L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8 et R. 11-1, D. 97-4, D. 97-8 ;
Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;
Vu l'arrêté du 12 mars 1998 autorisant la société France Télécom à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public ;
Vu la décision no 99-767 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 15 septembre 1999 établissant pour 2000 la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur un marché des télécommunications ;
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée le 25 juillet 2000, présentée par la société Sonera France, RCS Paris no 428 868 681, dont le siège social est situé 42, rue de Bassano, 75008 Paris, représentée par M. Alpo Akujårvi, président, assisté de Me Frédérique Dupuis-Toubol ;
Le différend porte sur les conditions techniques et tarifaires, d'une part, de collecte de trafic téléphonique (trafic entrant des clients appelant vers le serveur) et, d'autre part, sur les conditions techniques et tarifaires du trafic de terminaison (trafic sortant du serveur vers les abonnés appelés) afin, pour Sonera France, de mettre en place un service, national et international, de renseignements téléphoniques et d'aboutement d'appels.
A l'issue de négociations commerciales entre les parties, Sonera France présente un récapitulatif de ses demandes par un courrier en date du 9 juin 2000 adressé à France Télécom lui demandant :
- une offre d'acheminement de trafic entrant aux conditions suivantes :
- frais d'accès : 50 000 F hors taxes par numéro court ;
- prix des communications : selon le tarif du catalogue d'interconnexion en vigueur applicable aux opérateurs L. 34-1 ;
- majoration publiphonie : selon le tarif du catalogue d'interconnexion en vigueur ;
- une offre d'acheminement de trafic sortant au tarif du catalogue d'interconnexion en vigueur applicable aux opérateurs L. 34-1 ;
- une offre de facturation pour compte de tiers selon les modalités suivantes :
- le prix du service librement fixé par Sonera France sans plafond imposé par France Télécom ;
- un changement de tarif de service de Sonera France est notifié à France Télécom soixante jours à l'avance ;
- France Télécom inclut dans sa facture le prix des prestations de Sonera France selon les mêmes modalités que pour son propre service de renseignements ; France Télécom effectue le recouvrement pour le compte de Sonera France selon les mêmes modalités que pour son propre service de renseignements ; la rémunération du service de France Télécom est fixée à 4 % du montant hors taxes facturé par Sonera France, majoré de 0,5 % pour rémunérer le service de garantie de paiement si France Télécom offre ce service.
Constatant l'échec de ses négociations avec France Télécom, Sonera France demande à l'Autorité :
- de dire que les solutions relatives à l'acheminement de trafic et à la prestation de facturation pour compte de tiers telles que demandées par Sonera France sont équitables et nécessaires pour la mise en place par cette dernière d'un service de renseignements téléphoniques et d'aboutement d'appels accessibles à tous dans des conditions de non-discrimination ;
- de décider que France Télécom et Sonera France devront conclure une convention d'accès spécial au réseau en tous points conforme, pour ce qui concerne l'acheminement de trafic et la facturation pour compte de tiers, aux solutions proposées par Sonera France dans son courrier du 9 juin 2000, et ce dans les quinze jours suivant la notification de la décision de l'Autorité.
Sonera France soutient que ses demandes relèvent de la notion d'accès spécial au sens du II de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications. Sonera France estime que les propositions formulées par France Télécom en réponse à ses demandes lors de leurs négociations ne correspondent pas à ses besoins, notamment sur un plan tarifaire, car les propositions de France Télécom rendraient son activité structurellement déficitaire. Sonera France fournit, à l'appui de ses dires, des comptes d'exploitation prévisionnels selon deux hypothèses : l'un fondé sur les tarifs demandés à France Télécom, l'autre fondé sur des éléments présentés comme les propositions de France Télécom.
Sonera France estime que France Télécom est tenue de faire droit à ses demandes en application du principe de non-discrimination prévu par l'article L. 34-8 susmentionné et de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui prohibe le fait, pour une entreprise en position dominante sur un marché donné, de pratiquer des conditions de vente discriminatoires.
Sonera France demande un accès au réseau de France Télécom à des conditions identiques à celles que cette dernière s'applique à elle-même pour ses propres services de renseignements téléphoniques et d'annuaire.
...
