J.O. Numéro 96 du 24 Avril 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 06398

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Décision no 2001-253 du 2 mars 2001 se prononçant sur un différend entre Liberty Surf Telecom et France Télécom relatif aux conditions tarifaires de l'offre ADSL Connect ATM


NOR : ARTT0100168S



L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1 ;
Vu la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 1998 concernant l'application de la fourniture d'un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l'établissement d'un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel ;
Vu le règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale ;
Vu la recommandation de la Commission européenne no 2000/417/CE du 25 mai 2000 relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale : permettre la fourniture concurrentielle d'une gamme complète de services de communications électroniques, tels que les services multimédias à large bande et l'Internet à haut débit ;
Vu la communication de la Commission européenne no 2000/C 272/10 du 26 avril 2000 relative au dégroupage de l'accès à la boucle locale : permettre la fourniture concurrentielle d'une gamme complète de services de communications électroniques, notamment les services multimédias à large bande et l'Internet à haut débit ;
Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;
Vu l'arrêté du 17 juin 1998 modifié autorisant la société AXS Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu la décision no 2000-813 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 28 juillet 2000 établissant pour 2001 la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur le marché du service téléphonique fixe ;
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée le 17 novembre 2000, présentée par la société Liberty Surf Telecom, RCS Paris no 400 532 164, dont le siège social est situé 10, rue Fructidor, 75834 Paris Cedex 17, représentée par maître Olivier Fréget, cabinet SG Archibald, 41, rue Ybry, 92576 Neuilly-sur-Seine Cedex ;
Le différend porte sur les conditions tarifaires de l'offre de France Télécom dénommée « ADSL Connect ATM », prestation de télécommunications permettant au bénéficiaire de fournir un accès Internet à haut débit.
Liberty Surf Telecom estime que les conditions financières de l'offre « ADSL Connect ATM » ne sont ni raisonnables, ni objectives, ni corrélées aux coûts que supporte France Télécom. A l'appui de ses demandes, Liberty Surf Telecom allègue l'existence d'un effet de ciseau tarifaire, la variabilité des coûts de l'offre en litige en fonction du nombre d'accès et de la durée d'engagement ainsi que la reprise d'éléments issus de l'offre de détail « Global ATM ». Selon les différentes hypothèses utilisées par Liberty Surf Telecom, la marge brute, c'est-à-dire la différence entre les revenus et les reversements à France Télécom, varie de + 14 % dans les cas les plus favorables à - 68 %
Après la présentation par France Télécom de son offre « ADSL Connect ATM » le 18 avril 2000, Liberty Surf Telecom a signé une convention expérimentale le 8 juin 2000 et dont l'échéance est le 14 novembre 2000, en exprimant son désaccord sur les tarifs envisagés par France Télécom.
Par lettre en date du 3 novembre 2000, Liberty Surf Telecom demande à France Télécom de modifier ses tarifs sur la base des principes suivants :
Décorrélation du tarif afférent à l'accès de celui afférent à l'utilisation des « conduits de collecte locaux » (CCL) avec :
- un tarif par accès de l'ordre de 100 F par mois, avec un palier de réservation de 10 accès au lieu de 50 dans l'offre actuelle ;
- un tarif au débit par Mbit/s de 1 000 F par mois, avec une granularité de 0,5 Mbit/s. Ce prix inclut les éventuels « prolongements de CCL » jusqu'à un autre coeur de plaque situé dans la même région ADSL ;
Suppression de la composante « prolongement de CCL » du fait de son intégration à la composante au débit.
Constatant l'échec de ses négociations avec France Télécom, qui a rejeté la proposition de modification tarifaire de Liberty Surf Telecom, cette dernière demande à l'Autorité de bien vouloir trancher le différend qui l'oppose à France Télécom en déterminant des conditions tarifaires, par accès unitaire et en fonction du débit effectivement utilisé, non discriminatoires, raisonnables, objectives et corrélées aux coûts qui lui permettent d'obtenir un niveau de marge brute unitaire de l'ordre de 50 %, conformément aux termes de la lettre adressée par Liberty Surf Telecom à France Télécom le 3 novembre dernier.
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité en date du 27 novembre 2000 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires et le nom des rapporteurs ;
Vu les observations en défense enregistrées le 18 décembre 2000 présentées par la société France Télécom, RCS Paris no 380 129 866, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Marc Fossier, directeur des relations extérieures ;
A titre principal, France Télécom soutient que la demande en règlement de différend de Liberty Surf Telecom est irrecevable comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître, s'agissant d'une offre qui, d'une part, a été exigée par le Conseil de la concurrence à titre conservatoire et, d'autre part, qui ne saurait être qualifiée d'interconnexion ou d'accès mais d'offre commerciale.
A titre subsidiaire, France Télécom estime que les conditions financières de son offre « ADSL Connect ATM » ne sont pas excessives mais corrélées aux coûts qu'elle supporte. Elle considère ainsi que la demande formulée par Liberty Surf Telecom n'est pas raisonnable et conduirait à lui octroyer une subvention.
France Télécom conclut en demandant à l'Autorité : à titre principal, de décider que la saisine de Liberty Surf Telecom est irrecevable aux motifs que ses demandes relèvent exclusivement de l'appréciation du Conseil de la concurrence, et qu'elle a fait une mauvaise qualification réglementaire, et, par voie de conséquence, l'Autorité doit se déclarer incompétente ; à titre subsidiaire, de déclarer la demande de Liberty Surf Telecom déraisonnable, et, par voie de conséquence, l'Autorité doit la rejeter.
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité en date du 22 décembre 2000 demandant à France Télécom la communication des conditions techniques et financières en vigueur de l'offre « ADSL Connect ATM » ;
