J.O. Numéro 27 du 1er Février 1998
J.O. disponibles
Alerte par mail
Lois,décrets
codes
AdmiNet
Texte paru au JORF/LD page 01636
Ce document peut également être consulté sur le site officiel Legifrance
Décision no 97-2238 du 29 janvier 1998
NOR : CSCX9802586S
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Jean-Marc Salinier, demeurant aux Ulis (Essonne), enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 12 juin 1997 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la 5e circonscription du département de l'Essonne pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le ministre de l'intérieur, enregistrées comme ci-dessus les 19 juin et 3 octobre 1997 ;
Vu le mémoire en défense et les observations complémentaires présentés par M. Pierre Lasbordes, député, enregistrés comme ci-dessus les 26 juin et 23 juillet 1997 ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Salinier, enregistré comme ci-dessus le 18 septembre 1997 ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 4 novembre 1997, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Lasbordes ;
Vu les observations complémentaires présentées par M. Lasbordes, enregistrées comme ci-dessus les 14 et 26 novembre 1997 ;
Vu les observations complémentaires présentées par M. Salinier, enregistrées comme ci-dessus le 23 décembre 1997 ;
Vu les nouvelles observations présentées par M. Lasbordes, enregistrées comme ci-dessus le 20 janvier 1998 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur les griefs relatifs au compte de campagne de M. Lasbordes :
Considérant que, par une décision du 7 octobre 1997, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a approuvé, après réformation, le compte de campagne de M. Lasbordes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le coût de la location des deux permanences électorales de M. Lasbordes a été intégré dans le compte de campagne ; que, contrairement à ce qui est allégué, M. Lasbordes n'a pas utilisé pour sa campagne le véhicule de fonction mis à sa disposition par le conseil régional d'Ile-de-France, mais a loué un véhicule dont les frais de location figurent dans son compte ; que des frais d'essence d'un montant de 3 715 F ont été pris en compte, sous la rubrique « frais de transport et de déplacement » ; que le chauffeur de M. Lasbordes étant en congé, sa participation à la campagne n'avait pas à être prise en compte dans les dépenses engagées au profit du candidat ; que les dépenses relatives à la réunion de soutien avec MM. Fillon et Madelin, organisée le 22 mai 1997, ont été intégrées dans le compte de campagne, sous la forme de frais de téléphone et de courrier ; que les frais correspondant aux tracts diffusés dans les communes de Verrières-le-Buisson, Orsay, Gif-sur-Yvette, Bièvres, Saclay, Vauhallan et Saint-Aubin ont tous été pris en compte ;
Sur les griefs relatifs à la campagne électorale :
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. Lasbordes aurait exercé des pressions sur les électeurs afin de les inciter à voter en sa faveur ; qu'à cet égard ni la circonstance que des représentants de la communauté musulmane se soient publiquement prononcés en sa faveur, ni le fait que les dépenses correspondant aux tracts diffusés par les représentants de cette communauté et appelant à voter pour M. Lasbordes aient été réintégrées dans le compte de campagne de M. Lasbordes ne saurait caractériser l'existence de la pression alléguée ;
Considérant que, si le premier alinéa de l'article L. 52-1 du code électoral prohibe l'utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou tout moyen de communication audiovisuelle pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d'une élection, le démarchage téléphonique, dès lors qu'il ne repose pas sur un support commercial, ne rentre pas dans le champ de l'article L. 52-1 du code électoral ;
Considérant que les tracts diffusés par certains représentants de la communauté musulmane et appelant à voter en faveur de M. Lasbordes n'ont pas introduit, dans la campagne électorale, d'élément nouveau auquel M. Salinier n'aurait pas eu le temps de répondre ;
Considérant que, s'il est soutenu que M. Lasbordes se serait livré à un affichage en dehors des emplacements officiels, sur de nombreux panneaux municipaux et associatifs, en méconnaissance de l'article L. 51 du code électoral, il ne résulte pas de l'instruction que cet affichage aurait revêtu un caractère massif ;