Vu les observations en défense enregistrées le 25 août 2000 présentées par la société France Télécom, RCS Paris no 380 129 866, dont le siège social est situé 6, place d'Alleray, 75505 Paris Cedex 15, représentée par M. Marc Fossier, directeur des relations extérieures ;
A titre liminaire, France Télécom conteste le compte d'exploitation présenté par Sonera France comme étant fondé sur des propositions de France Télécom : d'une part, France Télécom n'a pas fait à Sonera France de proposition de contrat de collecte de type L. 34-2 ; d'autre part, la différence de rentabilité entre les deux hypothèses de compte d'exploitation repose en majeure partie non sur le coût de l'acheminement du trafic et de la facturation pour compte de tiers, mais sur le coût d'accès à la base de données de France Télécom, qui fait l'objet d'une saisine distincte de Sonera France auprès du Conseil de la concurrence. Ainsi, la demande soumise à l'Autorité par Sonera France dans le cadre de la présente saisine n'est pas un élément économique déterminant de son activité ;
France Télécom demande à l'Autorité de déclarer que la demande de Sonera France est irrecevable au motif qu'elle constitue un détournement du régime de l'accès spécial, puisque la demande exprimée concerne une prestation tarifaire d'interconnexion réservée aux opérateurs autorisés au titre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications, aussi bien pour ce qui concerne l'acheminement de trafic que la facturation pour compte de tiers, ignorant la distinction réglementaire entre interconnexion et accès spécial. De plus, cette demande ne correspond pas à des conditions techniques et tarifaires non publiées puisque ces conditions sont publiées au catalogue d'interconnexion de France Télécom.
A titre subsidiaire, France Télécom demande à l'Autorité de dire que la demande de Sonera France est injustifiée à double titre. France Télécom conteste que ses propositions ne correspondent pas aux besoins de Sonera France :
- pour la collecte de trafic entrant : France Télécom souligne qu'elle a proposé à Sonera France l'offre « Audiotel » sans proposer l'offre standard destinée aux fournisseurs « L. 34-2 » et communiquée à Sonera France à sa demande ; en outre, Sonera ne peut exiger les conditions tarifaires réservées aux opérateurs titulaires d'une autorisation ;
- pour la terminaison de trafic sortant : France Télécom a proposé une offre « Audiotel » aménagée pour permettre l'accès à des numéros courts attribués à des fournisseurs de services. France Télécom estime que le principe des paliers tarifaires imposés par l'offre « Audiotel » n'est pas contestable et ne saurait affecter la rentabilité prévisionnelle de l'activité de renseignements envisagée par Sonera France. En outre, France Télécom n'a jamais proposé d'offre « Audiotel » pour le trafic sortant, l'offre « Audiotel » comportant une prestation de collecte de trafic entrant et de facturation pour compte de tiers, mais pas de prestation de terminaison de trafic sortant.
En revanche, France Télécom indique avoir fait une offre adaptée comportant deux composantes :
- une offre « Audiotel » pour le trafic entrant et la facturation pour compte de tiers qu'elle était disposée à aménager pour les numéros 3 BPQ. France Télécom indique que Sonera France a rejeté le principe d'une telle offre. France Télécom conteste également le grief de Sonera France relatif au système de paliers tarifaires, en se fondant sur la décision no 98-1046 du 23 décembre 1998 de l'Autorité, qui traite des numéros non géographiques et des paliers tarifaires. Par ailleurs, France Télécom estime qu'il n'appartient pas à l'Autorité de juger de l'adéquation des contrats « Audiotel » au droit de la concurrence, l'Autorité n'étant pas compétente, au titre de l'article L. 36-8, à se prononcer sur l'application des règles de concurrence. En outre, France Télécom affirme qu'il est faux de prétendre que les offres « Audiotel » ne sont pas adaptées aux numéros courts de type 3 BPQ et qu'il est vain dans le cadre de cette procédure d'invoquer les dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- une offre de terminaison de trafic sortant : France Télécom indique que cette prestation est disponible auprès d'opérateurs L. 33-1 concurrents.
Ainsi, France Télécom estime infondée la position de Sonera France, l'échec des négociations étant imputable au refus de principe de Sonera France d'examiner les propositions de France Télécom.
