J.O. Numéro 286 du 10 Décembre 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 19612

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Décision no 2000-1092 du 13 octobre 2000 se prononçant sur un différend entre MFS Communications et France Télécom Mobiles relatif à l'interconnexion pour l'acheminement du trafic à destination du réseau radioélectrique de France Télécom Mobiles


NOR : ARTT0000576S


L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu le code des postes et télécommunications, notamment ses articles L. 34-8, L. 36-8, R. 11-1, D. 97-4 et D. 97-8 ;
Vu la décision no 99-528 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juin 1999 portant règlement intérieur ;
Vu l'arrêté du 12 décembre 1996 portant autorisation d'établissement d'un réseau ouvert au public en vue de l'exploitation de services de télécommunications : ALT 4, modifié par l'arrêté du 16 avril 1998 autorisant la société MFS Communications SA à établir et exploiter un réseau de télécommunications ouvert au public et à fournir le service téléphonique au public et par l'arrêté du 16 décembre 1998 ;
Vu l'arrêté du 17 août 2000 autorisant la société France Télécom Mobiles SA à établir un réseau radioélectrique ouvert au public en vue de l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F1 fonctionnant dans les bandes des 900 MHz et des 1 800 MHz et l'arrêté du 17 août 2000 abrogeant l'arrêté du 25 mars 1991 modifié portant autorisation d'extension, dans la bande des 900 MHz, d'un réseau de radiotéléphonie publique pour l'exploitation d'un service numérique paneuropéen GSM F1 ;
Vu le Bulletin des annonces légales obligatoires en date du 19 juillet 2000 mentionnant le contrat en date du 30 juin 2000 d'apport partiel d'actif par la société France Télécom à la société France Télécom Mobiles (anciennement dénommée Rapp 15) de la branche complète et autonome d'activité Télécommunications mobiles de la société France Télécom ;
Vu la décision no 99-823 de l'Autorité de régulation des télécommunications en date du 30 septembre 1999 complétant la décision no 99-767 en date du 15 septembre 1999 établissant pour 2000 la liste des opérateurs exerçant une influence significative sur un marché des télécommunications ;
Vu la demande de règlement d'un différend enregistrée le 1er août 2000, présentée par la société MFS Communications, RCS Paris no 398 517 169, dont le siège social est situé 12, rue Balzac, 75008 Paris, représentée par M. Richard Feasey, vice-président, assisté par Me Winston Maxwell, avocat ;
La demande de règlement de différend porte sur le niveau des tarifs proposés par France Télécom division mobiles à MFS Communications pour la terminaison sur son réseau des appels provenant du réseau de MFS Communications ;
MFS Communications indique que les conditions techniques et tarifaires applicables aujourd'hui aux appels d'abonnés de MFS Communications vers des abonnés de France Télécom Mobiles sont régies par un avenant du 14 octobre 1999 à la convention d'interconnexion conclue entre MFS Communications et France Télécom en juin 1997, et portant sur la prestation de transit. France Télécom prend en charge l'acheminement de l'appel sur son réseau fixe à partir d'un point d'interconnexion avec le réseau de MFS Communications. France Télécom facture à MFS Communications le transit sur son réseau fixe ainsi que la terminaison sur le réseau de l'opérateur tiers sur lequel se termine l'appel, en l'espèce France Télécom Mobiles. MFS Communications souligne que le tarif moyen par minute pour la terminaison d'appel sur le réseau France Télécom Mobiles, calculé dans le cadre de cette convention et hors prestation de transit, est de 1,88 F par minute ;
A partir de février 1999, MFS Communications et la division mobiles de France Télécom ont engagé des négociations sur une interconnexion directe entre le réseau mobile de France Télécom et le réseau de MFS Communications afin de supprimer la prestation de transit sur le réseau fixe de France Télécom. MFS Communications estime que les négociations relatives aux conditions tarifaires de cette interconnexion ont échoué. MFS Communications demande donc à l'Autorité de constater l'échec des négociations entre MFS Communications et France Télécom division mobiles relatives à la détermination des tarifs d'interconnexion pour les appels provenant du réseau de MFS Communications et se terminant sur le réseau mobile de France Télécom division mobiles ;
MFS Communications fait valoir que la décision de l'Autorité no 99-823 a imposé à France Télécom Mobiles d'orienter ses tarifs vers les coûts à compter du 1er janvier 2000. MFS Communications estime que les tarifs d'interconnexion appliqués par France Télécom Mobiles sont à un niveau élevé, sans que soit apportée aucune preuve du respect par France Télécom Mobiles de son obligation d'orienter ses tarifs d'interconnexion vers les coûts. MFS Communications demande donc à l'Autorité de fixer le prix de terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom Mobiles entre 0,127 Euro par minute et 0,169 Euro par minute en s'appuyant sur les résultats d'un modèle bottom up de la société Analysys et sur une comparaison avec les tarifs d'interconnexion de l'opérateur mobile allemand D1 ;
