Paris, le 7 juillet 2000.
Le Premier ministre à Mesdames
et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat
Les évolutions démographiques, économiques et sociales intervenues durant les trente dernières années ont conduit l'Etat et l'ensemble des organismes chargés d'un service public à adapter régulièrement l'organisation de ces services, leurs conditions de fonctionnement et la carte de leurs implantations locales.
Si ce processus d'adaptation est inévitable, il importe qu'il soit mené en accord avec les attentes de nos concitoyens, qui souhaitent disposer de services publics facilement accessibles et suffisamment proches. Il doit également prendre en compte la nécessité de renforcer la présence de ces services dans les parties du territoire qui connaissent des difficultés particulières, de nature économique ou sociale.
A cet égard, la décision, prise en 1993, de geler les fermetures d'établissements dans les communes de moins de 2 000 habitants n'a constitué qu'une réponse partielle aux préoccupations ainsi rappelées. Aussi le Gouvernement a-t-il entrepris la mise en place d'une nouvelle politique qui permette une meilleure maîtrise de l'évolution de l'implantation des services publics sur l'ensemble du territoire. Conformément aux principes affirmés lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire qui s'est tenu au mois de décembre 1998, cette politique est fondée, d'une part, sur le dialogue et la concertation avec les acteurs nationaux et locaux, d'autre part, sur une démarche contractuelle avec les autorités responsables de ces services.
Elle nécessite, par ailleurs, un renforcement du rôle des préfets, qui sont les autorités à même d'apprécier, de manière globale, les effets de l'évolution des différents services présents localement et de garantir l'effectivité de la démarche de concertation souhaitée. Le comité interministériel pour la réforme de l'Etat tenu au mois de juillet 1999 a approuvé les modifications à apporter, dans ce sens, aux décrets définissant les pouvoirs du préfet dans le département et la région.
La présente circulaire a pour objet de présenter le cadre juridique désormais applicable à l'évolution de l'implantation territoriale des services publics et de préciser les conditions de sa mise en oeuvre, afin que ce dispositif atteigne pleinement son but, qui est de garantir que cette évolution répondra aux impératifs de qualité, d'accessibilité et de juste répartition de ces services. Elle abroge les circulaires des 10 et 29 octobre 1993 relatives à l'instauration d'un moratoire sur les fermetures de services publics dans les petites communes.
Les dispositions à prendre afin de renforcer la présence et la qualité des services publics dans les quartiers qui sont regardés comme prioritaires pour la mise en oeuvre de la politique de la ville feront l'objet d'instructions particulières, qui vous seront prochainement adressées. Celles-ci se situeront dans le droit-fil des orientations arrêtées lors du comité interministériel des villes qui s'est tenu au mois de décembre 1999. Elles mettront notamment l'accent sur la réalisation d'un plan national de renforcement de la présence des services publics en milieu urbain ainsi que sur l'élaboration de chartes de gestion pour les agents publics qui sont partie prenante à la politique de la ville.
I. - Le cadre juridique applicable
Deux séries de dispositions, dont le champ d'application est complémentaire, encadrent désormais l'évolution de l'implantation territoriale des services publics.
a) La loi no 95-115 du 4 février 1995, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, vise l'ensemble des établissements publics ainsi que les organismes publics et entreprises nationales qui sont en charge d'un service public et sont placés, de ce fait, sous la tutelle de l'Etat.
Ces établissements et organismes doivent insérer des objectifs d'aménagement du territoire dans les cahiers des charges approuvés par décret dont ils disposent le cas échéant, ou faire figurer ces objectifs dans les contrats de plan conclus avec l'Etat ou encore dans des contrats de service public spécialement conclus à cet effet. Ceux d'entre eux qui ne disposent d'aucun de ces documents doivent, lorsqu'ils sont pourvus d'un réseau en contact avec le public, établir, pour chaque département où ils sont présents, un plan d'organisation de leurs services. Ce plan, qui couvrira une période d'au moins trois ans, sera soumis à l'approbation du préfet. La liste des organismes concernés est fixée par décret en Conseil d'Etat.
Toute mesure de réorganisation des services qui n'apparaîtrait pas conforme aux objectifs d'aménagement du territoire figurant dans l'un des documents ci-dessus mentionnés devra être précédée d'une étude d'impact. L'étude sera transmise au préfet, qui recueillera l'avis de la commune sur le territoire de laquelle est implanté le service en cause, ainsi que de toute autre commune ou groupement de communes concernés qui en feront la demande. Le préfet aura la faculté de suspendre la réalisation de l'opération en saisissant le ministre de tutelle de l'organisme auteur du projet. C'est à ce ministre qu'il reviendra alors de décider du sort de l'opération envisagée.
La même procédure est, en tout état de cause, applicable lorsque plusieurs suppressions de services sont envisagées dans une même commune ou dans des communes appartenant à un même groupement, ou encore lorsqu'un même service est supprimé dans plusieurs communes limitrophes, quelle que soit, par ailleurs, la conformité de ces projets aux documents susmentionnés, dès lors que sont concernées des zones urbaines sensibles ou des zones de revitalisation rurale.
Je vous demande d'attirer l'attention des établissements et organismes placés sous votre tutelle sur le risque contentieux auquel ils s'exposeraient s'ils entreprenaient des mesures de réorganisation territoriale en méconnaissance de cette procédure ou alors qu'ils ne disposeraient d'aucun des documents requis par la loi.
b) La procédure prévue par les décrets du 2 mars 1982, tels qu'ils ont été modifiés par deux décrets du 20 octobre 1999, concerne les administrations civiles de l'Etat ainsi que les unités de la gendarmerie nationale. Elle est également applicable à tout organisme chargé d'une mission de service public qui ne relèverait d'aucune des catégories définies par la loi du 4 février 1995 déjà mentionnée.