Vu la lettre de France Télécom en date du 29 décembre 2000 transmettant la convention expérimentale signée le 8 juin 2000 entre France Télécom et Liberty Surf Telecom en réponse à la lettre en date du 22 décembre 2000 ;
Vu les observations en réplique de la société Liberty Surf Telecom enregistrées le 8 janvier 2001 ;
Liberty Surf Telecom conclut aux mêmes fins que sa saisine par les mêmes moyens que précédemment. En outre, elle précise que son ancienne dénomination sociale était AXS Télécom et que Liberty Surf Telecom, opérateur autorisé de télécommunications, est une société distincte de la société Liberty Surf exerçant les activités de fournisseur d'accès à Internet.
Liberty Surf Telecom estime infondé le moyen soulevé par France Télécom tiré de l'incompétence de l'Aurorité au regard de la compétence dévolue à l'Autorité par l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, distincte de celle du Conseil de la concurrence, et de l'objet du litige qui est, selon elle, distinct de celui porté devant le Conseil de la concurrence. Liberty Surf Telecom soutient d'autre part que l'offre en litige est une prestation d'interconnexion au sens des définitions française et communautaire.
Sur les conditions financières de l'offre en litige, Liberty Surf Telecom soutient que ces dernières ne sont pas orientées vers les coûts, en méconnaissance des obligations de France Télécom au titre de sa désignation comme opérateur puissant.
En conclusion, Liberty Surf Telecom demande de rejeter les observations en défense de France Télécom et de constater : le bien fondé de la demande présentée dans sa saisine du 17 novembre 2000 ; la qualification d'offre d'interconnexion de l'offre « ADSL Connect ATM », au regard des dispositions communautaires, légales et réglementaires ; la recevabilité de cette saisine au regard des conditions posées par l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications ; le caractère déraisonnable, non objectif, discriminatoire et non orienté vers les coûts des conditions tarifaires, par accès unitaire et en fonction du débit utilisé, de la convention d'interconnexion proposée ; en conséquence, de trancher le différend qui l'oppose à France Télécom, en déterminant des conditions tarifaires, par accès unitaires et en fonction du débit effectivement utilisé, strictement orientées vers les coûts ou, à titre subsidiaire, non discriminatoires, raisonnables et objectives.
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 8 janvier 2001 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 22 janvier 2001 la date de clôture de remise des réponses ;
Vu les nouvelles observations en défense de la société France Télécom enregistrées le 22 janvier 2001 ;
France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.
En outre, concernant la qualification juridique de l'offre « ADSL Connect ATM », France Télécom indique que cette offre n'est pas de l'interconnexion parce qu'il n'y a pas réciprocité des prestations et que l'interconnexion est une catégorie spécifique d'accès qui est régie par des textes spécifiques. Cette offre n'est pas également de l'accès spécial car l'accès spécial est un accès accordé au cas par cas, ce qui ne peut pas s'appliquer à une offre ouverte à tout opérateur. France Télécom précise que la Commission européenne et l'Autorité ont qualifié cette offre d'accès dans le communiqué de la Commission du 26 avril 2000 et dans l'avis no 2000-28 de l'ART rendu dans le cadre de l'affaire de 9 Télécom.
France Télécom souligne que l'offre « ADSL Connect ATM » nécessite des voies dédiées à chaque opérateur et ne permet pas la mutualisation des ressources réseau et confirme que la création du conduit de collecte locale est spécifique à l'offre « ADSL Connect ATM ». Elle est donc réalisée, uniquement, pour tout opérateur ayant souscrit à cette offre. France Télécom n'utilise pas cette architecture pour l'offre IP/ADSL.
Vu les réponses au questionnaire de France Télécom et de Liberty Surf Telecom enregistrées le 22 janvier 2001 ;
Ces réponses précisent les architectures réseau déployées, les ingénieries réseau mises en oeuvre, les hypothèses de marché retenues dans les différentes modélisations présentées et les coûts des éléments de réseau mis en place par les deux parties.
Vu la convocation en date du 26 janvier 2001 à une audience devant le collège le 9 février 2001 adressée à France Télécom et Liberty Surf Telecom ;
Vu les observations en duplique de Liberty Surf Telecom enregistrées le 5 février 2001 ;
Liberty Surf Telecom conclut aux mêmes fins que sa saisine par les mêmes moyens que précédemment. En outre, Liberty Surf Telecom précise que, quelle que soit la qualification juridique qui sera retenue par l'Autorité de l'offre « ADSL Connect ATM » parmi les notions d'interconnexion, d'accès ou d'accès spécial, l'Autorité peut être saisie dans les conditions de l'article L. 36-8, par renvoi aux dispositions de l'article L. 34-8, ces notions concourant toutes à la compétence de l'Autorité pour trancher les litiges d'ordre financier ou technique entre opérateurs.
Liberty Surf Telecom estime que l'offre « ADSL Connect ATM » remplit parfaitement les conditions imposées par les définitions françaises et communautaires de l'interconnexion. La notion de réciprocité retenue par France Télécom est trop restrictive, elle n'est pas une condition absolue de la définition de l'interconnexion, qui recouvre d'autres acceptions.
Vu la demande de Liberty Surf Telecom, enregistrée le 5 février 2001, tendant à ce que l'audience devant le collège soit publique ;
Vu la demande de France Télécom, enregistrée le 6 février 2001, tendant à ce que l'audience devant le collège ne soit pas publique, en application des dispositions de l'article 14 du règlement intérieur ;
Vu les nouvelles observations en défense de France Télécom enregistrées le 8 février 2001 ;
France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment.
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 8 février 2001 informant les parties du report au 16 février 2001 de l'audience prévue le 9 février 2001 ;
Vu la décision no 2001-197 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 14 février 2001 prorogeant le délai dans lequel l'Autorité doit se prononcer sur le différend opposant Liberty Surf Telecom à France Télécom ;
Après avoir entendu, le 16 février 2001, lors de l'audience devant le collège :
- le rapport de M. Antoine Maucorps, rapporteur adjoint, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Olivier Fréget et de M. Nicolas Pinton, pour la société Liberty Surf Telecom ;