MFS Communications demande l'application de ces tarifs rétroactivement au 1er janvier 2000 ainsi que la répétition de l'indu sur les montants versés à France Télécom Mobiles au titre de l'interconnexion depuis cette date. MFS Communications demande enfin à l'Autorité d'éliminer la pratique de la première minute indivisible qui est proposée par France Télécom division mobiles dans ses conditions tarifaires. MFS Communications considère que cette pratique ne repose sur aucune justification économique ;
Vu la lettre du chef du service juridique de l'Autorité en date du 9 août 2000 communiquant aux parties le calendrier prévisionnel de dépôt des mémoires ;
Vu les observations en défense enregistrées le 4 septembre 2000 présentées par la société France Télécom Mobiles, RCS Paris no 428 706 097, dont le siège social est situé 41-45, boulevard Romain-Rolland, 92120 Montrouge, représentée par M. Jean-François Pontal, président ;
Dans ses observations, la société France Télécom Mobiles SA précise qu'elle se substitue à France Télécom en défense dans le cadre de la procédure, compte tenu de la filialisation de la division mobiles de France Télécom le 22 août 2000 ;
Selon France Télécom Mobiles, les demandes de MFS Communications sont irrecevables à un triple titre. En premier lieu, France Télécom Mobiles estime qu'elle ne pouvait proposer à MFS Communications des tarifs plus avantageux que ceux proposés en mars 2000 sans violer le principe de non-discrimination à l'égard des autres opérateurs fixes auxquels ces tarifs sont appliqués. En second lieu, il n'y a pas échec des négociations commerciales car ce dernier porte sur les seules conditions tarifaires et MFS Communications admet que les négociations sur les conditions techniques de l'interconnexion sont en cours. En troisième lieu, la question du tarif de terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom Mobiles fait l'objet de travaux menés par l'Autorité pour définir la pertinence des coûts pour déterminer ces tarifs, à la suite de la décision no 99-823 de l'Autorité, et ne peut donc être traitée de manière exclusivement bilatérale ;
A titre subsidiaire, France Télécom Mobiles estime que l'ensemble des demandes de MFS Communications doit être rejeté. Sur l'obligation d'orientation vers les coûts, France Télécom Mobiles note qu'il n'est pas indiqué dans la décision no 99-823 que cette obligation s'applique dès le 1er janvier 2000, comme le prétend MFS Communications. France Télécom Mobiles fait valoir que l'Autorité envisageait au contraire de mettre en place un processus progressif et par étapes au cours de l'année 2000, prenant notamment en compte les déséquilibres et les spécificités du marché de la téléphonie mobile. D'ailleurs France Télécom Mobiles note que le groupe MCI Worldcom Inc. a lui-même reconnu, dans sa plainte, en novembre 1999 à la Commission européenne, que l'obligation d'orientation vers les coûts n'était pas immédiate pour les opérateurs mobiles puissants français. En outre, France Télécom Mobiles indique s'être conformée au plan de travail mis en place par l'Autorité par sa participation aux groupes de travail et la communication d'informations sur ces coûts. Elle considère donc qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir manqué à ses obligations réglementaires ;
Sur les références utilisées par MFS Communications pour déterminer les valeurs limites de sa fourchette de tarifs, France Télécom Mobiles estime que les comparaisons internationales utilisées pour déterminer le niveau de 0,127 Euro par minute ne sauraient, malgré leur intérêt, constituer une base solide pour fixer les tarifs, étant donné les limites de la méthode de benchmark, et notamment la difficulté à prendre en compte les spécificités nationales. Quant au modèle bottom-up, France Télécom Mobiles estime que cette méthode est très sensible aux données d'entrée et que le consensus scientifique n'existe pas aujourd'hui autour de cette méthode ;
Sur la rétroactivité, France Télécom Mobiles estime qu'il ne peut y avoir répétition de l'indu en l'absence de paiement direct de MFS Communications à France Télécom Mobiles et note qu'aucun lien contractuel n'existe entre les deux opérateurs. D'autre part, France Télécom Mobiles souligne que les comptabilités de France Télécom et France Télécom Mobiles font l'objet d'une séparation rigoureuse et que France Télécom Mobiles ne saurait rembourser des sommes perçues par France Télécom dans le cadre de sa convention de transit, à laquelle France Télécom Mobiles n'est pas partie ;
Sur la première minute indivisible, France Télécom Mobiles souligne qu'il ne s'agit que d'une disposition tarifaire et que l'opérateur est avant tout sensible au fait que l'orientation vers les coûts soit respectée de façon globale, c'est-à-dire que les revenus annuels de ses activités couvrent ses coûts augmentés d'une marge raisonnable ;
Vu les observations en réplique de la société MFS Communications enregistrées le 18 septembre 2000 ;
Dans ses observations en réplique, MFS Communications conclut aux mêmes fins que sa saisine par les mêmes moyens que précédemment. MFS Communications demande le maintien de France Télécom SA dans la procédure, le caractère rétroactif de sa demande principale rendant nécessaire le maintien malgré la filialisation de l'activité mobile de France Télécom. En effet, les paiements faits à France Télécom ont bénéficié en pratique à France Télécom Mobiles avant sa filialisation ; ...
