J.O. Numéro 142 du 21 Juin 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 09860

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Arrêt du 4 avril 2001


NOR : CDBX0104836A



Au nom du peuple français,
La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :
La cour,
Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu la lettre du 16 mars 1995, enregistrée au parquet le même jour, par laquelle le commissaire du Gouvernement près la chambre régionale des comptes de Picardie a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, d'irrégularités constatées dans la gestion de l'office public intercommunal d'HLM (OPIHLM) de la région de Creil ;
Vu le réquisitoire du 26 octobre 1995 par lequel le procureur général a saisi la cour des faits susmentionnés, conformément à l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;
Vu les décisions du président de la Cour de discipline budgétaire et financière des 29 janvier 1996 et 17 décembre 1999 nommant successivement en qualité de rapporteur MM. Olivier Japiot, auditeur au Conseil d'Etat, et Emmanuel Giannesini, auditeur à la Cour des comptes ;
Vu les lettres recommandées en date du 17 avril 1996 par lesquelles le procureur général a informé MM. Jean Anciant, maire de Creil, président du conseil d'administration de l'OPIHLM de Creil, Gilles Servant, ancien vice-président du conseil d'administration, et Albert Dubreuil, directeur dudit office à l'époque des faits, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu la lettre du procureur général au président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 23 juillet 1998 l'informant de sa décision de poursuivre la procédure, en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière en date du 4 septembre 1998 saisissant pour avis le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'équipement, des transports et du logement, dans les conditions prévues à l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;
Vu la décision du procureur général en date du 9 février 1999 renvoyant MM. Anciant, Servant et Dubreuil devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-6 du code précité ;
Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 16 février 1999 transmettant le dossier au ministre de l'équipement, des transports et du logement, en application des dispositions de l'article L. 314-8 du code précité ;
Vu l'avis rendu par le conseil de discipline intercommunal dans sa séance du 16 novembre 1999, et adressé le 24 novembre au président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Vu les lettres recommandées du 2 décembre 1999 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant MM. Anciant, Servant et Dubreuil qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier suivant les modalités prévues par l'article L. 314-8 du code précité, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu les mémoires en défense transmis au greffe de la cour le 13 janvier 2000 par Mes Delcros et Lequillerier pour M. Anciant, le 27 janvier 2000 par Me Valadou pour M. Servant et les 31 janvier 2000, 16 mars 2000 et 5 mars 2001 par Me Bonino pour M. Dubreuil ;
Vu les lettres du 22 février 2001 par lesquelles le procureur général a cité MM. Anciant, Servant et Dubreuil à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les accusés de réception de ces lettres ;
Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de MM. Anciant, Servant et Dubreuil, les témoignages de M. Audrezet, Mme Dufour, MM. Hardy, Lefebvre, Mme Demery, MM. Bailly, Domart, Mme Monneau et M. Rousseau, ainsi que le rapport d'instruction de M. Japiot ;
Entendu M. Giannesini en son rapport ;
Entendu Mme le procureur général en ses conclusions et réquisitions ;
Entendu en leurs plaidoiries Mes Delcros, Théobald et Bonino, et en leurs explications et observations, MM. Anciant, Servant et Dubreuil, les intéressés et leurs conseils ayant eu la parole en dernier ;
Sur la compétence de la cour :
Considérant que le décret du 30 décembre 1921, publié au Journal officiel du 8 janvier 1922, modifié par les décrets du 6 mai 1957 et du 7 avril 1971, a créé sur les communes de Creil, Montataire, Coye-la-Forêt, Précy-sur-Oise, Saint-Leu-d'Esserent, Villers-Saint-Paul et Gouvieux (Oise) un office intercommunal d'habitation à bon marché, devenu office public intercommunal d'habitation à loyer modéré (OPIHLM) ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-4 du code de la construction et de l'habitation les offices publics d'habitation à loyer modéré sont des établissements publics ;
Considérant en conséquence que M. Dubreuil, directeur de l'OPIHLM est, en cette qualité, justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière au titre de l'article L. 312-1 (I) du code des juridictions financières ; que nonobstant les dispositions de l'article L. 312-1 (II, e), M. Anciant est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière, les fonctions exercées par lui à la tête de l'OPIHLM n'étant pas l'accessoire obligé de son mandat de maire de Creil, ainsi qu'il résulte des dispositions combinées des articles R. 421-55 et R. 421-62 du code de la construction et de l'habitation ; qu'il en est de même pour M. Servant, sa fonction de vice-président de l'office n'ayant pas été l'accessoire obligé de celle d'adjoint au maire de Creil qu'il remplissait simultanément ;


