Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 16 février 1999, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1, de la Constitution, du texte de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie,
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution, et notamment les articles 76 et 77 résultant de la loi constitutionnelle no 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'accord sur la Nouvelle-Calédonie, signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;
Vu la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 modifiée relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;
Vu l'avis du Congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie en date du 12 novembre 1998 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que, le 5 mai 1998, a été signé à Nouméa, entre le Gouvernement de la République française et les représentants des principales formations politiques de la Nouvelle-Calédonie, un « accord sur la Nouvelle-Calédonie » qui, outre un « Préambule », comprend un « Document d'orientation » relatif, en son point 1, à « l'identité kanak », en son point 2, aux « institutions », en son point 3, aux « compétences », en son point 4, au « développement économique et social » et, en son point 5, à « l'évolution de l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie » ; que, comme le prévoyait le point 6 de ce même document, relatif à « l'application de l'accord », une loi constitutionnelle a été adoptée par le Parlement réuni en Congrès le 6 juillet 1998, laquelle a rétabli un titre XIII de la Constitution désormais intitulé : « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie » et comprenant deux articles 76 et 77 ainsi rédigés :
« Art. 76. - Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française.
« Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l'article 2 de la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988.
« Les mesures nécessaires à l'organisation du scrutin sont prises par décret en Conseil d'Etat délibéré en conseil des ministres.
« Art. 77. - Après approbation de l'accord lors de la consultation prévue à l'article 76, la loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre :
« - les compétences de l'Etat qui seront transférées, de façon définitive, aux institutions de la Nouvelle-Calédonie, l'échelonnement et les modalités de ces transferts, ainsi que la répartition des charges résultant de ceux-ci ;
« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel ;
« - les règles relatives à la citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ;
« - les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté.
« Les autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord mentionné à l'article 76 sont définies par la loi. »
Considérant qu'en application de l'article 77 précité, le Parlement a adopté, le 16 février 1999, la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie soumise au Conseil constitutionnel ;
Sur les normes de référence et l'étendue du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel sur la loi organique prévue à l'article 77 de la Constitution :
Considérant, en premier lieu, que rien ne s'oppose, sous réserve des prescriptions des articles 7, 16 et 89 de la Constitution, à ce que le pouvoir constituant introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans les cas qu'elles visent, dérogent à des règles ou principes de valeur constitutionnelle, ces dérogations pouvant n'être qu'implicites ; que tel est le cas en l'espèce ; qu'il résulte en effet des dispositions du premier alinéa de l'article 77 de la Constitution que le contrôle du Conseil constitutionnel sur la loi organique doit s'exercer non seulement au regard de la Constitution, mais également au regard des orientations définies par l'accord de Nouméa, lequel déroge à un certain nombre de règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que, toutefois, de telles dérogations ne sauraient intervenir que dans la mesure strictement nécessaire à la mise en oeuvre de l'accord ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en raison de ce changement des circonstances de droit, il y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de procéder à l'examen de l'ensemble des dispositions de la loi organique, alors même que certaines d'entre elles ont une rédaction ou un contenu identique à ceux de dispositions antérieurement déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ou figurant dans la loi no 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, adoptée par le peuple français à la suite d'un référendum ;
Sur la procédure suivie :
Considérant que la consultation prévue à l'article 76 de la Constitution est intervenue le 8 novembre 1998 ; que les populations consultées ont approuvé l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 ; que le projet dont est issue la loi soumise au Conseil constitutionnel a été transmis au Congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie qui a émis un avis le 12 novembre 1998 ; que ce projet a été délibéré en conseil des ministres et enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 1998 ; qu'il a été soumis à la délibération et au vote de l'Assemblée nationale dans les conditions prévues à l'article 46 de la Constitution ; que son examen par le Parlement a respecté les autres prescriptions constitutionnelles relatives à la procédure législative ; qu'ainsi, la loi organique soumise au Conseil constitutionnel a été adoptée dans les conditions prévues par la Constitution ;
