J.O. Numéro 1 du 1er Janvier 1999       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 00008

Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance


Saisine du Conseil constitutionnel en date du 18 décembre 1998 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 98-405 DC (rectificatif)


NOR : CSCL9803353Z


Rectificatif au Journal officiel du 31 décembre 1998, page 20147, 1re colonne, après la 11e ligne, ajouter :
« Enfin, il convient de souligner que l'argument selon lequel l'instauration d'une telle taxe se justifierait par les besoins de financement du FARIF ne peut être retenu. En effet, si l'Etat avait toujours inscrit au budget les crédits imposés par la loi au titre du FARIF, celui-ci bénéficierait des moyens financiers nécessaires.
IX. - Article 44 réformant la taxe professionnelle
Cet article propose de supprimer sur cinq ans la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle.
Il doit être déclaré contraire à la Constitution au motif qu'il porte atteinte au principe de libre administration des collectivités locales affirmé par l'article 72, alinéa 2 : "les collectivités territoriales s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi".
Or, si l'article 34 dispose que la loi détermine les principes fondamentaux de la "libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources", le Conseil constitutionnel a souligné l'importance du principe de libre administration en matière fiscale dans sa décision no 91-298 DC du 24 juillet 1991 en précisant que "les règles posées par la loi ne sauraient avoir pour conséquence de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration".
La réforme de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 supprime une part importante des ressources des collectivités locales au titre de la taxe professionnelle puisqu'elle conduit à retirer aux collectivités locales leur pouvoir fiscal sur le tiers de cette taxe qui représente à elle seule aujourd'hui la moitié des ressources fiscales des collectivités locales.
La réforme de l'article 44 aboutit donc à remettre en cause un sixième du pouvoir fiscal des collectivités locales. Elle restreint donc clairement leur pouvoir fiscal au point d'entraver leur libre administration au sens de la décision de 1991 précitée et doit en conséquence être déclarée non conforme à la Constitution.
En outre, l'atteinte portée au pouvoir fiscal des collectivités locales est d'autant plus manifeste en l'espèce que le système de compensation par l'Etat de la perte de ressources ainsi engendrée ne sera pas réellement efficace. En effet, l'article 44 prévoit d'indexer la compensation aux collectivités locales sur l'indice de la DGF, soit 2,75 % pour 1999, alors que le taux de progression de la masse salariale retenu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a lui été fixé à 4,3 %. Le manque à gagner pour les collectivités locales induit par la réforme malgré le mécanisme de compensation est ainsi évident et accentue encore le poids de cette réforme sur le pouvoir fiscal des collectivités locales.
Enfin, le mécanisme de l'article 44 crée des différences de traitement entre contribuables constitutives d'une rupture manifeste de l'égalité.
En effet, la suppression progressive sur une période de cinq ans de la composante salariale de la taxe professionnelle ne bénéficiera qu'aux contribuables assujettis à la fraction salariale fixée par l'article 1467-1o (a) du CGI. En conséquence, cette réforme ne s'appliquera pas aux professions libérales, agents d'affaires et intermédiaires de commerce employant moins de cinq salariés et relevant du régime fiscal des bénéfices non commerciaux (BNC).
Elle crée ainsi une rupture d'égalité qui ne peut se justifier par une différence de situation ou par un motif d'intérêt général.
L'article 44 introduit une différence de traitement substantielle entre contribuables, puisque les petites et moyennes entreprises ayant un chiffre d'affaires de 50 millions devraient bénéficier d'une baisse moyenne de 40 % de leur taxe professionnelle du fait de la réforme, alors qu'un professionnel libéral ou un agent de commerce employant moins de 5 salariés réalisant la même prestation et le même chiffre d'affaires supportera une taxe professionnelle inchangée.
De plus, l'article 44 introduit une rupture d'égalité à l'intérieur d'un même secteur d'activité. Ainsi, un professionnel libéral employant 6 salariés bénéficiera de la réforme contrairement à celui employant 4 salariés, alors que ces deux contribuables exercent la même activité et répondent à la même demande.
Cette atteinte au principe d'égalité ne peut être justifiée contrairement aux affirmations du Gouvernement comme du rapporteur général de l'Assemblée nationale par le fait que les redevables des BNC n'acquittaient pas la part salariale de la taxe professionnelle et donc auraient bénéficié d'un avantage par rapport aux autres contribuables que la réforme de l'article 44 viendrait compenser.
En effet, il convient de rappeler que lors des travaux préparatoires de la loi no 75-678 du 29 juillet 1975 instituant la taxe professionnelle, le choix du niveau de la part salariale avait été fait suite à des simulations tendant à déterminer une assiette susceptible d'éviter notamment une surtaxation des professions libérales. En conséquence, celles qui n'acquittaient pas cette part salariale ne bénéficiaient d'aucun avantage en ce domaine.
De plus, si ces professionnels ne bénéficieront, du fait de l'article 44, d'aucune baisse de leur taxe professionnelle, ils vont par contre être pénalisés par la suppression opérée par cet article du remboursement pour embauche et investissement et par la majoration de la cotisation nationale.
La rupture d'égalité ainsi créée par l'article 44 ne peut par ailleurs se justifier par la poursuite d'un objectif d'intérêt général poursuivi par la loi.
Selon les déclarations du Gouvernement lors des débats parlementaires, la réforme de la taxe professionnelle aurait pour objectif de favoriser la création d'emploi.
Il convient ici de souligner que les redevables des BNC employant moins de cinq salariés font partie des petites et moyennes entreprises que l'ensemble des observateurs tant économiques que politiques considèrent comme le principal vivier de création d'emploi dans notre pays. Elles appartiennent au secteur tertiaire qui est à l'origine de la presque totalité des créations d'emplois depuis juin 1997 comme l'a affirmé le rapporteur général de l'Assemblée nationale lors des débats (JO AN, 1re séance du 17 octobre 1998, p. 6913).
En conséquence, le potentiel d'emplois à créer par les entreprises relevant du régime des BNC aurait dû conduire à les faire bénéficier d'une baisse de taxe professionnelle dans les mêmes proportions que celle bénéficiant aux autres entreprises.
L'exclusion des titulaires de BNC du bénéfice de la mesure d'allègement de la taxe professionnelle n'était donc ni nécessaire, ni même utile à la réalisation de l'objectif de création d'emplois assignée par le législateur, qui n'a d'ailleurs pas conditionné la réforme de l'article 44 à la création effective d'emplois pour les entreprises bénéficiant de la baisse de taxe professionnelle.
La rupture d'égalité opérée par l'article 44 n'est en conséquence ni justifiée par une différence de situation en rapport avec l'objet de la loi, ni fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts que s'est fixés le législateur.

