L'Autorité de régulation des télécommunications,
Vu les recommandations de l'Union internationale des télécommunications, et notamment les recommandations Q 731, Q 732, Q 733, Q 734, Q 735, Q 736, Q 737, Q 761, Q 762, Q 763, Q 764, Q 765 et Q 850 ;
Vu les normes de l'Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI), et notamment les normes européennes EN 300356 ;
Vu le code des postes et télécommunications, et notamment ses articles L. 34-8, L. 36-6 et D. 99-6 à D. 99-22 ;
Le comité de l'interconnexion ayant été consulté le 11 mai 1999 ;
La commission consultative des radiocommunications ayant été consultée le 22 juin 1999 ;
La commission consultative des réseaux et services de télécommunications ayant été consultée le 30 juin 1999 ;
Après en avoir délibéré le 16 juillet 1999,
Sur le cadre juridique :
Conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article D. 99-7 et du quatrième alinéa de l'article D. 99-8 du code des postes et télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications adopte et publie des spécifications techniques auxquelles les interfaces d'interconnexion doivent être conformes en vue de garantir le respect des exigences essentielles et la qualité de service de bout en bout. Les décisions adoptant ces spécifications doivent être homologuées par le ministre chargé des télécommunications dans les conditions de l'article L. 36-6 du code des postes et télécommunications.
Sur la nécessité d'une nouvelle interface d'interconnexion :
Les catalogues d'interconnexion de France Télécom pour 1998 et 1999 comportent une offre technique de raccordement des réseaux d'opérateurs au réseau France Télécom par une interface d'interconnexion dont le protocole de signalisation est le « SSUTR2 », protocole non normalisé, développé spécifiquement par France Télécom pour son réseau et susceptible de peu d'évolutions. Cette signalisation était déjà celle utilisée pour le raccordement des réseaux mobiles GSM au réseau fixe de France Télécom.
Ce protocole offre des fonctionnalités à peu près équivalentes aux signalisations qui furent introduites vers la fin des années 80 dans le réseau international pour assurer l'interconnexion des réseaux numériques à intégration de services (RNIS) nationaux. Aujourd'hui, ses capacités de signalisation s'avèrent limitées au regard des besoins croissants de transmission d'informations à travers les réseaux interconnectés, en raison du développement de services innovants par les opérateurs en concurrence.
Afin d'éviter des mises à niveaux délicates et coûteuses de cette signalisation, l'Autorité a, en concertation avec l'ensemble des acteurs, proposé d'introduire un nouveau protocole de signalisation ouvert et évolutif, disponible pour l'an 2000, s'appuyant sur des normes internationalement reconnues et effectivement mises en oeuvre, afin de bénéficier des économies d'échelle et de la disponibilité des matériels correspondants.
Ce protocole sera utilisé pour l'interconnexion de tous les réseaux d'opérateurs fixes ou mobiles dans la mesure où un protocole de signalisation par canal sémaphore leur sera nécessaire.
Sur l'intérêt de l'utilisation d'une norme internationale :
Suivant les recommandations du comité ONP, l'Autorité a proposé d'adapter au contexte national la norme internationale de signalisation sous-système utilisateur pour le RNIS (SSUR ou ISUP en anglais), dans la version la plus récente adoptée par l'Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI), cette norme étant déjà largement répandue en Europe et dans le monde pour l'interconnexion des réseaux d'opérateurs et comme système de signalisation interne aux réseaux.
Le choix d'une norme internationale devrait faciliter l'accès des nouveaux entrants, en élargissant les choix industriels, et réduire les coûts et les délais de développement ultérieurs.
En outre, la généralisation progressive de cette signalisation d'interconnexion entre les réseaux nationaux devrait faciliter l'interopérabilité des services de bout en bout, et réduire progressivement le poids des choix techniques spécifiques au réseau de l'opérateur historique.
Sur la méthode de travail :
L'Autorité s'est attachée à recueillir l'accord le plus large pour la définition de cette interface qui met en place le cadre technique de l'interconnexion pour les années à venir.
