J.O. Numéro 14 du 17 Janvier 2001       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Circulaire du 8 janvier 2001 relative aux directives nationales d'orientation


NOR : PRMX0104629C



Paris, le 8 janvier 2001.

Le Premier ministre à Mesdames
et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat

Depuis trois ans, un ensemble de mesures ont été arrêtées lors des comités interministériels pour la réforme de l'Etat que j'ai présidés, afin de favoriser la déconcentration au sein des administrations de l'Etat.
Ainsi l'institution des projets territoriaux permet-elle désormais aux autorités déconcentrées de définir une véritable stratégie pour l'action de l'Etat dans le département ou la région. Ces autorités disposent également de pouvoirs accrus, tant en matière d'investissements civils réalisés par l'Etat, ou au moyen de subventions de l'Etat, que pour organiser les services et développer, au niveau local, la coopération interministérielle.
Donnant aux services déconcentrés la faculté d'assumer pleinement la responsabilité qui leur incombe pour la mise en oeuvre de l'action de l'Etat, ces divers instruments doivent permettre que cette action soit plus proche des citoyens et plus facilement adaptée aux spécificités du territoire. Ainsi sera-t-elle, tout à la fois, mieux comprise et plus efficace.
Encore convient-il que les administrations centrales tirent pleinement les conséquences de cette politique dans les relations qu'elles entretiennent avec les services déconcentrés.
Dans leur mode actuel, ces relations restent en effet trop souvent marquées par des habitudes anciennes, conduisant à un empilement de circulaires mal hiérarchisées, et plus volontiers consacrées à la description minutieuse de prescriptions de procédure qu'à la définition d'objectifs et à l'expression d'exigences en termes de résultats.
C'est afin de mieux faire la part entre ce qui relève du pilotage central et ce qui doit être laissé à la responsabilité des autorités déconcentrées que je souhaite que ces dernières disposent désormais de véritables documents de référence fixant le cadre général de leur action dans un domaine déterminé.
Tel devra être l'objet des directives nationales d'orientation.

1. Un instrument destiné à rendre plus cohérent
le pilotage au niveau central

Les administrations centrales ont vocation à exercer, sous votre autorité, une fonction stratégique. Il s'agit, pour elles, de préparer la définition des politiques publiques et de piloter l'action des services déconcentrés en vue de leur mise en oeuvre.
Les directives nationales d'orientation les aideront à mieux assumer ce rôle.

1.1. Une meilleure hiérarchisation des priorités

Les directives nationales d'orientation doivent permettre de substituer, à une succession d'instructions sectorielles, un cadre cohérent et clairement hiérarchisé de priorités pour l'action du Gouvernement dans un domaine déterminé.
Ainsi convient-il de faire en sorte que l'ensemble de l'action relevant d'un ministère se traduise par une seule directive, résultat du travail mené entre les différentes directions qui le composent.
Dans les cas où une telle approche n'est pas possible, il conviendra, à tout le moins, que chaque directive couvre un secteur significatif et cohérent.
Quant aux politiques dont la définition et la mise en oeuvre requièrent l'association de plusieurs départements, elles devront donner lieu à des directives préparées dans un cadre interministériel.

1.2. Un instrument de simplification

L'accumulation des circulaires ne permet pas de faire clairement la part entre les prescriptions caduques et celles qui demeurent valides.
L'élaboration des directives doit être l'occasion d'une véritable codification des instructions ainsi données. Il appartiendra donc à vos services de dresser, au préalable, un état exhaustif des circulaires relatives au champ traité, de manière à abroger celles d'entre elles qui apparaissent caduques, inutiles ou désormais inappropriées.
De même, il conviendra que vous preniez en compte les priorités définies par les schémas de services collectifs en cours d'élaboration et que vous veilliez à la cohérence entre ces schémas et les directives nationales d'orientation.

1.3. Un pilotage par objectifs

Certains aspects de l'action du Gouvernement, en raison, notamment, de leur forte dimension technique, nécessitent, pour leur mise en oeuvre, une définition unique, faite au niveau central, des modes opératoires et des procédures. Le rôle des directives, lorsqu'elles traitent de ces aspects, doit être de garantir que les services déconcentrés disposeront d'instructions répondant aux exigences de clarté, de précision et d'actualisation requises en de telles matières.
Pour toutes les autres politiques qui ne présentent pas de telles caractéristiques, il convient de s'abstraire de l'approche procédurale ou formelle, trop souvent privilégiée, afin de s'attacher à la définition d'objectifs, valant pour l'ensemble du territoire. Ainsi les services déconcentrés, libres de définir les conditions de mise en oeuvre de politiques aux objectifs clairement définis, pourront-ils inscrire leur action dans une logique de projet, au lieu d'être réduits à un rôle de guichet.

