Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'emploi et de la solidarité et du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code civil, notamment l'article 372-1-1 ;
Vu le code pénal, notamment les articles 131-36-1 et 131-36-4 ;
Vu le code de la santé publique, notamment les articles L. 355-33 à L. 355-37 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de procédure pénale, notamment les articles 763-1 à 763-9 ;
Vu le décret no 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu le décret no 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu la saisine du gouvernement de la Polynésie française en date du 14 mai 1999 ;
Vu la saisine du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en date du 7 juin 1999 ;
Le Conseil d'Etat (section sociale) entendu,
Décrète :
Art. 1er. - Il est inséré, dans le livre III du code de la santé publique (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat), un titre IX rédigé comme suit :
« TITRE IX
DE L'INJONCTION DE SOINS
CONCERNANT LES AUTEURS
D'INFRACTIONS SEXUELLES
Chapitre Ier
Des médecins coordonnateurs
Section 1
Liste des médecins coordonnateurs
Art. R. 355-33. - La liste des médecins coordonnateurs prévue par l'article L. 355-33 est établie tous les trois ans par le procureur de la République après avis du représentant de l'Etat dans le département et après avis du conseil départemental de l'ordre des médecins. Elle peut faire l'objet, en tant que de besoin, de mises à jour régulières.
Art. R. 355-34. - Un médecin coordonnateur peut être inscrit sur les listes de plusieurs tribunaux de grande instance.
Lorsqu'il existe plusieurs tribunaux de grande instance dans le département, il est établi une liste pour chaque tribunal. Une liste commune au département peut être établie conjointement par les différents procureurs de la République compétents.
Art. R. 355-35. - Peuvent être inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 355-33, sur leur demande, les psychiatres :
1o Inscrits à un tableau de l'ordre des médecins ;
2o Exerçant en qualité de spécialiste depuis au moins trois ans ;
3o N'ayant pas de condamnation justifiant une inscription au bulletin no 2 du casier judiciaire pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;
4o N'ayant pas fait l'objet ni de sanctions mentionnées à l'article L. 423 du présent code et à l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, pour des agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs, ni de suspension au titre de l'article L. 460 du présent code.
Peuvent également être inscrits sur cette liste et sous les mêmes réserves les médecins ayant suivi une formation, délivrée par une université ou par un organisme agréé de formation médicale continue, répondant aux caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de la santé.
Art. R. 355-36. - Lorsqu'un praticien hospitalier exerce les fonctions de médecin coordonnateur, celles-ci sont exercées dans le cadre des missions définies au e de l'article 28 du décret no 84-131 du 24 février 1984 modifié portant statut des praticiens hospitaliers.
Art. R. 355-37. - Le praticien qui souhaite exercer les fonctions de médecin coordonnateur adresse une demande au procureur de la République. Cette demande est assortie des renseignements et documents suivants :
1o Nature des activités professionnelles, lieux et dates d'exercice ;
2o Copies des titres et diplômes ;
3o Attestation justifiant d'au moins trois ans d'inscription au tableau de l'ordre des médecins, et de l'absence de sanctions disciplinaires mentionnées à l'article R. 355-35 ainsi que de suspension au titre de l'article L. 460 ;
4o Le cas échéant, attestation de formation.
Art. R. 355-38. - La radiation d'un médecin coordonnateur de la liste intervient dès lors que l'une des conditions prévues à l'article R. 355-35 cesse d'être remplie.
Elle peut en outre faire l'objet d'une demande motivée par le juge de l'application des peines, le juge des enfants et par le représentant de l'Etat dans le département si le médecin coordonnateur ne satisfait pas à ses obligations ou ne s'en acquitte pas avec ponctualité.
La radiation est décidée par le procureur de la République.
Le procureur de la République informe de cette radiation les juges de l'application des peines. Ces derniers en avertissent les médecins traitants et les personnes condamnées en relation avec ce médecin coordonnateur.
Le médecin coordonnateur qui fait l'objet d'une radiation en application des dispositions du présent article peut exercer un recours devant la première chambre civile de la cour d'appel. Ce recours n'est pas suspensif. Il est formé par simple déclaration au secrétariat-greffe, ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétaire-greffier, dans le délai d'un mois, qui court à compter du jour où le médecin a eu notification de la décision de radiation.
Art. R. 355-39. - Un médecin coordonnateur peut se retirer de la liste. Il saisit, à cet effet, le procureur de la République, par lettre recommandée avec accusé de réception. Il en informe les juges de l'application des peines l'ayant désigné, ainsi que les médecins traitants et les personnes condamnées qui sont en relation avec lui.
Le retrait prend effet au terme d'un délai de trois mois à compter de la date de la saisine.
Section 2
Désignation des médecins coordonnateurs
Art. R. 355-40. - Le médecin coordonnateur est désigné par une ordonnance du juge de l'application des peines. Cette désignation peut intervenir avant la libération d'un condamné détenu.
Ne peut être désigné comme médecin coordonnateur par le juge de l'application des peines un médecin qui :
1o Présente avec la personne condamnée un lien familial, d'alliance, d'intérêt professionnel ;
2o Est le médecin traitant de la personne condamnée ;
3o A été désigné pour procéder, au cours de la procédure judiciaire, à l'expertise de la personne condamnée.
