ROUEN NTICF'98
Jean-Michel YOLIN 19 novembre 1998
Il m'a été proposé en introduction à vos réflexions d'essayer de resituer cette question dans l'ensemble des défis que lancent les NTIC à un Etablissement d'enseignement supérieur.
Quand je parlerai NTIC, je parlerai surtout d'Internet car l'élément majeur aujourd'hui ce sont bien le protocole TCP IP et ses cousins au noms barbares HTTP, SMTP, FTP, ...
Ce ne sont d'ailleurs même pas des technologies : ce sont de simples standards.
l'évènement véritablement nouveau c'est qu'ils se sont imposés dans le monde entier créant un Espéranto qui permet à tous les ordinateurs de communiquer entre eux, mais aussi avec des téléphones, des TV ou des microscopes.
C'est peu de chose en soi, du même ordre que l'invention de l'écriture qui n'est elle aussi qu'une simple convention formelle permettant une nouvelle forme de communication.
Mais c'est une révolution profonde car elle modifie brutalement les notions d'espace, de temps et de coût et, de ce fait, potentiellement la structure même de toutes les organisations.
Ces technologies Internet permettent à la fois :
- des gains considérables de productivité : économies drastiques des coûts informatiques et Télécoms, et surtout des coûts de gestion, de stocks, logistique, ...
- une capacité de développement vers de nouveaux clients, de nouveaux marchés, de nouveaux fournisseurs, de nouveaux partenaires, de nouveaux collaborateurs.
Soyons bien conscient que la vente en ligne, le surf sur Internet ou les Web "plaquette" ne sont là que des aspects extrêmement marginaux qui malheureusement masquent à beaucoup la révolution beaucoup plus profonde qui se prépare.
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Cette évolution radicale me paraît concerner l'enseignement supérieur de 3 façons :
1- comment être plus efficace, plus réactif, plus "compétitif" en améliorant son rapport qualité prix grâce aux technologies Internet
2- comment permettre aux jeunes diplômés de maîtriser ces technologies clef.
3 - mais aussi, bien plus fondamentalement, comprendre le rôle nouveau du cadre du XXIème siècle, induit pour une large part par Internet, et repenser radicalement les cursus de formation.
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Commençons par le plus simple : comment accomplir plus efficacement notre mission actuelle ?
Une animation power point permet de visualiser progressivement la constitution de ce système complexe qu'est une Grande Ecole.
Les Nouvelles Technologies Educatives concernent le cœur du processus de production : vous allez en débattre pendant ces trois jours, aussi je n'en parlerai pas.
Mais le cœur seulement car dans une école
il y a également le système nerveux, les bras, les jambes,
des organes sensoriels et des organes relationnels qui permettent de penser,
d'agir, de communiquer, d'échanger et de développer des partenariats,
de produire des entités nouvelles. En effet, au-delà de l'enseignement
une école c'est également :
- la capacité à communiquer avec des partenaires, des clients, des candidats
- une fonction de marketing et de Bureau d'Etude : analyse des besoins des entreprises et des élèves, capacité à concevoir des formations adaptées
- c'est aussi une capacité à concevoir
et conduire des projets, parfois en interne, mais le plus souvent dans
le cadre de réseaux Régionaux, Nationaux ou Internationaux,
et ceci pour l'enseignement comme pour la recherche
* assurer les relations avec les "actionnaires" :
tutelle, CA, CL
Maintenant que nous avons planté le décor, voyons sous quelle forme Internet apporte des potentialités nouvelles.
I - Le Web : il doit être pensé en fonction des publics visés : il doit leur être utile car on ne va pas visiter votre web pour vous faire plaisir
o Il doit être ergonomique et respecter impérativement la règle :
"20 ko, 3 clics, pas d'ascenseur, 14 pouces"
garantissant ainsi une rapidité d'accès à l'information utile (accessibles en 3 clics) avec des pages vite chargées et une absence de mépris pour ceux qui n'ont pas le matériel dernier cri.
o Il doit être au moins bilingue
Pour quels publics
1- les entreprises : présenter les compétences de l'école, ses points d'excellence, ses partenariats scientifiques, pédagogiques, industriels, ... (un jeune ancien élève qui va aux USA doit pouvoir mettre cette adresse sur son CV sans avoir à rougir)
Mais aussi le catalogue de formations continues et les compétences disponibles dans les laboratoires (tous les responsables doivent être directement cliquables).
