Le Premier ministre,
Sur le rapport de la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement,
Vu le code rural, et notamment le chapitre II du titre IV du livre II relatif à la protection de la nature ;
Vu le décret no 78-272 du 9 mars 1978 relatif à l'organisation des actions de l'Etat en mer ;
Vu le décret no 90-94 du 25 janvier 1990 pris pour l'application de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 modifié fixant les conditions générales d'exercice de la pêche maritime dans les zones de pêche couvertes par la réglementation communautaire de conservation et de gestion ;
Vu le décret no 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles, ensemble le décret no 97-1204 du 19 décembre 1997 pris pour l'application à la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement du 1o de l'article 2 dudit décret ;
Vu les pièces afférentes à la procédure de consultation simplifiée relative au projet de classement en réserve naturelle de la « baie de l'Aiguillon » (Charente-Maritime) : le rapport du préfet de la Charente-Maritime en date du 5 août 1998, l'avis des conseils municipaux des communes d'Esnandes le 29 octobre 1996, Charron le 6 novembre 1996, Marsilly le 16 décembre 1996, et l'avis de la commission départementale des sites, perspectives et paysages siégeant en formation de protection de la nature le 6 juillet 1998 ;
Vu l'avis du Conseil national de la protection de la nature ;
Vu les avis et accords des ministres intéressés,
Décrète :
Chapitre Ier
Création et délimitation
de la réserve naturelle de la baie de l'Aiguillon
Art. 1er. - Est classé en réserve naturelle, sous la dénomination de « réserve naturelle de la baie de l'Aiguillon » (Charente-Maritime), sur le territoire des communes de Charron, Esnandes et Marsilly, le domaine public maritime ainsi délimité :
Au nord, par la limite nord du département de la Charente-Maritime (axe du chenal de la Sèvre niortaise) jusqu'à la limite entre le domaine public maritime et le domaine public fluvial située au niveau du Corps de garde ;
A l'est, par une ligne allant de cette limite entre le domaine public fluvial de la Sèvre niortaise et le domaine public maritime jusqu'à La Pelle, au sud, au droit de l'arrivée du chemin départemental no 106, en suivant les limites du domaine public maritime, y compris les chenaux, mais à l'exclusion du port de pêche de Charron, mis à la disposition du département par procès-verbal du 2 juillet 1984 signé en application des lois no 83-8 du 7 janvier 1983 et no 83-663 du 22 juillet 1983 et dont la délimitation figure sur le plan au 1/25 000 annexé au présent décret ;
Au sud, par une ligne droite partant de La Pelle, au droit de l'arrivée du chemin départemental no 106, et prolongeant l'alignement de la pointe ouest du rocher de la Dive à l'amer de la pointe de l'Aiguillon.
La superficie totale classée en réserve naturelle est de 2 600 hectares environ.
Les limites mentionnées ci-dessus figurent sur les cartes au 1/25 000 et au 1/60 000 annexées au présent décret et consultables à la préfecture de la Charente-Maritime.
Chapitre II
Gestion de la réserve naturelle
Art. 2. - Le préfet de la Charente-Maritime exerce les pouvoirs dévolus au préfet par le présent décret. Le préfet maritime de l'Atlantique et le préfet de la région Aquitaine exercent les pouvoirs entrant dans leurs champs de compétence respectifs.
Art. 3. - Le préfet, après avoir demandé l'avis des communes de Charron, Esnandes et Marsilly, confie, par voie de convention, la gestion de la réserve naturelle à une fondation, une collectivité locale, une association régie par la loi de 1901 ou un établissement public.
Pour assurer la conservation du patrimoine naturel et de la biodiversité de la réserve, le gestionnaire conçoit et met en oeuvre un plan de gestion écologique qui s'appuie sur une évaluation scientifique du patrimoine naturel de la réserve et de son évolution.
Le premier plan de gestion est soumis par le préfet, après avis du comité consultatif prévu à l'article 4 ci-dessous, à l'agrément du ministre chargé de la protection de la nature. Ce plan de gestion est agréé par le ministre, après avis du Conseil national de la protection de la nature. Le préfet veille à sa mise en oeuvre par le gestionnaire. Les plans de gestion suivants sont approuvés, après avis du comité consultatif, par le préfet, sauf s'il juge opportun, en raison de modifications des objectifs, de solliciter à nouveau l'agrément du ministre.
