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ENTRETIEN DU SECRETAIRE D'ETAT AU COMMERCE EXTERIEUR :

TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET CONCURRENCE INTERNATIONALE

18/12/97

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Jacques Dondoux, Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, chargé du Commerce extérieur

En quoi les technologies de l'information et de la communication sont-elles importantes dans la concurrence internationale ?

Les technologies de l'information et de la communication sont des aujourd'hui au coeur de la concurrence internationale et de la compétitivité des entreprises. Il est devenu banal d'affirmer que nous vivons une période marquée par des bouleversements techniques dont les plus visibles s'effectuent dans le domaine des technologies de l'information.

La société de l'information, loin de n'être qu'un horizon vague, est en train de devenir aujourd'hui une réalité. Elle fournit des outils et des services utiles a la maison, sur le lieu de travail, partout, et en particulier pour les entreprises.

Comment caractériser la politique du gouvernement dans le secteur des technologies de l'information ?

De très nombreuses initiatives ont été prises, et on ne peut que constater le contraste entre le quasi-désinterêt du gouvernement précédent et l'implication forte de l'ensemble de celui-ci, sous la direction du Premier ministre, sur ces questions cruciales pour l'avenir de la société française. Notre retard est pourtant considérable. On comptait, en juillet 1997, près de 11 millions d'ordinateurs-hôtes de sites Internet aux Etats-Unis (soit 56% du total mondial) et seulement 321 000 en France, soit 1,7% du total mondial !

Nous nous inscrivons heureusement aujourd'hui dans une approche nouvelle et ambitieuse, que traduira le plan gouvernemental sur la société de l'information, annoncé par Lionel Jospin.

Je ne retiendrai à titre d'exemple que deux initiatives récentes du gouvernement, qui me paraissent emblématiques de cette nouvelle ambition : la mise en place d'un fonds pour le capital-risque de 600 millions de francs par Dominique Strauss-Kahn, grâce auquel nous allons enfin pouvoir lutter plus efficacement avec nos concurrents pour faire démarrer les entreprises de haute technologie française et encourager les initiatives. Dans l'éducation nationale également, les décisions prises par Claude Allègre montrent une vision ambitieuse d'equipement des établissements scolaires et d'utilisation raisonnable de ces nouveaux moyens éducatifs et pédagogiques.

Que pouvez-vous nous dire des négociations internationales sur le commerce électronique ?

Il est important de favoriser un développement harmonieux du commerce électronique, ce qui passe en particulier par un environnement juridique clair et stable pour les transactions électroniques et le respect de la diversité des distinctions nationales. Il faudra notamment garantir la valeur juridique des transactions électroniques, protéger efficacement les droits des auteurs d'oeuvres diffusées sur les réseaux, définir les responsabilités des acteurs, etc. Toutes ces questions font l'objet de la mission confiée à M. Francis Lorentz, dont les conclusions prochaines contribueront notamment à déterminer notre position au sein des instances internationales.

Je voudrais insister surtout sur les discussions internationales auxquelles je suis amené, avec mes collègues du gouvernement, notamment Christian Pierret, à participer.

Le commerce électronique sur Internet a une dimension mondiale et est devenu rapidement un enjeu des négociations commerciales internationales, principalement sous l'impulsion des Etats-Unis, qui n'ont pourtant, contrairement a ce que l'on pense parfois, qu'une expérience limitée dans ce domaine. L'activité internationale, intense sur ce sujet car il touche un grand nombre de domaines, reste morcelée entre des organisations internationales à vocation généraliste (OCDE, OMC, CNUCED...), des organismes plus spécialisés (OMPI, UIT...), de grandes conférences internationales (Conférence de Bonn, Conférence de Turku, ...) et d'autres forums plus informels.

Les travaux actuels restent, le plus souvent, à un stade exploratoire, mais ils contribuent à la formation d'un consensus. C'est ainsi qu'ont été adoptées la déclaration de Bonn le 7 juillet dernier, endossée par les ministres de 29 pays européens et la déclaration conjointe de l'Union européenne et des Etats-Unis, entérinée lors du Sommet transatlantique du 5 décembre. Ces travaux ont mis en évidence l'urgence de définir une véritable doctrine européenne sur le commerce électronique vis-à-vis d'une position américaine très affirmée et volontaire.

Les mois à venir devraient se traduire par une accélération des travaux internes à l'Union européenne, mais aussi de ceux menés dans le cadre de l'OCDE (avec en perspective la conférence d'Ottawa) et du dialogue transatlantique. Les négociations sur les services dans le cadre de l'OMC reprendront également vers 1999-2000.