D'autre part, Sonera France ne saurait se voir accorder des prestations réservées aux opérateurs autorisés en application de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications en invoquant le principe de non-discrimination énoncé à l'article L. 34-8-II relatif à l'accès au réseau qui concerne plus particulièrement les fournisseurs de services L. 34-2. Contrairement à l'argumentation de Sonera France, France Télécom estime, au vu de la jurisprudence européenne, qu'un tel traitement serait discriminatoire, puisqu'il réserverait un traitement identique à des organismes qui ne sont pas dans une situation identique.
France Télécom demande donc à l'Autorité de dire que la demande de Sonera France n'est pas une demande justifiée d'accès spécial au réseau au sens de l'article L. 34-8-II du code des postes et télécommunications et de renvoyer les parties à la négociation d'une offre d'accès reposant sur une combinaison d'une offre « Audiotel » aménagée pour le trafic entrant et la facturation pour compte de tiers et d'une offre de trafic sortant pour l'aboutement des appels en cas de mise en relation.
Vu les observations en réplique de la société Sonera France enregistrées le 6 septembre 2000 ;
Sonera France conclut aux mêmes fins que sa saisine par les mêmes moyens que précédemment. Sur la recevabilité de la demande, Sonera France estime que sa demande correspond bien à une demande d'accès spécial émise par un opérateur de service de télécommunications autre que le service téléphonique puisque tel est le statut de Sonera France ; France Télécom n'a jamais proposé à Sonera France une offre correspondant à des conditions publiées. Sonera France considère que l'argument tiré par France Télécom du fait que les demandes exprimées par Sonera France sont en partie celles applicables aux opérateurs L. 34-1 doit être traité au regard du bien-fondé de la demande et non de sa recevabilité.
Sur le bien-fondé de sa demande, Sonera France conteste l'interprétation de France Télécom selon laquelle l'Autorité n'aurait pas à faire application des règles de concurrence dans le cadre de ses compétences relevant de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
Sonera France estime que le caractère non discriminatoire de l'offre que France Télécom doit faire à Sonera France ne doit pas être apprécié en comparant les offres qui sont faites aux opérateurs L. 33-1/L. 34-1 et celles aux opérateurs L. 34-2, mais entre les conditions que France Télécom réserve à son propre service de renseignement (le « 12 ») et celles qu'elle doit fournir à Sonera France pour un service équivalent. Sonera France souhaite que l'Autorité se fasse communiquer ces conditions par France Télécom, au titre des pouvoirs d'investigation issus de l'article 10 de son règlement intérieur.
Sonera France commente ensuite les différents éléments de proposition de France Télécom.
Sur l'offre de terminaison de trafic entrant et sortant, Sonera France estime qu'elle n'est pas en position d'apprécier si ces conditions sont discriminatoires ou non puisqu'elle ne dispose pas d'informations sur les conditions que France Télécom ménage pour son propre service ; elle ne peut que constater que le tarif qui lui est proposé est quatre fois supérieur à celui du catalogue d'interconnexion pour les opérateurs L. 34-1 ; Sonera France reconnaît que le trafic sortant peut être acheminé par un autre opérateur alternatif, ce qui ne l'empêche pas de demander une telle prestation à France Télécom.
Sur l'offre « Audiotel », Sonera France constate que cette offre comprend à la fois une prestation de collecte du trafic entrant et de facturation pour compte de tiers, ce qui lui paraît contraire à l'alinéa 3 de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui n'admet la prestation de services subordonnés que s'il est possible d'obtenir, par ailleurs, ces services de façon distincte. Sonera France demande à l'Autorité de se faire préciser ce point par France Télécom et, le cas échéant, de se faire communiquer les conditions tarifaires de chacune de ses prestations.
Par ailleurs, Sonera France constate que les contrats « Audiotel » dont elle dispose ne concernent que des services accessibles par des numéros à dix chiffres. France Télécom affirme qu'il serait possible d'adapter l'offre « Audiotel » aux numéros courts de la forme 3 B PQ mais n'a pas fait de proposition concrète en ce sens.
En outre, Sonera France ne conteste la notion de palier tarifaire qu'en tant que ces paliers sont imposés par France Télécom. Sonera France estime que France Télécom a, dès lors, la faculté de déterminer les prix au public des services fournis par ses concurrentes directes, ce qui lui paraît être contraire aux dispositions des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relatifs aux pratiques prohibées d'entente et d'abus de position dominante.
