Saisi pour avis, en application de l'article 33 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, d'un projet de décret relatif au régime applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble et diffusés par satellite et modifiant le décret no 92-882 du 1er septembre 1992, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après en avoir délibéré, approuve l'économie générale d'un texte qui achève la transposition en droit français de la directive communautaire « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989 modifiée, dans la continuité de la démarche entreprise en ce sens par le législateur dans la loi du 1er août 2000.
Le Conseil prend acte de la portée partielle de ce projet de décret qui appelle d'autres modifications, en particulier en ce qui concerne les régimes de diffusion et de production des oeuvres.
Il souhaite néanmoins formuler les observations suivantes :
En ce qui concerne le champ d'application des différentes dispositions du décret :
Afin que la directive « Télévision sans frontières » soit transposée dans son intégralité et que le champ d'application des différentes dispositions du décret soit adapté aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore, le Conseil propose que le décret soit modifié à plusieurs égards.
En premier lieu, le champ d'application des différentes dispositions du décret devrait distinguer selon la nature radiophonique ou télévisuelle du service édité.
En effet, le champ d'application des différents titres du décret aux éditeurs de services de télévision résulte des articles 43-2 à 43-5 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, qui transposent en droit français l'article 2 de la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989 modifiée, tandis que le droit applicable aux éditeurs de services de radiodiffusion sonore devrait être déterminé à partir du critère de l'établissement au sens des articles 43 et suivants du traité instituant la Communauté européenne.
En deuxième lieu, le champ d'application du régime du conventionnement prévu au titre II du décret de 1992 devrait être complété concernant les éditeurs de services de télévision, conformément aux dispositions du chapitre V du titre II de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, et ainsi couvrir, outre les éditeurs de services établis en France au sens de l'article 43-3 de cette loi, les éditeurs qui relèvent de la compétence française au sens de son article 43-4 ou qui sont établis en France en application de son article 43-5.
En troisième lieu, le champ d'application du régime déclaratif prévu au titre III du décret de 1992 devrait également être complété conformément à l'article 43-5 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée et ainsi couvrir les éditeurs de services de télévision qui, bien que ne relevant pas de la compétence d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, sont néanmoins établis dans l'un de ces Etats au sens de cet article .
En ce qui concerne le régime relatif au téléachat :
En premier lieu, sont qualifiées d'émissions de téléachat les émissions consacrées « en tout ou partie » à la diffusion d'offres directes de vente. Bien que cette définition, qui résultait des termes de la loi du 6 janvier 1988 relative aux émissions de téléachat, ait déjà été retenue par l'instance de régulation dans sa décision du 4 février 1988 encadrant le téléachat sur les services autorisés, une modification pourrait être envisagée.
La diffusion d'émissions comportant diverses rubriques au nombre desquelles des rubriques de téléachat est en effet source de confusion pour les téléspectateurs et rend difficile le contrôle par le Conseil de la durée quotidienne de ces programmes. Il serait sans doute opportun de circonscrire le téléachat à des émissions spécifiques qui lui seraient exclusivement consacrées.
En deuxième lieu, le décret soumet, à juste titre, les émissions de téléachat aux règles déontologiques posées en ce domaine par la directive « Télévision sans frontières ». Quoique le respect de la dignité de la personne humaine soit affirmé aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, ce principe mérite également de figurer au nombre des règles déontologiques prévues par le décret dans le domaine spécifique du téléachat, en application de l'article 12 de la directive.
En troisième lieu, le projet de décret laisse au CSA le soin de fixer dans les conventions « le délai au terme duquel un produit ou service peut être présent à la fois dans un message publicitaire et dans une émission de téléachat ». Il pourrait être utile d'attribuer à la convention, en la matière, un champ plus large, par exemple comme suit : « La convention fixe les modalités selon lesquelles un même bien ou service peut être présenté à la fois dans une émission de téléachat et dans un écran publicitaire. »
En dernier lieu, le Conseil relève que le nouvel article 14-5 du décret offre la possibilité à un service qui n'est pas reçu dans un autre Etat de diffuser plus de trois heures et plus de huit émissions quotidiennes de téléachat, quand bien même il ne réserverait pas au moins 50 % de sa programmation à cette catégorie de programme.
En vue d'éviter qu'un service bénéficie de ce régime dérogatoire sans pour autant consacrer la majorité de son temps de diffusion à des émissions de téléachat, le Conseil considère que le seuil de 50 %, d'ailleurs déjà retenu s'agissant des dérogations prévues aux nouveaux articles 14-1 et 14-3 du décret, devrait également être pris en compte au nouvel article 14-5.
En ce qui concerne le régime des services d'autopromotion :
En premier lieu, aux termes du nouvel article 23-1 du décret, « constitue un service d'autopromotion le service qui réserve l'intégralité de son temps de diffusion à la promotion de ses produits, services, programmes ou chaînes ».
Le Conseil estime que pourraient utilement être ajoutées à cette énumération les « activités » en vue de permettre une communication d'ordre institutionnel.
En tout état de cause, la référence au seul service de télévision ou même à son éditeur n'est pas satisfaisante car trop restrictive. Ainsi rédigé, le texte ne permet en effet que la promotion des biens et services d'un service de télévision, à l'exclusion de tout autre produit qui émanerait de l'entité qui est à l'initiative du service d'autopromotion.