Vu la lettre du chef du service juridique en date du 19 septembre 2000 adressant un questionnaire aux parties et fixant au 29 septembre 2000 la date de clôture de remise des réponses ;
Vu les secondes observations en défense de France Télécom Mobiles enregistrées le 29 septembre 2000 ;
Dans ses nouvelles observations, France Télécom Mobiles conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens que précédemment et précise, sur la demande du maintien de France Télécom SA dans le présent litige, que ce dernier porte uniquement sur les conditions d'interconnexion entre les réseaux de France Télécom Mobiles et de MFS Communications. Les prétentions de MFS Communications ne sauraient porter sur la convention de transit qui continue à produire ses effets ;
Sur la recevabilité de la demande de règlement de différend, France Télécom Mobiles estime en outre discriminatoire à son égard la différence de traitement constatée entre SFR et elle ; elle considère dès lors qu'il n'y a pas échec des négociations commerciales entre MFS Communications et France Télécom Mobiles. De plus, France Télécom Mobiles estime que ses tarifs d'interconnexion ne sauraient faire l'objet d'une négociation au cas par cas avec chacun des opérateurs compte tenu de leur caractère substantiel dans l'offre d'interconnexion de France Télécom Mobiles. France Télécom Mobiles conclut en estimant que la demande de négociation du tarif de terminaison d'appel formulée par MFS Communications ne constitue pas une demande raisonnable au sens des textes communautaires et nationaux en vigueur. Enfin, France Télécom Mobiles soutient qu'une violation alléguée d'une obligation réglementaire ne relève pas de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications. France Télécom Mobiles soutient que, dès lors qu'elle se conforme à la décision no 99-823 en date du 30 septembre 1999 de l'Autorité, elle ne peut faire droit à la demande formulée par MFS Communications de modification du tarif de terminaison d'appel sur son réseau radioélectrique ;
Sur les spécificités de l'économie de la téléphonie mobile, France Télécom Mobiles rappelle l'existence de trois déséquilibres importants et insiste sur les effets néfastes probables d'une diminution mécanique des terminaisons d'appel sur le marché et la concurrence ;
France Télécom Mobiles estime n'avoir violé aucune de ses obligations réglementaires ni causé un préjudice à MFS Communications ou aux consommateurs, étant donné qu'elle s'est conformée au plan de travail de l'Autorité et qu'elle poursuit son effort de baisse au-delà de ses obligations : France Télécom Mobiles a été en effet le premier opérateur mobile à avoir effectué une baisse de ses tarifs au 1er juillet 1999 et s'engage à effectuer une baisse significative au 1er janvier 2001. Sur la violation des intérêts du consommateur, France Télécom Mobiles estime que MFS Communications ne peut invoquer un préjudice global dû aux tarifs « fixe vers mobile » sans prendre en compte le fait que les tarifs pratiqués par France Télécom Mobiles pour les appels sortants sont bas, ce qui a été bénéfique à la fois aux consommateurs et au développement du marché ;
Sur les références mises en avant par MFS Communications en ce qui concerne les benchmarks, France Télécom Mobiles considère que les degrés différents de taux d'urbanisation, de densité de population, de relief et de politique de couverture devraient être pris en compte pour la comparaison. France Télécom Mobiles souligne d'autre part que les résultats du modèle bottom-up révèlent certaines inconsistances ;
Vu les réponses au questionnaire de France Télécom Mobiles enregistrées le 29 septembre 2000 ;
Dans ses réponses au questionnaire, France Télécom Mobiles a communiqué deux documents et a précisé que l'un de ces documents ne devait pas être transmis à MFS Communications pour des motifs de protection du secret des affaires. Ce document a donc été renvoyé à France Télécom Mobiles et ne figure pas dans le dossier d'instruction. Le deuxième document donne des informations sur la structure tarifaire ainsi que des benchmarks. Par contre, France Télécom Mobiles n'a pas fourni ses coûts comptables ;
Vu les réponses au questionnaire de MFS Communications enregistrées le 29 septembre 2000 ;