Enfin, France télécom tente de justifier l'absence de proposition de facturation pour compte de tiers quant au doute du statut de Sonera France d'opérateur autorisé. Or, France Télécom n'a jamais fait de proposition de facturation pour compte de tiers à Sonera France, même après que cette dernière ait précisé que cette demande était à prendre en considération « même dans l'hypothèse où Sonera France ne serait pas opérateur L. 33-1 ou L. 34-1 ». Cette absence de proposition n'a jamais été justifiée.
Vu les secondes observations en défense de la société France Télécom enregistrées le 19 septembre 2000 ;
France Télécom conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment. En outre, sur la rentabilité du projet de service de renseignements de Sonera France, France Télécom précise que ses écritures visaient à démontrer que les conditions tarifaires de l'accès à son réseau n'étaient pas une condition déterminante de la rentabilité de son service, du fait de la faiblesse de ce poste de coût. Cela lui permettrait d'améliorer sa rentabilité, non de la protéger contre une exploitation déficitaire.
France Télécom rejette l'analyse de Sonera France quant à l'interprétation du principe de non-discrimination et demande à l'Autorité de ne pas mettre en oeuvre les mesures d'instruction demandées par Sonera France, à savoir la transmission des conditions tarifaires appliquées et réservées aux opérateurs L. 34-1.
France Télécom constate que Sonera France, dans son mémoire du 6 septembre 2000, se borne à maintenir ses demandes de bénéficier des tarifs réservés aux opérateurs L. 34-1 sans fournir d'explication sur le caractère justifié de cette demande.
Vu les observations en duplique de la société Sonera France enregistrées le 27 septembre 2000 ;
Sonera France conclut aux mêmes fins que sa saisine et ses précédents mémoires par les mêmes moyens que précédemment. Sonera France précise que sa demande de règlement de différend n'est pas seulement liée à un problème de viabilité économique, mais également au refus de France Télécom de fournir une prestation de facturation pour compte de tiers. Sonera France ne conteste pas le fait que l'Autorité n'est pas compétente pour sanctionner les atteintes au droit de la concurrence ; toutefois, elle doit tenir compte des règles de concurrence dans ses décisions.
Sur l'appréciation du caractère non discriminatoire des offres de France Télécom, Sonera France estime que France Télécom est tenue au respect du principe de non-discrimination tant à l'égard des opérateurs L. 33-1 et L. 34-1, qu'à l'égard des autres opérateurs et que cette obligation résulte du code des postes et télécommunications et de la position dominante de France Télécom sur le marché de l'accès et des renseignements.
Vu les autres échanges entre les parties
Après avoir entendu, le 20 octobre 2000, lors de l'audience devant le collège :
- le rapport de Mme Françoise Laforge, rapporteur adjoint, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Me Frédérique Dupuis-Toubol, avocate, et de M. Joël Jaakola, pour la société Sonera France ;
- les observations de M. Marc Fossier, pour la société France Télécom.
En présence de :
MM. Pierre-Alain Jeanneney, directeur général, François Lions, Ivan Luben et Aymeril Hoang, agents de l'Autorité ;
M. Alpo Akujarvi, assisté de Me Sally Trebble, avocate, pour la société Sonera France ;
Mme Laurence Coste, et de MM. Jean-Daniel Lallemand, Yann Serquin et Philippe Tatoud, pour la société France Télécom,
(...)
Le collège en ayant délibéré le 15 novembre 2000, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité,
Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :
Sur la recevabilité de la saisine de Sonera France :
Aux termes de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. (...) ».
Il ressort des pièces du dossier que des négociations commerciales entre les deux parties ont commencé par une lettre en date du 6 mai 1999 de Sonera France et se sont poursuivies par plusieurs échanges de courriers ainsi que lors de réunions. Sonera France a adressé une nouvelle fois, par lettre en date du 9 juin 2000, à France Télécom une demande d'accès au réseau de France Télécom pour la collecte du trafic vers le numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France, ainsi qu'une demande de prestation de facturation/recouvrement pour compte de tiers. Il ressort des termes de la lettre de France Télécom en date du 10 juillet 2000 que cette dernière n'a pas fait droit à la demande d'accès susmentionnée de Sonera France et qu'ainsi cette lettre, qui mettait un terme aux échanges entre les parties, doit être regardée comme un échec des négociations commerciales relatives à une convention d'accès au sens des dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications.
