J.O. Numéro 21 du 25 Janvier 1998
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Texte paru au JORF/LD page 01192
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Décision no 97-2247 du 22 janvier 1998
NOR : CSCX9802549S
AN, WALLIS-ET-FUTUNA
M. KAMILO GATA
Le Conseil constitutionnel,
Vu la requête présentée par M. Kamilo Gata, demeurant à Mata-Utu (Wallis-et-Futuna), déposée le 12 juin 1997 auprès de l'administration supérieure du territoire des îles Wallis-et-Futuna, enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 juin 1997 et tendant à l'annulation des opérations électorales auxquelles il a été procédé les 25 mai et 1er juin 1997 dans la circonscription unique formée par le territoire des îles Wallis-et-Futuna pour la désignation d'un député à l'Assemblée nationale ;
Vu les observations présentées par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, enregistrées comme ci-dessus le 28 juillet 1997 ;
Vu le mémoire en défense présenté par M. Victor Brial, député, enregistré comme ci-dessus le 1er octobre 1997 ;
Vu la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, enregistrée comme ci-dessus le 17 octobre 1997, approuvant, après réformation, le compte de campagne de M. Brial ;
Vu le mémoire en réplique présenté par M. Gata, enregistré comme ci-dessus le 10 décembre 1997 ;
Vu l'article 59 de la Constitution ;
Vu l'ordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code électoral tel qu'applicable dans les territoires d'outre-mer ;
Vu le règlement applicable à la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Sur le grief tiré de l'existence de procurations irrégulières :
Considérant que, pour contester le résultat de l'élection, le requérant fait état en premier lieu de vingt-sept électeurs simultanément inscrits à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, dont douze auraient à la fois voté à Wallis-et-Futuna par procuration, et personnellement en Nouvelle-Calédonie ; qu'à le supposer avéré, ce fait appellerait des mesures appropriées de la part des autorités compétentes, mais ne suffirait pas à établir l'organisation d'une manoeuvre de nature à fausser le résultat du scrutin ; qu'il conviendrait en revanche de retrancher hypothétiquement ces douze suffrages tant du nombre total de voix obtenu par le candidat élu que du nombre total de suffrages exprimés ;
Considérant que le requérant fait, par ailleurs, état de cinquante-cinq procurations non signées des mandants, ceux-ci ne pouvant signer eux-mêmes selon l'officier de police judiciaire ayant établi les procurations ; que, si le législateur a prévu que le mandant signe lui-même sa procuration, il n'a pas pour autant entendu réserver l'utilisation du vote par procuration aux seuls électeurs capables d'écrire ; que, toutefois, dans cette hypothèse, l'autorité compétente doit s'assurer de la volonté de l'électeur de donner procuration au mandataire et vérifier par ailleurs si les conditions requises pour l'exercice du vote par procuration sont réunies ; que tel est le cas en l'espèce ; que, dès lors, le grief ne peut être accueilli ;
Considérant que le requérant fait enfin état de vingt-quatre procurations comportant d'autres irrégularités ; qu'il résulte de l'instruction que seulement seize d'entre elles peuvent être considérées comme viciées par des irrégularités substantielles ; qu'il en va ainsi des irrégularités tenant à l'absence de signature sans que l'impossibilité de signer soit attestée par l'officier de police judiciaire ou à la signature de deux procurations par un même mandant ; que ces faits entraînent la soustraction de seize suffrages tant du nombre de voix obtenu par le candidat élu que du nombre total de suffrages exprimés ;
Considérant que, même en retranchant les douze et seize suffrages susmentionnés, M. Brial conserverait un avantage de voix sur le candidat arrivé en seconde position ;
Sur le grief tiré de pressions sur les électeurs :
Considérant qu'au soutien de sa thèse selon laquelle diverses mesures d'aide sociale prises par l'assemblée territoriale auraient eu pour objet et pour effet de favoriser la candidature de M. Brial, le requérant met en cause des bons d'achat antérieurs de plusieurs mois ou de plusieurs semaines à la dissolution de l'Assemblée nationale ; que, par suite, quel que soit le caractère blâmable de certaines pratiques, si elles étaient établies, le moyen est inopérant ;