Sur les articles 1er à 6 :
Considérant que la loi examinée comprend six articles avant son titre Ier ;
Considérant que l'article 1er fixe les limites des trois provinces de la Nouvelle-Calédonie et les conditions dans lesquelles ces limites peuvent être modifiées ; qu'il dresse également la liste des aires coutumières ; que l'article 2, en son premier alinéa, désigne ainsi les institutions de la Nouvelle-Calédonie : le Congrès, le Gouvernement, le Sénat coutumier, le conseil économique et social et les conseils coutumiers ; que le deuxième alinéa du même article fait du haut-commissaire de la République le dépositaire des pouvoirs de la République et le représentant du Gouvernement ; qu'aux termes du troisième alinéa : « La Nouvelle-Calédonie est représentée au Parlement et au Conseil économique et social de la République dans les conditions fixées par les lois organiques » ; que l'article 3 dispose que les provinces et les communes de la Nouvelle-Calédonie sont des collectivités territoriales de la République et qu'elles s'administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direct, dans les conditions prévues au titre IV en ce qui concerne les provinces ; que l'article 4 définit la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie ; que l'article 5 prévoit que la Nouvelle-Calédonie détermine librement les « signes identitaires permettant de marquer sa personnalité aux côtés de l'emblème national et des signes de la République » et « peut décider de modifier son nom » ; qu'enfin l'article 6 dispose que, en Nouvelle-Calédonie, le droit de propriété s'exerce, en matière foncière, sous la forme de la propriété privée, de la propriété publique et des terres coutumières ;
Considérant, en premier lieu, que, si le premier alinéa de l'article 2 ne mentionne pas les assemblées de province parmi les institutions de la Nouvelle-Calédonie, alors que le point 2 de l'accord de Nouméa fait figurer ces assemblées parmi lesdites institutions, la loi organique ne méconnaît pas pour autant l'obligation que lui fait l'article 77 de la Constitution de déterminer les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie « dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre », dès lors que l'ensemble de ses dispositions, en particulier de celles de son titre IV consacré aux provinces, confère implicitement mais nécessairement aux assemblées de province les caractéristiques d'une institution de la Nouvelle-Calédonie ; que, par suite, le premier alinéa de l'article 2 n'est pas contraire à la Constitution ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si députés et sénateurs sont élus au suffrage universel, direct pour les premiers, indirect pour les seconds, chacun d'eux représente au Parlement la nation tout entière et non la population de sa circonscription d'élection ; que le troisième alinéa de l'article 2 de la loi organique doit dès lors être entendu comme se bornant à rappeler que, comme l'a déjà prévu le législateur organique, des élections législatives et sénatoriales se tiennent en Nouvelle-Calédonie ; que, sous cette réserve, le troisième alinéa de l'article 2 n'est pas contraire à la Constitution ;
Considérant que les autres dispositions des articles 1er à 6 sont conformes à la Constitution ;
Sur le titre Ier :
Considérant que ce titre, qui comprend les articles 7 à 19, est relatif au statut civil coutumier et à la propriété coutumière ; qu'il met en oeuvre, conformément à l'article 77 de la Constitution, les stipulations des points 1.1 et 1.4 de l'accord de Nouméa ;
Considérant que les articles 10 à 13 déterminent les modes d'acquisition du statut civil coutumier ; qu'en particulier, aux termes de l'article 10 : « L'enfant légitime, naturel ou adopté dont le père et la mère ont le statut civil coutumier, a le statut civil coutumier » ; que cette disposition doit être entendue comme conférant également le statut civil coutumier à l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard d'un seul parent de ce même statut ; que, si la filiation de cet enfant venait à être établie à l'égard de l'autre parent, il ne saurait conserver le statut civil coutumier que si ce parent a lui-même le statut civil coutumier ;
Considérant que, sous cette réserve, l'article 10 n'encourt aucune critique d'inconstitutionnalité ; qu'il en va de même des autres dispositions du titre Ier ;
Sur le titre II :
Considérant que ce titre est relatif aux compétences ; qu'il comprend les articles 20 à 61 ;
Considérant que l'article 24 est ainsi rédigé :
« Dans le but de soutenir ou de promouvoir l'emploi local, la Nouvelle-Calédonie prend au bénéfice des citoyens de la Nouvelle-Calédonie et des personnes qui justifient d'une durée suffisante de résidence des mesures visant à favoriser l'exercice d'un emploi salarié, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte aux avantages individuels et collectifs dont bénéficient à la date de leur publication les autres salariés.
