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LOI no 94-99 du 5 février 1994 d'orientation pour le développement économique, social et culturel de la Polynésie francaise (1)


NOR : DOMX9300179L


Art. 1er. - La présente loi définit, pour une durée de dix ans, les conditions dans lesquelles la solidarité exprimée par la nation aidera le territoire de la Polynésie française à réaliser une mutation profonde de son économie, afin de parvenir à un développement mieux équilibré et à une moindre dépendance à l'égard des transferts publics, en favorisant le dynamisme des activités locales et le progrès social. L'aide financière apportée par l'Etat est précisée par la présente loi pour les cinq premières années d'application de la loi. A cet effet, sont approuvées les orientations générales de l'action de l'Etat en faveur du territoire qui figurent dans l'annexe à la présente loi.

Art. 2. - L'Etat s'engage, dans le domaine de l'éducation, de la formation et de la recherche, à augmenter le nombre des enseignants affectés aux établissements du premier degré afin de parvenir, à l'issue du second contrat de développement et compte tenu des spécificités du territoire, à un taux d'encadrement pédagogique comparable à ceux relevés en métropole. La qualité des équipes pédagogiques sera également améliorée. Un programme pluriannuel de création d'emplois sera établi en vue d'assurer la réalisation de cet objectif. L'accès à l'enseignement supérieur sera facilité, en ce qui concerne tant la formation initiale que continue, générale que professionnelle. Les filières seront adaptées aux besoins de l'économie, tels qu'ils ressortiront d'une étude menée en concertation avec le territoire. Il sera également procédé à l'évaluation des besoins éventuels en infrastructures. L'Etat contribuera aux actions d'information et de formation, au développement des animations socio-éducatives et sportives et, plus généralement, aux mesures ayant pour objet de favoriser l'insertion sociale des jeunes du territoire. Les activités menées par l'Etat dans le secteur de la recherche scientifique seront développées, en collaboration avec les services dépendant du territoire et de ses établissements publics. Il sera en particulier fait appel aux moyens dont dispose le ministère de la défense.

Art. 3. - Dans le domaine de la santé publique et de la protection sociale, l'Etat apportera une assistance technique à la rénovation du système de santé et du régime de protection sociale du territoire. A cet effet, des experts seront mis à la disposition des autorités du territoire. Les conditions d'attribution et d'utilisation des aides financières définies à l'article 10 et de l'assistance technique seront fixées par voie de convention. L'Etat conclura avec le territoire de la Polynésie française un accord entre les régimes de protection sociale qui permettra la coordination de ces régimes pour l'ensemble des risques au profit des personnes assurées.

Art. 4. - L'Etat apportera, selon des modalités définies par convention, une assistance technique, notamment par la mise à disposition d'experts, aux services de la protection judiciaire de la jeunesse de la Polynésie française. L'Etat instituera une commission de conciliation obligatoire en matière foncière dont la composition, la compétence et les règles de fonctionnement seront définies par une loi ultérieure.

Art. 5. - En matière de fiscalité, l'Etat apportera son concours technique à l'effort engagé en vue de moderniser les règles fiscales en vigueur dans le territoire. Il accroîtra le nombre des fonctionnaires détachés ou mis à disposition des services fiscaux et affectés au service des douanes du territoire. L'Etat proposera d'autre part au territoire la conclusion d'une convention en vue de préciser les règles de territorialité de l'impôt et de prévenir la fraude fiscale.

Art. 6. - Dans le domaine de l'administration communale, le personnel communal sera doté d'un statut adapté à la situation particulière des communes du territoire, et notamment à leurs capacités budgétaires.

Art. 7. - L'Etat s'engage à concourir aux efforts du territoire en faveur du développement des télécommunications dans les archipels éloignés.

Art. 8. - L'Etat proposera au territoire de conclure un contrat de développement, qui portera sur une durée de cinq années et sera renouvelable. Ce contrat précisera, compte tenu des orientations et engagements mentionnés à l'article 1er, les actions auxquelles l'Etat apporte son concours, ainsi que les modalités de ce dernier. Les conventions d'aide technique et financière prévues aux articles 103 et 104 de la loi no 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Polynésie française devront être compatibles avec les stipulations du contrat de développement. L'Etat proposera aux communes appartenant à la zone urbaine de Papeete la conclusion d'une convention coordonnant l'action des parties en vue de l'amélioration des conditions de vie dans ces communes. Pourront également être conclues, entre l'Etat et les sociétés d'économie mixte créées sur le fondement de l'article 105 de la loi no 84-820 du 6 septembre 1984 précitée, des conventions qui définiront les conditions d'utilisation des subventions accordées par l'Etat à ces sociétés, ainsi que les modalités du contrôle financier exercé sur cette utilisation.

