Paris, le 31 décembre 1998.
Le Premier ministre à Madame et Messieurs les préfets de région et Mesdames et Messieurs les préfets de département
Le comité interministériel des villes du 30 juin 1998 a fixé les orientations de la politique de la ville du Gouvernement. Cette nouvelle ambition se dessine autour de quatre objectifs : garantir le pacte républicain, renforcer la cohésion sociale, mobiliser autour d'un projet collectif, construire un nouvel espace démocratique avec les habitants.
Les moyens supplémentaires réservés dans le prochain budget à la mise en oeuvre des contrats de ville et aux autres conventions actuellement en vigueur vous permettront d'amplifier fortement le soutien de l'Etat au travail des acteurs de terrain dès 1999.
La présente circulaire a pour objet de vous donner les premières instructions nécessaires à la préparation de la prochaine génération de contrats de ville qui couvriront la période 2000-2006.
1. L'objet et le contenu du contrat de ville
Le contrat de ville constitue le cadre par lequel l'Etat, les collectivités locales et leurs partenaires s'engagent à mettre en oeuvre, de façon concertée, des politiques territorialisées de développement solidaire et de renouvellement urbain, visant à lutter contre les processus de dévalorisation de certains territoires de nos villes. Son objectif est le développement d'une ville équilibrée permettant l'intégration harmonieuse de toutes ses composantes.
Le contrat de ville doit comporter des programmes d'action à l'échelle de la commune et de l'agglomération concourant à la lutte contre les processus de ségrégation urbaine et sociale : actions favorisant la mixité de l'habitat, la diversification des fonctions des quartiers d'habitat social, la coordination des interventions des acteurs engagés dans la prévention et la lutte contre les exclusions, l'emploi et le développement économique local, le désenclavement des quartiers dans le cadre d'une politique cohérente de transports et de déplacements urbains, l'égalité des citadins devant le service public (éducation, santé, culture, justice, accès au droit), la prévention de la délinquance et la tranquillité publique, l'intégration des immigrés et de leurs familles.
Le contrat de ville doit par ailleurs comporter des interventions sur des sites prioritaires définis localement (îlot, quartier, ensemble de quartiers...). Ces sites pourront évoluer au cours du contrat. Pour autant, cette plus grande souplesse ne devra pas conduire à une dispersion des actions sur l'ensemble de la ville ou de l'agglomération. A l'échelle de ces sites prioritaires, doivent être poursuivis et développés, dans le cadre d'un projet global, les actions de développement social et culturel, les opérations de renouvellement urbain et de réhabilitation de logements, la création et le soutien au fonctionnement d'équipements de quartiers ainsi que les interventions au titre de la gestion urbaine de proximité. Celle-ci doit faire l'objet de programmes d'ensemble cohérents (éclairage public, entretien et gestion des espaces collectifs, enlèvement des déchets, mobilier urbain, gestion locative...).
Les futurs contrats de ville comprendront une convention-cadre qui déterminera les objectifs du contrat et fixera les programmes d'action thématiques applicables à l'ensemble du périmètre du contrat et des conventions territoriales qui définiront les programmes d'action à mener sur les sites prioritaires.
Le contrat de ville ne doit pas se limiter à une déclaration d'intention assortie d'une programmation indicative de moyens. Il doit constituer le cadre d'une véritable recomposition de l'action publique de lutte contre les processus de ségrégation urbaine et sociale, au service de programmes d'action finalisés, comportant des objectifs précis et des obligations de résultats, dans une logique de projet territorial. Les principes d'une évaluation en continu associant les habitants et les moyens qui y seront consacrés devront être définis dans la convention-cadre.
2. La géographie d'intervention de l'Etat
et la durée de la contractualisation
Le contrat de ville sera la procédure de contractualisation unique pour la politique de la ville. Il constituera la déclinaison pour la politique de la ville des priorités du contrat de plan. Il pourra concerner aussi bien des agglomérations que des villes petites et moyennes, si la gravité des problèmes rencontrés dans ces aires urbaines, la capacité de mobilisation et de coopération des acteurs locaux, la qualité du projet collectif d'action solidaire le justifient. Il reposera dans toute la mesure du possible sur une démarche intercommunale, s'appuyant sur les établissements publics de coopération intercommunale quand ils existent et qu'ils disposent des compétences essentielles à la mise en oeuvre de la politique de la ville, ou d'une intercommunalité de projets reposant sur des structures de coopération ad hoc plus souples.
