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Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 301D0274

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


301D0274
2001/274/CE: Décision de la Commission du 11 avril 2000 concernant la mesure mise à exécution par EDF en faveur de certaines firmes de l'industrie papetière (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2000) 1061]
Journal officiel n° L 095 du 05/04/2001 p. 0018 - 0026



Texte:


Décision de la Commission
du 11 avril 2000
concernant la mesure mise à exécution par EDF en faveur de certaines firmes de l'industrie papetière
[notifiée sous le numéro C(2000) 1061]
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
(2001/274/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),
après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles(1),
considérant ce qui suit:
1. PROCÉDURE
(1) Par lettre du 13 juin 1996, enregistrée le 14 juin 1996, la Commission a reçu une plainte concernant les conditions préférentielles auxquelles la société Électricité de France (ci-après dénommée "EDF") fournirait l'électricité aux papeteries qui acceptent de s'équiper d'appareils de séchage par infrarouge électrique. Selon le plaignant, EDF, tirant profit de son contrôle absolu du marché français de l'électricité, tente d'influencer le choix d'une technologie infrarouge par les papeteries en proposant des tarifs préférentiels sur l'électricité et ce, au détriment de systèmes fonctionnant avec d'autres sources d'énergie, notamment, le gaz naturel.
(2) Par lettres du 10 juillet 1996, du 24 juillet 1996, du 4 novembre 1997, du 4 décembre 1997 et du 12 janvier 1998, la Commission a demandé aux autorités françaises des informations plus détaillées. Des informations sont parvenues à la Commission les 18 juillet 1996, 28 août 1996, 25 novembre 1997 et 22 janvier 1998. La Commission a communiqué au plaignant un résumé de ces informations par lettres du 10 juillet 1996, du 29 octobre 1996, du 14 novembre 1996 et du 13 novembre 1997. Les réponses du plaignant sont parvenues à la Commission les 31 octobre 1996, 21 novembre 1996, 10 décembre 1996, 25 février 1997, 22 mai 1997 et 12 septembre 1997.
(3) Le 20 mai 1998, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'encontre de cette mesure. Cette décision a été notifiée au gouvernement français par lettre SG(98) D/5741 du 14 juillet 1998, invitant les autorités françaises à présenter leurs observations dans un délai d'un mois, c'est-à-dire pour le 14 août 1998.
(4) Par lettres du 28 juillet 1998, du 11 septembre 1998, du 7 octobre 1998, du 24 décembre 1998 et du 19 janvier 1999, les autorités françaises ont demandé à la Commission de ne pas publier certaines informations contenues dans la décision d'ouverture de la procédure prévue par l'article 88, paragraphe 2, du traité, la Commission y a répondu par lettres du 10 août 1998, du 6 octobre 1998, du 22 octobre 1998, du 14 décembre 1998, du 12 janvier 1999 et du 19 février 1999. Lors des réunions qui se sont tenues le 21 septembre 1998 et le 1er décembre 1998, les autorités françaises ont réitéré leur demande de suppression d'information, qui a toutefois été partiellement rejetée en raison de la nature publique des éléments concernés.
(5) Par lettre du 2 septembre 1998, enregistrée le 7 septembre 1998, EDF a sollicité l'accès au dossier. Cette demande a été rejetée par lettre du 17 septembre 1999 puisque les documents demandés tombaient sous le régime des exceptions prévues par la politique concernant l'accès aux documents.
(6) Le 31 juillet 1998, les autorités françaises ont demandé un délai supplémentaire d'un mois pour répondre. Cette requête a été acceptée par la Commission le 5 août 1998.
(7) Par lettre du 4 septembre 1998, enregistrée le 7 septembre 1998, les autorités françaises ont présenté leurs observations.
