Les technologies clés |
Substituts du sang |
Fiche Technologie-clé n : 16
VERSION 3
Définition :
Chez tous les mammifères, le transport des gaz respiratoires, oxygène et gaz carbonique, est assuré par l'hémoglobine. Les substituts du sang sont donc soit des produits de synthèse chimique comme les perfluorocarbones, soit des produits dérivés de la molécule d'hémoglobine, humaine ou animale, capables de transporter de l'oxygène.
Deux axes de recherches font actuellement l'objet de travaux : d'un côté, les perfluorocarbones qui sont des émulsions chimiques transportant l'oxygène, de l'autre l'hémoglobine recombinante, une hémoglobine modifiée par génie génétique. Inventés au cours de la Seconde Guerre mondiale, les fluorocarbones sont notamment d'excellents solvants des gaz. D'où leur intérêt dans la fabrication de substituts du sang. Si les premiers essais cliniques des perfluorocarbones au début des années 1980 se sont soldés par un échec - le Fluosol, le premier produit de ce type mis sur le marché présentant de multiples inconvénients - la seconde génération de perfluorocarbones, le perfluorooctylbromide (PFBO) fait actuellement l'objet de développement comme adjuvant de la transfusion autologue.
L'hémoglobine, cette grosse protéine contenue dans le sang et permettant de capter l'oxygène, représente la deuxième piste importante pour la mise au point de substituts du sang. Cette hémoglobine peut être obtenue soit par génie génétique, c'est-à-dire en insérant un gène spécifique à l'intérieur du génome d'une bactérie, soit en l'extrayant des globules rouges d'un animal (bovin ou porc) et en la consolidant chimiquement dans un deuxième temps afin qu'elle conserve sa cohésion hors des globules. Chez Biocem, une filiale du groupe semencier Limagrain, on envisage de faire produire de l'hémoglobine à des plantes transgéniques.
La transfusion sanguine n'est pas sans danger. Le récent scandale du sang contaminé a montré les limites de la transfusion de sang humain. Aux Etats-Unis, elle est considérée de plus en plus comme une pratique à risque. Dans ce contexte, les dons du sang ont considérablement diminué au cours de ces dernières années, accentuant encore davantage une pénurie évaluée à environ 100 millions d'unités par an à l'échelle mondiale. Face à ces problèmes d'approvisionnement, l'idée de concevoir des substituts artificiels du sang capables d'éliminer les risques de transmission notamment du virus HIV et de l'hépatite B et permettant également de s'affranchir des problèmes de compatibilité de groupes sanguins fait l'objet de travaux dont les développements ont connu une accélération importante au cours de ces dernières années.
Il n'est pas question dans un proche avenir de remplacer totalement le sang humain par un substitut artificiel. Dans un premier temps, les substituts du sang seront principalement utilisés pour des interventions chirurgicales. Par exemple, lors d'une angioplastie coronarienne, une intervention visant à dilater les artères afin d'éliminer un dépôt qui freine la circulation sanguine, et où, durant un bref instant, le muscle cardiaque est privé d'oxygène. Pour des patients anémiés ou porteurs d'un virus ou encore souffrant d'une fragilité cardiaque, et qui par conséquent ne peuvent bénéficier d'une transfusion dite "autologue"; un substitut du sang pourrait leur être injecté avant toute intervention chirurgicale. Les substituts du sang intéressent également les neurologues afin de limiter les conséquences des accidents vasculaires cérébraux. Enfin, ces produits artificiels pourraient offrir aux cancérologues un moyen d'oxygéner des tumeurs, celles-ci s'avérant ainsi plus vulnérables à la radiothérapie.
Les substituts du sang présentant des limites (durée d'oxygénation trop courte, mal tolérés à forte dose, etc...), d'autres techniques visant à fabriquer in vitro du sang naturel sont en cours de développement. L'une des voies suivies consiste à isoler des cellules souches de la moelle osseuse d'où sont issues les globules rouges et de les modifier génétiquement afin d'accélérer leur multiplication. D'autres travaux visent à augmenter la production des globules rouges par l'organisme lui-même. Pour cela, on fait appel à une hormone sécrétée par les reins, l'érythropoïétine, qui stimule la production des globules rouges.
Une poignée de laboratoires et d'entreprises sont engagés dans la mise au point de substituts du sang pour lesquels la National Institute of Health (Etats-Unis) consacre 6 millions de dollars par an.
En France, Jean Riess, directeur du Laboratoire de chimie moléculaire du CNRS (URA 426) a conçu Oxygent, un substitut du sang actuellement développé aux Etats-Unis par la société Alliance Pharmaceutical en collaboration avec le groupe Johnson & Johnson et qui fait l'objet d'essais cliniques. Claude Poyart, directeur de l'Unité 299 de l'INSERM, poursuit des travaux sur la mise au point d'une hémoglobine recombinante. Une solution d'hémoglobine est en cours d'essais notamment à l'hôpital Broussais à Paris.
Aux Etats-Unis, plusieurs programmes sont en cours de développement. Northfield, propose Polyheme, une hémoglobine polymérisée d'origine humaine qui vient d'obtenir l'autorisation d'être testée à des doses importantes. Northfield mène ses essais en collaboration avec le groupe Baxter qui poursuit lui-même des travaux en Suisse sur de l'hémoglobine humaine modifiée. De son côté, Somatogen associée à Eli Lilly, teste une hémoglobine recombinante. Pour sa part, Bristol-Myers Squibb mène des recherches basées sur des animaux transgéniques.
Ajinomoto au Japon et Hemosol au Canada poursuivent le développement de transporteurs d'oxygène basés sur l'hémoglobine alors que Peftoran, en Russie, a déjà mis au point un substitut du sang issu de perfluorocarbones.