« De telles mesures sont appliquées dans les mêmes conditions à la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie et à la fonction publique communale. La Nouvelle-Calédonie peut également prendre des mesures visant à restreindre l'accession à l'exercice d'une profession libérale à des personnes qui ne justifient pas d'une durée suffisante de résidence.
« La durée et les modalités de ces mesures sont définies par des lois du pays. » ;
Considérant, en premier lieu, que le principe de mesures favorisant les personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie, pour l'accès à un emploi salarié ou à une profession indépendante, ou pour l'exercice d'un emploi dans la fonction publique de la Nouvelle-Calédonie ou dans la fonction publique communale, trouve son fondement constitutionnel dans l'accord de Nouméa ; que celui-ci stipule en effet, dans son Préambule, qu'« afin de tenir compte de l'étroitesse du marché du travail, des dispositions seront définies pour favoriser l'accès à l'emploi local des personnes durablement établies en Nouvelle-Calédonie » ; qu'en outre, en vertu du point 2 de l'accord, la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, qui fonde les restrictions apportées au corps électoral appelé à désigner les « institutions du pays », sert aussi de « référence pour la mise au point des dispositions qui seront définies pour préserver l'emploi local » ; qu'enfin, selon le point 3.1.1 de l'accord de Nouméa : « La Nouvelle-Calédonie mettra en place, en liaison avec l'Etat, des mesures destinées à offrir des garanties particulières pour le droit à l'emploi de ses habitants. La réglementation sur l'entrée des personnes non établies en Nouvelle-Calédonie sera confortée. Pour les professions indépendantes, le droit d'établissement pourra être restreint pour les personnes non établies en Nouvelle-Calédonie. Pour les salariés du secteur privé et pour la fonction publique territoriale, une réglementation locale sera définie pour privilégier l'accès à l'emploi des habitants » ;
Considérant, en second lieu, que les modalités retenues par l'article 24 pour favoriser l'emploi local respectent également l'habilitation donnée à la loi organique par l'article 77 de la Constitution ; qu'il appartiendra aux « lois du pays » prises en application de l'article 24, et susceptibles d'être soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, de fixer, pour chaque type d'activité professionnelle et chaque secteur d'activité, la « durée suffisante de résidence » mentionnée aux premier et deuxième alinéas de cet article en se fondant sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec la promotion de l'emploi local, sans imposer de restrictions autres que celles strictement nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa ; qu'en tout état de cause, cette durée ne saurait excéder celle fixée par les dispositions combinées des articles 4 et 188 pour acquérir la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie ;
Considérant que, sous cette réserve, l'article 24 n'est pas contraire à la Constitution ; qu'il en va de même des autres dispositions du titre II ;
Sur le titre III :
Considérant que ce titre est relatif aux institutions de la Nouvelle-Calédonie ; qu'il comprend les articles 62 à 156 ;
Considérant que le chapitre II, qui comprend les articles 99 à 107, est relatif aux « lois du pays », délibérations du Congrès ayant force de loi ; que l'article 99 définit leur domaine d'intervention ; que les articles 100, 101 et 102 déterminent leurs conditions d'adoption ; que l'article 103 institue une procédure de nouvelle délibération de tout ou partie de ces lois ; que les articles 104 et 105 définissent les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut être saisi et se prononce sur ces lois ; que l'article 106 est relatif à leur promulgation ; que l'article 107 fixe leur régime juridique ;
Considérant que l'article 103 ouvre au haut-commissaire, au Gouvernement, au président du Congrès, au président d'une assemblée de province ou à onze membres du Congrès la faculté de demander une seconde délibération d'une « loi du pays » ou de certaines de ses dispositions dans les quinze jours qui suivent son adoption ;