1.4. Des instructions durables

La déconcentration, pour produire pleinement ses effets, suppose que les services déconcentrés disposent d'un cadre établi pour une durée suffisante. Ce n'est, en effet, qu'à cette condition qu'ils seront à même de développer une action prenant véritablement en compte les spécificités locales. De même une pérennité suffisante des instructions données est-elle nécessaire pour mettre en place une véritable politique d'évaluation des résultats.
Ainsi convient-il que les directives nationales d'orientation retiennent un cadre pluriannuel. Elles pourront, en tant que de besoin, être assorties de volets adaptables chaque année, notamment pour prendre en compte l'annualité budgétaire.
Afin de garantir la cohérence entre la teneur des directives, ou de leurs volets annuels, et la procédure budgétaire, vous veillerez à ce que l'élaboration de directives nouvelles ou l'adaptation des directives existantes soient menées durant le dernier trimestre de l'année précédant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

2. Une responsabilité clairement affirmée des services
déconcentrés dans la mise en oeuvre des politiques

L'élaboration des directives nationales d'orientation doit être l'occasion de tirer pleinement les conséquences des principes posés par la charte de la déconcentration, et confirmés, en particulier, par le comité interministériel pour la réforme de l'Etat tenu le 13 juillet 1999.
Il importe donc de veiller à ce que ces documents respectent scrupuleusement le rôle imparti aux services déconcentrés, qui est d'assumer, sous la direction des préfets, la responsabilité de la mise en oeuvre des politiques nationales. Il convient, tout particulièrement, de leur garantir qu'ils auront la capacité d'inscrire ces politiques dans la diversité des territoires et des enjeux locaux.

2.1. Une référence pour l'élaboration des projets territoriaux

Faisant clairement apparaître la teneur et la hiérarchie des priorités du Gouvernement, les directives nationales d'orientation constitueront un cadre parfaitement adapté pour guider les réflexions des services déconcentrés, lorsqu'ils procèdent à l'élaboration, ou à la mise à jour des projets territoriaux.
A cette fin, vous veillerez à ce que les orientations contenues dans les directives laissent toujours une réelle marge de manoeuvre aux services déconcentrés. Ce sera aussi l'occasion, d'une part, de recourir plus largement aux procédures contractualisées entre administrations centrales et services déconcentrés, d'autre part, d'inciter ces derniers à utiliser davantage les souplesses de gestion que leur offrent les différents outils de déconcentration élaborés depuis 1992.
Dans le même esprit, vous mettrez à profit cet exercice, et le travail entre directions ou entre ministères sur lequel il est fondé, pour introduire davantage de cohérence dans l'ensemble des diverses commissions administratives locales qui ont été créées à la suite de décisions prises au niveau central. Vous vous donnerez pour objectif d'en réduire le nombre, afin de ne conserver que celles d'entre elles dont l'importance justifie que le principe de leur création soit imposé au niveau central. Vous vous efforcerez, dans ce cas, de fusionner celles qui traitent de questions proches ou liées.
Enfin, l'élaboration des directives sera aussi l'occasion d'accentuer l'effort, déjà engagé, en vue de réduire le nombre des lignes budgétaires et de faciliter ainsi la globalisation des crédits attribués aux services déconcentrés.

2.2. Un outil pour l'évaluation

Les services déconcentrés ne sauraient assumer pleinement la responsabilité de la mise en oeuvre des politiques sans que soient parallèlement renforcés, d'une part, les outils dont disposent ces services pour assurer le contrôle des actions qu'ils mènent, d'autre part, la capacité des administrations centrales en matière d'évaluation des politiques publiques. Vous veillerez à ce que les directives nationales d'orientation prennent en compte ces deux exigences, en les distinguant clairement.
Elles devront, en premier lieu, inciter et aider les services déconcentrés à élaborer des tableaux de bord, rassemblant des indicateurs de mesure et de suivi des actions engagées, et encourager le développement d'outils de comptabilité analytique.
Elles seront, en second lieu, l'occasion de définir ou préciser, en concertation avec ces services, les dispositifs de retour d'informations permettant aux administrations centrales de mener les actions d'évaluation qui leur incombent.
Je vous demande de donner toutes instructions utiles à votre administration, afin que les premières directives puissent être adressées aux services, dès l'année 2001.
Vous n'omettrez pas, une fois achevées, de les porter à la connaissance de la délégation interministérielle à la réforme de l'Etat, qui procédera, chaque année, à un bilan du travail ainsi réalisé et proposera, le cas échéant, les inflexions à apporter au cadre défini par la présente circulaire.

Lionel Jospin