Dans ses réponses au questionnaire, MFS Communications précise, à la demande de l'Autorité, les conditions tarifaires concernées par ses demandes. Sur la signification des valeurs de 0,127 Euro par minute et 0,169 Euro par minute, MFS Communications précise que ce sont des tarifs moyens à la minute hors BPN applicables à la terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom Mobiles. D'ailleurs, MFS Communications précise qu'il souhaite corriger la valeur de 0,127 Euro par minute et demande à l'Autorité de remplacer cette valeur par 0,124 Euro par minute : MFS Communications justifie cette correction par le fait que le modèle bottom-up intègre les tarifs du BPN dans la valeur de 0,127 Euro par minute, alors que ceux-ci sont exclus de la fourchette définie par MFS Communications. Sur le périmètre d'application de ces tarifs, et notamment sur le fait qu'ils s'appliquent également au trafic provenant d'un réseau international, MFS Communications note que France Télécom Mobiles lui a proposé des tarifs semblables pour le trafic venant de réseaux internationaux et de réseaux nationaux alors que France Télécom Mobiles propose à d'autres opérateurs des tarifs différents suivant la provenance du trafic. MFS Communications conteste cette pratique car il la juge discriminatoire. Enfin, sur la structure tarifaire, MFS Communications se prononce contre la première minute indivisible et ne s'oppose pas à une charge à l'appel et à l'existence de plages horaires, si elles sont justifiées ;
MFS Communications demande à l'Autorité que le prix du BPN proposé par France Télécom Mobiles à 48 000 F par an soit fixé à 40 800 F par an, tarif pratiqué par France Télécom. MFS Communications considère que les tarifs de BPN ne sauraient être différents entre le réseau mobile de France Télécom Mobiles et le réseau fixe de France Télécom, étant donné que la technologie mise en jeu est semblable ;
Vu la lettre de MFS Communications enregistrée le 6 octobre 2000 renonçant à produire de nouvelles observations ; ...
Après avoir entendu, le 13 octobre 2000, lors de l'audience devant le collège :
- le rapport de M. Matthias Collot, rapporteur, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. Tom Marten, pour MFS Communications ;
- les observations de M. Didier Quillot assisté de M. Jean-François Devémy pour France Télécom Mobiles ;
En présence de MM. Pierre-Alain Jeanneney, directeur général, Philippe Distler, François Lions, Ivan Luben et Aymeril Hoang pour l'Autorité ;
De MM. Olivier Ducroquet et Laurent Papiernik, assistés par Mes Winston Maxwell et Frédéric Vernet, avocats, pour MFS Communications ;
De Mmes Elisabeth Cotte et Natacha Hilaire, et de MM. Alain Vallée et Philippe Bonpunt pour France Télécom Mobiles ;
Le collège en ayant délibéré le 13 octobre 2000, hors la présence du rapporteur, du rapporteur adjoint et des agents de l'Autorité ;
Adopte la présente délibération fondée sur les faits et les moyens exposés ci-après :
Sur l'irrecevabilité de la demande présentée par MFS Communications tendant à ce que l'Autorité dise qu'il est équitable, dans le cadre de la convention conclue le 23 juin 1997 avec France Télécom, de fixer, pour l'interconnexion entre leurs réseaux fixes, le tarif de la terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de la division mobiles de France Télécom à un montant compris entre 0,124 Euro et 0,169 Euro par minute divisible par seconde dès la première minute, avec effet rétroactif au 1er janvier 2000 :
Aux termes du I de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications : « En cas de refus d'interconnexion, d'échec des négociations commerciales ou de désaccord sur la conclusion ou l'exécution d'une convention d'interconnexion ou d'accès à un réseau de télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications peut être saisie du différend par l'une ou l'autre des parties. L'Autorité se prononce, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, après avoir mis les parties à même de présenter leurs observations. Sa décision est motivée et précise les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès spécial doivent être assurés. (...) ;
Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la demande susvisée de la société MFS Communications un refus ait été opposé par la division mobiles de la société France Télécom à cette demande, qui relève des conditions financières de la convention d'interconnexion conclue entre les sociétés MFS Communications et France Télécom, ni même qu'une négociation ait été engagée par les deux parties sur ces conditions financières ;
En effet, il ressort des termes de la correspondance des parties ainsi que des comptes rendus des rencontres entre les parties lors de leurs négociations que MFS Communications n'a entendu négocier avec la division mobiles de France Télécom que les seules conditions techniques et financières d'une interconnexion physique entre le réseau radioélectrique de France Télécom et le réseau de MFS Communications, qui n'avaient pas encore fait l'objet d'une convention entre les parties. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'objet de la négociation portait également sur le tarif de terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de France Télécom prévu, dans le cadre de leur interconnexion entre leurs réseaux fixes, par la convention en vigueur conclue entre cette dernière et MFS Communications ;
Il suit de là que la demande susvisée de la société MFS Communications, qui méconnaît les dispositions susrappelées de l'article L. 36-8, est irrecevable ;
Sur la demande présentée par MFS Communications tendant à ce que l'Autorité attraie France Télécom au règlement de différend :
