J.O. Numéro 68 du 21 Mars 1998       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 04277

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Arrêt du 3 décembre 1997


NOR : CDBX9802834A




   Au nom du peuple français,

   La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes en audience non publique, a rendu l'arrêt suivant :

   La cour,

   Vu le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

   Vu la lettre du 3 avril 1991, enregistrée au parquet le même jour, par laquelle la Cour des comptes, sur déféré décidé par la deuxième chambre dans sa séance du 13 mars 1991 et transmis par lettre signée de son président, a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière d'irrégularités constatées dans la gestion de l'Institut de France ;

   Vu le réquisitoire du 19 septembre 1991 par lequel le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, a saisi la Cour de discipline budgétaire et financière des faits susmentionnés ;

   Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 2 octobre 1991 désignant comme rapporteur M. Capdeboscq, conseiller maître à la Cour des comptes ;

   Vu les lettres recommandées du 13 janvier 1992 par lesquelles le procureur général a informé M. Frédéric Gérard, ancien conseil technique de l'Institut de France, Mme Colette Le Doeuil, ancienne adjointe du conseil technique, et Mme Denise Barthélémy, ancien agent comptable de l'institut, de l'ouverture d'une instruction et les a avisés qu'ils étaient autorisés à se faire assister soit par un mandataire, soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ensemble les accusés de réception ;

   Vu la lettre du 27 juin 1996 par laquelle Mme le procureur général a fait connaître au président de la cour qu'elle estimait, après la communication du dossier de l'affaire, le 29 mars 1996, qu'il y avait lieu de poursuivre la procédure ;

   Vu l'avis émis le 26 août 1996 par le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement, en application de l'article L. 314-5 du code des juridictions financières ;

   Vu les conclusions du procureur général, en date du 23 janvier 1997, renvoyant M. Frédéric Gérard, Mme Colette Le Doeuil et Mme Denise Barthélémy devant la Cour de discipline budgétaire et financière, en application de l'article L. 314-6 du même code ;

   Vu la lettre du 11 février 1997 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, lui indiquant qu'aux termes de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières le dossier doit être communiqué à la commission administrative paritaire compétente ;

   Vu la décision du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 6 mars 1997 désignant comme rapporteur M. Berthomier, auditeur à la Cour des comptes, en remplacement de M. Capdeboscq ;

   Vu les lettres recommandées en date du 29 mai 1997 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant Mme Le Doeuil et Mme Barthélémy qu'elles pouvaient prendre connaissance du dossier, suivant les modalités prévues par l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, ensemble les accusés de réception ;

   Vu la lettre recommandée en date du 10 juin 1997 du secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière avisant M. Gérard qu'il pouvait prendre connaissance du dossier, suivant les modalités prévues par l'article L. 314-8 du code des juridictions financières, ensemble l'accusé de réception ;

   Vu les lettres recommandées du procureur général du 30 juillet 1997 citant M. Gérard, Mme Le Doeuil et Mme Barthélémy à comparaître devant la Cour de discipline budgétaire et financière, leur précisant qu'en l'absence de demande contraire de leur part l'audience de la cour n'aurait pas de caractère public, ensemble les accusés de réception ;

   Vu les mémoires en défense présentés par Mmes Barthélémy et Le Doeuil le 31 juillet 1997 et enregistrés au greffe de la cour le 1er août 1997 et le mémoire présenté par M. Gérard le 9 septembre 1997, enregistré le 11 septembre 1997 ;

   Vu l'ensemble des pièces qui figurent au dossier ;

   Entendu M. Berthomier en son rapport ;

   Entendu Mme le procureur général en ses conclusions et réquisitions ;

   Entendu en sa plaidoirie Me Kierszenbaum pour M. Gérard, en ses explications et observations M. Gérard, l'intéressé et son conseil ayant eu la parole en dernier ;

   Sur la compétence de la cour :

   Considérant que l'Institut de France, créé par la loi du 3 brumaire an IV, est un établissement public à statut législatif et réglementaire particulier qui est soumis au contrôle de la Cour des comptes ; que ses agents sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

   Considérant que Mme le procureur général a, en ses conclusions présentées lors de l'audience, écarté des poursuites Mme Barthélémy et Mme Le Doeuil, qui avaient été initialement renvoyées devant la cour ; qu'il n'y a donc lieu pour la cour à statuer que sur les poursuites engagées contre M. Gérard ;

   Sur la procédure :

   Considérant qu'en l'absence d'avis de la commission administrative paritaire ou de la formation qui en tient lieu dans un délai d'un mois la Cour de discipline budgétaire et financière peut statuer, en application de l'article L. 314-8 du code des juridictions financières ;

   Considérant qu'aucune des personnes renvoyées devant la juridiction n'a demandé, en réponse à la lettre du procureur général du 30 juillet 1997, que l'audience de la cour ait un caractère public ;

