J.O. Numéro 68 du 21 Mars 1998       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 04275

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Arrêt du 1er octobre 1997


NOR : CDBX9802835A




   Au nom du peuple français,

   La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :

   La cour,

   Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

   Vu la lettre du 3 avril 1991, enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes, sur déféré décidé par la deuxième chambre dans sa séance du 13 mars 1991 et transmis par lettre signée de son président, a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Institut de France ;

   Vu le réquisitoire du 19 septembre 1991 par lequel le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi celle-ci des faits susmentionnés ;

   Vu la décision du président de la Cour de discipline budgé- taire et financière du 2 octobre 1991 désignant comme rapporteur M. Capdeboscq, conseiller maître à la Cour des comptes ;

   Vu les lettres recommandées par lesquelles le procureur général a informé, le 13 janvier 1992, MM. Frédéric Gérard et Daniel Oster, respectivement ancien conseil technique et ancien directeur des services administratifs de l'institut, le 30 août 1995, M. Edouard Bonnefous, chancelier honoraire de l'Institut de France, de l'ouverture d'une instruction et les a avisés qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

   Vu la lettre du 27 juin 1996 par laquelle Mme le procureur général a fait connaître au président de la cour qu'elle estimait, après la communication du dossier de l'affaire, le 18 décembre 1996, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure ;

   Vu l'avis émis le 26 août 1996 par le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

   Vu les conclusions du procureur général, en date du 23 janvier 1997, renvoyant MM. Gérard et Oster devant la Cour de discipline budgétaire et financière en application de l'article L. 314-6 du code précité, et disant qu'il n'y a pas lieu de renvoyer M. Bonnefous devant la cour ;

   Vu la lettre du 11 février 1997 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, lui indiquant qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières le dossier doit être communiqué à la commission administrative paritaire compétente ;

   Vu la décision du président de la Cour de discipline budgé- taire et financière du 6 mai 1997 désignant comme rapporteur M. Berthomier, auditeur à la Cour des comptes, en remplacement de M. Capdeboscq ;

   Vu les lettres des 29 mai et 10 juin 1997 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant respectivement MM. Oster et Gérard qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier suivant les modalités précisées à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ; ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

   Vu les lettres du procureur général du 30 juillet 1997 citant MM. Gérard et Oster à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, leur précisant qu'en l'absence de demande contraire de leur part l'audience de la cour n'aurait pas de caractère public ; ensemble les accusés de réception de ces lettres ;

   Vu le mémoire en défense présenté le 11 juillet 1997 par Me Ioos pour M. Oster, enregistré au greffe de la cour le 28 juillet 1997, et le mémoire en défense présenté dans l'intérêt de M. Gérard, enregistré au greffe de la cour le 11 septembre 1997 ;

   Vu la lettre du 11 septembre 1997, enregistrée le 19 septembre, par laquelle M. Oster demande que sa cause soit entendue publiquement et sollicite la convocation de M. Bonnefous pour entendre son témoignage ; ensemble la lettre du 30 septembre 1997 par laquelle M. Bonnefous demande, en apportant des justifications, à ne pas comparaître à l'audience, ce que le président de la cour l'autorise à faire, en application de l'article L. 314-10 du code ;

   Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier, notamment les procès-verbaux d'audition de MM. Gérard, Oster et Bonnefous, les témoignages de M. Peuchot, directeur des services administratifs de l'institut, de Mme Le Doeuil, ancienne assistante technique de l'institut, et de M. Polin, membre de l'institut, ancien président de la fondation Thiers, et le rapport d'instruction de M. Capdeboscq ;

   Entendu M. Berthomier en son rapport ;

   Entendu Mme le procureur général en ses conclusions et réquisitions ;

   Entendu en leurs plaidoiries Me Kierszenbaum, pour M. Gérard, et Me Ioos, pour M. Oster, en leurs explications et observations, MM. Gérard et Oster, les intéressés et leurs conseils ayant eu la parole en dernier ;

   Sur la compétence de la cour :

   Considérant que l'Institut de France, créé par la loi du 3 brumaire an IV, est un établissement public à statut législatif et réglementaire particulier qui est soumis au contrôle de la Cour des comptes ; que ses agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

   Sur la procédure :

   Considérant qu'en l'absence d'avis de la commission administrative paritaire dans un délai d'un mois la Cour de discipline budgétaire et financière peut statuer, en application de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ;

   Sur les infractions :