- les observations de MM. Jean-Daniel Lallemand et David Viret-Lange, pour la société France Télécom.
En présence de :
MM. Jean Marimbert, directeur général, Philippe Distler, François Lions, Ivan Luben, Olivier Mirwasser et Aymeril Hoang, agents de l'Autorité ;
Mme Ayélé Locoh-Donou, de MM. Rafi Kouyoumdjian et Kumar Anandappane et de Me Hubert de Boisse pour la société Liberty Surf Telecom ;
Mme Claire Estryn, MM. Jean Mazier et Nicolas Guérin, pour la société France Télécom.
Le collège en ayant délibéré le 2 mars 2001, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;
Sur la publicité de l'audience :
Aux termes de l'article 14 du règlement intérieur de l'Autorité :
« L'audience est publique, sauf demande conjointe de toutes les parties. Si cette demande n'est pas conjointe, le collège de l'Autorité en délibère. »
Liberty Surf Telecom, par un courrier enregistré le 5 février 2001, a demandé que l'audience soit publique ; France Télécom, par un courrier enregistré le 6 février 2001, a demandé que l'audience ne soit pas publique en raison de la nature des informations fournies au cours de la procédure de réglement de différend. Les deux parties ont réitéré leurs demandes lors de l'audience en date du 16 février 2001, France Télécom précisant qu'elle ne souhaitait pas que les données chiffrées produites lors de la procédure, couvertes par le secret des affaires, soient évoquées lors de l'échange oral contradictoire. Liberty Surf Telecom ayant agréé cette demande, le collège, après en avoir délibéré hors la présence du public, des parties, du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité, eu égard à l'engagement de Liberty Surf Telecom, a décidé que l'audience serait publique.
Sur l'exception d'irrecevabilité tirée de l'incompétence de l'Autorité :
Aux termes des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications :
« I. - En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties.
L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés. »
Il résulte des dispositions précitées, telles qu'interprétées par la décision no 96-378 DC du 23 juillet 1996 du Conseil constitutionnel, que l'Autorité, saisie par les parties qui ne peuvent renoncer par convention au bénéfice de ces dispositions, prend, à l'issue d'une procédure contradictoire, une décision motivée qui s'impose aux parties et qui précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés.
Le législateur, dans le souci d'une bonne coordination dans l'exercice des compétences distinctes des deux autorités administratives indépendantes, le Conseil de la concurrence et l'Autorité, a prévu à l'article L. 36-10 du code des postes et télécommunications que le président de l'Autorité doit saisir le Conseil de la concurrence des abus de position dominante et des pratiques entravant le libre exercice de la concurrence dont il pourrait avoir connaissance dans le secteur des télécommunications et que le Conseil de la concurrence doit communiquer à l'Autorité toute saisine entrant dans le champ de compétence de celle-ci et recueillir son avis sur les pratiques dont il est saisi dans le secteur des télécommunications.
Le législateur, en confiant à l'Autorité le pouvoir de trancher des différends qui peuvent également donner lieu à litige devant le juge de droit commun ou devant le Conseil de la concurrence, a entendu organiser des compétences complémentaires au bénéfice de la concurrence dans le secteur des télécommunications. Il ne découle ni de la lettre ni de l'esprit des dispositions législatives précitées que l'existence d'une décision du Conseil de la concurrence puisse faire obstacle à ce que l'Autorité exerce les pouvoirs qui lui sont dévolus par le législateur lorsqu'elle est compétemment saisie sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 36-8.
S'il appartient au Conseil de la concurrence, autorité administrative indépendante, de sanctionner des pratiques anticoncurrentielles au regard des dispositions législatives de portée générale qu'il a pour mission d'appliquer pour sauvegarder la concurrence, ces attributions générales ne portent pas préjudice à ce que l'Autorité puisse, en vertu du pouvoir que le législateur lui a dévolu, régler en équité un différend existant entre deux parties quant aux modalités techniques et financières dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés et préciser les conditions équitables qui se substitueront à la volonté initiale des cocontractants.
Il ressort des pièces versées au dossier que le Conseil de la concurrence, saisi par la société 9 Télécom Réseau, a enjoint à la société France Télécom de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines, une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes, par une décision no 2000-MC-01 en date du 18 février 2000. La circonstance que le Conseil de la concurrence a adopté ladite décision, qui n'a ni le même objet ni les mêmes effets que la présente décision de règlement de différend, et qui a été rendue à la suite d'une saisine dont l'auteur est distinct de la société ayant demandé le présent règlement de différend, est sans incidence sur la compétence de l'Autorité pour trancher un différend sur le fondement des dispositions sus-rappelées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
Sur la description de l'offre « ADSL Connect ATM » :
L'offre « ADSL Connect ATM » est une offre de transport de données entre le point de présence opérateur et plusieurs abonnés situés dans une même zone géographique, appelée plaque ADSL. France Télécom fournit à l'opérateur :
- un raccordement « site central » à 155 Mbit/s sur chaque plaque ;
- un CCL (conduit de collecte locale), bande passante caractérisée par une connexion de type VP (Virtuel Path) ATM en mode CBR (Constant Bit Rate) réservée à l'opérateur entre son raccordement et chaque DSLAM. Chaque CCL regroupe les accès réservés à l'opérateur sur le DSLAM ;
- des accès abonnés caractérisés par une connexion de type VC ATM permanente en mode UBR + (Unspecified Bit Rate). Cette connexion supporte le flux ATM bidirectionnel entre le modem ADSL de l'abonné et l'équipement ATM de l'opérateur. Les VC sont multiplexés au niveau du DSLAM. Deux groupes de débit des accès ADSL sont proposés dans l'offre : 600 kbits/s, 160 kbit/s et 1 216 kbit/s, 320 kbits/s.
Les CCL sont supportés par le réseau ATM de France Télécom. Les VP associés sont dédiés à l'opérateur et réservés en permanence sur le réseau ATM. Les CCL peuvent être prolongés vers un coeur de plaque d'une autre plaque ADSL de la même région ADSL.