(8) La communication de la Commission invitant les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause a été publiée le 13 mars 1999 au Journal officiel des Communautés européennes(2). Le 13 avril 1999, à l'échéance prévue dans la communication, les intéressés avaient présenté deux observations. Ces observations ont été communiquées par lettres du 4 juin 1999 et du 9 juin 1999 aux autorités françaises, qui ont eu la possibilité de les commenter. Dans la même lettre, la Commission a aussi demandé un complément d'information.
(9) Lors d'une réunion qui s'est tenue le 28 mai 1999 et par lettre du 28 juin 1999, enregistrée le 29 juin 1999, les autorités françaises ont fourni les renseignements demandés.
2. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE LA MESURE
2.1. Introduction
(10) EDF, contrôlée à 100 % par l'État français, est le producteur d'électricité dominant en France, où il jouissait d'un monopole, de jure(3) et de facto, verticalement intégré. Les prix de l'électricité sont fixés par EDF après approbation du ministre des finances.
(11) Depuis au moins dix ans, EDF dit être en surcapacité de production importante. La compagnie avait estimé que cette surcapacité serait absorbée par le marché vers 1997/1998. Or, EDF a récemment modifié ses propres estimations et, maintenant, du fait d'une évolution de l'économie française moins dynamique que prévu, elle estime que ladite surcapacité risque de durer au moins jusqu'en 2010.
(12) Afin d'écouler cette surcapacité, EDF accorde à ses clients dans certains secteurs industriels des participations commerciales sur la base des surconsommations liées à certaines applications dites "performantes et innovantes" de l'électricité. Les technologies électriques et les secteurs industriels bénéficiant de telles participations sont les suivants: climatisation réversible; plafond rayonnant, techniques membranaires; CMV, électrolyse, moteur à haut rendement et variation électronique de vitesse (tous les secteurs); tubes à passage de courant (chimie); chauffage ohmique (chimie, IAA et verre); induction (métallurgie et chimie) et IR et autres techniques rayonnantes (papier, textile et IAA).
(13) Dans les domaines [...](4), ces pratiques ont abouti à la signature de contrats de fourniture de l'électricité, notamment avec les compagnies [...](5), également en cours d'examen auprès de la Commission. Dans le secteur du papier, cette politique commerciale d'EDF s'est exprimée par une dizaine de projets de "participation commerciale" entre 1990 et 1996 afin d'inciter, notamment, à l'installation d'équipements de séchage infrarouge. À ce titre, les papeteries Condat, Cascades, Lancey, Gromelle et Sibille Stenay (ci-après dénommées "Sibille") ont bénéficié de subventions accordées par EDF.
2.2. Bénéficiaires et description détaillée des mesures
(14) Les papeteries concernées reçoivent à l'achat des séchoirs, une avance d'EDF qui correspond au rabais sur la quantité d'électricité que ces séchoirs, d'après leurs propres estimations, consommeront pendant la durée du contrat de fourniture, normalement six ans. Ainsi, EDF calcule le rabais pour échelonner la participation initiale sur la surconsommation annuelle présumée de l'électricité liée au fonctionnement desdits séchoirs et sur la durée des contrats de fourniture. Cependant, un tel calcul ne tient pas compte des intérêts sur l'avance en question et sur la consommation. Les rabais présentés au-dessous sont exprimés en valeur actualisée en 1999(6).
(15) Condat: En juin 1989, octobre 1990 et avril 1995, cette papeterie a acquis trois équipements de séchage infrarouge électrique d'une surconsommation de 9, 21 et 18 gigawatts (GWh) par an, respectivement(7). À ce titre, la papeterie a bénéficié de la part d'EDF d'une subvention totale de 15,8 millions de francs français (FRF) (2,41 millions d'euros) pour la surconsommation en électricité pendant six ans, dont 10,5 millions (1,6 million d'euros) sous forme d'avance et dont 5,3 millions (0,81 million d'euros) sous forme de subvention d'exploitation versée annuellement au client. Le rabais réel s'élève à 6,2 centimes français par kilowattheure (ci-après dénommés "centimes/kWh") (0,95 cent européen par kilowattheure ci-après dénommé "cent/kWh") ou 27 % du prix moyen de 22,8 centimes/kWh (3,48 cents/kWh). La valeur totale actualisée du rabais s'élève à 22,6 millions de FRF (3,45 millions d'euros).