Il sera conclu pour sept ans, comme les contrats de plan Etat-région. Les aires urbaines bénéficiant actuellement de PACT urbains, de conventions de développement social urbain en outre-mer, celles pour lesquelles vous envisagiez des conventions de sortie, pourront, si l'acuité des problèmes le justifie, bénéficier de contrats de ville. Pour certaines de ces villes, la durée du contrat pourra être plus courte, trois ans par exemple. Dans les villes faisant l'objet d'un grand projet urbain, le contrat de ville sera le cadre unique de contractualisation et de mise en oeuvre des actions. Ces sites continueront de bénéficier de moyens exceptionnels, compte tenu de l'ampleur des actions de renouvellement urbain qui doivent y être menées. En Ile-de-France, un dispositif particulier pourra être mis en place dans la zone agglomérée, à l'initiative du préfet de région et des préfets de département, en concertation avec le conseil régional et les conseils généraux concernés.
Il appartient aux échelons déconcentrés de l'Etat, à l'issue des discussions qui seront engagées avec les collectivités locales, de définir les périmètres de contractualisation, villes ou agglomérations. Je souhaite que cet exercice soit coordonné par les préfets de région, en conférence administrative régionale, sur la base des propositions des préfets de département. Les chefs de juridiction seront associés à cette démarche.
Ce niveau me paraît le plus opportun dans la mesure où la charte de la déconcentration reconnaît la circonscription régionale comme l'échelon territorial d'animation et de coordination des politiques de l'Etat relatives à la ville. Le choix de cette démarche facilitera également les discussions avec le conseil régional et les exercices ultérieurs de programmation et de répartition des crédits.
L'établissement de la liste des sites au niveau déconcentré ne doit pas conduire à une dispersion de l'action de l'Etat sur un nombre trop important d'aires urbaines. La répartition des enveloppes financières régionales tiendra compte essentiellement de critères objectifs et non du nombre de contrats envisagés.
Le contrat de ville étant conclu pour sept ans, il devra faire l'objet de révisions sur la base des résultats du dispositif d'évaluation qui sera mis en place. En effet, si le contrat a vocation à servir de cadre stratégique sur toute sa durée, il doit ménager la capacité d'adaptation des programmes d'action qui peuvent comporter des échéances différentes. Un examen d'ensemble interviendra nécessairement à l'occasion d'un bilan à mi-parcours en 2003.
3. Le partenariat avec les conseils régionaux et généraux
La politique de la ville constituera pour l'Etat une priorité de la négociation des contrats de plan Etat-région. L'appui apporté par le conseil régional aux contrats de ville en constitue un élément déterminant et il faudra s'attacher à obtenir des conseils régionaux une implication plus forte qu'au cours du onzième plan.
Par ailleurs, l'enjeu central de la politique de la ville, à savoir le retour dans le droit commun de la ville et de la gestion quotidienne de celle-ci, de territoires qui s'en trouvent écartés, doit conduire à conférer à cette préoccupation une place plus grande que celle qu'elle occupe actuellement dans les volets du contrat de plan Etat-région consacrés aux politiques structurelles : développement économique, emploi et formation professionnelle, culture, transports, habitat, éducation et recherche... La politique de la ville n'est pas une politique sectorielle de plus. Elle constitue une dimension de toutes les politiques publiques.
Cette même double préoccupation doit vous guider dans vos discussions avec les conseils généraux. Ceux-ci doivent être pleinement associés à l'ensemble du processus. Je souhaite que soit proposée à chaque conseil général la signature d'une convention particulière sur la politique de la ville, parallèlement au volet du contrat de plan Etat-région relatif à la politique de la ville, convention particulière qui pourra s'accompagner de la signature par les conseils généraux des contrats de ville. A ce niveau également, les compétences propres des conseils généraux devront être sollicitées, qu'il s'agisse en particulier de l'action sociale (aide sociale à l'enfance, fonctionnement des circonscriptions de travail social, protection maternelle et infantile, prévention spécialisée, actions d'insertion liées au revenu minimum et au logement des plus démunis) ou de la gestion des collèges.