Sur les conditions de prescription :
Considérant que seuls les faits qui se sont produits ou poursuivis après le 26 octobre 1990 ne sont pas couverts par la prescription édictée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;


Sur la régularité de la procédure :
Sur le moyen tiré de ce que la procédure d'instruction aurait méconnu les droits de la défense :
Considérant en premier lieu que le dossier d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière comporte notamment 34 documents, cotés 37-1, 37-2 et 38-2 à 38-33, qui ont été transmis par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Senlis, en réponse à la demande du ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, en date du 29 octobre 1996 ; mais que M. Dubreuil soutient que le dossier de l'instruction pénale engagée devant le tribunal de grande instance de Senlis contient 495 documents ; que notamment les procès-verbaux des témoignages de onze personnes, présents dans le dossier d'instruction pénal, n'auraient pas été transmis par le procureur de la République ; que faute d'avoir disposé de la totalité du dossier d'instruction pénal, le rapporteur devant la Cour de discipline budgétaire et financière n'aurait eu connaissance que d'éléments à charge ;
Considérant cependant que cinq des onze témoins susmentionnés ont été interrogés par le rapporteur au cours de son instruction, leurs dépositions figurant au dossier ; qu'à ces cinq témoignages s'ajoutent dans le dossier d'instruction les dépositions de cinq autres témoins, lesquelles contiennent des indications susceptibles de constituer des éléments à décharge en faveur de MM. Anciant, Servant et Dubreuil ;
Considérant que MM. Anciant, Servant et Dubreuil ont été entendus, ce dernier à deux reprises, par le rapporteur ; qu'au surplus M. Dubreuil n'a pas produit ou demandé que soit produit l'un des documents du dossier pénal non transmis à la cour et susceptible de comporter des éléments à sa décharge ; qu'il n'a pas non plus appelé de témoignages nouveaux à l'audience ;
Considérant en second lieu que l'absence, dans le dossier d'instruction, des réquisitoires du procureur de la République et de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal de grande instance de Senlis est sans incidence sur la régularité de la procédure d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière ;
Considérant que, dans ces conditions, le droit des parties à une contradiction équitable a été respecté et que le moyen tiré d'irrégularités relatives à la procédure d'instruction du rapporteur devant la Cour de discipline budgétaire et financière doit être écarté ;