Elle a été définie au sein du comité de l'interconnexion, conformément à l'article D. 99-8 du code des postes et télécommunications. Un groupe de travail ad hoc a été chargé d'adapter les normes internationales de référence au contexte national :
- en éliminant les aspects jugés inutiles par l'ensemble des participants ;
- en faisant des choix parmi les options proposées ;
- en définissant des règles communes pour les codes réservés à l'usage national ;
- en tenant compte des particularités nationales dans la mise en oeuvre, notamment, de la sélection du transporteur, de la portabilité, de la taxation arrière et de l'identité de localisation.
Ce groupe de travail, auquel ont participé opérateurs et industriels, a produit l'ensemble de documents techniques figurant en annexe I à la présente décision.
Cette spécification, sous l'appellation SPIROU, signalisation pour l'interconnexion des réseaux ouverts, inclut, outre la signalisation de commande de l'appel téléphonique de base, des services et fonctionnalités avancées, ainsi que des spécifications d'interfonctionnement avec les signalisations d'accès usagers et les protocoles de « réseaux intelligents ».
Contrairement aux signalisations plus anciennes comme le « SSUTR2 », le nouveau protocole est construit sur une conception souple et évolutive ; il permet d'interconnecter des équipements ayant des niveaux fonctionnels différents et autorise ainsi une certaine hétérogénéité entre les réseaux interconnectés.
Sur le cadre d'utilisation de ces spécifications :
Cette spécification fournit aux opérateurs et fournisseurs de services du marché français un référentiel technique qu'ils utiliseront pour mettre en oeuvre l'interconnexion avec d'autres opérateurs ou fournisseurs, et pour guider l'implémentation des services dans l'environnement de l'interconnexion.
Elle permet aussi aux industriels de développer des produits qui correspondent aux attentes des acteurs du marché français.
Enfin, elle servira de base aux discussions sur les évolutions des interfaces techniques d'interconnexion figurant dans le catalogue d'interconnexion des opérateurs puissants.
Sur la conformité à la spécification :
Le protocole comprend un large éventail de services et de fonctionnalités qui ne seront pas développés dans leur intégralité, au moins initialement. Néanmoins, l'Autorité souhaite que l'introduction de cette nouvelle interface soit un élément qui contribue à l'interopérabilité des services entre les réseaux.
Pour ce faire, l'Autorité estime nécessaire de définir plus précisément ce qu'elle entend par conformité à la spécification :
- un opérateur qui fournit l'un des services ou fonctionnalités de la spécification doit le mettre en oeuvre conformément à la spécification ;
- l'interopérabilité des services et des fonctionnalités définies dans l'annexe II doit être assurée par les réseaux interconnectés. Un réseau qui ne fournit pas un de ces services ou fonctionnalités doit néanmoins assurer l'interopérabilité de ce service ou de cette fonctionnalité au cas où ce même service ou fonctionnalité est fourni par un réseau interconnecté. En particulier, lorsque le protocole prévoit le comportement attendu d'un réseau qui ne supporte pas l'un de ces services ou fonctionnalités, le réseau réagira conformément à la spécification. Lorsque le protocole ne prévoit pas de comportement attendu, le réseau doit utiliser les mécanismes de transparence mis à sa disposition par la spécification, ou tout autre mécanisme défini en accord avec les opérateurs interconnectés afin d'assurer l'interopérabilité du service ou de la fonctionnalité. Les tests d'interconnexion vérifieront l'interopérabilité de ces services ou fonctionnalités. Les opérateurs devront par ailleurs se conformer à toute décision ultérieure qui précisera la notion d'interopérabilité des services.
Bien que la conformité à la spécification soit une condition qui facilite l'interopérabilité des services, l'Autorité est consciente que certains opérateurs pourraient vouloir utiliser d'autres interfaces qui répondront mieux à leurs besoins ou rencontreront des difficultés techniques pour se conformer à la spécification. Le choix d'une autre interface ayant un impact sur l'interopérabilité des services, l'Autorité est d'avis que ces opérateurs devraient pouvoir justifier auprès de l'Autorité pourquoi ils ne choisissent pas d'utiliser le protocole de signalisation SPIROU. L'Autorité pourra demander à l'opérateur de rendre publiques certaines informations techniques nécessaires pour assurer l'interopérabilité des services.
