J.O. Numéro 284 du 8 Décembre 2000       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 19487

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Décret no 2000-1195 du 1er décembre 2000 portant publication de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie relatif à la coopération militaire et de défense, signé à Paris le 13 janvier 2000 (1)


NOR : MAEJ0030105D


Le Président de la République,
Sur le rapport du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères,
Vu les articles 52 à 55 de la Constitution ;
Vu le décret no 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949 ;
Vu le décret no 52-1178 du 11 octobre 1952 portant publication de la convention entre les Etats parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951 ;
Vu le décret no 53-192 du 14 mars 1953 modifié relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits par la France,
Décrète :

Art. 1er. - L'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie relatif à la coopération militaire et de défense, signé à Paris le 13 janvier 2000, sera publié au Journal officiel de la République française.

Art. 2. - Le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

A C C O R D - C A D R E
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DE TURQUIE RELATIF A LA COOPERATION MILITAIRE ET DE DEFENSE
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie, ci-après dénommés les « Parties »,
Considérant leur appartenance à l'Alliance atlantique par le Traité de l'Atlantique Nord signé à Washington le 4 avril 1949 ;
Considérant la Convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signé à Londres le 19 juin 1951, dite « SOFA Otan » ;
Considérant l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République turque relatif à la coopération dans le domaine des matériels de défense, signé à Paris, le 13 décembre 1991 ;
Considérant l'accord de sécurité du 18 septembre 1992, modifié le 14 juillet 1995, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie relatif à l'échange d'informations classifiées dans le domaine de l'armement ;
Considérant les obligations découlant des accords et des documents dans le cadre de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), l'Acte Final d'Helsinki, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, les Forces Conventionnelles en Europe (FCE) et les objectifs et principes des Nations unies ;
Prenant en compte la nécessité de prévenir par un effort mutuel particulier, les nouveaux risques touchant différents Etats et d'accueillir la nouvelle Architecture Européenne de Sécurité en train de se former ;
Considérant une nouvelle fois leur attachement au renforcement des droits de l'homme et de la démocratie dans le cadre international afin d'augmenter la stabilité et la sécurité en Europe par un renforcement des principes de l'OSCE ;
Etant convaincus du nécessaire renforcement de l'atmosphère de compréhension, de confiance mutuelle et de coopération dans les relations internationales et déclarant leur détermination à oeuvrer en ce sens ;
Confirmant que la coopération dans différents domaines militaires, basée sur les principes de souveraineté et d'égalité entre les Etats, contribue à la paix et à la sécurité dans le monde aussi bien qu'aux intérêts communs et à l'efficacité économique des deux Etats ;
Mettant l'accent sur le développement des relations amicales entre les deux Etats conformément aux accords internationaux ;
Souhaitant réaliser cette coopération en considérant le bénéfice commun et les exigences des deux Etats sur une base de réciprocité ;
Conscients de la nécessité d'observer les engagements internationaux des deux Etats,
sont convenus de ce qui suit :

Article 1er
L'objet de cet accord est d'établir et de développer la coopération entre les Parties dans le domaine militaire et de défense.

Article 2
1. Les Parties, conformément aux modalités énoncées à l'article 3, décident d'établir et de développer une coopération entre :
- leurs armées de terre ;
- leurs armées de l'air ;
- leurs marines ;
ainsi que dans les domaines suivants :
- activités de la gendarmerie nationale française et de la gendarmerie turque ;
- analyses stratégiques sur le maintien de la paix, sur la sécurité et la stabilité en Europe et dans toutes autres régions que les deux Parties décident d'étudier d'un commun accord ;
- formation des cadres ;
- armement et matériels militaires ainsi que études et développements relatifs à la technologie militaire ;
- organisation et missions de la logistique dans les forces armées ;
- médecine militaire et santé ;
- navigation, hydrographie, océanographie et géographie ;
- législation et réglementation relatives aux conflits armés ;
- histoire militaire ;
- activités culturelles et sportives.
2. Les Parties se réservent le droit d'identifier et d'approfondir, d'un commun accord, d'autres domaines de coopération.

Article 3
La coopération entre les Parties prend notamment les formes suivantes :
1. consultations et réunions de travail à tous les niveaux de commandement et de gestion ;
2. échanges, visites, stages et séjours (de courte ou de longue durée) de personnel militaire et civil de la défense ;
3. études et cours dans les écoles militaires, les centres d'instruction des armées et des services d'armement ;
4. congrès, colloques, conférences et séminaires ;
5. échanges réciproques de représentants des états-majors et unités des forces armées, pour participer à la planification et au déroulement des exercices militaires auxquels les deux parties participent ;
6. escales officielles et de routine de navires de guerre, visites dans les bases aériennes et dans les unités de l'armée de terre ;
7. rencontres entre délégations, d'unités des forces armées, d'écoles militaires et des services d'armement ;
8. échanges d'officiers entre écoles militaires et écoles des services d'armement pour donner des cours ou effectuer des stages professionnels ;
9. échanges de documentation ;
10. manifestations sportives sous le patronage du Conseil International du Sport Militaire (CISM) ;
11. organisation de manifestations artistiques, y compris échanges de musiques militaires ;
12. les modalités de la coopération dans les domaines de l'armement et des matériels militaires ainsi que les études et développements relatifs à la technologie militaire sont régis par les dispositions de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République turque relatif à la coopération dans le domaine des matériels de défense, signé à Paris le 13 décembre 1991.

