J.O. Numéro 27 du 1er Février 1998
J.O. disponibles
Alerte par mail
Lois,décrets
codes
AdmiNet
Texte paru au JORF/LD page 01634
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance
Décision no 97-2195 du 29 janvier 1998
NOR : CSCX9802595S
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Jeanny Lorgeoux, demeurant à Romorantin (Loir-et-Cher), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 11 juin 1997 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 2e circonscription du département de Loir-et-Cher pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 16 juin et 24 novembre 1997 ;
Vu le mémoire en défense et les pièces complémentaires présentés par M. Patrice Martin-Lalande, député, enregistrés comme ci-dessus les 24 et 25 juin 1997 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Lorgeoux, enregistré comme ci-dessus le 13 août 1997 ;
Vu les observations complémentaires présentées par M. Martin-Lalande, enregistrées comme ci-dessus les 2 et 10 octobre 1997 ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 31 octobre 1997, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Martin-Lalande ;
Vu les observations complémentaires présentées par M. Lorgeoux, enregistrées comme ci-dessus les 26 novembre et 19 décembre 1997 ;
Vu les observations complémentaires présentées par M. Martin-Lalande, enregistrées comme ci-dessus les 9 et 30 décembre 1997 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
Considérant que M. Lorgeoux était en mesure de répondre en temps utile, avant le second tour de scrutin, aux tracts de son adversaire diffusés à la veille du premier tour ; que les tracts et lettres diffusés peu de temps avant le second tour de scrutin ne comportaient pas d'éléments nouveaux de polémique électorale auxquels M. Lorgeoux n'aurait pas eu le temps de répondre, que ce soit sur les thèmes de la campagne électorale de M. Martin-Lalande, ou sur le soutien apporté à celui-ci par un ancien partisan de M. Lorgeoux, ou sur la critique de l'action de ce dernier ; qu'en outre M. Lorgeoux a, lors d'une réunion publique relatée par la presse locale, spécialement répondu au tract mettant en cause son action ; que, dès lors, les diffusions contestées n'ont pas été de nature à altérer le résultat de l'élection ;
Considérant que les autres griefs relatifs à la campagne électorale, qui sont distincts de celui par lequel le requérant soutient que des distributions tardives de tracts auraient constitué une manoeuvre de dernière heure ayant exercé une influence sur le résultat de l'élection, n'ont été présentés que dans un mémoire complémentaire, enregistré après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'ils sont, par suite, irrecevables ;
Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
Considérant que le grief tiré de l'irrégularité de certaines inscriptions sur les listes électorales n'a été présenté que dans le mémoire complémentaire enregistré après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article 33 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;
Considérant que les griefs tirés de ce que la composition des bureaux de vote aurait été irrégulière, le secret du vote méconnu, des bulletins de vote annulés à tort et des procurations non conformes aux prescriptions de l'article L. 71 du code électoral ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de l'examen des procès-verbaux des opérations électorales de plusieurs bureaux de vote qu'il existe une discordance, de dix unités seulement, entre le nombre des bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne et celui des émargements ; que, toutefois, la déduction de dix voix du nombre des suffrages obtenus par M. Martin-Lalande est, compte tenu du nombre des suffrages séparant les deux candidats, sans influence sur le résultat de l'élection ;
Considérant que, si le requérant soutient en outre que deux émargements et un vote par procuration seraient d'une régularité douteuse, la déduction de ces trois voix supplémentaires du nombre des suffrages obtenus par M. Martin-Lalande serait, en tout état de cause, sans influence sur le résultat de l'élection ;
Sur les griefs relatifs au compte de campagne de M. Martin-Lalande :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral : « Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code : « Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord de celui-ci par les personnes physiques qui lui apportent leur soutien, ainsi que par les partis et groupements politiques qui ont été créés en vue de lui apporter leur soutien ou qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié... » ;
Considérant que, si Le Petit Solognot, journal gratuit d'informations locales, créé de nombreuses années avant la campagne électorale et financé par des recettes publicitaires, a publié dans son édition du 7 mai 1997 un entretien avec M. Martin-Lalande, cet entretien a figuré dans sa partie rédactionnelle et non dans sa partie publicitaire ; que la presse est libre de rendre compte d'une campagne électorale comme elle l'entend ; qu'au surplus, un entretien avec M. Lorgeoux a été publié dans son édition du 19 mars 1997 ; que, dès lors, ne peut qu'être rejeté le grief tiré de ce que la publication de l'entretien de M. Martin-Lalande constituerait un avantage en nature en faveur de celui-ci, contraire aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral, et devant être inclus dans son compte de campagne en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Martin-Lalande a inclus dans son compte de campagne les montants facturés par une société commerciale pour la mise à sa disposition d'une machine à affranchir ; qu'il n'est établi ni que ces factures auraient été minorées, ni que la société l'aurait fait bénéficier de prestations qu'elle ne lui aurait pas facturées ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que M. Martin-Lalande aurait bénéficié, de la part de cette société, d'avantages en nature prohibés par les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du même code ; que, dès lors, les sommes correspondantes n'avaient pas à être intégrées dans son compte de campagne en application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 52-12 du même code ;
Considérant qu'il n'est pas davantage établi que les factures de papeterie établies par une autre société auraient été minorées ;
Considérant que le grief tiré de ce que d'autres postes de dépenses auraient été minorés dans le compte de campagne de M. Martin-Lalande n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, enfin, qu'à supposer même que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques aurait dû retirer du compte de campagne de M. Martin-Lalande plus de dépenses qu'elle ne l'a fait une telle soustraction aurait été de nature non à entraîner le rejet du compte de campagne ; que le moyen ainsi soulevé par le requérant est dès lors inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Lorgeoux n'est pas fondé à demander l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 2e circonscription de Loir-et-Cher,
Décide :
AN, LOIR-ET-CHER (2e CIRCONSCRIPTION)
M. JEANNY LORGEOUX
Art. 1er. - La requête de M. Jeanny Lorgeoux est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 janvier 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean Cabannes, Maurice Faure, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir et M. Jacques Robert.
Le président,
Roland Dumas