Art. 4. - Il est créé un comité consultatif de la réserve présidé par le préfet ou son représentant. La composition de ce comité est fixée par arrêté du préfet.
Il comprend, de manière équilibrée :
1o Des représentants de collectivités territoriales intéressées, de propriétaires et d'usagers ;
2o Des représentants d'administrations et d'établissements publics intéressés ;
3o Des personnalités scientifiques qualifiées et des représentants d'associations de protection de la nature.
Les membres du comité sont nommés pour une durée de trois ans. Leur mandat peut être renouvelé. Les membres du comité décédés ou démissionnaires et ceux qui, en cours de mandat, cessent d'exercer les fonctions en raison desquelles ils ont été désignés, doivent être remplacés. Dans ce cas, le mandat des nouveaux membres expire à la date à laquelle aurait normalement pris fin celui de leurs prédécesseurs.
Le comité se réunit au moins une fois par an sur convocation de son président. Il peut déléguer l'examen d'une question particulière à une formation restreinte.
Art. 5. - Le comité consultatif donne son avis sur le fonctionnement de la réserve, sur sa gestion et sur les conditions d'application des mesures prévues au présent décret.
Il se prononce sur le plan de gestion de la réserve.
Il peut faire procéder à des études scientifiques et recueillir tout avis en vue d'assurer la conservation, la protection ou l'amélioration du milieu naturel de la réserve.
Chapitre III
Réglementation de la réserve naturelle
Art. 6. - Il est interdit :
1o Sous réserve des activités mentionnées à l'article 9, d'introduire à l'intérieur de la réserve des animaux d'espèces non domestiques quel que soit leur état de développement, sauf autorisation délivrée par le préfet, après avis du Conseil national de la protection de la nature ;
2o Sous réserve de l'application de l'article 8 et de l'exercice des activités mentionnées aux articles 9, 11 et 13, de porter atteinte de quelque manière que ce soit aux animaux d'espèces non domestiques ainsi qu'à leurs oeufs, couvées, portées ou nids, ou de les emporter hors de la réserve, de déranger ces animaux par quelque moyen que ce soit, sauf pour des prélèvements à des fins scientifiques autorisés par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 7. - Il est interdit :
1o D'introduire dans la réserve tous végétaux sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation délivrée par le préfet de la Charente-Maritime, après avis du Conseil national de la protection de la nature ;
2o De porter atteinte de quelque manière que ce soit aux végétaux non cultivés, sauf à des fins agricoles ou pastorales, conformément à l'article 11, et à des fins d'entretien et de gestion de la réserve, ou de les emporter hors de la réserve, sauf autorisation de prélèvement à des fins scientifiques délivrée par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 8. - Le préfet peut prendre, après avis du comité consultatif, toutes mesures en vue d'assurer la conservation d'espèces animales ou végétales ou la limitation d'animaux ou de végétaux surabondants dans la réserve.
Art. 9. - La pêche à pied est réglementée par le préfet compétent, après avis du comité consultatif.
La pêche au carrelet de rive est autorisée, mais aucune installation nouvelle postérieure à la date de création de la réserve naturelle ne peut avoir lieu. La reconstruction éventuelle de carrelets ruinés peut être autorisée, le cas échéant, à un autre emplacement, par le préfet compétent, après avis du comité consultatif.
La pêche des civelles est réglementée par le préfet compétent, après avis du comité consultatif. Elle ne peut être exercée que par des pêcheurs professionnels.
Les activités halieutiques et aquacoles, et notamment la conchyliculture, pratiquées à titre professionnel peuvent s'exercer dans le respect de la réglementation en vigueur et sans que l'état des lieux à la création de la réserve soit modifié. Le déplacement des concessions conchylicoles est toutefois autorisé conformément à la réglementation en vigueur.
Art. 10. - L'exercice de la chasse est interdit sur l'ensemble du territoire de la réserve naturelle.
Art. 11. - Les activités agricoles ou pastorales continuent à s'exercer conformément aux usages en vigueur, à savoir le pâturage et la fauche des prés salés. Elles peuvent faire l'objet d'une réglementation particulière par le préfet, après avis du comité consultatif. Les prés salés ne peuvent pas faire l'objet d'endiguement.