Article 4
Les modalités de mise en oeuvre de la coopération dans les domaines et pour les formes définis aux articles 2 et 3 du présent Accord peuvent faire l'objet d'arrangements particuliers.

Article 5
1. Il est institué un Haut comité de coopération de défense qui est chargé de la coordination de la coopération militaire et de défense franco-turque.
2. Le Haut comité de coopération de défense est coprésidé par le chef d'état-major des armées françaises ou son représentant et le chef d'état-major des armées turques ou son représentant.
3. Le Haut comité de coopération de défense dispose d'un secrétariat chargé de la préparation des réunions du Haut comité. Le secrétariat propose aux coprésidents l'ordre du jour des séances du Haut comité de coopération de défense.
4. Les coprésidents fixent en commun le règlement interne et la composition du Haut comité de coopération de défense et du secrétariat. Ils peuvent faire appel en fonction des sujets retenus à des experts dont ils estiment la participation nécessaire.
5. Les séances plénières du Haut comité de coopération de défense se tiennent en principe une fois par an alternativement en France et en Turquie.
6. Chaque réunion du Haut comité de coopération de défense fait l'objet d'un procès-verbal, rédigé en langues française et turque, signé par les deux coprésidents.

Article 6
1. Le Haut comité de coopération de défense dispose de trois comités spécifiques, qui lui présentent l'état d'avancement de leurs travaux :
a) Un comité militaire de défense est créé afin d'assurer un dialogue politico-militaire de haut niveau portant sur :
- la présentation des concepts de défense ;
- l'analyse comparée des situations et des menaces régionales et des politiques de défense des acteurs influant sur la sécurité et la stabilité régionales.
b) Un comité de coopération militaire est institué afin de définir un cadre permanent à une coopération militaire étendue et mener des actions de coopération militaire propres à assurer un rapprochement des forces françaises et turques.
c) Un comité bilatéral armement qui a été institué par l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République turque relatif à la coopération dans le domaine des matériels de défense, signé à Paris le 13 décembre 1991.
2. Le Haut comité de coopération de défense peut décider de la création de comités ad hoc chargés du traitement de questions particulières.

Article 7
1. Les fonctions du personnel militaire et civil de l'une des Parties désigné pour exécuter des missions sur le territoire de l'autre Partie, le caractère et la durée de ces missions ainsi que d'autres modalités précises d'exercice de ses attributions sont définis au préalable pour ce personnel, par un ordre de mission et par un échange de correspondances signées par les autorités compétentes des deux Parties.
2. Le personnel militaire et civil exerce ses fonctions conformément aux décisions contenues dans les correspondances visées à l'alinéa 1 du présent article .
3. Pendant l'exercice de leurs fonctions, les membres du personnel militaire et civil peuvent séjourner avec leurs familles sur le territoire de la Partie d'accueil. L'identité des membres de la famille séjournant sur le territoire de cet Etat avec un membre du personnel militaire ou civil est indiquée dans les correspondances mentionnées à l'alinéa 1 du présent article .

Article 8
Dans la limite et le cadre de ses disponibilités budgétaires :
1. Chaque Partie supporte les dépenses relatives au séjour des membres de son personnel militaire et civil, ainsi que des membres des familles, sur le territoire de l'autre Partie ;
2. Pour les dépenses liées à des activités particulières de coopération, celles-ci sont réglées par des arrangements techniques spécifiques, conformément aux principes et règles de chaque Partie en matière budgétaire.

Article 9
Les règles relatives aux conditions d'entrée et de séjour, à la situation fiscale et douanière ainsi qu'à l'attribution des autorisations de conduire des membres du personnel militaire et civil de la défense de la Partie d'origine, ainsi que de leurs familles, applicables sur le territoire de la Partie d'accueil, sont celles qui sont stipulées respectivement aux articles III, X, XI et IV de la Convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres, le 19 juin 1951.

Article 10
1. Pendant leur séjour sur le territoire de la Partie d'accueil, les membres du personnel militaire et civil de la défense de la Partie d'origine, ainsi que leurs familles, respectent les lois et règlements qui y sont en vigueur. Ils s'abstiennent de toute activité politique sur le territoire de l'autre Partie.
2. Lorsqu'il est amené à travailler ou se déplacer sur le territoire de la Partie d'accueil, le personnel des forces armées de la Partie d'origine demeure sous statut et commandement nationaux et sert avec l'uniforme, le grade et les insignes qu'il possède dans son armée d'appartenance.
3. Le pouvoir disciplinaire demeure réservé à la Partie d'origine.

