J.O. Numéro 273 du 25 Novembre 2000
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Texte paru au JORF/LD page 18802
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Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel
NOR : CETX0004494V
Le Conseil d'Etat (section du contentieux),
Sur le rapport de la 8e sous-section de la section du contentieux,
Vu, enregistré le 3 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 29 juin 2000 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de Mlle Cristina Bertoni tendant à la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1998, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1o L'administration a-t-elle pu légalement, par une instruction no 5T-1-85 du 14 février 1985 et une note no 112 du 17 juin 1999 de la direction générale des impôts, interdire, après la loi du 29 décembre 1984 qui a procédé à la réécriture des mesures prévues en faveur des membres des associations de gestion agréées et a supprimé l'interdiction de cumul qui figurait dans la loi de finances pour 1977 instituant les centres et associations agréés, le cumul de l'abattement « légal » avec l'abattement « doctrinal » de 1972 ?
2o La circonstance que le contribuable n'a pas fait application dans sa déclaration initiale de revenus de l'abattement qu'il sollicite, pour être en conformité avec la position officielle de l'administration, ne fait-elle pas obstacle au bénéfice de cette demande ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret no 63-766 du 30 juillet 1963, modifié par le décret no 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu l'ordonnance no 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret no 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vallée, auditeur ;
- les conclusions de M. Bachelier, commissaire du Gouvernement,
Rend l'avis suivant :
1o L'article L. 80-A du livre des procédures fiscales dispose : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures, si la cause de rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente » ; si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations ; dans le cas où l'administration revient sur une interprétation qu'elle a formulée, pour en limiter le champ d'application ou subordonner le bénéfice de ses prévisions à de nouvelles conditions, les contribuables ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80-A précité, d'une partie seulement d'une telle doctrine dont les éléments, bien qu'énoncés successivement, sont indissociables ;
2o La note 5 P-5-72 du 7 février 1972 a étendu aux médecins conventionnés du secteur I relevant du régime de la déclaration contrôlée le bénéfice, pour la détermination de leur revenu imposable, de la déduction forfaitaire pour frais professionnels du groupe III et de la déduction complémentaire de 3 %, qui avaient été instituées, également par note administrative, en faveur des médecins conventionnés placés sous le régime de l'évaluation administrative.
L'article 158-4 ter du code général des impôts, issu de l'article 64 de la loi du 29 décembre 1976 portant loi de finances pour 1997, a, d'autre part, prévu que les adhérents à une association de gestion agréée remplissant certaines conditions bénéficieraient d'un abattement, fixé d'abord à 10 %, puis porté à 20 %, sur leur bénéfice imposable, mais ajoutait : « Cet abattement ne peut se cumuler avec d'autres déductions forfaitaires ou abattements d'assiette. » Commentant ces dispositions, une instruction de la direction générale des impôts du 3 février 1978 relative aux associations de gestion agréées précisait, à propos du cas particulier des médecins conventionnés bénéficiant de déductions forfaitaires pour frais : « La déduction spéciale opérée au titre du groupe III et la déduction complémentaire de 3 % sont des abattements d'assiette qui ne peuvent se cumuler avec l'abattement de 20 % ou de 10 % accordé en cas d'adhésion à une association agréée. »
Enfin, l'article 89 de la loi du 29 décembre 1984 portant loi de finances pour 1985 a remplacé les dispositions des pararaphes 4 bis et 4 ter de l'article 158 du code général des impôts par un paragraphe 4 bis nouveau qui ne reprend pas l'interdiction de cumul figurant précédemment au paragraphe 4 ter.
D'une part, les dispositions de l'article 64 de la loi du 29 décembre 1976 et de l'article 89 de la loi du 29 décembre 1984, dans les termes où elles sont rédigées, n'ont eu ni pour objet ni par elles-mêmes pour effet de régler le sort de déductions uniquement fondées sur des instructions de l'administration fiscale. D'autre part, cette réécriture des dispositions législatives applicables ne faisait pas obstacle à ce que l'administration, par une instruction du 14 février 1985 (BODGI 5 T-1-85) précise à nouveau : « ... comme par le passé, la déduction du groupe III et l'abattement complémentaire de 3 % ne peuvent pas être accordés aux médecins conventionnés qui, adhérant à une association agréée, pratiquent sur leur bénéfice l'abattement propre à ces organismes ». Une note 5 G-399 du 17 juin 1999 a formellement rappelé cette interprétation ;
3o A la première question du tribunal administratif d'Orléans, qui doit être comprise comme portant sur le point de savoir si les médecins conventionnés sont fondés à se prévaloir du bénéfice des déductions forfaitaires pour frais professionnels prévues par la note du 7 février 1972, sans que leur soit opposable la condition applicable à compter de l'année 1985 contenue dans l'instruction du 14 février 1985 et confirmée par la note du 17 juin 1999, de non-cumul de cet avantage avec l'abattement de 20 % pour adhésion à une association de gestion agréée, il doit être apporté, compte tenu de ce qui précède, une réponse négative ;
4o La réponse apportée à la première question rend sans objet la seconde question posée par le tribunal administratif d'Orléans.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif d'Orléans, à Mlle Bertoni et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Délibéré dans la séance du 6 octobre 2000 où siégeaient : M. Labetoulle, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Aubin, M. Genevois, M. Fouquet, présidents adjoints de la section du contentieux ; M. Robineau, M. Chahid-Nouraï, M. Stirn, M. Toutée, M. de Longevialle, M. Durand-Viel, M. Lasserre, M. Philippe Martin, M. Bonichot, M. Delon, présidents de sous-section ; M. Sauzay, M. Pauti, conseillers d'Etat, et M. Vallée, auditeur-rapporteur.
Lu en séance publique le 20 octobre 2000.
Le président,
M. Labetoulle
L'auditeur-rapporteur,
M. Vallée
Le secrétaire,
Mme Faure
Pour expédition conforme,
Le secrétaire
(1) Avis no 222675 du 20 octobre 2000.