La circonstance que Sonera France ait demandé à France Télécom une offre d'accès dans les mêmes conditions tarifaires que celles offertes par France Télécom aux fournisseurs de service téléphonique au public autorisés en application de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications et qu'elle ait refusé d'examiner les propositions formulées par France Télécom lors des négociations est sans incidence sur la recevabilité de la saisine de Sonera France.
Il résulte de ce qui précède que la demande de règlement de différend susvisée, présentée par Sonera France, est recevable.
Sur la demande d'accès spécial avec facturation/recouvrement pour compte de tiers pour la collecte de trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France et de terminaison de trafic de son serveur vers les abonnés appelés :
Aux termes du 6o de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications : « On entend par services de télécommunications toutes prestations incluant la transmission ou l'acheminement de signaux ou une combinaison de ces fonctions par des procédés de télécommunications. Ne sont pas visés les services de communication audiovisuelle en tant qu'ils sont régis par la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée » ; aux termes de l'article L. 34-2 du même code : « La fourniture au public des services de télécommunications autres que le service téléphonique est libre sous réserve du respect des exigences essentielles et des prescriptions relatives à la défense et à la sécurité publique (...) ».
Il ressort des pièces du dossier que le service que Sonera France a l'intention de fournir consiste à offrir « toutes prestations incluant la transmission ou l'acheminement de signaux ou une combinaison de ces fonctions par des procédés de télécommunications » ; une telle activité relève des services de télécommunications tels que définis au 6o de l'article L. 32 précité. Sonera France doit donc être regardée comme un fournisseur de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public, au sens de l'article L. 34-2 précité.
Aux termes de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications : « (...) II. - Les exploitants de réseaux ouverts au public figurant sur la liste établie en application du 7o de l'article L. 36-7 (...) doivent, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, assurer un accès à leur réseau aux utilisateurs et fournisseurs de services de télécommunications autres que le service téléphonique au public (...). Ils doivent également répondre aux demandes justifiées d'accès spécial correspondant à des conditions techniques ou tarifaires non publiées émanant de ces fournisseurs de service ou des utilisateurs ».
Il résulte des dispositions de l'article L. 34-8 précité que France Télécom, en tant qu'opérateur figurant sur la liste établie en application du 7o de l'article L. 36-7 du code des postes et télécommunications, est tenue de faire droit dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, à la demande d'accès spécial de Sonera France pour la fourniture d'un service de renseignements téléphoniques et d'aboutement d'appels, si celle-ci est justifiée au regard de ses besoins et de la capacité de France Télécom à la satisfaire, en l'absence d'une prestation d'accès publiée par France Télécom aux conditions techniques et tarifaires répondant à ces besoins. Il appartient à l'Autorité, saisie d'une demande de règlement de différend sur le fondement des dispositions de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, de préciser, le cas échéant, les conditions équitables, d'ordre technique et financier, des demandes d'accès spécial.
Sur le caractère justifié des conditions techniques et tarifaires de la demande de collecte de trafic des clients appelant vers son serveur et de terminaison de trafic de son serveur vers les abonnés appelés :
La circonstance, en premier lieu, que France Télécom ait proposé, en réponse à la demande de Sonera France, une offre qui correspondait, selon elle, aux besoins de Sonera France, ce que Sonera France a contesté en refusant d'examiner cette proposition, ne saurait faire regarder cette demande d'accès spécial de Sonera France comme injustifiée au sens des dispositions précitées de l'article L. 34-8.
En deuxième lieu, France Télécom a proposé, pour la collecte de trafic, un aménagement de l'offre « Audiotel » consistant, ainsi qu'elle le précise dans son mémoire du 25 août 2000, à « permettre l'accès à des numéros attribués aux fournisseurs de services », notamment « pour l'accès à son numéro court 3 BPQ », alors que « l'accès "Audiotel" se fait en principe sur des numéros d'accès aux services à dix chiffres de type 08ABPQMCDU attribués à France Télécom ».