(16) Cascades: En avril 1992, EDF a octroyé 250000 FRF (38112 euros) pour le développement d'une nouvelle technologie membranaire visant le recyclage des effluents de couchage pour une surconsommation annuelle de 0,75 GWh pendant trois ans. La valeur réelle dudit rabais s'élève à 11,6 centimes/kWh (1,77 cent/kWh) ou 59 % du prix moyen de 19,6 centimes/kWh (2,99 cents/kWh). La valeur totale actualisée du rabais s'élève à 346185 FRF (52775 euros).
(17) Lancey: En mars 1996, cette papeterie a acquis deux équipements de séchage infrarouge électrique et une unité de traitement d'effluents. À ce titre, elle a bénéficié d'une incitation commerciale d'EDF de 2,25 millions de FRF (0,34 million d'euros) pour une surconsommation annuelle de 15 GWh pendant six ans. Cela fait un rabais réel de 2,7 centimes/kWh (0,41 cent/kWh) ou 15 % du prix moyen de 17,8 centimes/kWh (2,71 cents/kWh). La valeur totale actualisée du rabais s'élève à 2,87 millions de FRF (0,44 million d'euros).
(18) Gromelle: En mars 1993, EDF lui a octroyé une participation de 130000 FRF (19818 euros) pour un équipement de séchage infrarouge électrique d'une surconsommation annuelle de 0,8 GWh pendant six ans. Le rabais moyen réel est de 3,0 centimes/kWh (0,46 cent/kWh), soit 8 % du prix moyen de 37,8 centimes/kWh (5,76 cents/kWh). La valeur actualisée du rabais s'élève à 171840 FRF (26196 euros).
(19) Sibille: Pour l'installation d'un séchoir électrique, EDF lui a accordé: i) en juillet 1992, une subvention de 1,35 million de FRF (0,21 million d'euros) pour une surconsommation annuelle de 7 GWh; ii) en avril 1996, 283000 FRF (43143 euros) pour la remise en état et iii) en avril 1996, une incitation commerciale complémentaire de 230000 FRF(8) (35063 euros) pour la surconsommation supplémentaire de 1,2 GWh sur une période de six ans. Le rabais moyen réel s'élève à 4,6 centimes/kWh (0,70 cent/kWh) ou 19 % du prix moyen de 24,2 centimes/kWh (3,69 cents/kWh) pour une surconsommation annuelle de 8,2 GWh. La valeur totale actualisée du rabais s'élève à 2,72 millions de FRF (0,41 million d'euros).
(20) IRS: Afin de participer au financement du développement de la technique de séchage par infrarouge, EDF a accordé à la société InfraRougeSystem (ci-après dénommée "IRS") un prêt de 3 millions de FRF (0,46 million d'euros) en 1996. Le prêt aurait été remboursé sur cinq ans en fonction du chiffre d'affaires de la société en France et à l'étranger. La valeur actualisée du prêt s'élève à 3,45 millions de FRF (0,53 million d'euros).
(21) La valeur totale actualisée des rabais et du prêt s'élève à 32,2 millions de FRF (4,9 millions d'euros).
3. DESCRIPTION DES RAISONS PRINCIPALES AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
(22) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité était fondée sur: a) la présence suspectée d'une aide en ce qui concerne les tarifs préférentiels accordés à certaines papeteries et b) la logique commerciale du prêt accordé par EDF à IRS.
3.1. Tarifs préférentiels en faveur de certaines papeteries
(23) La Commission a jugé qu'un tarif préférentiel tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 87, paragraphe 1, du traité lorsqu'il remplit les trois critères suivants : a) il est accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État; b) il est à l'avantage de certaines entreprises et/ou de certaines productions et c) il fausse la concurrence entre les entreprises favorisées et des entreprises et/ou des productions similaires d'autres États membres, les produits concernés faisant l'objet d'échanges intracommunautaires.
