Paris, le 5 novembre 1998.
Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d'Etat et Mesdames et Messieurs les préfets
Les systèmes informatiques et les systèmes techniques utilisant des dispositifs microprogrammés occupent une place croissante dans l'exécution de tâches dont dépendent les activités les plus diverses de notre société. Or ces systèmes, notamment les plus anciens, n'ont pas toujours été conçus pour traiter des dates allant au-delà du 31 décembre 1999 et pourraient de ce fait connaître des difficultés de fonctionnement. Des conséquences préjudiciables pour la sécurité des personnes, le fonctionnement des services publics et celui de notre économie pourraient en résulter.
L'ensemble des systèmes concernés doivent donc être vérifiés et, si nécessaire, adaptés. Les risques qui pourraient résulter d'une insuffisante préparation sont tels que les mesures à prendre pour prévenir ces dysfonctionnements doivent constituer une priorité tant pour les acteurs publics que privés.
Le rôle de l'Etat est double. Il doit, d'une part, mobiliser la communauté nationale par des actions d'information et de sensibilisation, en direction notamment des entreprises. Il doit, d'autre part, veiller directement à l'adaptation des systèmes utilisés par les administrations, et inciter les entreprises publiques et les organismes sous tutelle à conduire les travaux nécessaires. Chaque acteur public doit être en mesure, dans son domaine d'attribution, de garantir la continuité du service public, la sécurité des personnes et le fonctionnement normal de l'économie.
Dans cette double perspective et conformément au programme d'action gouvernemental pour la société de l'information, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat à l'industrie ont mis en place, le 20 février 1998, une mission « passage informatique à l'an 2000 », dont la responsabilité a été confiée à M. Gérard Théry.
D'ores et déjà, des actions de mobilisation et de sensibilisation des acteurs publics et privés ont été engagées par différents ministères. Ainsi le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a adressé des recommandations à 800 000 responsables de petites et moyennes entreprises. Par ailleurs, le ministère de l'emploi et de la solidarité informe et sensibilise les établissements de santé et les organismes de protection sociale aux enjeux du passage à l'an 2000. Les actions de communication déjà engagées seront renforcées avant la fin de l'année pour sensibiliser les secteurs de la société qui sont encore trop peu préparés au passage à l'an 2000. Ces actions complètent les initiatives diverses entreprises par de nombreuses organisations professionnelles.
Pour ce qui concerne les systèmes de l'Etat, la mission « passage informatique à l'an 2000 » est chargée d'assurer la coordination des différentes actions publiques engagées dans ce domaine, d'évaluer la situation dans le secteur public et de présenter des propositions pour que l'Etat et les organismes qui lui sont rattachés puissent assurer la continuité de leurs missions face à cette échéance.
L'inventaire des systèmes concernés et la correction des défaillances identifiées ont été largement engagés dans de nombreuses administrations.
Du fait de la proximité de l'échéance, il convient de renforcer la mobilisation des administrations de l'Etat et des services qui en dépendent et d'accélérer les actions nécessaires. L'objet de la présente circulaire est de préciser le dispositif prévu à cet effet, tant en ce qui concerne l'organisation ministérielle des travaux que leur coordination interministérielle.
I. - Rappel des priorités
a) La sécurité des personnes constitue la priorité absolue. Il s'y ajoute la nécessité de garantir la continuité des services essentiels à la collectivité.
Je demande expressément à chaque ministre, dans son domaine de compétence, de prendre les mesures nécessaires pour que soient assurées par les organismes concernés :
- la continuité des services essentiels, notamment l'énergie, les télécommunications, l'eau, les transports, la santé (hôpitaux) et la sécurité (incendie) ;
- la sécurité des établissements industriels à risques, notamment des installations nucléaires ;
- la sécurité des autres établissements à risques, en particulier ceux accueillant du public.
b) Pour ce qui concerne l'activité économique et sociale, j'invite chaque ministre à veiller à ce que les organismes placés sous sa tutelle, notamment ceux qui sont chargés du versement des prestations à caractère social ou de la fourniture de services, les entreprises appartenant au secteur public et, plus généralement, les entreprises productrices de biens et services essentiels à la bonne marche économique et sociale du pays, ne voient pas leur activité perturbée lors du passage à l'an 2000.
Les ministres doivent en particulier inciter les dirigeants des entreprises dans lesquelles l'Etat détient une participation à prendre les mesures nécessaires en leur rappelant leurs responsabilités.
c) Une attention spécifique doit en outre être portée au déroulement du passage à l'an 2000, période au cours de laquelle des actions publiques adaptées pourront être nécessaires pour répondre aux conséquences des dysfonctionnements éventuels des systèmes informatiques et des systèmes techniques utilisant des dispositifs microprogrammés.
Chaque ministre doit notamment veiller à prendre toute disposition pour s'assurer que l'organisation de ses services permet de faire face à la période critique des mois de décembre 1999 et de janvier 2000, notamment au regard de la disponibilité des personnels nécessaires.
d) Je demande à chaque ministre de rappeler à ses services que la responsabilité de l'Etat et de ses agents pourrait se trouver engagée en cas de carence, d'imprudence ou de négligence.
II. - Organisation des actions
a) Chaque ministre est responsable du bon déroulement du passage à l'an 2000 de son administration. A ce titre, il lui incombe de renforcer, en tant que de besoin, les dispositions nécessaires dans les services relevant de son département, tant centraux que déconcentrés, et de vérifier que les organismes dont il a la tutelle prennent les mesures qui s'imposent.