Art. 9. - Lorsque la Cour des comptes est compétente à l'égard des sociétés, groupements ou organismes exerçant leur activité sur le territoire de la Polynésie française, la vérification des comptes peut être confiée à la chambre territoriale des comptes de Polynésie française par arrêté du premier président de la Cour des comptes, pris après avis du procureur général près la Cour des comptes et du président de la chambre territoriale intéressée.

Art. 10. - En sus des contributions qu'il verse au titre de la solidarité, telles qu'elles sont fixées en 1993, l'Etat attribuera au régime de protection sociale de solidarité que le territoire s'engage à mettre en place une dotation de: - 40 millions de francs en 1994; - 60 millions de francs en 1995; - 80 millions de francs en 1996; - 100 millions de francs en 1997; - 120 millions de francs en 1998. En sus de sa participation aux actions du territoire en matière de santé publique, telle qu'elle est fixée en 1993, l'Etat apportera à ces actions une contribution de: - 1,8 million de francs en 1994; - 3,6 millions de francs en 1995; - 5,4 millions de francs en 1996; - 7,2 millions de francs en 1997; - 9 millions de francs en 1998. Les modalités des participations visées ci-dessus seront arrêtées dans une convention entre l'Etat et le territoire qui précisera les règles permettant le bon usage des fonds alloués.

Art. 11. - Les personnes relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui exercent leurs fonctions en Polynésie française ou qui y résident en qualité de pensionnés au titre de ce code, sont affiliées à compter du 1er janvier 1995, pour les prestations en nature relevant de l'assurance maladie-maternité, au régime de sécurité sociale qui leur serait applicable si elles exerçaient leurs fonctions en métropole ou y résidaient en qualité de pensionnés au titre dudit code.

Art. 12. - L'Etat contribuera en 1994 aux ressources des communes à concurrence de un quinzième du montant de la quote-part versée en 1993 par le territoire au fonds intercommunal de péréquation. A cet effet, l'Etat tiendra compte des contraintes particulières des communes de Polynésie française pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement. Cette contribution sera, en 1995, d'un dixième de cette quote-part et, pour chacune des années 1996, 1997 et 1998, de deux quinzièmes de ladite quote-part.

Art. 13. - Il est créé, à compter du 1er janvier 1994, au sein du fonds d'investissement pour le développement économique et social des territoires d'outre-mer un fonds pour le progrès de la Polynésie française. Peuvent bénéficier de subventions versées par ce fonds le territoire et ses établissements publics, les communes et leurs groupements, les sociétés d'économie mixte visées à l'article 8, ainsi que les personnes physiques ou morales dont les projets sont susceptibles de contribuer au développement économique, social et culturel du territoire, et notamment des archipels.

Art. 14. - Il est créé un comité mixte paritaire chargé de suivre l'application de la présente loi. Ce comité comprend six représentants de l'Etat et six représentants du territoire. Il est présidé par le ministre chargé des départements et territoires d'outre-mer, qui désigne les quatre autres représentants de l'Etat, le haut-commissaire de la République et le président du Gouvernement du territoire en étant les vice-présidents. Le comité se réunit une fois par an. Il établit chaque année un rapport sur l'exécution de la loi comportant, notamment, des indicateurs relatifs à l'évolution du niveau des transferts publics, à la réalisation des objectifs du contrat de développement et des conventions qui s'y rattachent. Il présente son rapport au ministre chargé des départements et territoires d'outre-mer.