Sur le moyen tiré d'irrégularités alléguées dans la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière :
Considérant en premier lieu que l'article L. 314-5 du code des juridictions financières dispose que si le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, estime au terme de l'instruction que l'instance doit être poursuivie, le dossier est communiqué au ministre ou à l'autorité dont dépend ou dépendait le fonctionnaire ou l'agent mis en cause, au ministre chargé des finances, ainsi que, le cas échéant, au ministre de tutelle compétent ; mais que M. Dubreuil soutient que c'est à tort que le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a, par lettre du 4 septembre 1998, saisi pour avis le ministre de l'équipement, des transports et du logement, celui-ci ne pouvant être considéré comme l'autorité dont il dépendait, puisqu'en sa qualité d'agent de la fonction publique territoriale il aurait en réalité été placé sous l'autorité du président de l'OPIHLM ;
Considérant que le ministre chargé du logement exerce une mission de surveillance générale du secteur du logement, et notamment des conditions dans lesquelles les offices publics d'habitation à loyer modéré exercent leur activité et sont gérés ; que c'est à bon droit que son avis a été sollicité conformément à l'article L. 314-5 précité ;
Considérant en deuxième lieu que par lettre susvisée du 4 septembre 1998 le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a informé le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'équipement, des transports et du logement de la poursuite de l'instance, conformément à l'article L. 314-5 précité ; qu'il leur a indiqué que l'ensemble du dossier pouvait être consulté au greffe de la cour ; que ce dossier comportait l'ensemble des documents réunis au cours de l'instruction, y compris les pièces transmises par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Senlis ; mais que M. Dubreuil soutient que ce faisant, le président de la cour aurait violé le secret de l'instruction pénale alors en cours devant le tribunal de grande instance de Senlis ;
Considérant que l'article 11 du code de procédure pénale dispose que sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ; que la procédure suivie devant la Cour de discipline budgétaire et financière est fixée par la loi, et que le secret de l'instruction pénale ne saurait avoir pour effet de rendre inopérante la procédure d'instruction devant la Cour de discipline budgétaire et financière, telle qu'elle ressort du code des juridictions financières ; qu'en outre aucun texte n'interdit d'annexer à une procédure répressive les éléments d'une autre procédure dont la production peut être de nature à éclairer le juge et à contribuer à la manifestation de la vérité ;
Considérant en conséquence qu'en autorisant la communication du dossier pendant devant la Cour de discipline budgétaire et financière aux autorités visées à l'article L. 314-5 du code des juridictions financières, le président de ladite cour n'a pas porté atteinte aux droits de M. Dubreuil ;
Considérant en troisième lieu que par lettre du 16 février 1999 le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a demandé au ministre de l'équipement, des transports et du logement que la commission administrative paritaire compétente soit saisie conformément à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ; que la qualité de l'autorité ayant saisi la commission administrative compétente siégeant en formation disciplinaire, en l'espèce le conseil de discipline intercommunal rattaché au centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, est sans incidence sur la régularité de l'avis que la commission a été amenée à émettre ;
Considérant en quatrième lieu que dans la lettre susmentionnée du 16 février 1999 le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a expressément indiqué que l'intégralité du dossier pouvait être consultée au greffe de la cour ; que le secrétaire d'Etat au logement, dans sa lettre du 28 juin 1999 au président du conseil de discipline placé auprès du centre de gestion de la fonction publique territoriale de l'Oise, a repris cette mention ; qu'il appartenait dès lors au président ou aux membres du conseil, ou à M. Dubreuil lui-même de produire ou faire produire la ou les pièces leur paraissant susceptibles de compléter utilement les documents communiqués par le secrétaire d'Etat au logement ;
Considérant enfin que le conseil de discipline ayant été saisi le 28 juin, la Cour de discipline budgétaire et financière était autorisée à statuer à compter du 29 juillet 1999, en application de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ; que la commission s'est réunie pour la première fois le 23 septembre mais a constaté que le quorum de ses membres n'était pas atteint ; qu'elle s'est réunie une deuxième fois le 12 octobre 1999, mais qu'elle a fait droit à une demande de report émanant de M. Dubreuil lui-même ; qu'elle s'est réunie une troisième fois le 26 octobre 1999, mais que M. Dubreuil a opposé au cours de cette séance trois exceptions d'irrecevabilité ; que lors d'une quatrième réunion, le 16 novembre 1999, le conseil de discipline a décidé de surseoir à statuer sur le dossier communiqué par la Cour de discipline budgétaire et financière ; qu'il ressort de ces circonstances que la procédure suivie par la cour en vue de recueillir l'avis de la commission administrative paritaire prévu à l'article L. 314-8 n'a pas porté atteinte aux droits de la défense ni à la présomption d'innocence de M. Dubreuil ; que la procédure engagée devant la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire n'est pas une action disciplinaire ; qu'en effet les poursuites devant la cour ne font pas obstacle à l'exercice de l'action disciplinaire ; laquelle peut du reste être engagée sur communication de la cour à l'autorité compétente après qu'elle a statué sur les poursuites ; que l'intervention de la commission administrative paritaire prévue par l'article L. 314-8 a pour objet de permettre à celle-ci d'apporter à la cour un avis de nature à l'éclairer, le renvoi ayant été prononcé au préalable, et non de se substituer à la cour dans l'appréciation des responsabilités ;
Considérant de ce qui précède que la procédure d'instruction devant la cour n'est entachée d'aucune irrégularité substantielle, et que le moyen doit être écarté ;


Sur les moyens tirés d'inexactitudes dans la décision de renvoi du procureur général :
Considérant que les inexactitudes alléguées dans la décision de renvoi du procureur général en date du 9 février 1999, à les supposer établies, sont sans incidence sur la validité de la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière ; que les moyens qui en sont tirés doivent être écartés ;