Considérant que ni la circonstance que Génération Ecologie ait apporté son soutien au second tour à M. Lasbordes, ni celle que ce parti ait manifesté son soutien par des tracts affichés sur les panneaux officiels de M. Lasbordes ne sont constitutives d'une manoeuvre ;
Considérant enfin que, si dans sa profession de foi pour le second tour, M. Lasbordes a présenté M. Salinier comme le « député le moins productif de l'Essonne » et relevé qu'il n'avait été l'auteur d'aucune proposition de loi à l'Assemblée nationale, il n'a fait que reprendre un argument évoqué dans un article d'un quotidien publié les 3 et 4 mai 1997 et n'a pas excédé les limites de la polémique électorale ;
Sur les griefs relatifs aux opérations de vote :
Considérant, en premier lieu, que M. Salinier soutient que, dans plusieurs cas, les deux signatures figurant pour les deux tours de scrutin en marge du nom d'un même électeur présentent des différences qui établissent que le vote n'a pas été effectué par l'électeur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'examen des listes d'émargement des bureaux de vote concernés, que, pour l'essentiel des cas, les différences alléguées ou bien sont peu probantes, ou bien sont imputables au fait que le mandant a voté à l'un des deux tours, ou à la circonstance que l'électeur a utilisé tour à tour ses initiales, un paraphe ou sa signature ou encore, pour les femmes mariées, leur nom de jeune fille ou leur nom de femme mariée ; qu'au surplus, plusieurs des électeurs dont les signatures paraissent différer entre le premier et le second tour de scrutin ont reconnu formellement avoir voté lors des deux tours de scrutin ; que dans ces conditions, le grief relatif aux listes d'émargement doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il est allégué que, dans la commune de Vauhallan, le nom du mandataire ne figure pas aux côtés du nom du mandant, contrairement à ce qu'exige l'article R. 76-1 du code électoral ; que, toutefois, l'absence sur les listes d'émargement des mentions obligatoires en matière de vote par procuration ne doit pas conduire à l'invalidation d'un nombre équivalent de suffrages, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que ces insuffisances ou omissions auraient été à l'origine de votes irréguliers ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 73 du code électoral : « Chaque mandataire ne peut disposer de plus de deux procurations, dont une seule établie en France » ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions n'ont pas été méconnues par deux électeurs de la commune de Gif-sur-Yvette qui ont reçu deux procurations, dans la mesure où dans les deux cas l'une au moins de ces procurations a été établie hors de France ;
Considérant, en quatrième lieu, que c'est à bon droit que, dans le bureau de vote no 1 de la commune d'Orsay, un bulletin qui comportait une pliure caractéristique, susceptible de constituer un signe de reconnaissance, a été tenu pour nul ;
Considérant, en cinquième lieu, que, si un électeur se trouve inscrit à la fois sur la liste électorale de la commune de Buressur-Yvette et sur la liste de la commune des Ulis, cette circonstance a été sans incidence sur les résultats du scrutin, alors qu'il ressort de l'examen des listes d'émargement que cet électeur n'a voté que dans une seule commune ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ne résulte nullement de l'instruction que M. Salinier ait été empêché de consulter les procurations établies dans la commune de Gif-sur-Yvette ;
Considérant, enfin, que dans deux bureaux de vote, le bureau de vote no 1 de la commune de Verrières-le-Buisson et le bureau no 12 de la commune de Gif-sur-Yvette, il y a un écart d'une voix entre la liste d'émargement et le nombre de bulletins et enveloppes trouvés dans l'urne ; qu'il convient de retenir le nombre le moins élevé des deux et de diminuer corrélativement le nombre des suffrages exprimés et le nombre des voix recueillies par M. Lasbordes ; qu'à la suite de cette rectification M. Lasbordes conserve la majorité des suffrages exprimés au second tour ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée,
Décide :
AN, ESSONNE (5e CIRCONSCRIPTION)
M. JEAN-MARC SALINIER
Art. 1er. - La requête de M. Jean-Marc Salinier est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 29 janvier 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean Cabannes, Maurice Faure, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir et M. Jacques Robert.
Le président,
Roland Dumas