivées par l'insuffisance de charges à l'encontre des personnes concernées.
L'autorité judiciaire fait connaître au gestionnaire du fichier les faits couverts par une mesure d'amnistie. Le gestionnaire du fichier procède alors à leur effacement.
Toute personne initialement mise en cause lors d'une enquête préliminaire, de flagrance ou sur commission rogatoire d'une juridiction d'instruction peut exiger que la qualification des faits finalement retenue par l'autorité judiciaire soit substituée à la qualification initialement enregistrée dans le fichier.
Toute personne ayant bénéficié d'une mesure de classement sans suite visée au deuxième alinéa, d'une décision judiciaire de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive peut demander au procureur de la République territorialement compétent, soit directement, soit par l'intermédiaire de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés à l'occasion de l'exercice de son droit d'accès, que le fichier soit mis à jour dans les conditions prévues au deuxième alinéa compte tenu de ces suites judiciaires.
Art. 4. - Les catégories d'informations nominatives enregistrées sont les suivantes :
1o Concernant les personnes mises en cause :
- identité (nom, nom marital, nom d'emprunt officiel, prénoms, sexe) ;
- surnom, alias ;
- date et lieu de naissance ;
- situation familiale ;
- filiation ;
- nationalité ;
- adresse(s) ;
- profession(s) ;
- état de la personne ;
- signalement ;
- photographie.
2o Concernant les victimes :
- identité (nom, nom marital, nom d'emprunt officiel, prénoms, sexe) ;
- date et lieu de naissance ;
- situation familiale ;
- nationalité ;
- adresse ;
- profession ;
- état de la personne ;
- signalement (personnes disparues et corps non identifiés) ;
- photographie (personnes disparues et corps non identifiés).
Sont également enregistrées les informations non nominatives qui concernent les faits objet de l'enquête, les lieux, dates de l'infraction et modes opératoires ainsi que les informations relatives aux objets, y compris celles qui sont indirectement nominatives.
Art. 5. - Sont destinataires des données du traitement en vue des finalités définies à l'article 1er pour les besoins des enquêtes judiciaires :
- les personnels des services de la police nationale et de la gendarmerie nationale qui exercent des missions de police judiciaire et ont fait l'objet d'une désignation par l'autorité hiérarchique ;
- les magistrats du parquet.
Seules celles des informations enregistrées dans le STIC qui sont relatives à la procédure en cours peuvent être jointes au dossier de la procédure.
Art. 6. - Par dérogation aux dispositions de l'article R. 156 du code de procédure pénale, les informations figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciairement closes, à l'exception des données complétées par les informations transmises par le procureur de la République en application de l'alinéa 2 de l'article 3 et des données relatives aux victimes, peuvent être consultées sans autorisation du procureur de la République ou du procureur général dans le cadre de missions de police administrative ou de sécurité, lorsque la nature de ces missions ou les circonstances particulières dans lesquelles elles doivent se dérouler comportent des risques d'atteinte à l'ordre public ou à la sécurité des personnes. La consultation du STIC est alors réservée aux personnels de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la police nationale ou par le préfet. L'habilitation comporte deux niveaux d'accès. Elle précise le niveau qui est conféré à son titulaire par l'autorité compétente.
Art. 7. - Les durées de conservation des données obéissent aux règles suivantes :
I. - Les informations concernant le mis en cause majeur sont conservées vingt ans. Par dérogation, elles sont conservées :
- cinq ans lorsque la personne est mise en cause pour l'un des délits prévus par le code de la route, ou aux articles 227-3 à 227-11, 221-6, 222-19, 311-3, 314-5, 314-6, 431-1 et 431-4 du code pénal et L. 3421-1 du code de la santé publique, ainsi que pour les contraventions énumérées à l'article 2 du présent décret ;
- quarante ans lorsque la personne est mise en cause pour l'une des infractions figurant sur la liste jointe en annexe I.
Les données nominatives relatives aux mis en cause âgés de plus de soixante-quinze ans sont effacées.
II. - Les informations concernant le mis en cause mineur sont conservées cinq ans. Par dérogation, elles sont conservées :
- dix ans lorsque la personne est mise en cause pour l'une des infractions figurant sur la liste jointe en annexe II ;
- vingt ans lorsque la personne est mise en cause pour l'une des infractions figurant sur la liste jointe en annexe III.
III. - En cas de mise en cause dans une ou plusieurs nouvelles infractions avant l'expiration de l'un des délais visés aux I et II de conservation des données initiales, le délai de conservation restant le plus long s'applique aux données concernant l'ensemble des infractions pour lesquelles la personne a été mise en cause.
IV. - La durée de conservation des informations concernant les victimes est au maximum de quinze ans, sous réserve des dispositions prévues à l'article 9. Cette durée est prolongée jusqu'à la découverte des objets, lorsque l'infraction porte sur des oeuvres d'art, des bijoux ou des armes.
Art. 8. - Le droit d'accès s'exerce d'une manière indirecte, dans les conditions prévues à l'article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, par demande portée préalablement devant la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, pour l'ensemble des données.
Toutefois, la commission peut constater, en accord avec le ministère de l'intérieur, que des informations nominatives enregistrées ne mettent pas en cause la sûreté de l'Etat, la défense ou la sécurité publique et qu'il y a donc lieu de les communiquer à la personne intéressée, sous réserve que la procédure soit judiciairement close et après accord du procureur de la République.
Art. 9. - Le droit d'opposition prévu à l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s'applique pas au présent traitement.
Toute personne identifiée dans le fichier en qualité de victime peut cependant s'opposer à ce que des informations nominatives la concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été condamné définitivement.
Art. 10. - Sans préjudice de l'application de l'article 21 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, la direction générale de la police nationale rend compte chaque année à la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés de ses activités de vérification, de mise à jour et d'effacement des informations enregistrées dans le traitement.
Art. 11. - La garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre de la défense sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 5 juillet 2001.