X. - L'article 107 permettant l'utilisation par l'administration fiscale du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, le NIR
Cet article permettra à l'administration fiscale d'utiliser le numéro de sécurité sociale afin d'identifier les contribuables dans le cadre de sa politique de lutte contre la fraude fiscale.
Il convient de rappeler que, déjà en 1974, l'institution d'un identifiant unique, en l'espèce le numéro de sécurité sociale, pour l'ensemble des fichiers et répertoires publics ainsi que la possible fusion de ces fichiers avait fait l'objet de vives critiques quant au danger qu'une telle utilisation pouvait présenter pour la liberté, droit fondamental reconnu à tout citoyen et affirmé notamment par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 comme un droit imprescriptible.
Depuis cette date, la Commission nationale Informatique et liberté a eu à plusieurs reprises à se prononcer sur la possibilité de permettre par ce type de mécanisme la fusion de fichiers et donc la constitution d'un fichier informatique inter-administratif sur la vie privée des citoyens. Elle a dans le cadre de ses rapports annuels, à plusieurs reprises, émis les plus grandes réserves vis-à-vis de tels dispositifs. Il est d'ailleurs important de souligner que l'article 107 émane d'un amendement d'origine parlementaire reprenant une proposition émise dans le cadre d'un rapport parlementaire sur la fraude fiscale. En conséquence, la Commission nationale Informatique et liberté n'a pu examiner ce dispositif ainsi que les modifications de procédure instituées en cours de lecture sur cet article .
Pour ces raisons, il est demandé au Conseil de le déclarer non conforme à la Constitution. »