Schéma de l'architecture du réseau

Le raccordement du DSLAM au commutateur ATM utilise le réseau général de France Télécom sur fibres optiques dédiées ou SDH.
Le réseau ATM est constitué de deux sous-réseaux :
- le réseau local ATM supportant le trafic intra-agglomération des villes où plusieurs commutateurs ATM sont déployés ;
- le réseau régional ATM supportant le trafic intraplaque quand les commutateurs ATM sont déployés dans différentes villes de la même plaque ou de deux plaques différentes à l'intérieur de la même zone de transit.
Sur la qualification juridique de l'offre « ADSL Connect ATM » :
Aux termes des dispositions de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications :
« Les mêmes exploitants doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public ainsi qu'aux services de communication audiovisuelle déclarés en application de l'article 43 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée. Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques et tarifaires non publiées émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs. »
Aux termes des dispositions de l'article 1 du règlement (CE) no 2887/2000 du Parlement et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale dispose notamment : « le présent règlement s'applique sans préjudice de l'obligation, pour les opérateurs notifiés, de respecter le principe de non-discrimination lorsqu'ils utilisent le réseau téléphonique public fixe pour fournir à des tiers des services d'accès et de transmission à haut débit de la même façon qu'ils les fournissent à leurs propres services ou aux entreprises qui leur sont associées conformément aux dispositions communautaires » ; aux termes des dispositions de l'article 2 du même règlement :
« Aux fins du présent règlement, on entend par :
a) "opérateur notifié", un opérateur de réseau téléphonique public fixe qui a été désigné par les autorités réglementaires nationales comme puissant sur le marché de la fourniture de réseaux téléphoniques publics fixes aux termes de l'annexe I, première partie, de la directive 97/33/CE ou de la directive 98/10/CE. »
Le règlement précité précise, dans son treizième considérant que « dans sa recommandation 2000/417/CE du 25 mai 2000 et dans sa communication du 26 avril 2000 (C272), la commission donne des orientations détaillées pour aider les ARN à réglementer équitablement les différents types d'accès dégroupé à la boucle locale ».
Dans sa communication 2000/272/CE du 26 avril 2000, la commission précise « qu'on parle de "fourniture de services d'accès à haut débit" lorsque l'opérateur en place installe une liaison d'accès à haut débit qui va jusqu'à l'abonné (en installant le matériel et la configuration ADSL de son choix sur son réseau d'accès local, par exemple) puis la rend accessible à des tiers afin de leur permettre de fournir des services à haut débit aux clients. L'opérateur en place peut également fournir à ses concurrents des services de transmission en ATM ou IP qui permettent d'acheminer le trafic à un niveau plus élevé dans la hiérarchie du réseau où de nouveaux arrivants disposent déjà d'un point de présence ».
Dans la recommandation 2000/417/CE du 25 mai 2000, la commission a indiqué « que la fourniture d'un accès totalement dégroupé à la boucle locale des opérateurs notifiés, qui fait l'objet de la présente recommandation, ne porte pas atteinte aux dispositions des directives ONP 97/33 et 98/10, qui obligent les opérateurs notifiés à :
- respecter le principe de non-discrimination en cas d'utilisation du réseau téléphonique public fixe pour fournir aux tiers des services à haut débit dans des conditions identiques à celles qu'ils appliquent pour leurs propres services conformément à l'article 16, paragraphe 7, de la directive 98/10 ».
Enfin, le paragraphe 7 de l'article 16 de la directive 98/10 dispose que :
« Les ARN veillent à ce que les organismes puissants sur le marché visés au paragraphe 1 respectent le principe de non-discrimination lorsqu'ils utilisent le réseau téléphonique public fixe et toute forme d'accès spécial, en particulier, pour la fourniture de services de télécommunications au public. Ces organismes appliquent des conditions similaires aux organismes prestataires de services similaires et fournissent des accès spéciaux au réseau ainsi que des informations aux autres organismes en offrant les mêmes conditions et la même qualité que pour leurs propres services ou pour ceux de leurs filiales et associés. »
Il résulte de tout ce qui précède que l'offre « ADSL Connect ATM », qui consiste en la fourniture d'un service d'accès à haut débit, doit être regardée comme entrant dans le champ des dispositions susmentionnées du paragraphe 7 de l'article 16 de la directive 98/10/CE précitée. L'offre « ADSL Connect ATM » ayant été publiée par France Télécom, elle doit être qualifiée d'accès au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications. Il s'ensuit que France Télécom doit respecter le principe de non-discrimination, tel que défini par les dispositions précitées tant de l'article L. 34-8 que de l'article 16 de la directive 98/10/CE, en offrant les mêmes conditions et la même qualité que pour ses propres services ou pour ceux de ses filiales et associés.
Sur la recevabilité de la saisine :
Il résulte de ce qui précède que la saisine de Liberty Surf Telecom portant sur le refus de France Télécom de modifier les tarifs de l'offre « ADSL Connect ATM » doit être regardée comme portant sur un échec des négociations commerciales relatives à l'accès à un réseau de télécommunications au sens des dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. Au surplus, France Télécom, si elle soutient que l'offre « ADSL Connect ATM » ne peut pas être qualifiée juridiquement d'interconnexion, ne conteste cependant pas, dans son mémoire en date du 22 janvier 2001, que cette offre peut être qualifiée juridiquement d'accès. Il suit de là que ladite saisine est recevable au regard des dispositions précitées de l'article L. 36-8.
Sur les principes utilisés pour établir une tarification équitable :
L'Autorité considère que pour satisfaire les exigences découlant des dispositions communautaires précédemment mentionnées, les conditions dans lesquelles France Télécom doit fournir cette prestation doivent être objectives, transparentes et non discriminatoires.
L'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications dispose :
« II. - Le ministre chargé des télécommunications et l'Autorité de régulation des télécommunications veillent, dans le cadre de leurs attributions respectives :
4o A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de concurrence. »
L'Autorité s'est donc attachée dans la présente décision à ce que les conditions dans lesquelles la prestation Connect ATM est fournie garantissent, d'une part, le respect du principe de non-discrimination et, d'autre part, l'égalité des conditions de concurrence.
L'Autorité estime que l'égalité des conditions de concurrence ne serait pas garantie si les conditions financières de la prestation Connect ATM avaient pour conséquence d'empêcher un opérateur efficace de faire des offres concurrentes à celles proposées aux ISP par France Télécom. Il lui appartient, à cet effet, de fixer des tarifs équitables en s'assurant qu'ils ne créent pas d'effet de ciseau tarifaire.