Toutes ces échéances feront l'objet d'une attention particulière, et nous nous attachons à la prise en compte par ces instances internationales de nos positions sur le sujet. Les enjeux de ces discussions sont considérables, que ce soit pour conclure les accords ou arrangements internationaux nécessaires pour réaliser pleinement le potentiel du commerce électronique, assurer que le cadre international pour le commerce électronique sera favorable aux entreprises françaises et également que le développement du commerce électronique ne se traduira pas par un abaissement systématique des protections dont bénéficient aujourd'hui les citoyens et les consommateurs français.

Dans le domaine du commerce extérieur, quelles actions allez-vous mettre en oeuvre pour inciter les entreprises a utiliser davantage Internet ?

Nous avons d'abord une tache de sensibilisation a effectuer auprès de toutes les entreprises, et particulièrement les P.M.E. Nous nous y employons activement, et c'est absolument essentiel. Nos entreprises doivent mieux réaliser le formidable bouleversement que constitue Internet dans la vie économique.

Mais si nous voulons amener les entreprises sur les marches étrangers par les technologies de l'information, il ne s'agit pas seulement de faire prendre conscience aux entreprises de l'existence des nouvelles technologies, mais également de les sensibiliser a l'usage particulier d'Internet pour l'exportation.

Dans le cadre du plan gouvernemental sur la société de l'information, j'ai décidé d'une action de promotion et de sensibilisation, par un mécanisme destine a promouvoir une image internationale dynamique de la France : "Les exportateurs sur la Toile". Il s'agira de délivrer, sous des conditions strictes qui sont en cours de définition, un "label" aux entreprises les plus innovantes dans ce domaine. Ce label leur servira de référence vis-à-vis de leurs clients ou de leurs partenaires sur la Toile. Les P.M.E. pourront bénéficier d'une aide au financement de leur site, dotée de 20 millions de francs sur deux ans, et que nous financerons par redéploiement de crédits du commerce extérieur. Ces entreprises doivent en effet s'adapter, et c'est parfois difficile, a l'internationalisation de la technologie et des marches et aux demandes sans cesse changeantes des utilisateurs.

Cette mesure, à laquelle nous donnerons la plus grande publicité afin de créer un effet d'entraînement, vise à promouvoir : l'image technologique de la France à l'étranger, la publicité des produits disponibles sur notre marche, l'existence et utilisation effective d'un système de communication avec les partenaires potentiels et la recherche de partenaires et clients étrangers, en tenant compte de la diversité des langues et des cultures. Ce label "Les exportateurs sur la Toile" est complémentaire de l'opération initiée par le secrétaire d'Etat à l'industrie, par la mesure "P.M.I.-Internet", avec un objectif commun de sensibilisation au développement de l'usage des technologies de l'information dans les entreprises.

Ces technologies ne peuvent-elles également être utilisées pour l'information des entreprises sur les données et les opportunités économiques ?

Les technologies de l'information n'ont pas pour seule fonction d'externaliser une image ou des produits : elles permettent également d'avoir a portée de main et pour un faible coût une mine d'informations utiles pour le développement international des entreprises. Elles rendent possible l'utilisation par les entreprises d'une quantité importante de connaissances sur leur domaine d'activité, des partenaires potentiels, et des acheteurs. Il reste cependant nécessaire que les entreprises puissent chercher et utiliser l'information adéquate : leur environnement, dans un contexte d'ouverture des marches et d'évolution technologique rapide, est de plus en plus complexe.

La maîtrise de l'information devient des lors, pour les sociétés et pour les administrations dont la mission est de les soutenir, un enjeu stratégique : savoir lire au plus tôt et le mieux possible les évolutions de la demande, de la réglementation, des techniques, connaître les forces et les faiblesses des concurrents ou des partenaires potentiels constituent la garantie de l'efficacité et souvent de la survie dans la compétition mondiale.

Ces impératifs ont nourri les réflexions, souvent orientées par le concept "d'intelligence économique" mais le terme n'est pas très heureux ; je préfère parler plus simplement "d'information économique". Les nouvelles technologies démultiplient les possibilités de diffusion à moindre coût dans des délais rapides. L'Etat a un rôle important à jouer dans ce domaine, et doit mieux répondre aux besoins des entreprises. Dans le domaine qui est le mien, le commerce extérieur, nous disposons, avec nos réseaux à l'étranger, d'un formidable ensemble collecteur d'information, dont les qualités sont, je crois, largement reconnues. Encore faut-il que la mise à disposition de ces informations soit effectuée pour les entreprises de manière efficace et rapide. C'est notamment le rôle du Centre français du commerce extérieur, à qui je viens de fixer de nouvelles orientations.