Le médecin coordonnateur ne peut lui-même :
1o Devenir médecin traitant de la personne condamnée ;
2o Etre désigné pour procéder, au cours du suivi socio-judiciaire, à l'expertise de la personne condamnée.
Ce même médecin coordonnateur ne peut suivre un nombre de personnes condamnées supérieur à celui fixé par arrêté du ministre chargé de la santé publique.
Art. R. 355-41. - Lorsque la liste des médecins coordonnateurs prévue par l'article L. 355-33 n'a pu être établie, ou qu'aucun des médecins figurant sur cette liste ne peut être désigné, le juge de l'application des peines désigne comme médecin coordonnateur, à titre provisoire, et pour une durée qui ne peut excéder un an, un médecin remplissant les conditions définies aux articles R. 355-35 et R. 355-40 après avoir préalablement recueilli son accord.
Dans les cas mentionnés aux articles R. 355-38, R. 355-39 et R. 355-40, ainsi qu'en cas de force majeure, le juge de l'application des peines désigne, en remplacement du médecin initialement saisi, dans les conditions mentionnées à l'alinéa précédent, un autre médecin coordonnateur.
Art. R. 355-42. - Le juge de l'application des peines adresse au médecin coordonnateur la copie des pièces de la procédure utiles à l'exercice de sa mission. Le médecin coordonnateur restitue ces documents au juge de l'application des peines lorsqu'il cesse de suivre la personne condamnée.
Art. R. 355-43. - Les médecins coordonnateurs perçoivent, pour chaque personne condamnée suivie par eux, une indemnité forfaitaire annuelle, dans des conditions prévues par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé, du ministre de la justice et du ministre chargé du budget.
Chapitre II
Du choix du médecin traitant
Art. R. 355-44. - Le médecin coordonnateur désigné par le juge de l'application des peines convoque la personne condamnée à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins pour un entretien au cours duquel il lui fait part des modalités d'exécution de cette injonction de soins et l'invite à choisir un médecin traitant.
Lorsque la personne condamnée est mineure, le choix du médecin traitant est effectué par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale ou, à défaut, par le juge des tutelles. L'accord du mineur sur ce choix doit être recherché.
Lorsque la personne condamnée est un majeur protégé, ce choix est effectué, dans les mêmes conditions, par l'administrateur légal ou le tuteur, avec l'autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille.
Le médecin coordonnateur ne peut refuser d'avaliser le choix d'un médecin traitant par la personne condamnée que si ce médecin n'est manifestement pas en mesure de conduire la prise en charge d'auteurs d'infractions sexuelles.
Art. R. 355-45. - Lorsqu'il existe un désaccord entre les père et mère sur le choix du médecin traitant d'un mineur, le choix de celui-ci est effectué par le juge aux affaires familiales conformément à l'article 372-1-1 du code civil.
Art. R. 355-46. - Le médecin coordonnateur informe le médecin traitant pressenti du cadre juridique dans lequel s'inscrit l'injonction de soins et s'assure de son accord pour prendre en charge la personne condamnée.
Après que le médecin traitant pressenti a reçu celle-ci, il confirme son accord par écrit, dans un délai de quinze jours, au médecin coordonnateur. A défaut de confirmation dans ce délai, ou en cas de réponse négative, le médecin coordonnateur invite la personne condamnée à choisir un autre médecin traitant.
Art. R. 355-47. - Lorsque aucun médecin traitant ne peut être choisi, le médecin coordonnateur en informe le juge de l'application des peines.
Dans le cas mentionné au quatrième alinéa de l'article R. 355-44, le juge de l'application des peines convoque, en présence du médecin coordonnateur, la personne condamnée, ainsi que, lorsque ce dernier est un mineur, les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale à son égard, pour tenter de parvenir à un accord sur le choix du médecin traitant.
Lorsque aucun accord n'a pu être obtenu, le juge de l'application des peines ne peut désigner comme médecin traitant qu'un médecin pressenti ou accepté par la personne condamnée, après s'être assuré auparavant de l'accord de ce médecin pour prendre en charge cette personne et de l'avis du médecin coordonnateur.
Si le juge de l'application des peines estime impossible, au vu notamment des observations écrites du médecin coordonnateur, de procéder à la désignation d'un médecin traitant, il peut ordonner, en application des dispositions de l'article 763-5 du code de procédure pénale, la mise à exécution de l'emprisonnement encouru.
A l'égard d'un condamné mineur, en cas de carence des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale, le juge des enfants, agissant en qualité de juge de l'application des peines, procède à la désignation du médecin traitant, l'avis du mineur ayant été recueilli.
Art. R. 355-48. - Les dispositions du présent chapitre peuvent être mises en oeuvre avant la libération d'un condamné détenu.
Chapitre III
Du déroulement de l'injonction de soins
Art. R. 355-49. - Les relations entre la personne condamnée et le médecin traitant s'établissent, sous réserve des dispositions du présent titre, conformément aux dispositions du code de déontologie médicale.