En fixant ces tarifs, et dans le respect du principe de non-discrimination, elle s'est appuyée sur une évaluation économique des éléments de réseaux constituant la prestation en valorisant ces éléments de la même façon, qu'ils soient utilisés par France Télécom pour ses propres besoins ou par un opérateur tiers.
Sur les seuils d'accès :
Le CCL est défini par une bande passante liée au nombre d'accès desservi par le DSLAM et réservée par l'opérateur. L'offre « ADSL Connect ATM » propose 12 niveaux de réservation du CCL de 50 à 600 accès avec des paliers de 50 accès.
Liberty Surf Telecom demande à ce que les commandes des CCL se fassent par palier de 10 au lieu de 50 accès.
Pour s'affranchir de la complexité engendrée par la taille des répartiteurs, dans certaines grandes villes les répartiteurs sont divisés en modules. Chaque module est vu comme une entité de répartition totalement indépendante, et couvrant une zone arrière unique desservant un certain nombre de clients (quartier).
Pour justifier le seuil de 50 accès, France Télécom indique qu'il est indispensable d'avoir un nombre conséquent d'accès à réserver de manière à bénéficier des effets statistiques de répartition et limiter les interventions au niveau du réseau ATM.
En matière d'affectation des ressources sur les différents modules du répartiteur, la règle appliquée est l'équirépartition. France Télécom prend l'exemple d'un répartiteur comportant 5 modules et indique que le seuil de 50 accès est dans ce cas réparti en 5 fois 10 accès par module. France Télécom précise que la gestion de palier de moins de 10 accès par module serait excessivement coûteuse.
Toutefois, il convient de souligner que le seuil de 50 accès est très pénalisant pour la montée en charge des opérateurs entrants et que les cas de répartiteurs avec plusieurs modules semblent rares et limités aux grandes villes.
Dans ces conditions, il semble préférable de définir le seuil d'accès des différents niveaux de réservation du CCL par répartiteur. Ce seuil sera fixé en réservant 5 accès par module de répartition avec un minimum de 10 accès par répartiteur. A titre d'exemple, pour un répartiteur constitué de 5 modules, le seuil de commandes sera de 25 accès, et pour un répartiteur constitué d'un seul module, le seuil de commandes sera de 10 accès.
Sur la structure des tarifs :
L'offre « ADSL Connect ATM » objet du présent différend se présente en deux volets :
- d'une part, un tarif correspondant au raccordement « site central » à un débit de 155 Mbit/s sur chaque plaque ADSL, se composant de frais d'accès au service et d'un abonnement mensuel fonction de l'implantation géographique de l'opérateur par rapport au coeur de plaque ; ce tarif ne fait pas l'objet de demande particulière de la part de Liberty Surf Telecom ;
- d'autre part, un tarif correspondant à la collecte du trafic, et couvrant à la fois les accès abonnés et les conduits de collecte locaux ; ce tarif est fixé sur des paliers prédéfinis groupant le nombre d'accès au débit réservé ; il est par ailleurs dégressif en fonction du volume et de la durée d'engagement.
S'agissant de la structure de ce tarif de collecte, Liberty Surf Telecom demande une décorrélation du tarif afférent à l'accès de celui afférent au débit réservé au niveau des « conduits de collecte locaux ».
Les conduits de collecte locaux sont construits sur le réseau ATM de France Télécom. Le débit de ces conduits étant garanti, l'unité d'oeuvre pertinente pour ces éléments est le débit en Mbit/s. Les accès sont constitués de la ligne d'abonné et des DSLAM. L'unité d'oeuvre pertinente pour ces éléments est donc l'accès.
Par ailleurs, l'abaissement du nombre d'accès par palier de 50 à 10, défini précédemment, conduit à multiplier le nombre de paliers possibles sur un DSLAM. Enfin, la capacité des DSLAM étant croissante, il n'apparaît pas nécessaire de limiter arbitrairement le nombre d'accès à un palier maximum de 600 accès.
En conséquence, il apparaît pertinent à l'Autorité d'établir, conformément à la demande de Liberty Surf Telecom, un tarif afférent à l'accès décorrélé de celui afférent au débit (transport du trafic), modifiant ainsi la structure des tarifs de l'offre « ADSL Connect ATM ».
Néanmoins, pour respecter d'éventuelles contraintes techniques permettant de garantir une bonne qualité de service, des règles de débit minimal et maximal par nombre d'accès pourront être appliquées, sans toutefois réduire les tranches de débits proposées dans l'offre initiale.
Sur les conditions tarifaires de l'offre « ADSL Connect ATM » :
Liberty Surf Telecom demande à l'Autorité de déterminer des conditions tarifaires correspondant à la collecte du trafic à un niveau tel que les charges versées à France Télécom pour cette prestation ne dépassent pas 50 % du chiffre d'affaires de Liberty Surf Telecom. Cela correspond, d'après Liberty Surf Telecom, à un tarif de 100 francs par mois par accès unitaire et 1 000 francs par Mbit/s par mois pour les conduits de collecte locaux, ce tarif incluant l'éventuel prolongement de ces conduits.
Conformément à la qualification juridique retenue, et dans le respect des principes de non-discrimination et de concurrence loyale, l'Autorité s'est appuyée sur une analyse en deux temps :
- de manière préliminaire, l'Autorité a procédé à la valorisation des éléments de réseaux utilisés par France Téélcom dans le cadre de la fourniture de l'offre « ADSL Connect ATM » ; cette évaluation est conforme au principe de non-discrimination en ce qu'elle conduit à valoriser de la même façon les éléments de réseaux, qu'ils soient utilisés par France Télécom pour ses propres besoins ou par un opérateur tiers ;
- sur cette base, l'Autorité fixe des conditions tarifaires de l'offre « ADSL Connect ATM » à un niveau tel qu'elles permettent, d'une part, une juste rémunération de France Télécom, compte tenu des coûts évalués précédemment, d'autre part, qu'elles permettent à Liberty Surf Telecom d'entrer sur le marché dans des conditions de concurrence loyale ; cette seconde condition suppose que Liberty Surf Telecom soit en mesure de proposer aux ISP des offres de collecte qui permettent à ces derniers de concurrencer les offres de détail constatées sur le marché aujourd'hui, notamment celles proposées par le groupe France Télécom. Cette analyse s'apparente à un test de ciseau tarifaire.
Sur la valorisation des éléments de réseaux utilisés dans la fourniture de l'offre « ADSL Connect ATM » :
L'Autorité valorise les éléments de réseaux utilisés en distinguant :
- l'accès, d'une part, comprenant la ligne d'abonné et le DSLAM ;
- le transport du trafic, d'autre part, comprenant le raccordement du DSLAM au réseau ATM et la traversée du réseau depuis le DSLAM jusqu'au point de présence de l'opérateur situé sur une même plaque ADSL.
Cette analyse repose sur une architecture technique répondant au principe d'efficacité, selon laquelle Liberty Surf Telecom dispose de points de présence dans chacune des 41 plaques ADSL, ce qui est cohérent avec les analyses qu'elle a conduites dans le cadre de la procédure. Cette approche n'inclut donc pas la prestation éventuelle de prolongement des CCL, consistant à transporter le trafic vers un coeur de plaque d'une autre plaque ADSL. Cette prestation pourra, le cas échéant, faire l'objet d'une offre séparée de la part de France Télécom.