Les CV des élèves (ou anciens élèves qui le souhaitent) doivent être accessibles en ligne : ils doivent se construire dès l'entrée à l'école (pour les stages)
2 - les candidats et leurs conseils (professeurs et parents) : conditions d'admission, débouchés (succès stories d'anciens élèves), conditions de vie à l'école.
3 - les partenaires pédagogiques et scientifiques : publications scientifiques et cours téléchargeable. Etre "pompé" est une forme de reconnaissance : vous pouvez y mettre un compteur qui vous informera sur votre notoriété.
Ce Web doit être Transactionnel : il doit pouvoir recevoir des offres d'emploi, des inscriptions aux concours ou en formation continue.
Il doit aussi servir de plate-forme de référencement vers les sites présentant de l'intérêt pour les visiteurs de vos pages, comme le site de la ville pour les candidats potentiels par exemple.
Il doit lui-même être bien référencé : par les moteurs de recherche et par vos partenaires (échange de liens ou "Ring").
Il doit être vivant : mise à jour permanente, ou mieux web dynamique qui va directement chercher l'information vivante là où elle est créée.
Il doit être un outil d'écoute
pour votre marketing : qui est venu vous voir ? questions posées
? documents téléchargés ? manifestation d'intérêt,
? ...
II - l'Intranet
Il doit devenir le système nerveux du fonctionnement de l'école :
1 - de son administration : gestion, qui fait quoi, informations administratives et sociales, banque de logiciels (groupware, outils de sondage et de vote ...), menus de la cantine, messagerie, planning de congés,
pointeurs vers des sites utiles : météo, journaux, horaires SNCF, transport aérien, vaccinations nécessaires dans chaque pays, programme des théâtres, ...
2 - de sa vie collective : forums, mailing list, conduite de projets (bal, junior entreprise, ...) fonctionnement des binets des élèves, informations touchant à la vie de l'école,
3 - de la formation : banque des cours (téléchargeables), envoi d'e-mail vers les professeurs, informations sur les options, modules d'auto-apprentissage, référencement de ressources externes, inscription aux séminaires planning des cours, montage et suivi des stages
Chacun doit prendre l'habitude de créer directement, en natif tous les documents dans l'Intranet (save as HTML) ce qui rend sans objet le problème de la mise à jour puisque l'Intranet contient l'original
Un puissant moteur de recherche indexant la "banque de savoir" interne de l'école et les sites référencés est bien entendu essentiel.
Il va de soi que chacun doit avoir son adresse e-mail
III - Des extranet permettant de faire fonctionner les réseaux de partenariats pédagogiques et scientifiques
IV - quelques autres usages à titre d'exemple pour ne pas trop surcharger mon schéma :
1- PUSH pour envoyer régulièrement des informations ciblées en fonction des profils d'intérêt des destinataires
2 - Co-ingeniering avec des entreprises partenaires par exemple pour des utilisations partagées de logiciels de modélisation dynamique ou de CAO
3 - Télé-enseignement vers des publics extérieurs en formation continue
4 - ou inversement Télé-enseignement
en formation initiale avec des intervenants extérieurs
5 - Stages en PME visant à aider celles-ci à définir et à mettre en œuvre leur stratégie Internet : une opération Win. Win. Win
o gagnant pour les entreprises : le stagiaire apporte un œil neuf, il n'a rien à vendre, il est capable de prendre en compte leur stratégie pour faire avancer la réflexion et amorcer une réalisation. C'est une formule peu onéreuse sans engagement fort pour l'entreprise
c'est une démarche plus pertinente que de "se payer un web", et qui permet à la PME d'"oser"
o gagnant pour les élèves : extrêmement motivant et formateur car ce type de stage oblige à appréhender l'entreprise dans sa globalité et donne l'occasion de conduire une projet significatif
o gagnant pour l'école qui peut ainsi faire apprécier ses compétences par les entreprises, et accroît sa capacité d'écoute des besoins. (Par pudeur je n'évoquerai pas la taxe d'apprentissage)
C'est une action majeure de diffusion d'Internet auprès des PME (oncovirus)
6- Outil de travail avec ses "actionnaires", organiser des débats en préparation ou en prolongement des réunions physiques, voire en substitution à certaines réunions (y compris au niveau des votes)
7 - Économies dans ses coûts d'approvisionnement et recherche de nouveaux fournisseurs le coût de gestion d'une commande passe de 400 K par les moyens traditionnels à 30 F
8 - Relations avec ses partenaires financiers : informer, mise à disposition des informations
9 - Une grande école c'est aussi un service après vente : Internet permet de maintenir une relation étroite avec le réseau des anciens élèves que ceux-ci soient en France ou à l'étranger
adresse à vie de reroutage prénom.nom@ecole.org une précaution : achetez votre nom en ".org" (d'autres pourraient le faire à votre place : le site qui se cache derrière le nom de mon école est un site "pour adulte" et ce n'est pas une politique volontaire pour attirer les taupins ! Mais il faut bien constater à mon grand regret qu'à l'étranger l'X n'évoque pas au premier chef notre grande école )
10 - Notons au passage la prospection d'appels d'offre pour la recherche
11 - Et bien évidemment l'intelligence économique et la veille scientifique sur le Web grâce à des agents intelligents convenablement programmés et des outils de Data mining permettant de "donner du sens" à des gisements d'informations brutes.
