Services et communication

Les déterminants de la demande

LE CONTEXTE D'EVOLUTION

Au-delà de la conjoncture économique, la nature et l'intensité de la demande de services de communication dépendent de nombreux éléments formant un contexte spécifique. Parmi ceux-ci, les plus clairs sont ceux liés à la démographie et à l'évolution sociologique. D'autres relèvent de facteurs plus psychologiques et concernent ce qu'on pourrait appeler le "conservatisme" des entreprises, la "paresse" des utilisateurs et l'effet du temps.

Les facteurs démographiques

Les habitudes de consommation et les besoins des individus se modifient avec l'âge et varient selon le mode de vie

Dans les prochaines années, la demande de services sera affectée au moins de deux façons par l'évolution démographique, et en premier lieu par le vieillissement de la population des principaux pays industrialisés.

La situation française est, de ce point de vue, représentative de celles des principaux pays industrialisés. A l'horizon 2005-2010, la France entrera vraiment dans une période où la population des plus de 60 ans va croître de façon très importante. Jusque-là, l'augmentation du nombre de personnes âgées restera modérée. Mais cette croissance sera suffisante pour avoir des effets non négligeables sur la demande de services de communication, car s'y ajoutera un facteur essentiel: le revenu relativement élevé de ces catégories de population.

L'augmentation du nombre de personnes âgées aura, bien évidemment, une incidence sur la demande de services de santé, mais elle aura aussi un effet incitatif sur l'offre de toute une série de nouveaux services qui devraient trouver là un débouché potentiel important, car solvable. Le succès de ces services dépendra, pour beaucoup, de leur facilité d'utilisation car ils devront vaincre l'appréhension des générations âgées vis-à-vis de la technologie. L'interface homme-machine devra être conçu pour ce type de clientèle.

Un autre phénomène démographique se superpose à celui du vieillissement : l'augmentation des ménages de taille réduite. On estime qu'en 2010, en France, sur 25,5 millions de ménages, 15,6 se composeront seulement d'un couple, soit près de 2 millions de plus qu'en 1990. Le nombre de personnes seules atteindrait 7,5 millions en 2010, contre 5,8 millions en 1990 et un peu plus de 3 millions en 1968. La solitude, souvent liée à un divorce ou à un veuvage, n'augmente qu'à partir de 45 ans, et surtout après 65 ans.

Cette évolution du nombre de couples, de personnes seules et de familles monoparentales va certainement entraîner et renforcer les besoins en matière de communication, ces personnes cherchant à éviter l'isolement. Les services de télécommunications, ainsi que ceux liés aux loisirs, peuvent trouver là une base de clientèle potentielle importante.

L'évolution sociologique :
L'individualisation des consommations

Même s'il est courant de dire que l'individualisation des consommations est un trait marquant de la société actuelle, il faut reconnaître que ce changement dans les attentes a déjà des répercussions sur la "consommation" de services de communication. Le succès du baladeur s'explique, en grande partie, par le fait qu'il permet une écoute individuelle. La multiplication du nombre de téléviseurs dans les familles répond également au même besoin: celui de pouvoir regarder librement l'émission ou le film que l'on souhaite. L'offre de chaînes thématiques, sur les réseaux câblés, s'inscrit aussi dans cette analyse.

Ce désir d'individualisation du service est une tendance forte de long terme, mais il n'est pas le fait des seu ménages. Les entreprises, également, sont fortement intéressées par une personnalisation des services offerts. Les opérateurs de télécommunications, par exemple, l'ont bien compris. Ils mettent en place des services aux entreprises dont la mission est de faire des offres "sur mesure", prenant en compte les besoins spécifiques de cette catégorie de clients.

L'individualisme des utilisateurs va entraîner une diversité plus grande des pratiques de communication. Ce qui se passe dans l'audiovisuel, avec la spécialisation des chaînes de télévision et des radios FM va s'étendre au multimédia. On devrait retrouver dans l'"industrie de l'image" le même phénomène que celui rencontré dans la presse, où coexistent une presse généraliste s'adressant à tous et des publications spécialisées lues par un nombre plus restreint de connaisseurs.

Le contenu des services devient primordial car la valeur ajoutée sera humaine avant d'être technologique. Par exemple la visioconférence, qui connaissait une demande faible, a eu beaucoup plus de succès dès lors qu'un service supplémentaire de sténographie des discussions a été proposé. L'amélioration de la qualité de la transmission des images et du son n'a pas suffi à créer le mouvement "d'amorçage". Si la maîtrise des technologies est nécessaire, elle n'est pas suffisante.

Le "conservatisme" des entreprises

Le développement des services pose la question de la nécessité de développer de nouvelles formes d'innovation. Cette question de l'innovation est au centre d'une mutation importante, qui concerne les développements futurs des services à distance. Face à certains types de besoins qui sont potentiellement présents dans la société (santé, formation, information, communication), il peut exister de nouveaux modes de satisfaction.

La condition explicite pour que ces modes s'imposent est de vaincre un certain conservatisme des utilisateurs professionnels, car un grand nombre de ces nouveaux services s'adresseront en priorité à cette catégorie d'utilisateurs.