L'accès

L'utilisation de la ligne d'abonné dans le cadre de l'offre « ADSL Connect ATM » correspond à la même prestation que celle fournie par France Télécom dans le cadre de l'accès partagé à la ligne ; elle est donc valorisée sur la base du tarif mensuel de France Télécom applicable à cette prestation, soit 40 francs hors taxes, qui figure dans l'offre de référence de France Télécom du 23 février 2001. S'agissant du DSLAM, France Télécom a précisé qu'une baie d'une capacité de ... (1) abonnés coûte ... (1) F et qu'une baie d'une capacité de ... (1) abonnés coûte ... (1) F. Elle a également indiqué que ces prix étaient susceptibles de connaître une évolution à la baisse, de l'ordre de ... (1) % entre 2000 et 2003. Le coût afférent au DSLAM est évalué sur la base de ces éléments, auxquels sont ajoutées :
- la rémunération du capital de France Télécom, fixée, compte tenu de la spécificité de cette prestation, à un niveau de 15 % ;
- les charges d'exploitation, estimées par l'Autorité, en l'absence d'information fournie par France Télécom, à 75 % des coûts techniques ;
- une contribution équitable de coûts communs, estimée à ... (1) %.
Au total, l'Autorité retient pour l'année 2001 un coût mensuel de 122 F par mois au titre du DSLAM. Ce chiffre est cohérent avec les ... (1) F avancés par France Télécom pour l'année 2000 dans ses observations du 8 février et avec la baisse des prix référencée ci-dessus. Cette évaluation conduit à un coût mensuel au titre de l'accès de 162 F par mois pour l'année 2001.