Il importe que chaque plan de préparation ministériel rende compte de manière exhaustive de l'inventaire des systèmes concernés et des actions de diagnostic et de correction des défaillances identifiées et fasse clairement apparaître le rôle de chacun dans sa mise en oeuvre. Ce plan détermine précisément les travaux prioritaires à réaliser en fonction du caractère sensible de certaines activités et fait apparaître ces priorités dans les échéanciers.
Il appartient à chaque ministre de veiller à l'élaboration d'un plan de sauvegarde ministériel qui détermine les procédures à suivre pour répondre, en cas d'incidents, aux perturbations susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes ou d'affecter le fonctionnement de ceux des services relevant du ministère dont l'interruption, même pour un bref délai, aurait des conséquences graves pour la collectivité.
Les plans ministériels de préparation doivent être transmis à la mission « passage informatique à l'an 2000 » avant la fin de cette année. En ce qui concerne les plans ministériels de sauvegarde, l'échéance est fixée au 28 février 1999.
Ces deux séries de documents sont tenues à la disposition du public et doivent notamment être accessibles sur chaque site Internet ministériel.
Je rappelle, d'autre part, les instructions données afin que, dans chaque département ministériel, un haut fonctionnaire placé sous l'autorité directe du ministre coordonne la mise en oeuvre des travaux de préparation et assure leur suivi. Il doit en particulier accomplir les missions suivantes :
- coordonner et, le cas échéant, renforcer les actions de sensibilisation et de responsabilisation au sein de votre administration et des organismes qui lui sont rattachés ;
- animer le réseau des responsables désignés dans les services déconcentrés relevant de votre département pour suivre les problèmes posés par le passage à l'an 2000 ;
- compléter le plan de préparation ministériel ;
- élaborer le plan de sauvegarde ministériel ;
- mettre à la disposition du public les informations générales sur l'état de préparation au passage à l'an 2000 du département ministériel ainsi que les coordonnées d'interlocuteurs susceptibles de renseigner le public pour ce qui concerne son domaine d'attribution.
Ce haut fonctionnaire est le correspondant unique de la mission « passage informatique à l'an 2000 » pour le département ministériel.
b) La coordination et le suivi des travaux effectués par chaque département ministériel sont assurés par la mission « passage informatique à l'an 2000 ». Les « hauts fonctionnaires an 2000 » désignés par les ministres feront rapport mensuellement de la situation dans leurs départements respectifs au sein d'un groupe de travail interministériel animé par la mission.
La mission « passage informatique à l'an 2000 » fournit, en tant que de besoin, aux administrations son appui technique et méthodologique pour la mise au point des plans de préparation et des plans de sauvegarde.
Elle veille à l'information régulière du public sur l'état d'avancement de la préparation des administrations de l'Etat et des organismes qui en dépendent. Le site Internet de la mission « passage informatique à l'an 2000 » (www.urgence2000.gouv.fr) et les rubriques spécifiques qui devront être disponibles rapidement sur chaque site Internet ministériel constitueront un outil d'information et de sensibilisation à la fois au sein de l'Etat et en direction des autres acteurs publics et privés.
c) Le secrétariat général de la défense nationale tiendra chaque mois des réunions avec les représentants des ministres membres de droit du conseil de défense et des ministres dont les activités ont des conséquences directes sur la sécurité collective, la continuité de l'action régalienne de l'Etat, la défense militaire et les communications gouvernementales. Il me rendra compte de l'avancement et de la cohérence des travaux conduits par chacun des ministères concernés. La mission « passage informatique à l'an 2000 » sera associée à ces réunions.
d) Je demande aux préfets, dans chaque département, d'assurer la plus large diffusion des actions de sensibilisation des acteurs privés et publics, de coordonner localement les actions de préparation au passage à l'an 2000 du secteur, et notamment de :
- relayer auprès des partenaires locaux, en particulier les collectivités locales et leurs établissements publics, l'information diffusée par les administrations centrales ;
- engager toutes les actions de communication locales de nature à améliorer la sensibilisation des acteurs privés et publics ;
- veiller à la bonne application dans le département des plans de préparation ministériels ;
- s'assurer que les mesures nécessaires sont prises localement par les responsables des services essentiels à la population ;
- diligenter les contrôles nécessaires dans les établissements recevant du public.
Le préfet, dans chaque département, doit en outre élaborer, avec le concours des responsables désignés pour suivre les problèmes posés par le passage à l'an 2000 des services déconcentrés de l'Etat, des entreprises gestionnaires d'un service public et des organismes sous tutelle, un plan local de sauvegarde afin d'assurer la sécurité des personnes et des biens et la continuité des services publics essentiels.
Dans le cadre de ses compétences en matière de sécurité civile, chaque préfet doit arrêter en particulier les procédures à suivre pour répondre, en cas d'incident, aux perturbations susceptibles de mettre en cause la sécurité des personnes ou d'affecter le fonctionnement des services publics locaux dont l'interruption, même pour un bref délai, aurait des conséquences graves pour la collectivité. Il doit rappeler les responsabilités qui leur incombent aux responsables des établissements dont l'activité présente des risques particuliers.
Le ministre de l'intérieur adressera des instructions complémentaires pour l'élaboration des plans locaux de sauvegarde, qui devront être achevés avant le 30 avril 1999.
Les nombreuses difficultés liées au passage à l'an 2000 seront surmontées grâce à une forte mobilisation de l'ensemble des acteurs de notre pays. La démarche du Gouvernement doit être à cet égard exemplaire.