Le niveau et la qualité des interventions des départements dans les sites prioritaires identifiés par les contrats de ville devraient, dans ces domaines, faire l'objet d'une attention particulière.
4. L'articulation avec les autres dispositifs
Le projet de loi relatif à l'aménagement durable du territoire prévoit deux nouvelles modalités de contractualisation : les contrats d'agglomération et les contrats de pays.
Les contrats de ville en agglomération (ce terme désignant les aires urbaines au sens du projet de loi relatif à l'organisation urbaine et à la simplification de la coopération intercommunale) ont naturellement vocation à s'intégrer aux contrats d'agglomération susceptibles d'être conclus à moyen terme dans ces mêmes aires urbaines. Dès lors, même si leur préparation est décalée dans le temps, les contrats de ville et les contrats d'agglomération constituent deux temps d'une même démarche poursuivant un objectif commun : mettre les politiques publiques au service d'un projet territorial global.
Le contrat de ville peut ainsi constituer l'axe de cohésion sociale et territoriale, négocié par anticipation, des futurs contrats d'agglomération. La préparation des contrats de ville dans celles des agglomérations dont les problèmes urbains justifieront selon vous cette démarche doit donc s'inscrire dans une logique de stratégie globale d'agglomération, définie préalablement. En effet, c'est dès le départ que l'enjeu de développement solidaire doit être pris en compte dans les démarches de diagnostic d'agglomération et dans l'élaboration de la stratégie de développement urbain.
Certains contrats de ville dans de petites villes pourront également, dans les mêmes conditions, s'intégrer dans les contrats de pays.
L'élaboration du contrat de ville doit vous permettre d'agencer l'ensemble des procédures contractuelles initiées par l'Etat et actuellement en vigueur dans le champ du développement social urbain, notamment celles concernant l'habitat, le désenclavement des quartiers, la sécurité, l'éducation, l'environnement, la culture, l'intégration, l'emploi et le développement économique, la santé et la lutte contre les toxicomanies, la jeunesse et les sports, la lutte contre l'exclusion en mettant en oeuvre les conventions prévues par l'article 156 de la loi du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. La préparation du contrat de ville devra être le cadre naturel de la discussion de ces conventions.
5. Le calendrier de travail
Afin d'élaborer des contrats de bonne qualité, vous devez utiliser pleinement l'année de préparation. Je vous demande d'engager les discussions avec les collectivités locales, communes, structures intercommunales, conseils généraux, conseils régionaux dès réception de la présente circulaire.
Dès que vous aurez recueilli un accord des villes et des structures intercommunales qui souhaitent s'engager avec l'Etat et pour lesquelles vous jugez nécessaire la préparation d'un contrat de ville, il conviendra d'entamer l'élaboration d'un diagnostic partagé et la préparation d'un document commun d'orientation. Les services de l'Etat devront participer activement à cette phase d'études préalables en s'attachant à construire de façon collégiale un point de vue de l'Etat sur les enjeux essentiels qui le concernent. Cette étape devrait être achevée à la fin du premier semestre 1999.
Le second semestre devrait être réservé à la préparation du contrat, la signature devant intervenir avant la fin de l'année 1999 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2000.
6. Les financements
Les enveloppes financières consacrées à la prochaine génération des contrats de ville feront l'objet de décisions ultérieures dans le cadre de la préparation des contrats de plan Etat-région. Des enveloppes financières régionales seront fixées dans ce cadre et vous seront communiquées à la fin du premier semestre 1999. Elles seront complétées en tenant compte des nouvelles modalités d'intervention définies par l'Union européenne. Un prochain CIV fixera les règles de financement applicables aux futurs contrats de ville.
Je vous rappelle toutefois que les financements de base de la politique de la ville doivent demeurer ceux des actions de droit commun de l'Etat qui doivent être concentrés sur les sites nécessitant des interventions au titre de la solidarité urbaine. Les crédits spécifiques de la politique de la ville doivent permettre de financer essentiellement l'ingénierie du contrat, les interventions identifiées comme prioritaires et les actions innovantes. Les opérations de renouvellement urbain feront l'objet d'un effort particulier. Ils doivent par ailleurs permettre d'aider plus fortement celles des communes dont les ressources ne sont manifestement pas à la hauteur des problèmes qu'elles rencontrent. C'est aussi pourquoi l'effort de redistribution engagé en leur faveur en 1999 sera poursuivi, par le moyen notamment de la dotation de solidarité urbaine, au cours des prochaines années.