Considérant que le requérant soutient, en outre, que le préfet, administrateur supérieur du territoire, aurait favorisé l'élection de M. Brial en procurant des emplois à quelques personnes et en accordant une subvention à une association culturelle ; que, cependant, il n'indique pas dans quelles mesures ces décisions auraient spécialement pu favoriser M. Brial ; que, dès lors, le moyen est inopérant ;
Considérant, enfin, que si le requérant prétend que des suffrages auraient été sollicités en échange de cadeaux, ce grief n'est appuyé que par un très petit nombre de témoignages de caractère imprécis ; qu'il doit, dès lors, être rejeté ;
Sur le grief tiré de l'irrégularité de la liste électorale :
Considérant que le requérant met en cause les manipulations qui auraient entaché la liste électorale de la circonscription d'Uvéa après la date à laquelle cette liste a été légalement arrêtée, le 28 février 1997 ; que ces faits sont constants et ont conduit, au lendemain de l'élection territoriale du 16 mars 1997, la commission de révision de la liste électorale à rétablir la liste telle qu'elle avait été arrêtée au 28 février 1997 ; que cette opération, effectuée le 25 avril 1997, a eu pour effet de faire disparaître les irrégularités en cause pour l'élection législative ; que, par suite, le moyen manque en fait ;
Sur le grief tiré de l'irrégularité de nombreux émargements :
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du code électoral, rendu applicable à Wallis-et-Futuna par l'article 7 de la loi no 92-556 du 25 juin 1992, portant extension aux territoires d'outre-mer et à la collectivité territoriale de Mayotte de diverses dispositions en matière électorale : « Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : "l'électeur ne peut signer lui-même" » ; que le législateur a entendu, en instituant cette formalité substantielle, assurer l'authentification du suffrage de l'électeur se trouvant dans l'impossibilité de signer lui-même la liste d'émargement, tout en laissant à celui-ci une pleine liberté de choix quant à la désignation de l'électeur devant la signer à sa place ; que toute restriction à cette liberté méconnaîtrait tant la disposition précitée que le droit au suffrage ;
Considérant qu'il est constant que, lors du scrutin du 1er juin 1997, 539 électeurs, sur 6 332 votants, ont apposé, en face de leur nom, une simple croix, qui ne saurait être assimilée à un paraphe ou à une signature ; que ni la mention prévue par le second alinéa de l'article L. 64 précité, ni la signature d'un autre électeur ne figurent devant aucune de ces croix ;
Considérant, cependant, que l'importance même de la pratique en cause, qui n'est pas nouvelle, a concerné 8,5 % des votants dans l'ensemble du territoire et s'est trouvée concentrée dans la région d'Alo à Futuna, où elle a concerné 36 % des votants, résulte du caractère tardif de l'introduction de l'enseignement primaire obligatoire à Wallis-et-Futuna, et spécialement à Futuna ; que ces circonstances expliquent non seulement qu'un grand nombre d'électeurs de la région d'Alo aient été dans l'incapacité de signer eux-mêmes la liste d'émargement, mais également qu'ils n'aient pu trouver en temps opportun un autre électeur en état d'émarger en leur lieu et place et d'écrire sur la liste d'émargement : « l'électeur ne peut signer lui-même » ; que, dans ces conditions, propres au territoire et liées à une situation vouée à la disparition, la méconnaissance des dispositions du second alinéa de l'article L. 64 du code électoral précité n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à entraîner l'annulation des suffrages correspondants ; qu'elle n'est donc pas susceptible, en l'absence de manoeuvre, de conduire à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées les 25 mai et 1er juin 1997 à Wallis-et-Futuna ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée,
Décide :
Art. 1er. - La requête de M. Kamilo Gata est rejetée.
Art. 2. - La présente décision sera notifiée à l'Assemblée nationale et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 janvier 1998, où siégeaient : MM. Roland Dumas, président, Georges Abadie, Michel Ameller, Jean Cabannes, Maurice Faure, Yves Guéna, Alain Lancelot, Mme Noëlle Lenoir et M. Jacques Robert.
Le président,
Roland Dumas