Le transport du trafic

France Télécom a indiqué dans ses réponses au questionnaire du rapporteur que le coût de la traversée du réseau local s'établissait, en moyenne pour l'année 2000, à ... (1) F par an et par Mbit/s, hors coûts d'exploitation et coûts communs. France Télécom a également précisé l'évolution prévisible de ce coût, conduisant à une baisse de l'ordre de ... (1) % entre 2000 et 2003. Sur la base de ces informations, l'Autorité estime, en ajoutant des charges d'exploitation et une contribution équitable de coûts communs selon les mêmes hypothèses que précédemment, que la traversée du réseau local peut être valorisée à ... (1) F par mois et par Mbit/s pour l'année 2001. France Télécom a précisé dans sa réponse au questionnaire que le réseau régional était utilisé, « dans certains cas, quand les brasseurs sont déployés dans différentes villes de la même plaque ou de deux plaques différentes ». En l'absence d'éléments chiffrés de France Télécom, l'Autorité considère que, le prolongement de CCL entre deux plaques n'étant pas pris en compte, l'usage du réseau régional ne devrait concerner qu'une faible part du trafic ; cette part est estimée à 10 %, ce qui représente un coût supplémentaire de ... (1) F en 2001.
En ce qui concerne la liaison de raccordement entre le DSLAM et le réseau ATM, France Télécom n'a fourni aucun élément chiffré en réponse au questionnaire du rapporteur et s'est limitée à préciser que les coûts des raccordements sont ceux du réseau général. Dans ses dernières observations déposées le 8 février 2001, France Télécom a indiqué que les coûts de raccordements des DSLAM aux brasseurs ATM étaient « largement supérieurs aux coûts de traversée d'un réseau ATM », sans en préciser le montant. France Télécom justifie en partie ce coût élevé par le faible taux d'occupation de ce lien la première année. L'Autorité considère que cette justification n'est pas pertinente dans le cadre d'une valorisation des éléments de réseaux sur plusieurs années. En effet dans un secteur comme les télécommunications, les coûts fixes sont très élevés et ne sont généralement pas amortis sur la seule première année. En l'absence de données de la part de France Télécom, l'Autorité est conduite en conséquence à estimer la valorisation du raccordement du DSLAM au brasseur ATM sur la base d'un modèle interne, à un niveau de 366 F par mois par Mbit/s pour l'année 2001.
Au total, les éléments supportant les conduits de collecte locaux permettant le transport du trafic sont valorisés à 1 018 F par Mbit/s par mois pour l'année 2001.
L'Autorité a constaté par ailleurs que ce montant est cohérent, à prestations équivalentes, avec les niveaux tarifaires proposés par France Télécom dans le cadre de son offre commerciale dénommée « Global ATM » : le tarif de détail du transport est inférieur à 1 000 F par Mbit/s à l'intérieur d'une zone telle que définie dans l'offre « Global ATM » dès 2 Mbit/s ; il est inférieur ou égal à 3 014 F par Mbit/s à partir de 5 Mbit/s pour des distances allant jusqu'à 200 km.
En conclusion, l'Autorité retient, au titre de la valorisation des éléments du réseau utilisés par France Télécom pour la fourniture de l'offre « ADSL Connect ATM » des coûts mensuels, pour l'année 2001, de 162 F au titre de l'accès et de 1 018 F par Mbit/s par mois au titre du transport du trafic.
Sur la base des coûts ainsi évalués, l'Autorité a fixé les tarifs de l'offre de manière à garantir à France Télécom une juste rémunération, et à assurer à Liberty Surf Telecom des conditions d'entrée sur le marché satisfaisantes, dans le respect du principe d'égalité des conditions de concurrence.
Sur la garantie de conditions égales de concurrence au profit de Liberty Surf Telecom :
Conformément aux dispositions des articles L. 32-1 et L. 36-8 du code des postes et télécommunications rappelé ci-avant, l'Autorité a fixé les tarifs de l'offre Connect ATM de manière à garantir à Liberty Surf Telecom la capacité d'entrer sur le marché de l'ADSL dans des conditions égales de concurrence, c'est-à-dire de proposer des offres aux ISP à un niveau qui leur permettent de concurrencer les offres de détail constatées sur le marché, en particulier celles proposées par France Télécom.
Ainsi, les tarifs de l'offre « ADSL Connect ATM » doivent être établis à un niveau tel qu'ils permettent à Liberty Surf Telecom, compte tenu des coûts propres qu'elle supporte par ailleurs (notamment techniques et commerciaux), de proposer aux ISP une offre de collecte qui soit compétitive par rapport à celles fournies par France Télécom. Cette offre de collecte est une offre de collecte nationale, conformément à celle fournie par France Télécom à sa filiale Wanadoo, citée dans sa réponse au questionnaire de l'Autorité.
L'Autorité a conduit cette analyse sur la base de trois années ; en tenant compte d'hypothèses sur les évolutions de prix, elle a évalué :
- d'une part, le chiffre d'affaires moyen perçu par l'opérateur auprès des ISP dans le cadre de la fourniture à ces derniers d'offres de collecte nationale de trafic ADSL ;
- d'autre part, le coût moyen encouru par l'opérateur pour cette prestation.

Le chiffre d'affaires perçu par un opérateur entrant
tel que Liberty Surf Telecom auprès des ISP