Considérant que l'article 104 dispose qu'une « loi du pays » qui a fait l'objet d'une nouvelle délibération en application de l'article 103 peut être déférée au Conseil constitutionnel, aux termes d'une saisine contenant un exposé des moyens de fait et de droit qui la fondent, par le haut-commissaire, le Gouvernement, le président du Congrès, le président d'une assemblée de province ou dix-huit membres du Congrès, dans les dix jours suivant la nouvelle délibération ;
Considérant qu'aux termes de l'article 77 de la Constitution : « ... la loi organique détermine... : les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie et notamment les conditions dans lesquelles certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante pourront être soumises avant publication au contrôle du Conseil constitutionnel... » ;
Considérant que l'article 104 prévoit qu'une « loi du pays » doit avoir fait l'objet d'une nouvelle délibération pour être déférée au Conseil constitutionnel et subordonne dès lors la recevabilité du recours à la condition que les dispositions contestées d'une « loi du pays » aient fait l'objet d'une nouvelle délibération ; que la procédure ainsi instituée, qui met en oeuvre les dispositions précitées de l'article 77 de la Constitution, ne méconnaît aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ;
Considérant que l'article 107 définit la nature juridique des « lois du pays », ainsi que la procédure selon laquelle il peut être constaté par le Conseil d'Etat qu'une disposition de « loi du pays » est intervenue en dehors des matières mentionnées à l'article 99 ; qu'en pareil cas, la légalité de cette disposition pourra être critiquée devant la juridiction administrative compétente ;
Considérant que les dispositions prévues par les articles 99 à 107 sont conformes à la Constitution ; qu'il en va de même des autres dispositions du titre III ;
Sur le titre IV :
Considérant que ce titre est consacré aux provinces ; qu'il comprend les articles 157 à 184 ; qu'il n'encourt aucune critique d'inconstitutionnalité ;
Sur le titre V :
Considérant que ce titre, qui comprend les articles 185 à 199, est relatif aux élections au Congrès et aux assemblées de province ;
En ce qui concerne le chapitre II :
Considérant que ce chapitre est consacré au corps électoral et aux listes électorales pour les élections au Congrès et aux assemblées de province ; qu'il comprend les articles 188 et 189 ;
Considérant que l'article 188 est ainsi rédigé :
« I. - Le Congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l'une des conditions suivantes :
« a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ;
« b) Etre inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au Congrès et aux assemblées de province ;
« c) Avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.
« II. - Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. » ;
Considérant que l'article 189 comprend des dispositions permanentes relatives à la tenue « de la liste électorale spé- ciale à l'élection du Congrès et des assemblées de province » et « du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin » ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 189 : « Les électeurs remplissant les conditions fixées à l'article 188 sont inscrits sur la liste électorale spéciale à l'élection du Congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin. » ; que les II et III du même article ont trait à la composition et aux attributions de la commission administrative spéciale chargée, dans chaque bureau de vote, d'établir la liste électorale spéciale et le tableau annexe ; qu'en vertu des IV, V et VI du même article , la liste électorale spéciale et le tableau annexe sont permanents et font chaque année l'objet d'une révision et de rectifications dans les conditions qu'ils précisent ; qu'enfin le VII dispose que « l'Institut territorial de la statistique et des études économiques tient un fichier général des électeurs inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie pour l'élection du Président de la République, des députés de l'Assemblée nationale, des conseils municipaux et du Parlement européen et pour les référendums ; ce fichier comporte également les électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale à l'élection du Congrès et des assemblées de province » ; qu'il résulte de ces dispositions que le tableau annexe comprend à tout moment les électeurs inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie pour l'élection du Président de la République, des députés à l'Assemblée nationale, des conseils municipaux et du Parlement européen et pour les référendums, mais qui ne sont pas admis à participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès ; que le tableau annexe est régulièrement mis à jour pour en extraire les personnes accédant au corps électoral restreint appelé à élire les assemblées de province et le Congrès et pour y porter les noms des personnes nouvellement installées qui ne peuvent participer qu'aux autres élections ;
Considérant qu'il ressort des dispositions combinées des articles 188 et 189 que doivent notamment participer à l'élection des assemblées de province et du Congrès les personnes qui, à la date de l'élection, figurent au tableau annexe mentionné au I de l'article 189 et sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998 ; qu'une telle définition du corps électoral restreint est au demeurant seule conforme à la volonté du pouvoir constituant, éclairée par les travaux parlementaires dont est issu l'article 77 de la Constitution, et respecte l'accord de Nouméa, aux termes duquel font partie du corps électoral aux assemblées des provinces et au Congrès, notamment, les électeurs qui, « inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection » ;
Considérant que les articles 188 et 189 ne sont pas contraires à la Constitution et ne méconnaissent pas l'habilitation donnée à la loi organique par l'article 77 de la Constitution ;
En ce qui concerne le chapitre IV :
Considérant que ce chapitre, qui comprend les articles 194 à 197, est relatif aux conditions d'inéligibilité et aux incompatibilités ;
Considérant que l'article 195 définit les cas d'inéligibilité au Congrès et aux assemblées de province ;
Considérant que sont inéligibles aux termes du 5o du I de cet article : « Les personnes déclarées inéligibles en application des articles 192, 194 et 195 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises » ;
Considérant que les articles 192, 194 et 195 de la loi du 25 janvier 1985 précitée sont ainsi rédigés :
« Art. 192. - Dans les cas prévus aux articles 187 à 190, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale, artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
« L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article 185 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au représentant des créanciers la liste complète et certifiée de ses créanciers et le montant de ses dettes dans les huit jours suivant le jugement d'ouverture.
« Art. 194. - Le jugement qui prononce soit la faillite personnelle, soit l'interdiction prévue à l'article 192 emporte l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité s'applique également à toute personne physique à l'égard de laquelle la liquidation judiciaire a été prononcée. Elle prend effet de plein droit à compter de la notification qui en est faite à l'intéressé par l'autorité compétente.
« Art. 195. - Lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article 192, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être inférieure à cinq ans. Il peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision. Les déchéances, les interdictions et l'incapacité d'exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'un jugement.
« La durée de l'incapacité d'exercer une fonction publique élective résultant du jugement de liquidation judiciaire est de cinq ans.
« Le jugement de clôture pour extinction du passif rétablit le chef d'entreprise ou les dirigeants de la personne morale dans tous leurs droits. Il les dispense ou relève de toutes les déchéances, interdictions et incapacité d'exercer une fonction publique élective.
« Dans tous les cas, l'intéressé peut demander au tribunal de le relever, en tout ou partie, des déchéances et interdictions et de l'incapacité d'exercer une fonction publique élective s'il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif.