Bien entendu ces quelques exemples ne sont là que pour illustrer la diversité des applications possibles et ne prétendent nullement à l'exhaustivité.
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II - Former tous les ingénieurs aux technologies de l'Internet
Cela va de soi mais rappelons-le néanmoins :
- leur apprendre comment ça marche mais surtout à quoi ça sert véritablement dans les entreprises
- "learning is doing" : en faire les acteurs majeurs de tous les développements cités plus haut : outre le fait que cela coûte moins cher que de faire appel à un intervenant extérieur et que la qualité est souvent supérieure, cela leur donne une solide formation et en fait des acteurs du développement de l'école.
III - Former mieux c'est bien mais de quels cadres aurons-nous besoin au XXIème siècle ?
Notre système hérité du XIXème siècle, période de pénurie, visait à former les cadres capables d'assurer l'approvisionnement de la société en nourriture, fer, charbon, pétrole, énergie...
Le rôle du cadre était de résoudre des problèmes clairement posés : il devait maîtriser les techniques et avoir des compétences d'organisation et de commandement.
L'entreprise était organisée comme un corps de troupe et les clients étaient des "usagers".
La "crise" des structures que nous connaissons est liée je pense au passage de la pénurie à l'abondance, et d'une économie de la matière à une économie de la connaissance.
En période de pénurie c'est le fournisseur qui commande. En période d'abondance c'est le client : mieux informé il peut mettre en compétition des fournisseurs du monde entier.
Internet et l'euro donnent une double accélération à cette évolution car ils permettent une comparaison instantanée dans la même monnaie et abolissent les distances.
Le rôle de l'ingénieur change alors radicalement : il devient d'abord et avant tout un
homme de marketing, un homme d'écoute d'innovation et plus un homme de production. La grande majorité travaillera dans le tertiaire.
o quelqu'un capable, au-delà de la demande exprimée de cerner le besoin de son client
o capable d'innover en mobilisant ses compétences techniques pour créer le produit ou le service répondant à ce besoin
o capable de diriger des équipes multidisciplinaires pour conduire à bon port un projet dans toutes ses dimensions : techniques, économiques culturelles et juridiques notamment.
o Capable enfin de créer son entreprise car la création d'entreprise, vitale pour le renouveau de notre économie, ça s'enseigne et c'est aujourd'hui un projet professionnel raisonnable pour un jeune diplômé, notamment dans les NTIC
En effet
- elle ne nécessite pas beaucoup de capitaux au démarrage
- elle nécessite par contre une perception "viscérale" de la nouvelle société qui émerge
- elle implique comme toute création une prise de risques qu'un jeune peut se permettre de prendre plus facilement qu'un cadre bien "installé" dans la vie.
Enfin l'expérience professionnelle est de peu de secours dans un domaine aussi nouveau.
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Picasso disait : "un ordinateur ne sert à rien : il sait seulement résoudre les problèmes qu'on lui pose".
On pourrait malheureusement aujourd'hui dans certaines formations remplacer ordinateur par ingénieur.
Aujourd'hui le rôle de l'ingénieur est davantage de déterminer quoi produire, que comment produire.
Alors quelles conséquences pour la formation ? pour le recrutement ? pour développer une capacité d'écoute dans plusieurs langues et dans plusieurs cultures ? pour être capable d'animer des équipes de projet pluridisciplinaires ? pour apprendre à fonctionner en réseau ? pour conserver néanmoins une solide culture technique ? pour la formation à la création d'entreprise ? C'est sans doute toute l'architecture de la formation qui va devoir être repensée, quelques écoles s'y sont engagées.
J'espère que ce séminaire sera aussi l'occasion de partager la réflexion sur cette dimension du problème.
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