Sur le moyen tiré du non-respect de la présomption d'innocence et de l'impartialité du jugement :
Considérant que M. Dubreuil soutient que c'est à tort que le rapport public de la Cour des comptes pour 1995 présente à la suite de ses observations relatives à la gestion de l'OPIHLM de Creil une réponse émanant du « directeur général » de l'office ; que cette réponse a été demandée par lettre du secrétaire général de la Cour des comptes en date du 29 juillet 1995 alors que lui-même était placé en détention provisoire à compter du 10 juillet de la même année ; qu'en conséquence la réponse ne pouvait être signée de sa main ;
Considérant qu'à supposer que M. Dubreuil, du fait qu'il avait été placé en détention provisoire le 10 juillet 1995, n'ait pu être l'auteur réel de la réponse figurant au rapport, cette inexactitude serait sans incidence sur la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière, qui est une juridiction distincte de la Cour des comptes ;
Considérant en conséquence que le moyen doit être écarté ;


Sur les manquements à la réglementation sur les marchés publics et l'octroi d'avantages injustifiés à des tiers au détriment de l'office :
Considérant que les manquements allégués à la réglementation sur les marchés publics sont insuffisamment établis ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'engager la responsabilité de MM. Anciant, Servant et Dubreuil de ce chef ;


Sur l'engagement et le mandatement de dépenses au-delà des crédits ouverts au budget :
Considérant que le mandat no 6534, payé le 21 décembre 1990, a été imputé sur les comptes 1644 et 1688 pour un montant de 638 485,33 F sans que les crédits inscrits au budget approuvé le 24 novembre 1989 par le conseil d'administration sur les comptes 1644 et 1688 aient été suffisants ; qu'il en est résulté un paiement en excédent des crédits régulièrement ouverts ; que pour pallier cette insuffisance des crédits sur les comptes 1644 et 1688, le conseil d'administration a, par délibération du 29 mars 1991, procédé à une modification du budget ; qu'en application de l'article L. 1612-11 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction issue de la loi du 5 janvier 1988, une telle modification n'était régulièrement autorisée qu'avant le 31 décembre 1990 pour la section d'investissement et le 21 janvier 1991 pour la section de fonctionnement ; que le paiement s'est donc effectué en infraction avec une règle élémentaire d'exécution des dépenses publiques et tombe sous le coup de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que par 38 mandats, payés entre le 9 janvier et le 12 février 1992, un montant total de 1 489 375,31 F a été payé sans que les crédits correspondant aient été régulièrement inscrits au budget approuvé par le conseil d'administration le 21 décembre 1990, et modifié par délibération du 15 novembre 1991 ; qu'il en est résulté des paiements en excédent des crédits régulièrement ouverts ; que pour pallier cette insuffisance des crédits, notamment sur les comptes 64 et 67, le conseil d'administration a, par une délibération du 18 septembre 1992, procédé à une modification du budget largement postérieure aux dates limites du 31 décembre 1991 ou du 21 janvier 1992 ; que ce paiement s'est donc effectué, là aussi, en infraction avec une règle élémentaire d'exécution des dépenses publiques et tombe sous le coup de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant que le mandat no 6534 payé le 21 décembre 1990 a été signé par M. Servant ; que la décision modificative du budget délibérée par le conseil d'administration le 29 mars 1991 a été proposée par M. Anciant en sa qualité de président dudit conseil ; que les mandats ayant entraîné des paiements au-delà des crédits ouverts au budget de l'exercice 1991 ont été signés, les uns par M. Servant, les autres par M. Dubreuil ; que la décision modificative du budget délibérée par le conseil d'administration le 18 septembre 1992 a été proposée par M. Anciant ;
Considérant qu'il incombait à M. Anciant, en sa qualité d'ordonnateur de l'établissement, de procéder ou de faire procéder à la surveillance des conditions de régularité des paiements ; qu'il a en outre présenté au conseil d'administration de l'office des projets de délibérations irrégulières ; que sa responsabilité est engagée au titre de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant que M. Servant a pris part aux irrégularités exposées ci-dessus en signant certains mandats irréguliers en application de la délégation de signature qui lui avait été consentie dans les cas d'absence ou d'empêchement du président ; que sa responsabilité est engagée au titre de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant que M. Dubreuil, ainsi qu'il ressort de l'instruction et des pièces du dossier, exerçait à raison de ses fonctions de directeur de l'office un rôle prépondérant dans la préparation des actes budgétaires ; que délégation permanente de signature lui avait été consentie par le président de l'office pour signer les mandats et ordres de paiement et toutes pièces produites à l'appui ; que sa responsabilité est engagée au titre de l'article L. 313-4 précité ;
Considérant toutefois que l'absence de remarque ou d'avertissement émanant de l'agent comptable au sujet du dépassement des crédits ouverts ou du contrôle de légalité au sujet des délibérations de régularisation constitue une circonstance atténuante pour MM. Anciant, Servant et Dubreuil ;