Art. 15. - A l'issue de la cinquième année d'exécution de la présente loi, le ministre chargé des départements et territoires d'outre-mer dépose, sur le bureau des assemblées parlementaires, un rapport qui retrace l'ensemble des actions engagées. Ce rapport est établi après consultation du comité mixte paritaire mentionné à l'article précédent. A N N E X E

ORIENTATIONS GENERALES L'Etat apportera notamment dans le cadre du contrat de développement et des conventions prévues à l'article 8 de la présente loi un appui technique et financier au territoire, afin d'aider ce dernier à atteindre les objectifs de développement économique, social et culturel que le territoire a définis dans l'exercice de ses compétences. Cet appui technique et financier de l'Etat doit notamment permettre au territoire d'atteindre les objectifs suivants: 1o Stimuler le développement économique par la production et la promotion des ressources propres du territoire, en priorité dans les secteurs de l'agriculture, de la pêche, du tourisme, de l'industrie, de l'aquaculture et de l'artisanat afin de réduire la dépendance extérieure et de développer l'emploi; 2o Rattraper le retard dans les infrastructures de base, notamment pour désenclaver et développer les archipels; 3o Maîtriser la croissance démographique et assurer un développement harmonieux de la cellule familiale; 4o Favoriser l'intégration des jeunes en développant des programmes de formation, d'animation et de loisirs; 5o Prendre les dispositions permettant de prévenir et de traiter les effets d'exclusion et de marginalisation sociale qui se développent dans la zone urbaine de Papeete; 6o Aménager et moderniser la réglementation territoriale en matière de fiscalité par, notamment, l'introduction d'un système de taxe sur la valeur ajoutée; 7o Mettre en oeuvre des mesures d'incitation à l'emploi dans les secteurs productifs et faciliter l'accès aux formations professionnelles initiales et continues en rapport avec les activités économiques du territoire et inciter les investisseurs privés à prévoir, en tant que de besoin, un dispositif de formation pour accompagner la réalisation des nouveaux projets; 8o Améliorer la protection sociale et sanitaire de la population du territoire en lui assurant une couverture sociale distinguant les régimes d'assurance et le régime de solidarité et en renforçant la prévention et les équipements sanitaires; 9o Rationaliser, moderniser et restructurer l'administration territoriale; 10o Renforcer, en tenant compte de la spécificité géographique et sociologique de la Polynésie française, le système éducatif dans le premier degré, tant sur le plan quantitatif du taux d'encadrement des élèves que sur le plan qualitatif; dans le second degré public, établir le programme de construction scolaire, d'internats et de rénovation des établissements existants; 11o Augmenter, dans le respect de l'environnement naturel et social, le rythme de construction de logements sociaux en veillant à une meilleure répartition entre Tahiti et les archipels et en favorisant les formules de construction en habitat individuel; à cet effet, créer une société immobilière; 12o Intensifier la politique de développement, d'aménagement et de désenclavement de l'ensemble des archipels de la Polynésie française; à cet effet, créer une société de développement et d'aménagement; 13o Protéger et mettre en valeur le patrimoine culturel et linguistique polynésien; 14o Développer les activités liées à la recherche scientifique, notamment dans les secteurs de la santé, de l'agronomie, de la mer, des énergies renouvelables et de l'environnement; 15o Intensifier la politique de l'environnement. La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Fait à Paris, le 5 février 1994.


FRANCOIS MITTERRAND Par le Président de la République: Le Premier ministre, EDOUARD BALLADUR Le ministre d'Etat, ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, SIMONE VEIL Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, CHARLES PASQUA Le ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, PIERRE MEHAIGNERIE Le ministre d'Etat, ministre de la défense, FRANCOIS LEOTARD Le ministre de l'éducation nationale, FRANCOIS BAYROU Le ministre de l'économie, EDMOND ALPHANDERY Le ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, GERARD LONGUET Le ministre de la culture et de la francophonie, JACQUES TOUBON Le ministre du budget, porte-parole du Gouvernement, NICOLAS SARKOZY Le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, FRANCOIS FILLON Le ministre du logement, HERVE DE CHARETTE Le ministre des départements et territoires d'outre-mer, DOMINIQUE PERBEN Le ministre de la jeunesse et des sports, MICHELE ALLIOT-MARIE Le ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, DANIEL HOEFFEL
(1) Loi no 94-99: - Conseil économique et social: Avis du 30 novembre 1993, publié au Journal officiel (Avis et rapports du Conseil économique et social) du 3 décembre 1993. - Travaux préparatoires: Assemblée nationale: Projet de loi no 853; Rapport de M. Eric Raoult, au nom de la commission des finances, no 929; Discussion et adoption le 13 janvier 1994. Sénat: Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, no 241 (1993-1994); Rapport de M. Henri Goetschy, au nom de la commission des finances, no 256 (1993-1994); Discussion et adoption le 24 janvier 1994.