Paris, le 23 juillet 1998.
La présente circulaire est relative à la mise en oeuvre du traité sur les forces armées conventionnelles en Europe dont la publication a été assurée par le décret no 93-183 du 2 février 1993 (Journal officiel du 10 février 1993, p. 2193). Elle explicite les modalités des inspections par défiance dans des zones spécifiées dans le cadre des dispositions de la loi no 93-893 du 6 juillet 1993 (Journal officiel du 13 juillet 1993, p. 9888) et de son décret d'application no 94-116 du 4 février 1994 (Journal officiel du 11 février 1994, p. 2351).
Le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe, signé en 1990, prévoit que dans sa zone d'application, comprise entre l'Atlantique et l'Oural, tous les chars de bataille, véhicules blindés de combat, pièces d'artillerie, avions de combat et hélicoptères d'attaque constituant les « équipements limités par le traité » sont soumis à des limites numériques équiréparties entre les Etats membres de l'Alliance atlantique d'une part et ceux de l'ancien Pacte de Varsovie d'autre part.
1. Les inspections
Afin d'assurer la vérification du respect des dispositions du traité, chaque Etat partie transmet des informations relatives à ses armements et équipements conventionnels (en particulier, dotations et emplacements du temps de paix). De plus, chaque Etat partie a le droit de conduire et l'obligation d'accepter des inspections. Le but de ces inspections est de vérifier, sur la base des informations fournies, le respect des limites numériques prévues par le traité.
Les inspections sont de deux types :
1. Inspections de sites déclarés :
Un site déclaré désigne une installation ou un emplacement géographique délimité de manière précise, sur lequel des chars de bataille, véhicules blindés de combat, pièces d'artillerie, avions de combat et hélicoptères d'attaque sont présents de façon permanente ou habituelle.
2. Inspections par défiance dans des zones spécifiées :
Une zone spécifiée signifie une zone située n'importe où sur le territoire d'un Etat partie dans la zone d'application du traité et ne correspond pas à un site déclaré. La superficie d'une zone spécifiée ne peut dépasser 65 kilomètres carrés. L'objectif d'une inspection par défiance est de s'assurer qu'aucun équipement limité par le traité n'a été dissimulé dans la zone.
L'intention de mener une inspection par défiance peut être formulée :
- soit dans une notification diplomatique parvenant au ministère des affaires étrangères au moins trente-six heures avant l'arrivée en France de l'équipe d'inspection.
L'équipe d'inspection désigne la zone qu'elle souhaite inspecter entre une et seize heures après son arrivée au point d'entrée/sortie (PES) ;
- soit sur le territoire national, à l'issue d'une inspection sur site déclaré. La demande est adressée par le chef de l'équipe d'inspection au chef de l'équipe d'accompagnement.
L'état-major des armées a compétence, au nom du Gouvernement français, pour donner ou non l'accord de principe ainsi que les modifications éventuelles à apporter à la demande d'inspection, notamment en ce qui concerne les limites de la zone.
Si l'accès à la zone est autorisé, l'Etat partie inspecté dispose de six heures après l'acceptation de l'inspection pour préparer l'arrivée de l'équipe d'inspection dans la zone spécifiée. L'équipe d'inspection doit cependant être acheminée jusqu'à cette zone au plus tard neuf heures après l'acceptation.
L'inspection de la zone spécifiée peut être effectuée en véhicule terrestre et/ou par survol en hélicoptère. En cours d'inspection, l'accès à un établissement précis peut être demandé par l'équipe d'inspection.
Dans l'esprit du traité, une demande d'inspection doit recevoir une réponse positive. Toutefois, en application du protocole sur l'inspection annexé au traité, section II, paragraphe 28, des refus d'accès seront prononcés pour les installations prioritaires de défense (IPD), les points sensibles de première catégorie (PS 1), les établissements à régime restrictif (ERR) et les zones restrictives des établissements à accès surveillé (EAS) qui ne figurent pas au nombre des sites déclarés par la France.
2. Rôle des différents intervenants
Dès réception d'une notification d'inspecter, l'état-major des armées déclenche l'alerte interministérielle. Une équipe d'accompagnement est constituée avec des représentants des différentes armées, de la gendarmerie nationale, de la direction de la protection et de la sécurité de la défense et de la direction de la surveillance du territoire.