Si cette offre « Audiotel » aménagée comprend la collecte du trafic depuis un abonné au réseau de France Télécom jusqu'aux équipements du fournisseur de services, en l'espèce le centre d'appel de Sonera France, ainsi que la facturation et le recouvrement du service de Sonera France, il ressort des pièces du dossier que cette offre aurait imposé à cette dernière la structure tarifaire de son service du fait de l'existence de paliers tarifaires déterminés par France Télécom. La circonstance que des seuils maximum de prix aient été déterminés dans la décision no 98-1047 du 23 décembre 1998 de l'Autorité, qui avait pour seule fin de répondre à l'objectif de lisibilité par le consommateur des offres de service sur les aspects tarifaires en n'associant qu'un tarif maximum à chaque série de numéros, ne saurait conduire à imposer le choix de paliers fixés par France Télécom. De plus, la décision no 98-170 du 18 mars 1998 dispose que les tarifs des services accessibles par un numéro de la forme 32 PQ sont fixés librement par l'attributaire du numéro.
De surcroît, la structure des paliers « Audiotel » à la durée impose aux appels une durée maximale et ne permet donc pas de facturer et de recouvrer le prix de la communication établie par aboutement d'appels depuis le centre d'appel de Sonera France jusqu'au poste appelé. Il est également constant que la structure tarifaire retenue par France Télécom pour son service du « 12 » ne s'inscrit pas dans les grilles tarifaires « Audiotel » proposées.
Il résulte de ce qui précède, et en particulier de l'absence de facturation et de recouvrement pour l'aboutement d'appels, que l'offre « Audiotel » aménagée proposée par France Télécom, qui ne permet pas de fournir le service dans son ensemble prévu par Sonera France, ne saurait répondre aux besoins exprimés par la demande de Sonera France. Dès lors, France Télécom ne peut soutenir avoir fait droit, par cette offre « Audiotel », à la demande d'accès spécial susmentionnée de Sonera France.
En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le service envisagé par Sonera France nécessite une prestation de collecte du trafic en provenance des clients de France Télécom vers son serveur et une prestation de terminaison du trafic de son serveur vers le poste appelé dans le cas du service d'aboutement d'appels, prestations d'acheminement du trafic que Sonera France ne peut entièrement réaliser elle-même.
Il ressort également des pièces du dossier que France Télécom n'a pas explicitement fait de proposition de prestations de terminaison d'appel à Sonera France. Elle indique dans son mémoire du 25 août 2000 que « Sonera a la possibilité de s'adresser à un opérateur concurrent pour l'acheminement de son trafic sortant ». Dans sa réponse au questionnaire du rapporteur enregistrée le 13 octobre 2000, France Télécom indique avoir « développé une offre de vente en gros s'adressant aux prestataires de service de télécommunications (L. 34-2) et aux opérateurs de services détenteurs d'une licence L. 34-1 (...). Seul, le trafic interurbain (supérieur à 50 km) est couvert par cette offre de revente, excluant notamment les communications locales et les communications à destination des mobiles. Les tarifs s'échelonnent entre ... (1) et ... (1) centimes HT (...) ». Aucune négociation sur la base d'une telle offre n'a eu lieu et Sonera a indiqué dans ses observations, enregistrées le 24 octobre 2000, qu'elle « n'a pas reçu d'offre de France Télécom adaptée à des appels vers des mobiles ou locaux ». Enfin, dans son mémoire du 27 octobre 2000, « France Télécom précise que l'offre qu'elle propose à Sonera pour son trafic sortant dite "offre L. 34-2" inclut bien les appels locaux contrairement à l'interprétation faite par Sonera ».
Sonera France invoque le principe de non-discrimination et demande à France Télécom le bénéfice des tarifs orientés vers les coûts tels que France Télécom les propose aux opérateurs autorisés au titre de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications. Or, Sonera France, n'étant pas titulaire d'une autorisation relevant des articles L. 33-1 ou L. 34-1 du code des postes et télécommunications, ne peut prétendre bénéficier des tarifs d'interconnexion pour l'acheminement de son trafic. Au surplus, le catalogue d'interconnexion L. 34-1 de France Télécom ne prévoit pas des prestations de collecte ou de terminaison d'appel en double transit, qui serait nécessaire à Sonera France pour la mise en oeuvre de son service.