Les réticences à l'introduction de nouvelles technologies peuvent s'expliquer par de multiples raisons. Les entreprises peuvent ne pas y trouver un intérêt immédiat mais plus y voir une rupture dans leur organisation. Rupture qu'elles ne sont pas forcé ment prêtes à assumer, surtout s'il y a remise en cause du parc installé et des standards utilisés. Le développement du télétravail, par exemple, ne se fait que très lentement, alors que la technologie n'est plus un obstacle. Le frein principal à son développement est le refus de remettre en cause la norme d'organisation du travail, qui veut que les salariés soient rassemblés en un même lieu.

La maîtrise de ces mutations passera le plus souvent par la maîtrise des technologies qui y sont associées, car celle-ci permettra d'offrir le service le mieux adapté à l'état d'esprit du demandeur potentiel. Cela veut dire aussi qu'un service vraiment innovateur, remettant en cause des situations bien établies, ne s'imposera que lentement, au rythme du changement des mentalités.

La "paresse" des utilisateurs

L'utilisateur d'un service le fera sien s'il n'est pas obligé d'investir trop de temps et d'énergie pour se l'approprier. Si la mise en oeuvre d'un service exige beaucoup d'efforts intellectuels, d'apprentissage ou de mémoire, ce service court le risque d'être peu utilisé, voire rejeté.

Outre le phénomène de baisse des prix, la croissance des ventes de micro-ordinateurs s'explique par le fait que l'utilisation de ces équipements est de plus en plus simple. L'ergonomie du Macintosh ou de Windows sur PC fait que l'on peut utiliser ces machines sans connaître aucun langage informatique. De même, l'utilisation des distributeurs automatiques de billets mis en place par la SNCF évolue avec les différentes versions de l'interface de dialogue homme-machine. Si le marché professionnel autorise un degré de technicité plus important dans la mise en oeuvre d'un service ou d'un équipement, le marché "grand public" ne peut se le permettre. L'exemple de l'horloge du magnétoscope qui reste déréglée après le départ des enfants du foyer familial est une excellente illustration des dysfonctionnements rencontrés.

Les services de communication et les équipements associés ne seront utilisés, donc demandés, que si l'on a attaché une grande importance à l'ergonomie des produits. L'usage doit être le plus simple possible et ne pas demander un apprentissage trop long ni trop complexe.

L'effet temps : réactivité et attentisme

Le temps est un paramètre qui n'est pas neutre dans l'évolution de la demande de services de communications. Son effet, bien qu'indirect, peut-être déterminant dans le succès d'un service par rapport à un autre. Cet effet de temps se manifeste à deux niveaux : celui de l'usage et celui de la perception du service

Dans le domaine professionnel, les attentes des entreprises vont dans le sens d'une accélération et d'un raccourcissement des circuits d'information. Dans de nombreux cas, ce n'est plus la technologie du produit ou sa qualité qui font la différence, mais la réactivité face au marché et donc la rapidité de transmission de l'information. Une entreprise doit être capable de recevoir et de digérer en temps réel des quantités considérables d'informations et de s'adapter en permanence à la demande. Tous les services qui permettront de réduire le temps de réaction de l'entreprise seront plébiscités.

Avec le développement des technologies de l'information, la séparation entre sphère professionnelle et sphère privée s'atténue de plus en plus. On trouve les mêmes équipements au bureau et chez soi. L'individu commence à voir s'interpénétrer son temps privé et son temps public. Les services les plus adaptés seront ceux qui permettront l'utilisation la plus efficace du temps, soit qu'ils autoriseront à faire plus de choses, soit qu'ils donneront les moyens de faire plusieurs choses en même temps.

La perception que l'on a de l'intérêt d'un service ou d'un appareil, au regard du temps, introduit dans le développement du marché un phénomène nouveau qui se trouve renforcé par l'évolution rapide des technologies. C'est le phénomène de "l'éphémère". A peine commercialisé, un produit peut être déjà dépassé techniquement par un autre. Le secteur de la micro-informatique est caractéristique de ce phénomène. De manière permanente, les constructeurs annoncent la sortie de nouveaux micro-ordinateurs plus puissants pour un prix équivalent, et même quelquefois inférieur à celui de la génération précédente. Il n'y a pas de rupture technologique mais seulement une amélioration des performances (puissance de traite ment, capacité mémoire...) des matériels.

Ce phénomène engendre deux types de réactions :

- une réaction d'attente des consommateurs qui diffèrent leur achat, souhaitant toujours le produit le moins cher, avec les performances les plus élevées;

- une réaction (souvent malencontreuse) de "gadgétisation" des offreurs qui, pour se différencier de leurs concurrents, incluent des fonctionnalités peu utiles.

La demande professionnelle, correspondant à un besoin relativement bien identifié, est mieux exprimée, plus rationnelle, plus facile à évaluer, ce qui incite les offreurs à la privilégier

La réussite de certains services suppose de "sortir du gadget" et de mettre au point de véritables services permettant de satisfaire de vrais besoins. C'est certainement cette "innovation de produit" qui pourra fonder une nouvelle dynamique des services.


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