J.O. Numéro 17 du 21 Janvier 1999       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 01099

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Décisions interdisant des publicités pour des médicaments mentionnées à l'article L. 551, premier alinéa, du code de la santé publique, destinées aux personnes appelées à prescrire ou à délivrer ces médicaments ou à les utiliser dans l'exercice de leur art


NOR : MEMS9823998S




Par décision du directeur général de l'Agence du médicament en date du 15 décembre 1998 :
Considérant que les laboratoires Bayer Pharma, 13, rue Jean-Jaurès, 92807 Puteaux, ont diffusé trois publicités relatives à la spécialité Ciflox, aide de visite et diaporama ;
Considérant que ces documents sont susceptibles d'induire en erreur le prescripteur au regard des caractéristiques du produit validées par l'autorisation de mise sur le marché de Ciflox :
Pages 6 et 9, il est préconisé de prescrire Ciflox dans les bronchites chroniques dès qu'il y a un facteur de risque ; or le terme « dès que », introduit une nuance qui est contraire :
- d'une part, aux indications validées par l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité Ciflox, dont le libellé est restrictif, précisant que Ciflox est réservé « à l'exception des infections pneumococciques, aux suppurations bronchiques, notamment quand un bacille gram négatif est suspecté : chez le sujet à risque, chez le bronchitique chronique lors de poussées itératives, chez des patients atteints de mucoviscidose » ;
- d'autre part, aux bonnes pratiques médicales actuellement recommandées.
Par ailleurs, page 4, les facteurs de risque déclinés ne sont pas justifiés d'un point de vue épidémiologique et tendent à élargir le champ des indications de la spécialité Ciflox dans la mesure où ils sont nombreux et mal définis. De plus, il est allégué que Ciflox est le médicament qu'il faut administrer en première intention quand il y a des facteurs de risque. Or, inciter à prescrire ainsi Ciflox est susceptible d'engendrer une réelle perte de chances de guérison pour le patient puisque le pneumocoque, germe habituel des infections respiratoires, est modérément sensible aux fluoroquinolones ;
Considérant que ces documents ne présentent pas Ciflox de façon objective :
a) Page 9, concernant la sinusite chronique, la présentation de l'étude comparative de la ciprofloxacine et de l'amoxicilline/acide clavulanique dans le traitement des sinusites chroniques de Legent et al. est trompeuse, montrant que Ciflox a une efficacité supérieure à J 40 alors que cette étude conclut à l'absence de différence significative entre les deux traitements à J 10 et J 40. Le diagramme à J 40 présenté correspond à une analyse a posteriori du sous-groupe de patients qui avaient un prélèvement bactériologique positif à l'inclusion. Ce résultat ne correspond donc pas à l'évaluation de l'efficacité globale quatre semaines après la fin du traitement et véhicule une information contraire aux conclusions de l'étude comparative. De plus, cette étude n'est pas correctement référencée, il n'est en effet pas indiqué qu'il s'agit d'un numéro spécial ;
b) Page 7, il est présenté l'étude de Léophonte et al. qui conclut à une supériorité de Ciflox dans les surinfections de bronchites chroniques : or, le choix de cette étude n'est pas objectif dans la mesure où les études comparatives macrolides versus fluoroquinolones (dont certaines avec la ciprofloxacine) existant dans la littérature montrent que les traitements par ces produits sont équivalents dans les surinfections de bronchite chronique ;
c) Page 23, il est allégué que la mutation chromosomique est un accident fortuit rare qui concerne tous les antibiotiques et que la résistance plasmidique concerne tous les antibiotiques sauf les fluoroquinolones et la rifampicine, ce qui n'est pas acceptable dans la mesure où cette allégation laisse croire qu'un rare phénomène de résistance existe avec les fluoroquinolones alors que les fluoroquinolones sont les antibiotiques qui entraînent le plus de mutations chromosomiques. De plus, ces mutations sont d'une façon générale très fréquentes et engendrées notamment par la prescription d'antibiotiques ;
d) Page 5, le schéma relatif à la bactéricidie du céfaclor et de la cirprofloxacine vis-à-vis de Haemophilus influenzae n'est pas acceptable dans la mesure où le comparateur n'est pas pertinent, le céfaclor étant une des béta-lactamines les moins actives sur les Haemophilus influenzae producteurs de béta-lactamases ;
e) Page 5, les pourcentages de résistances présentés pour Haemophilus influenzae ne sont pas conformes aux autorisations de mise sur le marché des molécules citées, notamment pour le céfuroxime pour lequel Haemophilus influenzae est classé comme habituellement sensible ;
f) Page 33, le diagramme relatif aux tendinopathies laisse croire que Ciflox est à l'origine de moins de tendinopathies que l'ofloxacine, ce qui n'est pas acceptable dans la mesure où la différence entre ces deux fluoroquinolones n'est pas significative ;
g) Page 20, l'allégation « macrolides : infections respiratoires : activité faible sur les germes les plus fréquemment en cause » est de nature à induire en erreur le prescripteur dans la mesure où les macrolides constituent un traitement de choix des infections bronchiques et des pneumopathies à bactéries intra-cellulaires ;
h) Pages 16 et 18, il est allégué que les céphalosporines ont une bactéricidie lente. Or, d'une part, cette allégation est non objective vis-à-vis des béta-lactamines et, d'autre part, l'explication par le fait que les céphalosporines ont un mécanisme d'action centré uniquement sur les bactéries au moment de la division n'a pas de pertinence scientifique ;
i) Pages 16 et 18, la comparaison de consommations d'antibiotiques présentées ne correspond pas à des situations de consommations pour lesquelles il existe des facteurs de risque ;
j) Page 12, la rubrique « bactéricidie » présente des courbes qui constituent une observation microbiologique in vitro sans impact clinique. De plus, sous l'allégation « bactéricidie importante », il est comparé des CMI relatives à Proteus mirabilis, alors que ce germe est classé comme inconstamment sensible à la ciprofloxacine et sensible à la norfloxacine. Par ailleurs, ce document présente un ensemble d'éléments qui ne constituent pas une validation garantissant l'efficacité in vivo et qui de facto ne peuvent être utilisés comme arguments publicitaires : il s'agit notamment de la présentation de courbes de bactéricidie, de volumes de distribution, de quotients inhibiteurs ;
k) Dans ce document, il est présenté un ensemble de concentrations tissulaires. Or, les différentes présentations de concentrations tissulaires ne sont pas objectives et non conformes aux recommandations de la commission de publicité, qui précisent que les données de pharmacocinétique, en particulier les concentrations tissulaires, doivent préciser les valeurs moyennes vraisemblables, telles qu'elles ressortent de la synthèse de plusieurs études, qu'on ne citera pas exclusivement l'étude qui fournit les résultats les plus favorables à la spécialité concernée et que si des données chiffrées sont retenues dans la décision d'autorisation de mise sur le marché, ces valeurs doivent être mises en exergue ;
Considérant que ces documents ne favorisent pas le bon usage : il est préconisé de prescrire Ciflox pendant deux semaines dans les cystites. Or, la durée de traitement des cystites (sauf sur anomalies anatomiques graves, avec germes multi-résistants ou sondes à demeure) est plus courte ;
Considérant qu'ainsi, ces documents sont contraires à l'article L. 551-1 du code de la santé publique qui précise notamment que la publicité doit respecter les dispositions de l'autorisation de mise sur le marché, présenter le médicament de façon objective et favoriser son bon usage,
les publicités, sous quelque forme que ce soit, pour la spécialité pharmaceutique Ciflox reprenant les allégations mentionnées ci-dessus sont interdites.