Il résulte de ce qui précède que la demande en intervention forcée de France Télécom, formée par MFS Communications, doit être rejetée par voie de conséquence, France Télécom n'étant partie au présent différend que pour ce qui concerne la demande portant sur la convention en vigueur conclue entre France Télécom et MFS Communications pour l'interconnexion entre leurs réseaux fixes, laquelle demande est, comme il a été dit, irrecevable ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par MFS Communications tendant à ce que l'Autorité dise qu'il est équitable de fixer le tarif de la terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de France Télécom Mobiles dans le cadre d'une interconnexion physique entre ce réseau mobile et celui de MFS Communications, à un montant compris entre 0,124 Euro et 0,169 Euro par minute divisible par seconde dès la première minute :
En premier lieu, il ressort des pièces versées au dossier que, par un courrier en date du 9 juin 2000, MFS Communications demande à France Télécom division mobiles une modification à la baisse du tarif de la terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de France Télécom division mobiles pour les appels en provenance du réseau de MFS Communications dans le cadre des négociations pour l'interconnexion de leurs réseaux respectifs. Par un courrier en date du 28 juin 2000, France Télécom division mobiles a opposé à MFS Communications son refus de donner suite à la demande précitée, ce qu'au demeurant France Télécom Mobiles ne conteste pas. France Télécom Mobiles ne saurait utilement soutenir, à l'appui de sa fin de non-recevoir, que les négociations seraient toujours en cours sur les conditions techniques de l'interconnexion des réseaux respectifs des parties dès lors que la demande de règlement de différend porte sur le seul tarif de terminaison d'appel, ni qu'il y aurait également un échec des négociations commerciales entre MFS Communications et un opérateur mobile qui ne serait pas partie au litige ;
En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que France Télécom Mobiles aurait signé des conventions d'interconnexion avec d'autres opérateurs de réseaux fixes qui comporteraient le même tarif de terminaison d'appel que celui figurant dans l'offre d'interconnexion adressée à MFS Communications est sans incidence sur la recevabilité de la saisine de MFS Communications. Il est, en effet, loisible à tout opérateur de saisir l'Autorité d'une demande de règlement de différend dans les conditions de recevabilité définies par les dispositions précitées de l'article L. 36-8, sans que puisse lui être utilement opposée une situation de fait existante, concernant de surcroît des opérateurs tiers à la saisine ;
Au surplus, le principe de non-discrimination, tel que rappelé par les dispositions de l'article L. 34-8 du code des postes et télécommunications, ne saurait s'entendre comme faisant obstacle à ce qu'un opérateur, dans le cadre de négociations bilatérales relatives à une prestation d'interconnexion, puisse offrir un tarif inférieur à celui prévu dans les conventions d'interconnexion en vigueur avec d'autres opérateurs, à charge pour lui de faire ensuite droit aux demandes d'autres opérateurs qui se trouveraient dans une situation identique et qui demanderaient le bénéfice du tarif ainsi déterminé ;
En troisième lieu, la circonstance que la demande de règlement de différend susvisée relative à la détermination du tarif de terminaison d'appel concernerait également d'autres opérateurs, et notamment l'autre opérateur mobile désigné comme étant puissant sur le marché de l'interconnexion, ne saurait faire obstacle à ce que MFS Communications, comme tout autre opérateur, puisse, dans les conditions définies par les dispositions précitées de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications, saisir l'Autorité d'une demande de règlement de différend. La libre faculté de saisine de l'Autorité d'une telle demande est indépendante des travaux qui pourraient être menés concomitamment sous l'égide de l'Autorité. Enfin, les décisions de règlement de différend n'ont d'effets qu'à l'égard des parties au litige et dans la limite de leurs conclusions, et n'ont ni pour objet ni pour effet d'édicter des normes ou des tarifs généraux qui s'appliqueraient à l'ensemble des opérateurs ;
De plus, France Télécom Mobiles ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de son exception d'irrecevabilité, de la décision no 99-823 en date du 30 septembre 1999, par laquelle l'Autorité a décidé que France Télécom, au titre de son autorisation GSM F1, devait orienter ses tarifs d'interconnexion vers les coûts, conformément aux dispositions de l'article 7.2 de la directive 97/33/CE du Parlement et du Conseil. En effet, aucune disposition législative ou réglementaire ne prohibe la saisine de l'Autorité d'une demande de règlement de différend sur le fondement de l'article L. 36-8 du code des postes et télécommunications concernant un opérateur devant orienter ses tarifs d'interconnexion vers les coûts ;