En dernier lieu, il est constant que les prestations de collecte et de terminaison de trafic téléphonique demandées par Sonera France sont justifiées au regard de la capacité technique de France Télécom à les satisfaire. En effet, cette dernière fournit inter alia, dans son catalogue d'interconnexion, une offre de collecte de trafic, à des tarifs orientés vers les coûts, pour l'acheminement du trafic vers des numéros non géographiques de la forme 3 BPQ aux opérateurs autorisés en application de l'article L. 33-1 ainsi que des prestations de terminaison d'appel en double transit, simple transit et intra-commutateur d'abonnés.
Il résulte de tout ce qui précède que France Télécom est tenue de répondre à la demande justifiée d'accès de Sonera France pour les prestations de collecte et de terminaison de son trafic.
Il ressort des pièces du dossier que France Télécom a, dans ses mémoires, fait référence à deux offres dites « L. 34-2 » pour la collecte et la terminaison de trafic en double transit. Ces offres n'apparaissent pas, en l'état et au vu des informations partielles dont l'Autorité dispose dans le cadre de la présente saisine, satisfaire la demande de Sonera France soit sur le plan technique, soit sur le plan tarifaire. Il est regrettable que des négociations n'aient pas eu lieu entre les parties pour préciser ou adapter ces offres.
Il ressort également des pièces du dossier que Sonera France n'a pas explicité les conditions techniques précises des offres d'acheminement du trafic qu'elle demandait à France Télécom et que la seule référence aux tarifs L. 34-1 demandés par Sonera France ne saurait définir avec précision les conditions techniques souhaitées.
En conséquence, il est équitable de renvoyer les parties à la négociation des deux offres de collecte et de terminaison d'appel. France Télécom doit proposer une offre de collecte et une offre de terminaison sur la base des deux offres existantes dites « L. 34-2 », adaptées aux besoins de Sonera France, en tenant également compte des baisses de tarifs d'interconnexion intervenues depuis leur commercialisation (l'offre de collecte produite dans ses écritures par France Télécom datant du 1er semestre 1999).
Par ailleurs, les opérateurs autorisés en application de l'article L. 33-1 peuvent proposer à d'autres opérateurs ou fournisseurs de services des prestations de collecte de trafic vers des numéros courts de la forme 3 BPQ, notamment en double transit. Ils sont également en mesure de fournir à leurs clients des prestations de terminaison de trafic, notamment en double transit. Ces deux prestations sont donc offertes par d'autres opérateurs concurrents de France Télécom ; elles contribuent à l'établissement d'un prix de marché.
Ainsi, il est équitable que Sonera puisse, dès à présent, recourir aux opérateurs tiers de son choix, interconnectés au réseau de France Télécom, pour assurer la collecte et la terminaison de son trafic.
Sur le caractère justifié des conditions techniques et tarifaires de la demande de facturation pour compte de tiers :
En premier lieu, il résulte des pièces du dossier que tant la modicité des montants à facturer, compte tenu du prix d'un service de renseignements téléphoniques et du caractère occasionnel de l'utilisation d'un tel service par les abonnés, qui ne justifie économiquement pas une relation commerciale directe entre le fournisseur de service et son client, notamment au regard du coût de l'émission d'une facture spécifique, que l'avantage concurrentiel tiré de l'inclusion d'un tel service par l'opérateur de boucle locale sur sa facture courante justifient la demande de facturation et de recouvrement pour compte de tiers de Sonera France au regard de ses besoins, ce qui n'est pas contesté par France Télécom. Il s'ensuit que la demande de facturation et de recouvrement pour compte de tiers de Sonera France est justifiée.