Sur l'octroi irrégulier de compléments de rémunération :
Sur les conditions de prescription :
Considérant qu'il ressort de l'instruction que divers compléments de rémunération ont été versés par l'office à ses personnels, notamment à son directeur, M. Dubreuil, dans des conditions irrégulières décrites ci-après ; que les versements intervenus entre le 26 octobre 1990 et le 26 octobre 1995 sont susceptibles d'engager la responsabilité de leurs auteurs sur le fondement des articles L. 313-4 et L. 313-6 du code des juridictions financières, quand bien même la décision de principe aurait été prise antérieurement ; qu'en effet la répétition de tels versements est constitutive d'une irrégularité continue, nonobstant la prescription susceptible de couvrir les premiers paiements ;


Sur le versement de frais de déplacement à caractère forfaitaire :
Considérant que plusieurs cadres de l'office ont perçu au cours des exercices 1990 et 1991 des remboursements mensuels de frais de déplacement de caractère forfaitaire ; que ces remboursements ont porté, de novembre 1990 à décembre 1991, sur une somme d'un peu plus de 117 000 F ; que, du fait de leur caractère forfaitaire, ces versements ne peuvent être regardés comme l'indemnisation des frais de mission mais comme des rémunérations accessoires non prévues par les textes, et qu'ils constituent dès lors une infraction aux règles d'exécution de la dépense publique, qui engage la responsabilité de ses auteurs au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Que, toutefois, il ne ressort pas du dossier que ces versements aient été dépourvus de tout lien avec les sujétions pesant sur leurs bénéficiaires, notamment en matière de transport ; qu'il n'est dès lors pas acquis que cette infraction ait procuré un avantage injustifié à certains de ses agents au détriment de l'office au sens de l'article L. 313-6 du code précité ;


Sur le versement de primes de technicité :
Considérant qu'une « prime de technicité » a été versée à différents agents de l'OPIHLM au cours des exercices 1990 et 1991 ; que cette rémunération accessoire est prévue par l'arrêté du 20 mars 1952 modifié ; qu'en dépit des dispositions des décrets no 83-16 du 13 janvier 1983 et no 88-74 du 21 janvier 1988, ces primes ont été attribuées par simple décision du président de l'office, sans que le conseil d'administration ait au préalable délibéré sur leur liquidation et leur répartition ; qu'il ressort également des dispositions des arrêtés du 29 mars 1952 et du 8 mars 1983, auxquels se réfère le rapport présenté par le président au conseil d'administration le 21 juin 1984, que l'intervention d'une délibération était nécessaire pour chaque attribution ;
Que la prime de technicité a été versée à M. Dubreuil, directeur de l'office, alors que les dispositions réglementaires en réservent le bénéfice aux techniciens et ingénieurs appartenant aux services techniques des collectivités ; que la circonstance que M. Dubreuil ait reçu une formation initiale d'ingénieur était sans effet sur ses droits au bénéfice de cette prime, le directeur de l'office ne pouvant manifestement pas prétendre appartenir à l'un de ses services techniques ;
Que la responsabilité des personnes ayant pris part au versement des primes de technicité est engagée sur le fondement de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ; que le versement sans titre de cette prime à M. Dubreuil constitue en outre l'octroi d'un avantage injustifié au détriment de l'office, qui engage la responsabilité de ses auteurs au titre de l'article L. 313-6 du code précité ;