(24) Un doute subsistait notamment sur le point de savoir si le deuxième critère était rempli, c'est-à-dire si l'existence d'un tarif préférentiel pour l'électricité en faveur de certaines papeteries revenait à accorder un avantage à ces entreprises.
(25) À première vue, EDF ne semblait pas couvrir le coût marginal ni, au moins en partie, ses coûts fixes. Dans le cadre des contrats de fourniture d'électricité à long terme, un opérateur électrique, même en situation de surcapacité, doit prendre en considération une partie significative de ses coûts fixes.
(26) Ensuite, il ne semblait pas nécessaire qu'EDF accorde de telles remises de prix afin de lutter contre la concurrence, inexistante au moment des faits sur le marché électrique français, ou de garder une clientèle qu'elle risquerait de perdre sans l'octroi dudit tarif(9).
(27) Enfin, les prix préférentiels accordés aux papeteries concernées semblaient être appliqués d'une manière discriminatoire par rapport aux autres consommateurs de l'électricité dans une situation comparable.
3.2. Prêt accordé par EDF à IRS
(28) En l'absence d'une information plus détaillée, tenant compte de la situation économique diffcile d'IRS, des doutes subsistaient quant à la logique commerciale du prêt accordé par EDF.
4. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS
(29) Après la publication de la décision de la Commission ouvrant la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard de l'aide concernée, la Commission a reçu les observations de deux intéressés: l'une d'un bénéficiaire de l'aide, Cascades, et l'autre d'EDF.
4.1. Observations de Cascades
(30) Cascades affirme qu'elle est équipée exclusivement de systèmes infrarouge à gaz de la société Solaronics et ne dispose d'aucun équipement à infrarouge électrique; EDF n'aurait donc pas influencé son choix. Par contre, EDF aurait octroyé une subvention de 250000 FRF pour le développement d'une nouvelle technologie membranaire visant le recyclage des effluents de couchage. Le rabais en question ne serait pas étalé sur trois ans. Enfin, la consommation électrique aurait correspondu au moteur de la pompe d'alimentation de l'installation qui, d'après Cascades, ne pourrait être entraîné autrement, et de ce fait, n'aurait en aucun cas pénalisé ou constitué une discrimination vis-à-vis, soit d'un autre fournisseur de matériel, soit d'un fournisseur d'une autre énergie.
4.2. Observations d'EDF
(31) EDF estime que ni le rabais accordé aux papetiers ni le contrat avec IRS ne contiennent des éléments d'aide d'État et que l'interprétation des articles 87 et 88 du traité telle qu'elle est proposée par la Commission en l'espèce, est susceptible d'être discriminatoire contre les entreprises publiques d'électricité par rapport aux entreprises d'électricité privées, en privant les entreprises publiques de la liberté commerciale dont toute entreprise peut bénéficier en vertu du traité.
(32) Tout d'abord, EDF soutient que les rabais en question couvrent la totalité des coûts variables et une partie très substantielle des coûts fixes de l'entreprise. Selon une étude réalisée par le consultant Hagler-Bailly, les prix proposés par EDF pour la surconsommation des usines papetières liée aux nouveaux équipements couvrent la totalité des coûts variables et en moyenne 57 % des coûts fixes.
(33) Par ailleurs, afin de déterminer l'impact réel du rabais en cause sur la concurrence et les échanges intracommunautaires, EDF juge qu'il est nécessaire de calculer le rabais par rapport au prix moyen payé par une papeterie pour la consommation totale de son site. Selon EDF, le pourcentage du rabais sur la consommation totale du site (en 1996) pour Condat, Lancey et Sibille s'élève respectivement à 0,8 %, 3,4 % et 1,3 %. Étant donné que l'incidence du coût de l'électricité sur le coût du papier varie entre 5 et 10 % selon la qualité du papier, l'"avantage" que le rabais en question représente dans les coûts de l'électricité s'établit, selon EDF, entre 0,04 et 0,08 % pour Condat; entre 0,17 et 0,34 % pour Lancey et entre 0,065 et 0,13 % pour Sibille.