Lors d'une inspection par défiance dans une zone spécifiée, le respect des délais prévus par le traité implique une alerte au plus tôt des autorités préfectorale et judiciaire compétentes. Afin d'assurer cette alerte, le chef de l'équipe d'accompagnement, représentant de l'Etat pour la conduite de l'inspection, contacte l'autorité préfectorale compétente par l'intermédiaire de la DST. Le haut fonctionnaire de défense auprès du ministère de la justice est prévenu par l'état-major des armées.
3. Accès aux établissements à l'intérieur de la zone
Dans la zone, l'équipe d'accompagnement peut retarder l'accès à certaines parties de celle-ci. Cependant, si le retard dépasse quatre heures, l'équipe d'inspection a le droit d'annuler l'inspection.
3.1. Dispositions applicables aux lieux dont l'accès
dépend de personnes publiques autres que l'Etat
Lorsque l'inspection concerne des lieux dont l'accès dépend d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public, la demande d'inspection est transmise à l'autorité préfectorale territorialement compétente par le détachement de liaison de la DST auprès de l'équipe d'accompagnement.
L'autorité préfectorale avise du projet d'inspection par tous moyens la personne ayant qualité pour autoriser l'accès. L'avis indique l'objet et les conditions de l'inspection envisagée.
Le représentant de la collectivité ou de l'établissement public concerné fait connaître sans délai ses observations.
Par l'intermédiaire du détachement de liaison de la DST, le préfet notifie sa décision à la collectivité ou à l'établissement public et en informe le responsable de l'équipe d'accompagnement. Un exemplaire de cette décision est transmis par télécopie à l'autorité de tutelle de l'établissement inspecté.
3.2. Dispositions applicables aux lieux dont l'accès
dépend de personnes privées
Dès connaissance de la demande d'inspection d'un établissement dont l'accès dépend de personnes privées, le responsable d'accompagnement envoie un détachement précurseur comprenant un représentant du détachement de liaison de la gendarmerie nationale afin d'aviser par tous moyens la personne ayant qualité pour autoriser l'accès.
Outre les stipulations du traité en vertu desquelles l'inspection est demandée, l'avis indique l'objet et les conditions de l'inspection.
En cas d'opposition à l'accès, le responsable de l'équipe d'accompagnement ou son représentant doit porter à la connaissance de la personne qui a qualité pour autoriser cet accès qu'il va solliciter sans délai l'autorisation du président du tribunal de grande instance. Il informe cette même personne qu'elle a la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat.
Il doit en outre être indiqué que, faute pour la personne concernée de comparaître, elle s'expose à ce qu'une ordonnance soit rendue au vu des seuls éléments fournis au tribunal au nom de l'Etat.
Si la personne qui a qualité pour autoriser l'accès ne peut être atteinte par l'avis de demande d'inspection produit par le chef de l'équipe d'accompagnement ou si elle s'oppose à l'accès, l'inspection ne peut se dérouler ou se poursuivre qu'après l'intervention du président du tribunal de grande instance compétent. La saisine de la justice est effectuée par l'intermédiaire du détachement de liaison de la gendarmerie nationale qui contacte le parquet. Cette saisine est effectuée si possible par écrit.
Doivent être portés à la connaissance du juge par tous moyens :
a) Les éléments d'information lui permettant de s'assurer que la demande d'inspection est conforme aux stipulations du traité sur les forces armées conventionnelles en Europe ;
b) La justification de l'accomplissement des formalités requises ;
c) L'indication de l'heure d'entrée de l'équipe d'inspection dans la zone spécifiée.
Les débats ont lieu immédiatement. Le juge statue sur-le-champ, après avoir entendu, le cas échéant, le représentant de l'établissement ou son avocat.
L'ordonnance rendue par le juge est exécutoire au seul vu de la minute. Elle n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel.
L'inspection s'effectue sous le contrôle du juge qui l'a autorisée. Il désigne un officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations d'inspection et de le tenir informé de leur déroulement.
Il peut, s'il l'estime utile, se rendre sur les lieux pendant l'inspection.
3.3. Dispositions diverses
La personne qui a qualité pour autoriser l'accès à un lieu faisant l'objet d'une inspection peut assister aux opérations se déroulant dans ce lieu ou s'y faire représenter.
Cette personne ou son représentant peut demander au responsable de l'équipe d'accompagnement de désigner comme point sensible, au sens du paragraphe 1 (P) de la section I du protocole sur l'inspection annexé au traité, toute partie du lieu inspecté.
En cas de refus, le responsable de l'équipe d'accompagnement délivre un récépissé de la demande à son auteur. Ce document énonce brièvement le motif du refus.