En second lieu, il est constant que cette prestation de facturation/recouvrement peut être fournie par France Télécom alors même que les prestations d'acheminement du trafic sont réalisées par d'autres opérateurs tiers, autorisés au titre de l'article L. 33-1, interconnectés à l'opérateur de boucle locale et agissant pour le compte de Sonera France. En effet, les catalogues d'interconnexion pour l'année 2000 et 2001 de France Télécom prévoient que des opérateurs autorisés au titre de l'article L. 33-1 peuvent collecter du trafic pour compte de tiers, à destination des numéros spéciaux de la forme 08 ABPQMCDU attribués à des fournisseurs de services au sens de l'article L. 34-2 qui sont leurs clients. France Télécom, comme elle l'indique dans ses réponses au questionnaire du rapporteur enregistrées le 13 octobre 2000, réalise déjà une prestation de facturation/recouvrement pour les numéros d'accès à Internet et les numéros à coûts partagés de ces opérateurs ou ceux de leurs clients. En l'espèce, cette prestation peut être réalisée à l'identique par France Télécom pour le trafic vers le numéro court 3211 de Sonera France, que celui-ci demande à France Télécom ou à un opérateur tiers, interconnecté à cette dernière, de réaliser pour son compte la prestation de collecte et/ou de terminaison de trafic.
France Télécom et Sonera France ont communiqué les tarifs des prestations de facturation/recouvrement pour compte de tiers réalisées par France Télécom en France, ainsi que ceux dont ils ont connaissance à l'étranger. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des réponses des parties au questionnaire du rapporteur, que le principe d'une rémunération exclusive R de cette prestation sur la base d'un pourcentage P, de peines et soins, appliqué au montant Pp du prix public du service, fixé librement par Sonera France et perçu du client final, diminué de la rémunération du transport de la communication Pa, versée à l'opérateur de boucle locale pour la collecte du trafic, est une pratique généralement admise, que France Télécom met déjà en oeuvre.
R = P* (Pp-Pa)
Il ressort des éléments de comparaison fournis par les parties, où P varie entre 2 % pour l'offre de facturation/recouvrement de France Télécom pour des services facturés au tarif local de France Télécom et 9 % pour les offres « Audiotel », en l'absence de réponse de France Télécom au questionnaire du rapporteur sur la valorisation de cette prestation dans le cadre de son service « 12 », et au vu de la demande d'un pourcentage de 4,5 % formulée par Sonera France, qu'il est équitable de fixer la valeur de P à 7 %.
Il résulte de tout ce qui précède que la demande d'accès spécial avec facturation/recouvrement pour compte de tiers pour la collecte du trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France, à l'exception des conditions tarifaires, est justifiée au sens de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications. France Télécom doit ainsi faire droit à la demande d'accès de Sonera France pour la collecte du trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France et pour la terminaison du trafic de Sonera France en concluant, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, une convention d'accès portant sur les offres de collecte et de terminaison de trafic, établies sur la base des offres dites « L. 34-2 » mentionnées par France Télécom et adaptées à la demande de Sonera France. France Télécom doit également faire droit à la demande de Sonera France de prestation de facturation et de recouvrement pour compte de tiers pour la collecte du trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France, pour son service de renseignements et d'aboutement d'appels, quel que soit l'opérateur qui assure la prestation de collecte et de terminaison du trafic, en concluant une convention dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision dont les conditions financières prévoient une rémunération exclusive fixée à 7 % du montant perçu du client final diminué de la rémunération d'accès versée à France Télécom pour le transport de la communication sur son réseau,
Décide :
Art. 1er. - France Télécom doit faire droit à la demande d'accès de Sonera France pour la collecte du trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ attribué à Sonera France et pour la terminaison du trafic de Sonera France, en concluant une convention d'accès dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, portant sur les offres de collecte et de terminaison de trafic, établies sur la base des offres dites « L. 34-2 » mentionnées par France Télécom et adaptées à la demande de Sonera France.
Art. 2. - France Télécom doit faire droit à la demande de Sonera France de prestation de facturation et de recouvrement pour compte de tiers pour la collecte du trafic à destination du numéro de la forme 3 BPQ de Sonera France, pour son service de renseignements et d'aboutement d'appels, quel que soit l'opérateur qui assure les prestations de collecte et de terminaison du trafic, en concluant une convention dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision dont les conditions financières prévoient une rémunération exclusive fixée à 7 % du montant perçu du client final diminué de la rémunération d'accès versée à France Télécom pour le transport de la communication sur son réseau.
Art. 3. - Le surplus des conclusions présentées par Sonera France et par France Télécom est rejeté.
Art. 4. - Le chef du service juridique ou son adjoint est chargé de notifier aux sociétés Sonera France et France Télécom la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi.
Fait à Paris, le 15 novembre 2000.