Pour vous aider à préparer des contrats de ville de bonne qualité qui supposent des diagnostics préalables approfondis, vous pourrez faire appel dès le début de l'année 1999 à des crédits d'ingénierie qui ont été inscrits au budget de la délégation interministérielle à la ville.
7. La mobilisation des services de l'Etat
Trois principes devront guider l'action des services de l'Etat dans ces travaux :
- une action publique fortement décentralisée et déconcentrée. Il ne s'agit plus de dupliquer localement un modèle national, mais d'inventer des réponses spécifiques, adaptées à chaque projet territorial ;
- une action publique de type stratégique ayant l'ambition de peser sur les causes des processus de dévalorisation mais qui soit également capable d'opérer rapidement et efficacement face à des urgences concrètes ;
- une action publique qui parie sur la qualité des démarches et des dispositifs. La logique de projet, la démarche de diagnostic, la négociation d'objectifs partagés, le pilotage dans la durée de politiques complexes, l'évaluation comme mode normal d'ajustement des programmes d'action sont autant de nécessités requises pour une telle ambition. Il vous faudra donc mettre en place, particulièrement au sein de l'Etat, des programmes de formation ambitieux et faire vivre des dispositifs performants d'échanges et d'animation.
La préparation des contrats de ville doit être l'occasion d'une forte mobilisation des services de l'Etat au niveau régional comme au niveau départemental. C'est l'occasion de dynamiser les instances collégiales à même d'impliquer l'ensemble des responsables : conférence administrative régionale, comité interservices régional, collège des chefs de service.
Ce dernier doit être régulièrement réuni autour des enjeux de la politique de la ville et associer à cette occasion les chefs de juridiction et les partenaires publics, notamment le FAS, la CDC et les CAF. Dans le prolongement des travaux des collèges des chefs de service, le sous-préfet à la ville ou le responsable départemental, que vous devez désigner parmi les membres du corps préfectoral ou les chefs des services déconcentrés, pour coordonner cette politique prioritaire, anime la cellule interservices dans laquelle le trésorier-payeur général et l'inspecteur d'académie doivent être représentés. L'institution judiciaire et l'ensemble des autres partenaires publics concourant à la politique de la ville doivent également y être associés.
8. La participation des habitants
La participation des habitants qui est au coeur de la politique de la ville doit franchir une nouvelle étape à l'occasion de la préparation des prochains contrats de ville. Cette plus forte implication conditionne la réussite de ces contrats. Il convient en particulier d'organiser les démarches permettant aux habitants de se prononcer, en amont de l'élaboration des projets, sur les priorités des programmes d'action qui concernent le cadre de leur vie quotidienne, mais aussi de les associer à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation en continu des actions qui seront décidées par les partenaires du contrat de ville.
A cet effet devront être fortement soutenues, dès 1999, les initiatives visant à favoriser l'exercice de la citoyenneté, à faire participer les usagers au fonctionnement des services publics, les procédures de gestion participative, les actions visant à favoriser la prise de parole et l'expression collective des habitants.
Encourager la participation des habitants, et notamment des jeunes, demande une capacité d'écoute, de prise en compte des préoccupations exprimées et d'apport de solutions concrètes chaque fois que possible. La participation des habitants renvoie donc à la crédibilité de l'aptitude des institutions à traiter efficacement ce qui touche ceux-ci de près. Les services de l'Etat doivent s'engager fortement en la matière.
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Le Gouvernement a mis l'accent, ces derniers mois, sur l'importance pour le pays tout entier des enjeux liés à nos villes. L'enjeu de la nouvelle étape contractuelle est donc bien de placer la solidarité au coeur de l'action publique dans une politique urbaine plus cohérente et plus ambitieuse. Il nous faut pour cela allier le souci de réalisme et le dessein d'une ambition forte.
C'est sur la base de ces orientations que je vous demande d'engager la préparation des contrats de ville. Vous recevrez pour cela l'appui de la délégation interministérielle à la ville. Vous rendrez compte régulièrement au ministre délégué à la ville de l'avancement de vos travaux.