Article 11
En cas d'infractions commises par les membres du personnel militaire et civil de la défense de la Partie d'origine, ainsi que par les membres de leurs familles, sur le territoire de la Partie d'accueil, les juridictions compétentes sont déterminées conformément à l'article VII de la Convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951.

Article 12
Le règlement des dommages causés ou subis par les membres du personnel militaire et civil de la défense de la Partie d'origine sur le territoire de la Partie d'accueil est réglé conformément à l'article VIII de la Convention entre les Etats Parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, signée à Londres le 19 juin 1951.

Article 13
1. Les membres du personnel militaire et civil, et leurs familles, bénéficient de la même aide et de la même protection que celles qui sont accordées par les autorités de la Partie d'accueil aux personnels de ses propres forces armées et aux membres de leur famille.
2. En cas de crise, la Partie d'accueil assure aux membres du personnel militaire et civil, et à leurs familles, toutes les facilités de rapatriement.

Article 14
Le port, la détention et l'usage des armes du personnel militaire de la Partie d'origine sur le territoire de la Partie d'accueil sont régis par la législation et la réglementation en vigueur dans la Partie d'accueil.

Article 15
1. Tous les membres du personnel militaire et civil des forces armées de la Partie d'origine, et les membres de leurs familles, ont accès aux soins médicaux et dentaires nécessaires auprès des services de santé des armées de la Partie d'accueil dans les mêmes conditions que le personnel des forces armées de la Partie d'accueil.
2. Les soins et consultations délivrés par les services médicaux d'unité ou de garnison, de même que les évacuations sanitaires d'urgences primaires par hélicoptères militaires, sont gratuits. Toutefois, l'accès aux services médicaux d'unité ou de garnison est limité en fonction des possibilités du service de santé des armées de chaque Partie.
3. Les évacuations sanitaires par moyens aériens civils, les hospitalisations, les consultations, les examens et les soins en milieu hospitalier civil ou militaire sont effectués à titre onéreux. L'accès aux soins est subordonné, sauf cas d'urgence caractérisé, à la présentation d'une attestation de prise en charge par la Partie d'origine ou d'une assurance particulière couvrant les frais occasionnés ou encore par paiement direct.
4. Les frais d'évacuation du patient hors du territoire de la Partie d'accueil sont à la charge de la Partie d'origine.

Article 16
1. En cas de décès d'un personnel militaire ou civil des forces armées de la Partie d'origine, ou d'un membre de leurs familles, sur le territoire de la Partie d'accueil, un médecin de la Partie d'accueil constate celui-ci et en établit le certificat.
2. Dans le cas où les autorités de la Partie d'accueil, dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative, demandent à ce qu'une autopsie soit faite, une autorité de la Partie d'origine peut y être présente, dans les conditions fixées par les lois et règlements de la Partie d'accueil.
3. Les autorités de la Partie d'accueil autorisent le transfert de la dépouille mortelle vers la Partie d'origine dans les conditions fixées par les lois et règlements de la Partie d'accueil.
4. Les frais de transport du corps sont à la charge de la Partie d'origine.

Article 17
Les membres du personnel militaire et civil des forces armées et les membres de leurs familles ont accès aux mess, clubs, maisons de repos militaires ou autres établissements des armées dans les mêmes conditions que les militaires de carrière des forces armées de la Partie d'accueil et les membres de leurs familles.

Article 18
Les règles applicables en matière de protection des informations classifiées sont définies par l'accord de sécurité entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Turquie relatif à l'échange d'informations classifiées du 18 septembre 1992, modifié le 14 juillet 1995.

Article 19
Tout différend lié à l'interprétation ou à l'application du présent Accord est résolu par voie de négociations entre les deux Parties et ne peut être soumis à aucune tierce Partie.

Article 20
1. Le présent Accord est conclu pour une durée de dix ans, renouvelable annuellement par tacite reconduction.
Chacune des Parties notifie à l'autre l'accomplissement des formalités requises sur son territoire pour l'entrée en vigueur du présent Accord. Celui-ci entre en vigueur à la date de la dernière notification.
2. Le présent Accord peut être amendé, à tout moment, par écrit, d'un commun accord des Parties.
L'entrée en vigueur des amendements a lieu conformément aux prescriptions de l'alinéa 1 du présent article .
3. Le présent Accord peut être dénoncé, à tout moment, d'un commun accord écrit des Parties ou par chacune des Parties, avec un préavis écrit de six (6) mois.
Fait à Paris le 13 janvier 2000, en deux exemplaires, chacun en langues françaises et turque, les deux textes faisant également foi.

Fait à Paris, le 1er décembre 2000.


Jacques Chirac
Par le Président de la République :
Le Premier ministre,
Lionel Jospin
Le ministre des affaires étrangères,
Hubert Védrine


Pour le Gouvernement
de la République française :
Général d'armée
Jean-Pierre Kelche,
Chef d'état-major des armées
Pour le Gouvernement
de la République de Turquie :
Général d'armée
Hüseyin Kivrikoglu,
Chef d'état-major des armées


(1) Le présent accord-cadre est entré en vigueur le 31 juillet 2000.