J.O. Numéro 22 du 27 Janvier 1999       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 01411

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Délibération no 98-101 du 22 décembre 1998 portant modification de la recommandation relative à la gestion des crédits ou des prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédit


NOR : CNIX9903376X


La Commission nationale de l'Informatique et des Libertés,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 7 ;
Vu la convention no 108 du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
Vu le décret no 78-774 du 17 juillet 1978 modifié pris pour l'application des chapitres Ier à IV et VII de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ;
Vu la délibération no 87-25 du 10 février 1987 fixant le règlement intérieur de la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés ;
Vu la délibération no 80-23 du 8 juillet 1980 modifiée concernant les traitements automatisés d'informations nominatives relatifs à la gestion des crédits ou des prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédit (norme simplifiée no 13) ;
Vu la délibération no 88-83 du 5 juillet 1988 portant adoption d'une recommandation relative à la gestion des crédits ou des prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédit ;
Vu les délibérations no 98-042 du 28 avril 1998 et no 98-049 du 26 mai 1998 décidant d'une vérification sur place auprès de plusieurs établissements de crédit ;
Vu les comptes rendus notifiés le 20 novembre 1998 aux établissements contrôlés et les observations en réponse produites par ces différents établissements ;
Après avoir entendu M. Benoist (Michel) et M. Chahid-Nouraï (Noël), commissaires, en leur rapport, et Mme Pitrat (Charlotte-Marie), commissaire du Gouvernement, en ses observations ;
Considérant qu'à la suite de la divulgation par la presse de pratiques d'établissements de crédit utilisant la nationalité comme critère discriminant dans l'instruction des demandes de prêt, voire comme critère de refus en ce qui concerne les ressortissants de certains Etats étrangers considérés comme « statistiquement risqués », la commission a engagé une série de contrôles sur place dans huit établissements de crédit ;
Considérant que ces missions avaient pour objet de vérifier les conditions dans lesquelles sont collectées, enregistrées et utilisées les informations, notamment celle relative à la nationalité, à partir desquelles sont prises les décisions concernant les demandes de prêt ;
Considérant que l'ensemble des établissements contrôlés recourent pour l'appréciation du risque du crédit présenté par un demandeur à des moyens automatisés, et notamment à la technique du « score » qui repose sur l'attribution automatique d'un certain nombre de « points » aux renseignements fournis lors de la demande de prêt ; que ces « points » sont attribués à partir de calculs statistiques et de probabilités sur la capacité de remboursement du candidat au crédit, qui prend en considération tant sa situation familiale que professionnelle et bancaire ;
Considérant que si l'octroi d'un crédit relève nécessairement de la libre appréciation du prêteur, les traitements automatisés mis en oeuvre à cette fin ne peuvent l'être que dans le respect de la loi, et tout particulièrement de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ainsi que de la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981 ;
Considérant que la commission avait déjà pris position sur la technique du score dans une recommandation du 5 juillet 1988 relative à la gestion des crédits ou des prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédit ;
Considérant en effet que l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 précise qu'aucune décision impliquant une appréciation sur un comportement humain ne peut avoir pour seul fondement un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé ; que, de surcroît, la circonstance que le « score » ne constitue qu'une aide à la décision, non exclusive d'une appréciation humaine, ne saurait justifier que les informations utilisées dans le traitement du « score » échappent à l'exigence posée par l'article 5 c de la convention no 108 du Conseil de l'Europe aux termes duquel les informations nominatives faisant l'objet d'un traitement doivent être pertinentes, adéquates et non excessives ; qu'enfin, l'article 3 de la loi précitée reconnaît à toute personne le droit de connaître et de contester les informations et les raisonnements utilisés dans les traitements automatisés dont les résultats lui sont opposés ;