Au demeurant, l'inscription de France Télécom sur cette liste a pour conséquence, en application des dispositions de l'article 7.2 de la directive 97/33/CE du Parlement et du Conseil comme de l'article D. 99-17 du code des postes et télécommunications, que la charge de la preuve que les tarifs d'interconnexion sont déterminés en fonction des coûts réels incombe à l'opérateur qui fournit l'interconnexion. Il s'ensuit qu'il appartient à cet opérateur d'apporter la preuve que ses tarifs d'interconnexion reflètent effectivement les coûts, sans que cette obligation conditionne le choix de la procédure prévue par le code des postes et télécommunications ;
Il résulte de tout ce qui précède que la demande de règlement de différend tendant à ce que l'Autorité dise qu'il est équitable de fixer le tarif de la terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de France Télécom Mobiles dans le cadre d'une interconnexion physique entre ce réseau et celui de MFS Communications, à un montant compris entre 0,124 Euro et 0,169 Euro par minute divisible par seconde dès la première minute, présentée par la société MFS Communications, est recevable ;
Sur l'irrecevabilité de la demande présentée par MFS Communications tendant à ce que l'Autorité dise qu'il est équitable de fixer le tarif du BPN sur le réseau radioélectrique de France Télécom Mobiles à un montant égal à celui offert par France Télécom pour ses propres liaisons d'interconnexion :
Si les conclusions des parties peuvent être modifiées ou des demandes additionnelles peuvent être présentées au cours de la procédure, pour autant qu'elles respectent les conditions de recevabilité énoncées à l'article L. 36-8 précité du code des postes et télécommunications et qu'elles présentent, avec la demande initiale, un lien suffisant, il ne ressort cependant d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la demande susmentionnée de la société MFS Communications, un refus ait été opposé par la société France Télécom Mobiles à cette demande, qui relève des conditions financières de la mise en oeuvre de la prestation d'interconnexion, objet du différend, ni même qu'une négociation ait été engagée par les deux parties sur ces conditions financières. Il suit de là que la demande susvisée de la société MFS Communications, qui méconnaît les dispositions susmentionnées de l'article L. 36-8, est irrecevable ;
Sur la demande présentée par MFS Communications tendant à ce que l'Autorité dise qu'il est équitable de fixer le tarif de la terminaison d'appel sur le réseau radioélectrique de France Télécom Mobiles dans le cadre d'une interconnexion physique entre ce réseau et celui de MFS Communications, à un montant compris entre 0,124 Euro et 0,169 Euro par minute divisible par seconde dès la première minute :
Analyse de la pratique de la première minute indivisible :
L'Autorité note que la pratique de la première minute indivisible introduit un tarif fixe indépendant de la durée d'appel, qui vise à prendre en compte l'existence d'un coût lié à l'établissement d'appel et non à sa durée. Cependant, elle considère qu'une structure tarifaire basée sur une charge à l'appel et sur des tarifs facturés à la seconde serait plus conforme à l'économie d'un réseau de télécommunications : en effet une charge à l'appel rend mieux compte que la minute indivisible des coûts liés à l'établissement d'appel. Il est toutefois apparu dans le cadre du présent litige que les informations fournies par les parties ne permettent pas de fixer une nouvelle structure tarifaire avec une charge à l'appel. L'Autorité décide donc de ne pas changer la structure tarifaire et de ne pas demander la suppression de la première minute indivisible ;
Analyse du niveau des tarifs proposés par France Télécom Mobiles :
L'Autorité rappelle que, par la décision no 99-823 en date du 30 septembre 1999, France Télécom Mobiles a été déclaré opérateur puissant sur le marché national de l'interconnexion pour l'année 2000 et est donc soumis à une obligation d'orientation de ses tarifs d'interconnexion vers les coûts pour cette année. Compte tenu de cette obligation et du maintien de la structure tarifaire proposée par France Télécom Mobiles, l'Autorité a dès lors cherché à rapprocher le revenu moyen perçu par France Télécom Mobiles pour sa terminaison d'appel aux coûts réellement encourus ;
Revenu moyen perçu par France Télécom Mobiles :
En l'absence d'une information directe fournie par les parties, l'Autorité a évalué le revenu moyen par minute perçu par France Télécom Mobiles pour tous les appels se terminant sur son réseau et correspondant aux conditions tarifaires proposées aujourd'hui par France Télécom Mobiles, toutes plages horaires et tous types de trafic confondus (extra-ZA et intra-ZA). Cette évaluation s'est faite en appliquant les tarifs de France Télécom Mobiles à structure de consommation estimée.