« Lorsqu'il y a relèvement total des déchéances et interdictions et de l'incapacité, la décision du tribunal emporte réhabilitation. »
Considérant que la conformité à la Constitution d'une loi déjà promulguée peut être appréciée à l'occasion de l'examen des dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ; que le 5o du I de l'article 195 de la loi soumise au Conseil constitutionnel étend aux élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie le domaine d'intervention des dispositions des articles 192, 194 et 195 de la loi du 25 janvier 1985 précitée ; qu'en conséquence il appartient au Conseil constitutionnel de s'assurer que ces dispositions sont conformes à la Constitution ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. » ;
Considérant que le principe de nécessité des peines implique que l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ne peut être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à l'espèce ; que la possibilité ultérieurement offerte au juge de relever l'intéressé, à sa demande, de cette incapacité, au cas où il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif, ne saurait à elle seule assurer le respect des exigences qui découlent du principe de nécessité énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant que, dès lors, en instituant une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée en principe au moins égale à cinq ans, applicable de plein droit à toute personne physique à l'égard de laquelle a été prononcée la faillite personnelle, l'interdiction prévue à l'article 192 de la loi du 25 janvier 1985 ou la liquidation judiciaire, sans que le juge qui décide de ces mesures ait à prononcer expressément ladite incapacité, l'article 194 de cette loi méconnaît le principe de nécessité des peines ; que doivent être également déclarées contraires à la Constitution, comme en étant inséparables, les dispositions de l'article 195 de ladite loi faisant référence à l'incapacité d'exercer une fonction publique élective ; qu'en conséquence les dispositions du 5o du I de l'article 195 de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel doivent être regardées comme contraires à la Constitution ;
Considérant que les autres dispositions du titre V ne sont contraires à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
Sur les titres VI à VII :
Considérant que les titres VI, VII et VIII sont respectivement relatifs au haut-commissaire de la République et à l'action de l'Etat ; au contrôle juridictionnel, financier et budgétaire ; au rééquilibrage et au développement économique, social et culturel ; qu'ils n'encourent aucune critique d'inconstitutionnalité ;
Sur le titre IX :
Considérant que ce titre est consacré à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté ; qu'il comprend les articles 216 à 221 ;
En ce qui concerne l'article 216 :
Considérant que l'article 216, qui prévoit les modalités de convocation des personnes appelées à participer à la consultation et dispose que le corps électoral se prononce à la majorité des suffrages exprimés, n'encourt pas de critique d'inconstitutionnalité ;
En ce qui concerne l'article 217 :
Considérant que l'article 217 est ainsi rédigé :
« La consultation est organisée au cours du mandat du Congrès qui commencera en 2014 ; elle ne peut toutefois intervenir au cours des six derniers mois précédant l'expiration de ce mandat. Sa date est fixée par une délibération du Congrès adoptée à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Si à l'expiration de l'avant-dernière année du mandat du Congrès commençant en 2014 celui-ci n'a pas fixé la date de la consultation, elle est organisée à une date fixée par le Gouvernement de la République, dans les conditions prévues au II de l'article 216, dans la dernière année du mandat.
« Si la majorité des suffrages exprimés conclut au rejet de l'accession à la pleine souveraineté, une deuxième consultation sur la même question peut être organisée à la demande écrite du tiers des membres du Congrès, adressée au haut-commissaire et déposée à partir du sixième mois suivant le scrutin. La nouvelle consultation a lieu dans les dix-huit mois suivant la saisine du haut-commissaire à une date fixée dans les conditions prévues au II de l'article 216.
« Aucune demande de deuxième consultation ne peut être déposée dans les six mois précédant le renouvellement général du Congrès. Elle ne peut en outre intervenir au cours de la même période.
« Si la majorité des suffrages exprimés conclut une seconde fois au rejet de l'accession à la pleine souveraineté, le comité des signataires mentionné à l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 examine les conditions dans lesquelles sera poursuivie la mise en oeuvre des dispositions de l'accord.
« En cas de dissolution du Congrès, aucune consultation au titre du présent article ne peut avoir lieu dans un délai de six mois suivant le renouvellement du Congrès. »
Considérant qu'aux termes de l'article 77 de la Constitution : « Après approbation de l'accord lors de la consultation prévue à l'article 76, la loi organique, prise après avis de l'assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine, pour assurer l'évolution de la Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par cet accord et selon les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre :... - les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté. » ;
Considérant que l'accord de Nouméa stipule en son point 5, consacré à l'évolution de l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie :
« Au cours du quatrième mandat (de cinq ans) du Congrès, une consultation électorale sera organisée. La date de cette consultation sera déterminée par le Congrès, au cours de ce mandat, à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
« Si le Congrès n'a pas fixé cette date avant la fin de l'avant-dernière année de ce quatrième mandat, la consultation sera organisée, à une date fixée par l'Etat, dans la dernière année du mandat.