Par conséquent, il conviendrait d'élargir le champ d'application du texte afin de permettre à un service de télévision dédié à une personne morale de promouvoir les produits, services et activités de celle-ci. Viser la « personne morale » devrait permettre d'éviter la promotion d'activités annexes que pourrait développer une entité qui est à l'initiative d'un service d'autopromotion et qui seraient sans rapport avec la vocation de ce dernier.
En deuxième lieu, outre le fait que le renvoi, par le nouvel article 23-2 du décret, à l'article 15 du décret no 92-280 du 27 mars 1992, qui encadre l'interruption publicitaire des émissions, n'est sans doute pas opportun, le Conseil considère que la référence aux « messages à caractère autopromotionnel » est inappropriée. La notion de « message » renvoie en effet au « message publicitaire », qui prend place dans des écrans spécifiques. L'autopromotion s'effectuant en dehors des écrans publicitaires, il serait préférable de viser « les programmes autopromotionnels ».
En dernier lieu, le décret atténue, en son nouvel article 23-3, le considérant 38 de la directive « Télévision sans frontières » en prévoyant la diffusion par des services d'autopromotion de documentaires, de programmes sportifs et de vidéomusiques. Il exclut en conséquence la réception de ces services dans un autre Etat. Cependant, la faculté offerte à un autre Etat membre d'assouplir certaines règles posées par la directive en application de son article 20, dès lors que le service est limité à une diffusion nationale, ne couvre pas les services d'autopromotion tels que visés à son article 19 bis.
Par ailleurs, le projet de décret envisage la diffusion de documentaires et de vidéomusiques sur un service d'autopromotion. L'article 19 bis de la directive « Télévision sans frontières » écartant les chaînes consacrées exclusivement à l'autopromotion du champ d'application de son chapitre III relatif au régime de diffusion et de production des oeuvres, le nouvel article 23-3 du décret devrait être modifié en conséquence. Il pourrait être rédigé comme suit : « Les services consacrés à l'autopromotion ne diffusent pas d'oeuvres audiovisuelles ou cinématographiques, ni de journaux télévisés ou d'émissions d'information politique et générale. »
En ce qui concerne le régime de la déclaration préalable applicable aux éditeurs de services de télévision relevant de la compétence d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou signataire de l'accord sur l'Espace économique européen :
En premier lieu, dans un souci de précision et de cohérence du décret, la dernière phrase de son nouvel article 25 devrait prévoir que le Conseil supérieur de l'audiovisuel délivre un récépissé pour chaque déclaration qui lui est faite. Par ailleurs, le Conseil propose que, pour des raisons pratiques, le délai dans lequel il délivre un récépissé soit allongé à deux mois à compter de la réception de la déclaration, au lieu d'un mois comme le propose le projet de décret.
En deuxième lieu, le Conseil se félicite de l'introduction, au sein du nouvel article 25-1 du décret, de la faculté pour le CSA de préciser les éléments qui doivent figurer dans la déclaration qui lui est adressée.
Dans tous les cas, le Conseil souhaiterait, afin de prévenir d'éventuels conflits de compétence entre Etats membres concernant un éditeur de service de télévision et de le mettre en mesure, le cas échéant, de déclencher la procédure d'interruption provisoire de la retransmission vers le public français d'un service de télévision soumis à déclaration, que le nouvel article 25-1 du décret prévoie également la production des éléments de nature à apporter la preuve du rattachement de l'éditeur du service concerné à la compétence d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou signataire de l'accord sur l'Espace économique européen, notamment la licence ou l'autorisation relative au service et délivrée à l'éditeur par l'organisme compétent dans cet Etat.
En troisième lieu, concernant les modalités d'application dans le temps du régime déclaratif, le texte du nouvel article 25-3 du décret devrait être déplacé en tête de son nouvel article 25-2 et préciser que l'obligation de se conformer aux dispositions de ce titre dans le délai de trois mois à compter de la date de publication du décret s'applique aux services relevant de son titre III et non aux « services qui existent ».
En dernier lieu, le régime de la modification de la déclaration devrait être adapté en tenant compte de la portée extraterritoriale du régime déclaratif. L'actuel premier paragraphe du nouvel article 25-2 du décret pourrait ainsi prévoir que, dans le délai d'un mois à compter de sa réalisation, tout changement portant sur l'un des éléments contenus dans la déclaration fait l'objet d'une déclaration par l'éditeur du service concerné auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Par ailleurs, le Conseil supérieur de l'audiovisuel considère que les questions abordées dans le projet de décret, relatives au télé-achat et à l'autopromotion, auraient pu être rattachées à la modification du régime publicitaire applicable aux services distribués par câble et diffusés par satellite.
En particulier, il rappelle qu'il est favorable à l'ouverture des écrans publicitaires de ces services aux secteurs de la presse, de l'édition littéraire et du cinéma, secteurs bien adaptés aux spécificités de leur public. Cette ouverture pourrait être étendue au secteur de la distribution sur les canaux locaux du câble.
Fait à Paris, le 16 janvier 2001.