Le point de départ de cette évaluation est la structure tarifaire telle que présentée dans la convention proposée par France Télécom Mobiles à MFS Communications :
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Vous pouvez consulter le tableau dans le JO n° 286 du 10/12/20 0 page 19612 à 19617
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Il ressort de cette structure que le revenu moyen dépend des paramètres suivants :
- la répartition du trafic selon le type d'appel (intra-ZA et extra-ZA) ;
- la répartition des appels selon les différentes plages horaires (heures creuses et heures pleines) ;
- la distribution des durées d'appel.


Répartition du trafic
selon le type d'appel (intra-ZA et extra-ZA)
France Télécom Mobiles ne fournit aucune information sur sa répartition et MFS Communications indique que les appels de ses abonnés se terminant sur le réseau de France Télécom Mobiles sont à 45 % des appels intra-ZA et à 55 % des appels extra-ZA. Les données de MFS Communications ont alors été retenues. Il est à noter au demeurant que l'écart entre les tarifs intra-ZA et extra-ZA est faible et donc que la répartition selon les types d'appel a un faible impact sur la détermination du revenu moyen.

Répartition des appels selon les différentes plages horaires
L'Autorité a utilisé les informations communiquées par France Télécom Mobiles qui précisent que la répartition des appels est de 65 % en heures pleines et de 35 % en heures creuses.

Distribution des durées d'appel
France Télécom Mobiles n'a fourni aucune indication dans sa réponse au questionnaire et l'Autorité ne dispose que du profil des durées d'appel des clients de MFS Communications. En utilisant ces données, l'Autorité obtient une durée moyenne d'appel de 100 secondes, valeur proche de la durée moyenne de 94 secondes mentionnée dans la proposition de convention de France Télécom Mobiles. L'Autorité a donc considéré que l'on pouvait utiliser le profil de durées d'appel des clients de MFS Communications pour mener les calculs et notamment le fait que 58 % des appels ont une durée inférieure à une minute et une durée moyenne de 23 secondes et que 42 % des appels ont une durée supérieure à une minute et une durée moyenne de 207 secondes.
L'ensemble de ces informations permet d'établir le tableau suivant :


Vous pouvez consulter le tableau dans le JO n° 286 du 10/12/20 0 page 19612 à 19617
ou en cliquant sur l'icône facsimilé


Le revenu moyen ainsi déterminé est de 1,77 F par minute : il correspond à une rémunération hors taxe à la minute hors BPN et prend en compte les plages horaires (heures creuses et heures pleines).