Les projets de ces administrations et organismes se traduisant, dans une région ou un département donnés, par une réorganisation d'ensemble de l'implantation du service ou conduisant à la fermeture de certaines des implantations, dans des conditions telles que le service rendu aux usagers en serait modifié, doivent également être précédés d'une étude d'impact. Cette étude sert de base à une concertation locale, dont le préfet a la responsabilité, y compris lorsque le projet émane d'une autorité distincte. Dans ce dernier cas, le préfet dispose d'un délai de trois mois pour mener la concertation. A l'issue de celle-ci, il fait rapport au Gouvernement.
Les décrets du 20 octobre 1999 ont par ailleurs prévu des dispositions spéciales en cas de cumul de fermetures dans un même département. Il importe de relever que sont pris en compte, pour apprécier l'existence de cette situation, non seulement les projets émanant des services et organismes visés par les décrets mais, en outre, les fermetures décidées par des établissements et organismes visés par la loi du 4 février 1995. En pareille hypothèse, le préfet dispose de la faculté de saisir les ministres dont relèvent ceux des services ou organismes concernés qui entrent dans le champ d'application des décrets, afin qu'ils statuent, après consultation du comité interministériel pour la réforme de l'Etat, sur le sort de ces projets. Cette saisine suspend la réalisation des projets.
Ce sont donc l'ensemble des services de l'Etat et des organismes assurant une mission de service public dans le département dont l'évolution territoriale est soumise à une procédure d'évaluation et de concertation, par l'effet des dispositions combinées de la loi et des décrets.
II. - Dispositif d'accompagnement
Divers fonds peuvent être mobilisés pour accompagner les projets de développement des collectivités territoriales concernées par un projet de restructuration des services publics implantés sur leur territoire ou soutenir les efforts engagés pour moderniser le fonctionnement de ces services et garantir leur accessibilité. Il s'agit notamment du Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire, en ce qui concerne sa part déconcentrée, du Fonds interministériel pour la ville, du Fonds de restructuration de la défense ou du Fonds pour la réforme de l'Etat. Il pourra être fait appel à ces fonds dans le respect des orientations et des modalités de gestion qui leur sont propres.
Vous susciterez la mise en place de ce dispositif d'accompagnement, qui devra être négocié au cas par cas par le préfet.
III. - Suivi des projets de réorganisation
Afin de donner toute son efficacité au dispositif de maîtrise de l'évolution des services publics, il importe que la DATAR, au niveau national, et les préfets des départements et des régions concernés aient connaissance, de manière systématique et en temps utile, de l'ensemble des projets de réorganisation.
Je vous demande donc de veiller, chacun en ce qui vous concerne, à ce que les projets relevant d'une autorité à compétence nationale soient portés à la connaissance de la DATAR et des préfets territorialement concernés. Les projets relevant d'une autorité déconcentrée seront, de la même façon, portés à la connaissance du ou des préfets concernés. Cette information devra faire apparaître le degré d'avancement du projet, ainsi que son impact en termes d'implantations, d'emplois et d'évolution du service rendu. La DATAR et les préfets seront ensuite tenus régulièrement informés des principales mesures prises pour la mise en oeuvre des projets qui auront été définitivement arrêtés.
La DATAR a pour mission de veiller à la cohérence de l'ensemble des mesures de réorganisation susceptibles d'être prises sur un territoire donné. Elle vous informera, le cas échéant, des situations où une mesure de réorganisation concernant des services relevant de votre compétence ou placés sous votre tutelle viendrait se cumuler avec des réorganisations touchant d'autres services. Vous veillerez, pour votre part, à l'informer des projets relatifs à l'organisation de vos services au premier stade de leur élaboration.
IV. - Développement de services en partenariat
Les expériences menées, tant en milieu rural qu'urbain pour mettre en place des services polyvalents de proximité, qu'il s'agisse des points publics, des espaces ruraux emploi-formation, des plates-formes de services publics ou des maisons des services publics, montrent l'utilité de ces structures, qui permettent de répondre efficacement aux besoins de la population, grâce à un partenariat dans un cadre interministériel, élargi, le cas échéant, aux collectivités territoriales et à l'ensemble des organismes assurant un service public. De telles expériences sont, en outre, l'occasion de susciter de nouvelles pratiques, telles que le travail en réseau, et de faire largement appel aux possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication.
Les dispositions de la loi du 25 juin 1999, déjà mentionnée, et de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations doivent faciliter la création et le fonctionnement de ces structures en les dotant d'un cadre juridique clair et en facilitant la mise à disposition de moyens en personnels et locaux.
Vous vous efforcerez d'en susciter la création, à chaque fois qu'elles paraîtront susceptibles d'apporter une réponse adaptée aux besoins des populations.
J'attache le plus grand prix à ce que le dispositif ainsi décrit soit mis en oeuvre dans les meilleures conditions. C'est en effet sa bonne application qui permettra seule de garantir que l'évolution des conditions d'implantation territoriale des services publics se fera dans des conditions répondant à l'intérêt de tous les citoyens. J'attends donc de l'ensemble des services centraux et déconcentrés de votre département ministériel, ainsi que des organismes placés sous votre tutelle, auxquels vous voudrez bien communiquer la teneur de la présente circulaire, qu'ils apportent leur concours actif à l'application de ces nouvelles dispositions.