J.O. Numéro 66 du 19 Mars 1998       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet

Texte paru au JORF/LD page 04159

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Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel (1)


NOR : CETX9802747V




   Le Conseil d'Etat,

   Sur le rapport de la 8e sous-section, de la section du contentieux,

   Vu, 1o sous le numéro 189185, enregistré le 24 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de la société Etudes et constructions de sièges pour l'automobile (ECSA) tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur du 22 février 1993 rejetant sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des barrages installés par les transporteurs routiers, du 22 juin au 11 juillet 1992, pour manifester contre l'instauration du permis de conduire à points et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 53 500 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1992 et une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante en ce qui concerne le régime légal de responsabilité institué par l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : lorsque le fait générateur du dommage est à rechercher, non pas dans un délit commis à force ouverte à l'occasion d'un rassemblement unique, mais dans une série d'actions concertées présentant chacune ce caractère, étendues à l'ensemble du territoire et susceptibles d'affecter des secteurs entiers de l'économie, tels les barrages routiers, y a-t-il lieu à indemnisation de tout préjudice direct et certain ou bien uniquement des préjudices spéciaux et anormaux ;

   Vu, 2o sous le numéro 189 186, enregistré le 24 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de la société Compagnie européenne de sièges pour automobiles (CESA) tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur du 22 février 1993 rejetant sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des barrages installés par les transporteurs routiers, du 22 juin au 11 juillet 1992, pour manifester contre l'instauration du permis de conduire à points et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 188 300 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1992 et une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours d'administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante en ce qui concerne le régime légal de responsabilité institué par l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : lorsque le fait générateur du dommage est à rechercher, non pas dans un délit commis à force ouverte à l'occasion d'un rassemblement unique, mais dans une série d'actions concertées présentant chacune ce caractère, étendues à l'ensemble du territoire et susceptibles d'affecter des secteurs entiers de l'économie, tels les barrages routiers, y a-t-il lieu à indemnisation de tout préjudice direct et certain ou bien uniquement des préjudices spéciaux et anormaux ;

   Vu, 3o sous le numéro 189 187, enregistré le 24 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de la société EAK-Composants pour l'automobile tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur du 22 février 1993 rejetant sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des barrages installés par les transporteurs routiers, du 22 juin au 11 juillet 1992, pour manifester contre l'instauration du permis de conduire à points et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 77 700 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1992 et une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante en ce qui concerne le régime légal de responsabilité institué par l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : lorsque le fait générateur du dommage est à rechercher, non pas dans un délit commis à force ouverte à l'occasion d'un rassemblement unique, mais dans une série d'actions concertées présentant chacune ce caractère, étendues à l'ensemble du territoire et susceptibles d'affecter des secteurs entiers de l'économie, tels les barrages routiers, y a-t-il lieu à indemnisation de tout préjudice direct et certain ou bien uniquement des préjudices spéciaux et anormaux ;

   Vu, 4o sous le numéro 189188, enregistré le 24 juillet 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 7 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de la société Eli - Echappement tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur du 22 février 1993 rejetant sa demande préalable d'indemnisation des préjudices subis du fait des barrages installés par les transporteurs routiers, du 22 juin au 11 juillet 1992, pour manifester contre l'instauration du permis de conduire à points et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 48 900 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 1992 et une somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante en ce qui concerne le régime légal de responsabilité institué par l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 : lorsque le fait générateur du dommage est à rechercher, non pas dans un délit commis à force ouverte à l'occasion d'un rassemblement unique, mais dans une série d'actions concertées présentant chacune ce caractère, étendues à l'ensemble du territoire et susceptibles d'affecter des secteurs entiers de l'économie, tels les barrages routiers, y a-t-il lieu à indemnisation de tout préjudice direct et certain ou bien uniquement des préjudices spéciaux et anormaux ;

   Vu les autres pièces des dossiers ;

   Vu l'article 92 de la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 ;

   Vu la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;

   Vu les articles 57-11 à 57-13 ajoutés au décret no 63-766 du 30 juillet 1963, modifié par le décret no 88-905 du 2 septembre 1988 ;

   Vu l'ordonnance no 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret no 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi no 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

   Après avoir entendu en audience publique :

   - le rapport de Mlle Mignon, auditeur ;

   - les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Etudes et constructions de sièges pour l'automobile (ECSA), de la société Compagnie européenne de sièges pour automobiles, de la société EAK-Composants pour l'automobile et la société Eli-Echappement ;

   - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, commissaire du Gouvernement,

   Rend l'avis suivant :

   Aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, ultérieurement codifié à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : « L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés soit contre les personnes, soit contre les biens... »

   1. L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés, commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés.

   Par suite, lorsque le dommage invoqué a été causé à l'occasion d'une série d'actions concertées ayant donné lieu sur l'ensemble du territoire ou une partie substantielle de celui-ci à des crimes ou délits commis par plusieurs attroupements ou rassemblements, ce régime d'indemnisation n'est applicable que si le dommage résulte de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés.

   2. Lorsque le dommage entre dans le champ d'application ainsi défini, il n'est pas nécessaire qu'il ait le caractère d'un préjudice anormal et spécial dès lors que les termes de cette loi ne prescrivent ni n'impliquent une telle condition.

   3. Lorsque les conditions d'application de cet article ne sont pas réunies, la responsabilité de l'Etat peut être engagée sur le fondement des principes généraux de la responsabilité sans faute si le dommage indemnisable présente le caractère d'un préjudice anormal et spécial.

   Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Paris, aux sociétés ECSA, CESA, EAK et Eli-Echappement et au ministre de l'intérieur.

   Il sera publié au Journal officiel de la République française.



(1) Avis nos 189185, 189186, 189187 et 189188 du 20 février 1998.