Ces raisons nous ont conduit, au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, à engager une réflexion sur les relations entre les nouvelles technologies et l'information économique ; nous avons demandé à M. Patrick LEFAS de conduire une mission de réflexion sur ce sujet et de nous faire des propositions d'ici la fin du premier trimestre 1998.

Apporter l'information économique aux entreprises, c'est valable également pour votre secrétariat d'Etat ...

Permettre aux entreprises d'accéder rapidement aux informations dont les organismes administratifs disposent doit être pour nous une obsession. Dans cet esprit, plusieurs initiatives se développent, outre la reforme en cours du CFCE, qui vise a mieux adapter celui-ci aux besoins des P.M.E.

J'ai tout d'abord demande que l'on crée un véritable site Internet central du commerce extérieur, afin de rendre plus aisément accessible les informations dont nous disposons, par exemple dans les postes d'expansion économique. Il sera opérationnel au début de l'année prochaine, à l'adresse suivante : "commerceexterieur.gouv.fr".

Je souhaite également que les entreprises puissent nous interroger directement par courrier électronique, grâce à ce site Internet, et que nous puissions, dans des délais raisonnables, répondre à leurs interrogations ou les orienter vers le meilleur interlocuteur pour elles. J'y veillerai personnellement.

Dans le même ordre d'idées, je voudrais proposer à tous les acteurs institutionnels qui s'intéressent à ce domaine de participer à un réseau Intranet du commerce extérieur : échanges d'informations, partage des fichiers, transfert de dossiers d'entreprises pourront s'effectuer plus facilement.

J'ai enfin l'intention de faire éditer un CD-ROM du commerce extérieur, qui sera distribué aux entreprises par liste d'abonnement. Il contiendra des informations relatives aux interlocuteurs des entreprises dans les réseaux d'appui au commerce extérieur, aux marchés à l'étranger, aux processus afférents à l'exportation, en incluant les procédures gérées par les différents intervenants et aux opportunités d'affaires pour les entreprises, françaises comme étrangères.

Comment mieux mettre en valeur les atouts des entreprises françaises du secteur ?

Il ne suffit pas que les entreprises françaises utilisent davantage les technologies de l'information et de la communication. Il est également indispensable de faire mieux valoir les atouts de la France dans ce secteur. C'est pourquoi j'ai demande au CFME-ACTIM, qui organise les foires et les salons français à l'étranger d'orienter davantage les opérations prévues en 1998 vers ce secteur, afin qu'un nombre plus important d'entreprises françaises fassent connaître leur savoir-faire à l'étranger. Les crédits d'intervention du CFME-ACTIM augmenteront de 15 M.F. en 1998.

Il est essentiel que nos entreprises profitent au mieux de l'ouverture des marches mondiaux, ce que permettra l'accord intervenu a l'Organisation Mondiale du Commerce sur les télécommunications, qui a été récemment ratifié par notre Parlement. Cet accord permet de rétablir une situation qui serait, sans lui, déséquilibrée : l'Union européenne a décidé d'ouvrir la concurrence à la téléphonie vocale en Europe. Il était essentiel d'obtenir de nos partenaires hors d'Europe des engagements comparables. Par ailleurs, l'ouverture dans le domaine des services conduit à des opportunités nouvelles pour les ventes de matériels, dans des secteurs où les industriels français sont plutôt en position favorable.

Dans ce contexte de l'ouverture des marches mondiaux, il est important que les réseaux publics soient réactifs, et exercent une véritable veille stratégique sectorielle. Nous analysons les parts de marché des entreprises françaises du secteur des technologies de l'information et de la communication a l'exportation et leurs perspectives d'évolution au regard de la concurrence internationale. Je souhaite que nous puissions ainsi contribuer à accroître les exportations de la technologie française de ce secteur qui recèle de très fortes opportunités à l'exportation.


Mon action en tant que secrétaire d'Etat au commerce extérieur pour prendre en compte la société de l'information dans laquelle nous sommes plonges répond aux objectifs suivants : accompagner les entreprises dans le développement international que peut favoriser l'usage des technologies de l'information, contribuer a leur fournir les certitudes raisonnables dont elles ont besoin dans des actes commerciaux via Internet à l'international, les aider dans la recherche et l'utilisation d'informations acquises grâce à ces technologies, et bien sur à leur fournir au mieux celles disponibles auprès de mes services tout en soutenant les ventes de nos technologies sur les marchés étrangers.

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