Coût moyen et revenu moyen équitable :
La détermination du coût moyen de terminaison d'appel sur le réseau de France Télécom Mobiles nécessite des données comptables, que l'Autorité a demandées à France Télécom Mobiles dans son questionnaire du 19 septembre 2000. France Télécom Mobiles n'a cependant pas fait suite à cette demande, ne souhaitant pas produire ces informations dans le cadre du débat contradictoire. Ne disposant pas d'éléments de coûts dans le présent différend, l'Autorité a donc examiné les autres méthodes et données, communiquées par les parties, afin de fixer au mieux le tarif de terminaison d'appel à un niveau équitable ;
L'Autorité s'est intéressée tout particulièrement aux deux méthodes utilisées par MFS Communications pour justifier sa fourchette de tarifs : le modèle bottom-up développé par la société Analysys et la méthode de benchmark ;
En ce qui concerne le modèle bottom-up, de tels modèles sont susceptibles de fournir des évaluations économiques pertinentes, mais ils sont généralement sensibles aux paramètres et aux hypothèses utilisés pour les alimenter. Leurs résultats sont donc le plus souvent confrontés à des informations issues de la comptabilité analytique des opérateurs, ce qui n'a pas été possible dans le cadre du présent différend. L'Autorité note d'ailleurs qu'Analysys souligne que son modèle est avant tout un modèle générique qui n'a pas été conçu pour un opérateur spécifique ;
En outre, dans le cadre de la présente procédure, MFS Communications n'a fourni ni la modélisation ni la documentation technique correspondante mais seulement une description succincte de la méthode et les résultats. L'Autorité n'a donc pas été en mesure d'utiliser ce modèle bottom-up ;
Concernant les références internationales, l'Autorité note que les parties ont fourni de nombreuses données qui permettent, certes d'avoir une première estimation des tarifs pratiqués dans les pays de l'Union européenne, mais qui sont difficiles à rapprocher directement des tarifs français ;
Il ressort de ces comparaisons internationales que les tarifs pratiqués dans les principaux pays européens sont inférieurs aux tarifs pratiqués en France ; mais ces écarts bruts constatés ne peuvent être utilisés sans retraitement. L'application mécanique de benchmarks pourrait en effet conduire à des tarifs inférieurs aux coûts d'un opérateur, étant donné que les spécificités nationales et les stratégies choisies par les opérateurs peuvent induire des structures de coûts différentes. A titre d'exemple, le coût d'un réseau dépend fortement du taux de couverture retenu ainsi que de la densité et de la répartition de la population sur un territoire donné. Des facteurs correctifs doivent donc être appliqués aux écarts bruts pour tenir compte de ces différences structurelles. L'effet de ces facteurs correctifs conduit à considérer que les tarifs pratiqués dans les pays européens étudiés, une fois corrigés de ces facteurs, sont inférieurs d'au moins 20 % à ceux de France Télécom Mobiles en France.
L'Autorité considère :
- que les comparaisons internationales montrent qu'une baisse des tarifs de France Télécom Mobiles est nécessaire ;
- que cette baisse doit néanmoins tenir compte de l'existence en France d'un déséquilibre entre le prix des appels sortants et des appels entrants : il apparaît en effet qu'en France, les communications entrantes sont certes plus chères que dans d'autres pays européens mais que les prix des communications sortantes sont parmi les plus bas, ce qui est un facteur du développement du marché de la téléphonie mobile ;
- et qu'afin de ne pas compromettre l'équilibre économique de l'activité mobile en France, il convient de donner un caractère progressif à l'orientation vers les coûts et à la baisse du prix des appels entrants.
En conséquence, l'Autorité estime équitable de demander à France Télécom Mobiles de réaliser une baisse de 20 % par rapport aux conditions tarifaires proposées à MFS Communications pour la terminaison sur son réseau d'appels nationaux intra-ZA et extra-ZA.
Concernant la prestation de terminaison internationale, l'Autorité note que France Télécom Mobiles a proposé dans sa convention de lui appliquer le tarif intra-ZA national et que ce point ne fait pas l'objet d'un désaccord entre les parties.
Conclusion :
L'Autorité demande donc à France Télécom Mobiles d'appliquer une baisse de 20 % du tarif moyen à la minute, à structure tarifaire inchangée. France Télécom Mobiles doit donc apporter les modifications suivantes à ses conditions tarifaires :

Vous pouvez consulter le tableau dans le JO n° 286 du 10/12/20 0 page 19612 à 19617
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Décide :

Art. 1er. - France Télécom Mobiles doit proposer, à compter du 1er novembre 2000, une baisse de 20 % des tarifs d'interconnexion portant sur la terminaison d'appels en provenance de MFS Communications et se terminant sur son réseau radioélectrique (le niveau de référence de la baisse étant déterminé par rapport aux conditions tarifaires proposées par France Télécom Mobiles à MFS Communications dans son offre de convention d'interconnexion). Cette baisse s'applique uniformément au prix de la première minute indivisible pour les appels nationaux intra-ZA et extra-ZA, en heures pleines et en heures creuses, ainsi qu'au prix des minutes suivantes facturées à la seconde, pour les appels nationaux intra-ZA et extra-ZA, en heures pleines comme en heures creuses.

Art. 2. - Le surplus des conclusions présentées par la société MFS Communications est rejeté.

Art. 3. - Le chef du service juridique est chargé de notifier aux sociétés MFS Communications et France Télécom Mobiles la présente décision, qui sera rendue publique sous réserve des secrets protégés par la loi et publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 13 octobre 2000.


Le président,
J.-M. Hubert