« La consultation portera sur le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l'accès à un statut international de pleine responsabilité et l'organisation de la citoyenneté en nationalité.
« Si la réponse des électeurs à ces propositions est négative, le tiers des membres du Congrès pourra provoquer l'organisation d'une nouvelle consultation qui interviendra dans la deuxième année suivant la première consultation. Si la réponse est à nouveau négative, une nouvelle consultation pourra être organisée selon la même procédure et dans les mêmes délais. Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée » ;
Considérant qu'il résulte clairement des stipulations précitées de l'accord de Nouméa qu'en premier lieu, en cas de réponse négative à la première consultation, une deuxième consultation doit être organisée au cours de la deuxième année suivant la première consultation, lorsque la demande en est faite par le tiers des membres du congrès ; qu'en deuxième lieu, en cas de réponse négative à la deuxième consultation, une troisième consultation doit être organisée selon la même procédure et dans les mêmes délais ; qu'enfin la réunion du comité des signataires de l'accord de Nouméa pour examiner la situation née de réponses négatives ne peut intervenir qu'à l'issue de trois consultations successives ;
Considérant, d'une part, qu'en cas de réponse négative à la première consultation, le deuxième alinéa de l'article 217 doit être entendu comme imposant l'organisation d'une deuxième consultation à la demande écrite du tiers des membres du Congrès ;
Considérant, d'autre part, qu'en prévoyant la réunion du comité des signataires, afin d'examiner la situation résultant de réponses négatives successives, non pas à l'issue d'une troisième consultation mais dès l'issue de la deuxième, le quatrième alinéa de l'article 217 a méconnu l'obligation que faisait au législateur organique l'article 77 de la Constitution de respecter les orientations définies par l'accord de Nouméa et de fixer les modalités nécessaires à sa mise en oeuvre ; qu'il y a lieu dès lors de déclarer le quatrième alinéa de l'article 217 non conforme à la Constitution ;
Considérant que les autres dispositions de l'article 217, relatives aux deux premières consultations, sont séparables du quatrième alinéa ; qu'elles sont conformes aux stipulations de l'accord de Nouméa applicables aux deux premières consultations ; que le législateur organique a l'obligation constitutionnelle de prévoir une troisième consultation en cas de réponse négative aux deux précédentes ;
En ce qui concerne l'article 218 :
Considérant que cet article définit le corps électoral appelé à participer à la consultation sur l'accession à la pleine souveraineté conformément au point 2.2.1 de l'accord de Nouméa ; qu'il se borne ainsi à mettre en oeuvre l'article 77 de la Constitution ;
En ce qui concerne les autres articles du titre IX :
Considérant que ces articles ne sont contraires à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;
Sur le titre X :
Considérant que ce titre comporte des dispositions diverses et transitoires ; qu'elles sont conformes à la Constitution ;
Sur le caractère organique des dispositions de la loi :
Considérant que les dispositions de l'article 58, relatives au détachement et à l'intégration des fonctionnaires de la Nouvelle-Calédonie dans la fonction publique de l'Etat et dans la fonction publique territoriale soumise à la loi no 84-53 du 26 janvier 1984, de l'article 61, relatives à la titularisation dans la fonction publique de l'Etat d'agents non titulaires de l'Etat, et de l'article 207, relatives à la présidence des chambres territoriales des comptes de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française, ne concernent pas des matières que l'article 77 de la Constitution a placées dans le champ de compétence de la loi organique ; que les autres dispositions de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel présentent, en vertu de l'article 77 de la Constitution, un caractère organique,
Décide :
Art. 1er. - Sont déclarés contraires à la Constitution le 5o du I de l'article 195 et le quatrième alinéa de l'article 217 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie.
Art. 2. - Sous les réserves d'interprétation qui précèdent, les autres dispositions de cette loi, tant celles qui ont le caractère de loi organique que celles qui ont le caractère de loi, sont déclarées conformes à la Constitution.
Art. 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 15 mars 1999, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir, M. Pierre Mazeaud et Mme Simone Veil.