Le juge de l'application des peines ne peut intervenir dans le déroulement des soins décidés par le médecin traitant.
Art. R. 355-50. - Au cours de l'exécution du suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, la personne condamnée peut demander au médecin coordonnateur à choisir un autre médecin traitant. Le médecin coordonnateur en informe le médecin traitant initialement désigné.
Les dispositions des articles R. 355-44 à R. 355-48 sont alors applicables.
Art. R. 355-51. - Au cours de l'exécution du suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, le médecin traitant peut décider d'interrompre le suivi d'une personne condamnée. Il en informe alors immédiatement le médecin coordonnateur par lettre recommandée. Il en avertit la personne condamnée.
Les dispositions des articles R. 355-44 à R. 355-48 sont alors applicables.
Art. R. 355-52. - Au cours de l'exécution du suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins, le médecin coordonnateur convoque périodiquement, et au moins une fois par an, la personne condamnée, pour réaliser un bilan de sa situation, afin d'être en mesure de transmettre au juge de l'application des peines les éléments nécessaires au contrôle de l'injonction de soins.
Art. R. 355-53. - Les copies des pièces de procédure adressées au médecin traitant en application des dispositions de l'article L. 355-34 lui sont remises par le médecin coordonnateur.
Quand il cesse de suivre la personne condamnée, le médecin traitant retourne ces documents au médecin coordonnateur, qui les transmet au juge de l'application des peines.
Art. R. 355-54. - Les expertises médicales ordonnées, le cas échéant, par le juge de l'application des peines, soit sur proposition du médecin traitant, soit sur celle du médecin coordonnateur, sont celles prévues par les dispositions du code de procédure pénale.
Une copie de ces expertises est communiquée au médecin coordonnateur ainsi que, dans les conditions prévues par l'article précédent, au médecin traitant.
Chapitre IV
Dispositions particulières
Art. R. 355-55. - Ainsi qu'il est dit à l'article R. 61-5 du code de procédure pénale, lorsque le suivi socio-judiciaire accompagne une peine privative de liberté, la période pendant laquelle le condamné se trouve en permission de sortir, ou est placé sous le régime de semi-liberté ou fait l'objet d'un placement extérieur ou d'un placement sous surveillance électronique ne s'impute pas sur la durée du suivi socio-judiciaire.
Art. R. 355-56. - Le présent titre, à l'exception de son article R. 355-34, est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte, sous réserve des adaptations suivantes :
1o Aux articles R. 355-33 et R. 355-38, les mots : "dans le département" sont remplacés par les mots : "en Nouvelle-Calédonie" pour la Nouvelle-Calédonie, par les mots : "dans le territoire" pour les territoires d'outre-mer et par les mots : "dans la collectivité territoriale" pour Mayotte ;
2o A l'article R. 355-33, les mots : "du conseil départemental de l'ordre des médecins" sont remplacés par les mots : "de l'organe de l'ordre" en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte ;
3o A l'article R. 355-35, les mots : "et à l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale" ne s'appliquent pas ; les mots : "n'ayant pas fait l'objet d'une suspension au titre de l'article L. 460 du présent code" sont remplacés par les mots : "n'ayant pas, au titre de la réglementation applicable localement, été suspendu temporairement du droit d'exercer en considération d'une infirmité ou d'un état pathologique rendant dangereux l'exercice de la profession" en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française, et par les mots : "n'ayant pas fait l'objet d'une suspension au titre de l'article 65 de l'ordonnance no 45-2184 du 24 septembre 1945 relative à l'exercice et à l'organisation des professions de médecin, de chirurgien-dentiste et de sage-femme" dans les territoires d'outre-mer de Wallis et Futuna et des Terres australes et antarctiques françaises ;
4o Aux articles R. 355-35 et R. 355-37, il est ajouté, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, après les mots : "tableau de l'ordre des médecins", les mots : "lorsque celui-ci existe" ;
5o A l'article R. 355-49, il est ajouté, après les mots : "du code de déontologie médicale", les mots : "applicable localement" ;
6o L'article R. 355-36 ne s'applique pas aux médecins qui sont régis par un statut territorial en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. »
Chapitre V
Dispositions transitoires
Art. 2. - Pour l'application du premier alinéa de l'article R. 355-35, et pendant une période transitoire de cinq ans suivant la publication du présent décret, peuvent être également inscrits sur la liste prévue à l'article L. 355-33 les psychiatres n'exerçant plus d'activité clinique, s'il est établi qu'ils ont auparavant, pendant au moins cinq ans, exercé une telle activité.
Pour l'application du dernier alinéa de l'article R. 355-35, et pendant une période transitoire de cinq ans suivant la publication du présent décret, peuvent être également être inscrits sur la liste prévue à l'article L. 355-33 les médecins pouvant justifier d'une activité antérieure ou de leur intérêt pour la prise en charge des personnes poursuivies ou condamnées pour infractions sexuelles.
Les dispositions du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
Art. 3. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la ministre de l'emploi et de la solidarité, le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés et la secrétaire d'Etat au budget sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 18 mai 2000.