Art. 12. - Il est interdit :
1o D'abandonner ou de déposer tout produit de nature à nuire à la qualité de l'eau, de l'air, du site, ou à l'intégrité de la faune et de la flore ;
2o D'abandonner ou de déposer en dehors des lieux spécialement prévus à cet effet des déchets de quelque nature que ce soit ;
3o De troubler la tranquillité des lieux par tout moyen, sous réserve de l'exercice des activités autorisées par le présent décret ;
4o De porter atteinte au milieu naturel par le feu ou par des inscriptions autres que celles nécessaires à l'information du public ou aux délimitations foncières ;
5o D'ériger toute construction.
Art. 13. - Les travaux publics ou privés modifiant l'état ou l'aspect des lieux sont interdits, sous réserve de l'application des articles L. 242-9 et R.* 19 à 23 du code rural.
Peuvent être autorisés par le préfet, après avis du comité consultatif, les travaux nécessaires :
1o A l'entretien de la réserve ;
2o A l'entretien des chemins, des digues, des fossés, des canaux et de leurs exutoires en mer, des dragages des chenaux, hautfonds, coursières et passes, à l'entretien et à l'adaptation des équipements nécessaires à la navigation tels que bouées, balises et fanaux et des ouvrages de défense des côtes, enfin des installations nécessaires aux activités visées aux articles 9 et 11 du présent décret ;
3o Aux opérations de démoustication respectueuses de l'environnement.
Art. 14. - Toute activité de recherche ou d'exploitation minière est interdite sous réserve de l'application de l'article L. 242-9 du code rural.
Art. 15. - La collecte des minéraux et des fossiles est interdite dans la réserve, sauf autorisation délivrée à des fins scientifiques par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 16. - Toute activité industrielle ou commerciale est interdite, à l'exclusion des activités commerciales liées aux pratiques citées à l'article 9 du présent décret et des activités d'animation et de découverte de la réserve qui doivent être autorisées par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 17. - L'utilisation à des fins publicitaires de toute expression évoquant directement ou indirectement la réserve est soumise à autorisation délivrée par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 18. - La circulation et le stationnement des personnes, la circulation et le mouillage des navires et embarcations peuvent être réglementés sur tout ou partie de la réserve naturelle par le préfet compétent, après avis du comité consultatif.
Le tourisme nautique est limité à l'estuaire de la Sèvre et au chenal.
Art. 19. - Les activités sportives ou touristiques sont réglementées par le préfet, après avis du comité consultatif.
Art. 20. - Il est interdit d'introduire des chiens dans la réserve, à l'exception de :
1o Ceux qui participent à des missions de police, de recherche et de sauvetage ;
2o Ceux qui sont utilisés pour la mise en oeuvre des mesures prévues à l'article 8 ;
3o Ceux utilisés, le cas échéant, pour les activités pastorales exercées conformément à l'article 11 du présent décret.
Art. 21. - La circulation des véhicules, engins et navires à moteur est limitée :
1o Aux véhicules utilisés pour l'entretien, la gestion, l'étude scientifique, l'animation pédagogique et la surveillance de la réserve ;
2o Aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public ;
3o A ceux utilisés lors d'opérations de police, de secours et de sauvetage ;
4o A ceux utilisés pour les activités agricoles, pastorales, conchylicoles ou halieutiques professionnelles autorisées aux articles 9 et 11 ;
5o A ceux nécessaires aux travaux relatifs à l'écoulement des eaux, à la défense contre la mer et à l'entretien des ouvrages hydrauliques ;
6o Aux navires liés au tourisme nautique circulant dans l'estuaire de la Sèvre ainsi que dans le chenal, conformément à l'article 8 ;
7o Aux navires utilisés pour la navigation commerciale.
La circulation de ces véhicules, engins et navires peut être réglementée conformément à l'article 8.
La circulation des véhicules, engins et navires à moteur autres que ceux précités est interdite sur toute l'étendue de la réserve.
Art. 22. - Le survol de la réserve à une hauteur inférieure à 300 mètres est interdit aux aéronefs à moteur.
Cette disposition n'est pas applicable aux aéronefs d'Etat en nécessité de service, aux opérations de police ou de sauvetage ou de gestion de la réserve naturelle.
Art. 23. - Le campement sous une tente, dans un véhicule ou tout autre abri ainsi que le séjour nocturne dans une embarcation, échouée ou non, sont interdits.
Toutefois le préfet peut autoriser, après avis du comité consultatif, le campement ou le bivouac à des fins scientifiques ou pédagogiques.
Art. 24. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement est chargée de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait à Paris, le 2 juillet 1999.