(34) Ensuite, EDF affirme que l'accord conclu en 1996 avec IRS ne constitue pas un simple prêt mais un partenariat sui generis. Aux termes de cet accord, IRS s'est engagée notamment à développer des applications infrarouges électriques. En échange, EDF a mis à la disposition d'IRS un montant de 500000 FRF afin de contribuer au développement de la communication commerciale et un montant de 2,5 millions de FRF dont le remboursement est lié au chiffre d'affaires annuel réalisé par IRS et s'effectue sur cinq ans.
(35) Selon le contrat, IRS doit rembourser annuellement à EDF 4 % de son chiffre d'affaires généré par la vente d'équipements infrarouges électriques. Or, à la suite d'une rupture de son cycle d'activités, elle n'a pas respecté cet engagement. À la demande d'EDF, le Tribunal de commerce de Paris a, en date du 11 février 1999, prononcé une ordonnance de référé contre IRS. IRS dispose de trois mois pour se libérer de sa dette en versant une provision de 870769,39 FRF. À défaut, la totalité de la dette sera immédiatement exigible.
(36) Enfin, EDF fait valoir que la Commission interprète les articles 87 et 88 du traité d'une façon qui restreint la liberté commerciale des entreprises d'électricité publiques par rapport aux entreprises d'électricité privées. En effet, si EDF était une entreprise privée, le comportement de marché qui lui est reproché en l'espèce lui serait parfaitement permis.
5. COMMENTAIRES DE LA FRANCE
(37) Les autorités françaises ont formulé dans deux lettres une réponse à la décision de la Commission d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité. Ces lettres, à savoir: a) la lettre du 4 septembre 1998 et b) la lettre du 29 juin 1999, sont résumées ci-dessous.
5.1. Lettre du 4 septembre 1998
(38) Dans leur réponse du 4 septembre 1998 relative à l'ouverture de la procédure, les autorités françaises font observer que le rabais accordé aux entreprises du secteur de la papeterie faisant l'objet de la présente procédure ne relève pas de la notion d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité pour les raisons suivantes.
(39) D'après les autorités françaises, la stratégie commerciale faisant l'objet de la présente procédure résulte d'une décision propre de l'entreprise et n'est dictée par aucune mesure, décision ou incitation ayant pour origine les pouvoirs publics français. Le fait pour l'État français de détenir 100 % du capital d'EDF ne suffit pas pour lui imputer ipso facto la responsabilité pour des actions commerciales d'une envergure limitée, telle que celle ici en cause.
(40) À l'instar de toute entreprise d'électricité, publique ou privée, les autorités françaises affirment qu'EDF a un intérêt commercial légitime à encourager le développement de technologies et d'équipements susceptibles de stimuler la demande en électricité et de créer de nouveaux débouchés pour la production de son entreprise. Ce rabais sur la surconsommation ne saurait être qualifié de tarif préférentiel. D'après les autorités françaises, il constitue une pratique commerciale courante et légitime qui est basée sur des critères objectifs et non discriminatoires.
(41) Ensuite, les autorités françaises font remarquer que les prix pratiqués pour la consommation totale des sites industriels concernés sont calculés de manière à couvrir, et couvrent effectivement, la totalité des coûts des contrats en question. Or, la Commission se borne à calculer l'effet du rabais en question sur la seule surconsommation. Selon les autorités françaises, cette approche ne semble pas être conforme au principe de l'opérateur en économie de marché. Elles estiment que la Commission ne saurait établir qu'un opérateur en économie de marché, placé dans la position d'EDF, s'assurerait de la rentabilité de chacun des éléments d'une relation commerciale donnée avec un consommateur industriel. De toute façon, s'agissant du prix relatif à la surconsommation, les autorités françaises maintiennent que les rabais ont été calculés de telle sorte qu'ils aboutissent à la fixation d'un prix qui couvre non seulement la totalité des coûts variables mais aussi environ 50 % des coûts fixes.