Sur les conditions de mise en oeuvre :
Le développement de cette nouvelle interface d'interconnexion repose sur son inscription dans les offres techniques et tarifaires d'interconnexion des opérateurs puissants. L'Autorité s'est attachée dès le démarrage du processus de définition de cette interface à s'assurer de son développement dans le réseau de France Télécom. Elle a pu noter que France Télécom souhaitait l'introduction de ce protocole mais de façon progressive dans son offre d'interconnexion. France Télécom s'est engagée à fournir rapidement un calendrier détaillé pour l'introduction de la nouvelle interface, qui devrait être disponible à l'interconnexion sur les commutateurs de transit vers la mi-2000 et sur les commutateurs à autonomie d'acheminement (CAA) de 3e génération dans un délai à déterminer.
L'Autorité juge opportun qu'au cours du premier semestre de l'année 2000 France Télécom soit en mesure de répondre favorablement à une demande de raccordement au moyen de SPIROU sur un commutateur de transit ou un commutateur d'abonnés appartenant à une liste annexée préalablement à son catalogue d'interconnexion. Un tel raccordement ne devra cependant pas remettre en cause les raccordements existants utilisant le protocole SSUTR 2 si les opérateurs souhaitent les maintenir.
A compter du 1er janvier 2001, il est souhaitable que France Télécom offre la possibilité de raccordement au moyen de SPIROU sur tous les commutateurs ouverts à l'interconnexion. France Télécom a indiqué qu'elle n'avait pas l'intention de développer SPIROU sur les commutateurs d'abonnés de deuxième génération. L'Autorité a noté lors des consultations du Comité de l'interconnexion et des commissions consultatives que certains opérateurs interconnectés souhaitaient pouvoir disposer d'une offre transitoire sur ces commutateurs conformément à l'article D. 99-15 du décret no 97-188 relatif à l'interconnexion. Lors de la phase de mise en oeuvre du nouveau protocole, l'Autorité examinera cette question, notamment au regard des investissements nécessaires et de leur impact sur le développement de la concurrence.
Les conditions de disparition de l'offre d'interconnexion SSUTR 2 feront l'objet d'une concertation entre l'Autorité et l'ensemble des acteurs.
Sur l'évolution du protocole :
L'Autorité engagera dans le cadre du Comité de l'interconnexion une concertation entre les opérateurs et les industriels afin de faire évoluer le protocole, en fonction des besoins identifiés par les différents acteurs, qui contribuent notamment à l'enrichissement des services et fonctionnalités avancés offerts en interconnexion ainsi qu'à l'interopérabilité et la qualité de service de bout en bout.
L'Autorité sera saisie par les opérateurs et les constructeurs des éventuels aménagements qu'il faudrait apporter à la spécification, suite à des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du protocole.
Il est souhaitable que les opérateurs puissants prennent en compte les évolutions du protocole à un rythme au moins annuel et intègrent la référence à la version la plus récente de la spécification dans leur catalogue d'interconnexion. Le protocole garantira la compatibilité entre des versions logicielles de niveaux différents, afin de ne pas imposer à l'ensemble des opérateurs les évolutions proposées,
Décide :
Art. 1er. - La spécification « Signalisation pour l'interconnexion des réseaux ouverts », qui se trouve en annexe I à la présente décision, est adoptée.
Art. 2. - Les interfaces d'interconnexion qui mettent en oeuvre les services et fonctionnalités énumérés à l'annexe II devront être conformes à cette spécification à compter d'une date qui sera fixée par l'Autorité après consultation du Comité de l'interconnexion, sauf dérogation accordée par l'Autorité pour des raisons techniques justifiées.
Art. 3. - Le directeur général de l'Autorité de régulation des télécommunications est chargé de l'exécution de la présente décision, qui sera transmise au secrétaire d'Etat à l'industrie pour homologation et publiée au Journal officiel de la République française, à l'exception de son annexe I (1).
Fait à Paris, le 16 juillet 1999.