Considérant que la collecte de la nationalité ne peut se justifier qu'au titre d'élément d'état civil ; qu'il est apparu lors des missions de contrôle que la grande majorité des établissements contrôlés collecte la nationalité sous la forme « Français-CEE-Autres », conformément à la norme simplifiée no 13 sur la gestion des crédits et des prêts consentis à des personnes physiques ; que, toutefois, certains établissements intègrent la nationalité sous la forme « France, CEE, Autre » dans leur grille de score et accordent une pondération différente à chacune de ces variables ;
Considérant que les méthodes mises en oeuvre par les établissements de crédit ne doivent pas conduire à des décisions de rejet des demandes de prêt qui reposeraient sur des critères discriminants illégitimes, voire contraires à la loi ;
Considérant qu'admettre que l'information relative à la nationalité soit pondérée différemment selon la nationalité serait considérer que celle-ci constituerait un critère pouvant déterminer de manière significative un comportement, indifféremment des conditions sociales, financières ou matérielles caractérisant la situation de l'intéressé ;
Considérant qu'il y a lieu de rappeler que l'article 7 du traité instituant la Communauté européenne interdit d'établir des discriminations entre Français et ressortissants d'un autre Etat membre de la Communauté européenne et que les articles 225-1 et 225-2 du code pénal sanctionnent toute distinction opérée entre les personnes physiques, dans le cadre de la fourniture d'un bien ou d'un service, en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes physiques à une nation ;
Considérant au surplus que l'information relative à la nationalité des demandeurs n'a pas de caractère pertinent au sens de l'article 5 c de la convention no 108 du Conseil de l'Europe au regard de la finalité d'un traitement visant à apprécier le risque de crédit ;
Considérant que certains établissements de crédit ainsi que l'Association française des sociétés financières (ASF) font cependant valoir qu'une pondération différente entre ressortissants français, ressortissants d'autres Etats membres de la Communauté européenne et ressortissants d'un autre pays du monde, c'est-à-dire entre des catégories regroupant, pour les deux dernières, plusieurs nationalités sans qu'il soit distingué entre elles au sein d'une même catégorie, permet de tenir compte des difficultés plus ou moins grandes et onéreuses de recouvrement des créances dans l'hypothèse où le débiteur regagnerait son pays d'origine ; qu'il est ainsi soutenu que, sans être de nature à porter atteinte à la vie privée ou aux libertés, l'information enregistrée selon de telles modalités serait pertinente au regard de la finalité du traitement ;
Considérant que si cet argument est susceptible de justifier l'éventuelle prise en compte dans le « score » de la durée de validité du titre de séjour des ressortissants étrangers vivant en France, en tout cas pour les crédits comportant un long échelonnement d'amortissement, il ne saurait rendre légitime la distinction entre Français, ressortissants d'autres Etats membres de la Communauté européenne et étrangers, tant au regard des dispositions de l'article 7 du traité instituant la Communauté européenne qu'au regard des dispositions, stipulations et observations ci-dessus exposées ; que, de surcroît, il y a lieu de relever que l'hypothèse dans laquelle un ressortissant étranger vivant en France et souscrivant un crédit retournerait dans son pays d'origine avant l'expiration de la durée de validité de son titre de séjour ne saurait à elle seule justifier que, de manière générale, le nombre de points affectés par l'ordinateur aux demandeurs de crédit soit différent selon que ce demandeur est français, ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou ressortissant d'un Etat tiers ;
Décide de modifier la recommandation du 5 juillet 1988 susvisée ainsi qu'il suit :
Sur le calcul automatisé de l'appréciation du risque, ajouter un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« Que la nationalité ne peut constituer une variable entrant en ligne de compte dans ce calcul, qu'elle soit considérée sous la forme "Français, ressortissant CEE, Autres" ou a fortiori enregistrée en tant que telle » ;
Sur les données enregistrées, ajouter un troisième alinéa ainsi rédigé :
« Que dans le cadre de l'appréciation du risque et au-delà du calcul automatisé qui en est fait, seule la prise en compte de la stabilité de la résidence du demandeur de crédit sur le territoire français constitue une information pertinente. »


Le président,
J. Fauvet