Pour être compétitif, l'opérateur doit être en mesure de proposer aux ISP un tarif pour la prestation de collecte qui soit compatible avec la fourniture par ces derniers d'offres de détail comparables à celles disponibles actuellement, dans des conditions économiques satisfaisantes. Autrement dit, l'opérateur doit être en mesure de proposer aux ISP un tarif correspondant au prix de détail constaté diminué d'un montant correspondant à la rémunération de l'ISP.
Or, actuellement, les offres de détail d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL se présentent, vu du client final :
- soit sous la forme d'un abonnement à l'offre « Netissimo » de France Télécom, et d'un abonnement à l'ISP pour la fourniture du service Internet proprement dit ; s'agissant de la partie Netissimo, deux niveaux de tarifs existent, selon le débit offert (Netissimo 1 et 2) ;
- soit sous la forme d'une offre tout compris (dite « pack ») proposée par les ISP, notamment Wanadoo ; ces offres consistent pour l'ISP à revendre le service Netissimo 1 de France Télécom en le couplant à l'abonnement correspondant à leur propre service ; il convient de prendre en compte ces offres qui sont apparues au début de l'année 2001, à un niveau de prix plus attractif que celui des offres relevant de la première catégorie.
Sur la base d'une répartition pondérée de ces différentes offres (80 % de clients Netissimo 1 bénéficiant d'un tarif équivalent aux « packs » et 20 % de clients Netissimo 2) et d'une rémunération raisonnable de l'ISP, l'Autorité estime que le tarif maximal que Liberty Surf Telecom doit être en situation de proposer aux ISP est de l'ordre de 500 F hors taxes de frais d'accès au service et de 300 F hors taxes de redevances mensuelles pour 2001. Ce montant correspond pour l'opérateur à un revenu moyen sur trois ans de 291 F par abonné et par mois.
Il est à mettre en regard avec les coûts encourus par l'opérateur pour la fourniture de cette prestation, évalués dans les conditions décrites ci-après.
Les coûts propres encourus par un opérateur entrant tel que Liberty Surf Telecom pour la prestation de collecte proposée aux ISP
Sont évalués ici les coûts supplémentaires encourus par l'opérateur, s'ajoutant aux charges versées à France Télécom au titre de l'offre « ADSL Connect ATM ». Ces coûts constituent les coûts propres de l'opérateur.
L'évaluation de ces coûts est effectuée pour chacune des 41 plaques ADSL, en tenant compte d'hypothèses de nombre d'abonnés par plaque. En moyenne, l'Autorité retient une montée en charge du parc global de l'opérateur, selon une accélération constante, aboutissant à environ 100 000 abonnés à terme, c'est-à-dire au bout de 3 ans. Ce chiffre est raisonnable au regard des estimations fournies, ... (1) et par Liberty Surf Telecom ... (1). Par ailleurs, l'Autorité retient une hypothèse en terme de débit moyen fourni à l'abonné de 20 kbit/s.
Dans ce cadre, les coûts propres de l'opérateur sont évalués sur la base des éléments chiffrés fournis par Liberty Surf Telecom, retraités sur la base du nombre d'abonnés cités ci-dessus.
Ces coûts se composent de :
- coûts techniques correspondant au transport ATM sur son propre réseau, depuis ses points de présence dans chacune des plaques ADSL jusqu'au site de l'ISP supposé centralisé ;
- coûts techniques afférents à l'acquisition et à la maintenance des équipements permettant la transformation du trafic en mode IP (BAS) ;
- coûts commerciaux et communs.
En définitive, les coûts propres supportés par l'opérateur s'élèvent à 119 F par abonné par mois en moyenne sur trois ans.
Compte tenu du revenu maximal perçu par l'opérateur, estimé à 291 F, et des coûts propres encourus par ce dernier, estimés à 119 F, les charges versées par l'opérateur à France Télécom au titre de l'offre « ADSL Connect ATM » ne sauraient être supérieures à 153 F par mois par abonné, pour l'accès, et 19 F par mois par abonné pour le débit, en moyenne sur trois ans.

Le tarif fixé par l'Autorité

France Télécom dans son offre actuelle propose un tarif pour un engagement d'un an qui est supérieur de 33 % au tarif pour un engagement de trois ans. Elle justifie ce surcoût par la couverture du risque de non-réutilisation de ses matériels, qu'elle aurait à supporter dans le cas d'un engagement sur une seule année. Or, le marché de l'accès à l'internet à haut débit est en pleine croissance et le parc de clients de l'offre « ADSL Connect ATM » pourrait atteindre plus de 178 000 clients en 2003, d'après les propres estimations de France Télécom. Les équipements d'accès sont mutualisés pour la fourniture d'autres offres d'accès à l'Internet à haut débit de France Télécom, telles que « Netissimo » et « IP/ADSL ». Le réseau ATM est mutualisé pour les besoins des autres services de France Télécom utilisant le protocole ATM. Dans le cadre de l'offre Global ATM, qui comprend outre l'usage du réseau ATM, l'établissement de raccordements sur des sites clients, le surcoût d'un engagement d'un an par rapport à un engagement de trois ans n'est que de 11 %. Considérant l'ensemble de ces éléments, l'Autorité estime que le surcoût associé à un engagement d'un an ne saurait raisonnablement dépasser 20 %.
Par ailleurs, l'offre « ADSL Connect ATM » comprend des frais fixes importants, notamment sur le raccordement du site central de l'opérateur qui généreraient des pertes chez celui-ci en cas d'arrêt du service au bout d'un an. En conséquence, l'Autorité estime qu'un surcoût de 29 % permet un partage équitable des risques entre les opérateurs, et reste conforme à l'analyse précédente.
Pour l'année 2001, ceci conduit à un tarif de 210 F par mois par accès et 1 330 F par Mbit/s par mois. Ces niveaux tarifaires conduiraient Liberty Surf Telecom à verser à France Télécom 153 F par abonné par mois pour l'accès, et 19 F par abonné par mois pour le débit, en moyenne sur trois ans. Ils lui permettent de proposer aux ISP une offre compétitive, c'est-à-dire à un niveau de tarif compatible avec la fourniture par ces derniers d'une offre de détail attractive, compte tenu des offres existantes.
Ce tarif permet en outre une juste rémunération de France Télécom pour la prestation fournie, compte tenu de l'analyse menée précédemment, qui a conduit à évaluer les coûts encourus par France Télécom à 162 F en 2001 au titre de l'accès et de 1 018 F par Mbit/s par mois, y compris la rémunération du capital,
Décide :


Art. 1er. - Le seuil d'accès des différents niveaux de réservation du CCL dans le cadre de l'offre « ADSL Connect ATM » est établi par répartiteur. Ce seuil est fixé sur la base de 5 accès par module de répartition avec un minimum de 10 accès par répartiteur.


Art. 2. - Le tarif est fixé pour l'année 2001 et sur la base d'un engagement d'un an à :
210 F par accès unitaire par mois ;
1 330 F par Mbit/s par mois, avec une granularité de 0,5 Mbit/s.


Art. 3. - Le surplus des conclusions présentées par les sociétés Liberty Surf Telecom et France Télécom est rejeté.


Art. 4. - Les parties exécuteront la présente décision et mettront toute convention conclue entre elles en conformité avec celle-ci dans un délai de quatre semaines à compter de sa notification.


Art. 5. - Le chef du service juridique est chargé de notifier aux sociétés Liberty Surf Telecom et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée au Journal officiel de la République française.


Fait à Paris, le 2 mars 2001.

Le président
J.-M. Hubert


(1) Passage relevant des secrets protégés par la loi.