   Considérant que, par une note adressée pour avis et datée de façon manuscrite du 13 décembre 1986, M. Raymond Polin, directeur de la fondation Dosne-Thiers, membre de l'Académie des sciences morales et politiques, a demandé au receveur des fondations de verser des indemnités pour sujétions spéciales à M. Daniel Oster, directeur des services administratifs de l'institut, à M. Frédéric Gérard, conseil technique de l'institut, et à Mme Colette Le Doeuil, collaboratrice du précédent ; que la note précitée rattachait ces sujétions spéciales aux travaux accomplis et restant à accomplir pour assurer l'intégration de la fondation Dosne-Thiers au sein de l'institut ; que lesdites indemnités devaient s'élever à 3 000 F mensuels nets pour M. Oster et pour M. Gérard, à 1 500 F mensuels nets pour Mme Le Doeuil ;

   Considérant que la même note prévoyait que les indemnités ainsi octroyées l'étaient pour une durée de dix-sept mois pour M. Oster, de vingt-cinq mois pour M. Gérard, de vingt mois pour Mme Le Doeuil ; qu'elles ont été néanmoins versées à compter du 1er janvier 1986 et jusqu'au 31 juillet 1990 en ce qui concerne M. Gérard, soit pendant cinquante-cinq mois, jusqu'au 30 novembre 1990 en ce qui concerne M. Oster et Mme Le Doeuil, soit pendant cinquante-neuf mois ;

   Considérant que l'article 19 du règlement sur la comptabilité des fondations et l'administration financière de l'institut dispose que les indemnités sont accordées par les commissions administratives intéressées et que la commission administrative centrale doit être avisée de l'attribution de ces indemnités lorsque les bénéficiaires appartiennent aux cadres administratifs de l'institut ; que la commission administrative centrale doit être saisie chaque année des propositions des chefs de service relatives aux indemnités à allouer par elle aux fonctionnaires et agents placés sous leurs ordres ; que doit être joint aux propositions des chefs de service l'avis du conseil technique et que le conseil technique indique en même temps le montant total des allocations de toute nature que reçoit chaque fonctionnaire ou agent sur le budget de l'Etat ou sur celui des fondations ;

   Considérant que la poursuite du versement des indemnités au-delà du terme fixé n'a pas fait l'objet d'une délibération de la commission administrative centrale ; qu'une telle délibération aurait été d'autant plus nécessaire que la réalité des sujétions spéciales avait disparu après 1986 ; que les règles d'exécution des dépenses de l'institut ont été ainsi enfreintes, ce que sanctionne l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

   Sur les responsabilités :

   Considérant qu'aux termes de l'article 7 du règlement précité sur la comptabilité des fondations et l'administration financière de l'institut le conseil technique de l'institut vise les décisions de toute nature portant engagement, autorisation ou liquidation de dépenses et les mandats de paiement soumis à la signature des ordonnateurs ; que, s'il ne juge pas régulier le mandat soumis à son visa ou la dépense que ce titre doit solder, il en informe aussitôt l'ordonnateur ; que le conseil technique assiste le président de la commission administrative centrale et les secrétaires perpétuels dans l'exécution du budget des fondations ;

   Considérant que M. Frédéric Gérard avait directement autorité sur le service de comptabilité et que ses fonctions de conseil technique, définies en particulier par les articles 7 et 19 du règlement comptable, auraient dû le conduire à alerter le chancelier sur la nécessité de soumettre la poursuite de l'attribution des primes pour sujétions spéciales à la commission administrative centrale de l'institut ; qu'il ne pouvait ignorer l'irrégularité commise puisqu'il en était l'un des bénéficiaires ; qu'il n'a pas excipé d'un ordre écrit du chancelier ou du président de la commission administrative centrale, susceptible de dégager ou d'atténuer sa responsabilité ;

   Considérant qu'il ressort tant des pièces du dossier, notamment des articles 34 et 35 du règlement général de l'institut, que des explications fournies à la cour par M. Oster et son conseil que M. Oster ne disposait d'aucune autorité sur les services de la comptabilité de l'institut ; qu'il n'exerçait pas de contrôle sur l'engagement de la liquidation et le paiement des dépenses de l'institut ; que sa responsabilité ne peut être engagée de ce fait ;

   Considérant que les versements irréguliers d'indemnités sont postérieurs au 3 avril 1986 et ne sont donc pas couverts par la prescription instituée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;

   Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'irrégularité imputable à M. Gérard en infligeant une amende de 20 000 F à celui-ci ;

   Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française,

   Arrête :



   Art. 1er. - M. Frédéric Gérard est condamné à une amende de 20 000 F.

   Art. 2. - M. Daniel Oster est relaxé des fins de la poursuite.

   Art. 3. - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le 1er octobre 1997.
Présents : M. Joxe, premier président de la Cour des comptes, président ; M. Massot, président de la section des finances du Conseil d'Etat, vice-président ; MM. Galmot et Fouquet, conseillers d'Etat, M. Gastinel, conseiller maître à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Berthomier, auditeur à la Cour des comptes, rapporteur.

Le président,
P. Joxe
Le greffier,
J. Depasse