   Sur les infractions :

   Considérant que des travaux ont été exécutés au second semestre de 1986, au 5e étage de l'immeuble sis 14, rue Monsieur-le-Prince à Paris (6e), qui appartenait à l'Institut de France (fondation Barbier) ; que ces travaux consistaient principalement en l'aménagement d'un studio que l'institut a donné à bail, à dater du 1er octobre 1986, au receveur des fondations de l'institut, Mme Barthélémy, au prix annuel de 3 600 F ;

   Considérant que ces travaux ont donné lieu à trois mémoires du 11 décembre 1986 de la société anonyme Adde, Véjux et Cie, d'un montant total de 31 874 F, relatifs à des travaux de revêtement de sol et de peinture, quatre factures des 4 novembre, 19 novembre et 12 décembre 1986 de la société d'exploitation des établissements Abrial, d'un montant total de 24 184,89 F, relatives à des travaux d'installation électrique, deux mémoires du 16 décembre 1986 de la société Blancheri et Guibert, d'un montant total de 55 405,17 F, relatifs à des travaux de démolition, de maçonnerie et de carrelage, et une facture du 4 décembre 1986 de la société Gotteland et Jarland, d'un montant de 4 382 F, relative à des travaux de menuiserie ; que des honoraires ont également été facturés par M. Luquiens, architecte DPLG, pour un montant total de 10 322,93 F ;

   Considérant que ces mémoires, factures et notes d'honoraires ont été réglés aux intéressés par le cabinet Richardière, gestionnaire de l'immeuble, les 5 et 7 janvier 1987 et le 19 février 1987 ;

   Considérant que le premier des trois mémoires de la société anonyme Adde, Véjux et Cie était accompagné d'une note manuscrite de Mme Le Doeuil, datée du 2 janvier 1987, par laquelle elle demandait au cabinet Richardière de régler « ce lot de factures (six mémoires) sans visa de l'ordonnateur et du receveur des fondations » ; que les deux autres mémoires étaient accompagnés d'une copie de cette note ; que les trois mémoires ont été arrêtés par l'architecte, revêtus d'un cachet « bon à payer » apposé par le gérant du cabinet Richardière et d'un cachet sans signature « vu par l'ordonnateur signé Edouard Bonnefous » ;

   Considérant que le cachet sans signature de l'ordonnateur apparaît également sur les quatre factures de la société d'exploitation des établissements Abrial, arrêtées par M. Luquiens ; que deux d'entre elles étaient accompagnées d'une copie de la note précitée de Mme Le Doeuil et que l'une d'elles était revêtue du paraphe du receveur des fondations ;

   Considérant que les deux mémoires de la société Blancheri et Guibert étaient accompagnés d'une copie de la note précitée de Mme Le Doeuil et revêtus du cachet, sans signature, de l'ordonnateur ; que la facture de la société Gotteland et Jarland porte les cachets, sans signature, du chancelier et du receveur ;

   Considérant que l'article 20 du règlement sur la comptabilité des fondations de l'institut dispose qu'aucune dépense ne peut être engagée que par l'ordonnateur ;

   Considérant que l'absence de visa de l'ordonnateur sur les mémoires ou les devis précités constitue une infraction aux règles d'exécution des dépenses de l'institut, sanctionnée par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

   Sur les responsabilités :

   Considérant que l'article 7 du règlement sur la comptabilité des fondations dispose que le conseil technique vise les décisions de toute nature portant engagement, autorisation ou liquidation de dépenses et les mandats de paiement soumis à la signature des ordonnateurs ;

   Considérant que les mémoires et factures n'ont pas été visés par M. Gérard ; que peut être considéré comme circonstance aggravante le montant du loyer, très inférieur aux prix du marché immobilier ;

   Considérant que les faits incriminés, qui se sont produits postérieurement au 3 avril 1986, ne sont pas couverts par la prescription instituée par l'article L. 314-2 du code des juridictions financières ;

   Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en infligeant une amende de 15 000 F à M. Gérard ;

   Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française,

   Arrête :



   Art. 1er. - Il n'y a pas lieu à statuer sur la situation de Mme Barthélémy et de Mme Le Doeuil.

   Art. 2. - M. Frédéric Gérard est condamné à une amende de 15 000 F.

   Art. 3. - Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait et jugé en la Cour de discipline budgétaire et financière le 3 décembre 1997.
Présents : M. Joxe, premier président de la Cour des comptes, président ; M. Massot, président de la section des finances au Conseil d'Etat, vice-président ; MM. Galmot, conseiller d'Etat, Gastinel, conseiller maître à la Cour des comptes, membres de la Cour de discipline budgétaire et financière ; M. Berthomier, auditeur à la Cour des comptes, rapporteur.

Le président,
P. Joxe
Le greffier,
J. Depasse