Sur le versement de primes informatique :
Considérant que le versement d'une « prime informatique », prévue par l'arrêté du 23 juillet 1973, pour un montant total de 183 888 F en 1991 s'est accompagné d'irrégularités semblables ; qu'en effet, il ressort du dossier qu'aucune délibération du conseil d'administration n'est intervenue pour établir le mode de liquidation et la répartition de ladite prime entre ses bénéficiaires, malgré les dispositions des décrets no 83-16 du 13 janvier 1983 et no 88-74 du 21 janvier 1988 qui rendent obligatoire la production d'une telle délibération ; que ce faisant, les auteurs de ces versements ont engagé leur responsabilité au titre de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;
Qu'en outre, cette prime informatique a bénéficié à plusieurs cadres qui ne remplissaient pas les conditions restrictives posées par l'arrêté du 23 juillet 1973 ; qu'il en est ainsi de M. Hardy, directeur général adjoint, et de Mme Matheu, directrice des ressources humaines, qui n'exerçaient pas à titre principal de fonctions informatiques ; que le montant de 42 877 F versé à ces deux cadres en 1991 doit donc être regardé comme un avantage injustifié concédé au détriment de l'office au sens de l'article L. 313-6 du code précité ;


Sur le versement de primes d'objectifs :
Considérant que des primes d'objectifs ont été attribuées en 1990 et 1991, cette dernière année pour un montant total de 184 700 F, aux personnels de l'office ; que la circonstance que cette prime ait pris la suite de « primes de rendement » versées avant 1987 par l'association du personnel ne dispensait pas de soumettre au conseil d'administration des délibérations pour fixer les modalités de liquidation et de répartition de ces primes, dès lors qu'elles étaient versées directement par l'office ; que faute de telles délibérations, le versement des primes d'objectifs s'est effectué en infraction aux règles d'exécution des dépenses publiques au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;


Sur le versement d'une prime de responsabilité au directeur de l'office :
Considérant que M. Dubreuil a bénéficié en 1990 et 1991 d'une prime de responsabilité, d'un montant total de 41 693 F pour ce dernier exercice ; que le versement de cette prime n'a pas été autorisé par le conseil d'administration comme l'exigeait le décret no 88-631 du 6 mai 1988 ; que faute d'une telle autorisation, le versement de cette prime s'est effectué en infraction avec les règles d'exécution des dépenses qui s'imposaient à l'établissement ; qu'ainsi, la responsabilité des auteurs de ces versements est engagée au titre de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;


Sur les responsabilités :
Considérant que les mandats de paiement relatifs aux différentes rémunérations accessoires mentionnées ci-dessus ont été signés, les uns par M. Anciant, président de l'office et ordonnateur de ses dépenses, les autres par M. Servant, vice-président, bénéficiaire d'une délégation de signature consentie par M. Anciant ; que toutefois les états récapitulatifs indiquant le montant et la répartition desdites primes ont été signés par le seul M. Anciant ;
Considérant que la responsabilité de M. Anciant doit être retenue à raison de sa fonction d'ordonnateur ; qu'il doit en outre lui être reproché un défaut de surveillance des conditions de rémunération des agents de l'office ;
Considérant que la responsabilité de M. Servant est également engagée à raison de la signature par ses soins de plusieurs des mandats concernés ; que toutefois il ne bénéficiait que d'une délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement du président ; qu'une circonstance atténuante doit lui être reconnue de ce fait ;
Considérant que les décisions d'octroi et les mandats relatifs à ces rémunérations accessoires ont été préparés par les services que dirigeait M. Dubreuil ; qu'il a personnellement bénéficié de plusieurs de ces primes irrégulières ; que sa responsabilité est engagée de ce chef ;


Sur le montant des amendes :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant une amende de 10 000 F à M. Anciant, de 5 000 F à M. Servant et de 10 000 F à M. Dubreuil ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à M. Dubreuil la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


Sur la publication :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française,
Arrête :


Art. 1er. - M. Anciant est condamné à une amende de 10 000 F.


Art. 2. - M. Servant est condamné à une amende de 5 000 F.


Art. 3. - M. Dubreuil est condamné à une amende de 10 000 F.


Art. 4. - Les conclusions de M. Dubreuil tendant à l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.


Art. 5. - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, le 14 mars 2001, par M. Massot, président de la section des finances du Conseil d'Etat, président, MM. Fouquet et Martin, conseillers d'Etat, MM. Gastinel et Capdeboscq, conseillers maîtres.

Le Président,
J. Massot
Le greffier,
M. Le Gall