(42) Outre cela, les autorités françaises considèrent que, alors même que la pratique commerciale mise en place est d'une durée normale de six ans, les effets bénéfiques qu'elle procure pour la consommation d'électricité se prolongent largement au-delà de la période d'incitation, soit pendant toute la durée de vie du matériel, c'est-à-dire entre une douzaine et une quinzaine d'années. Il en résulte que la consommation supplémentaire d'électricité et les recettes qu'elle engendre peuvent être calculées sur une durée sensiblement plus longue que celle pendant laquelle le rabais est accordé.
(43) En ce qui concerne la surcapacité, les autorités françaises affirment qu'EDF dispose de surcapacité d'énergie d'origine nucléaire. Or, elles disent qu'il ressort de l'étude NERA qu'EDF n'a pas sciemment organisé la surcapacité et que sa politique commerciale à destination de clients permettant de résorber ces surcapacités s'effectue dans des conditions de prix couvrant la totalité des coûts variables et une partie substantielle des coûts fixes.
(44) Elles soulignent ensuite que le rabais n'est pas appliqué de manière discriminatoire. Dans ce contexte, les autorités françaises rappellent que les conditions tarifaires relatives à [...] relèvent d'un contexte fondamentalement différent de l'affaire en cause, lié notamment au caractère électro-intensif des activités industrielles concernées, qui dépasse le chiffre de 50 %. Étant donné que la part du poste "énergie" dans le coût total de la fabrication du papier se situe seulement entre 5 et 10 %, le secteur du papier n'est donc pas un secteur électro-intensif.
(45) Les autorités françaises considèrent que la Commission surestime l'importance du rabais en question pour la position concurrentielle des clients industriels d'EDF. En effet, elles pensent que l'incidence de celui-ci sur le prix moyen des entreprises papetières est minimale. De la même manière, les autorités françaises soulignent qu'il serait erroné de soutenir que la pratique commerciale d'EDF d'assurer des incitations commerciales aurait "détourné" le marché de sa vocation naturelle à recourir au gaz, puisque les équipements électriques sont plus avantageux.
(46) Enfin, les autorités françaises terminent leur lettre en expliquant que, lors des négociations du contrat EDF/IRS en 1996, EDF pouvait, au contraire, s'attendre à un développement de la consommation d'électricité engendré par la pénétration de la technologie infrarouge dans de nombreux secteurs industriels dans lesquels la société IRS est présente. Les ventes d'équipements IR électriques réalisées par IRS au cours de 1996 et 1997 s'élèvent à 18 millions de FRF. Selon les autorités françaises, ces perspectives devraient se traduire par des recettes supplémentaires.
(47) En effet, d'après les autorités françaises, EDF estime à 300 MW la puissance totale des équipements IR électroniques installés en France en 1996 dans l'industrie. Selon EDF, la consommation électrique annuelle générée par ces équipements est supérieure à 720 GWh, soit une recette annuelle estimée à 200 millions de FRF. Sur le seul secteur de la papeterie, la technologie IR génère une consommation de 120 GWh. Compte tenu du parc des machines non encore équipées de cette technologie, EDF estime le gisement de consommation encore accessible pour l'IR électrique à 125 GWh, soit une recette annuelle potentielle estimée à 30 millions de FRF.
5.2. Lettre du 29 juin 1999
(48) Par lettre du 4 juin 1999, la Commission a demandé aux autorités françaises de répondre aux questions encore sans réponse figurant dans la décision d'ouverture de procédure et à un certain nombre de questions découlant des observations des tiers.
(49) En réponse à cette dernière requête, les autorités françaises ont fourni les fiches de calcul relatives au taux de couverture des coûts fixes pour les surconsommations résultant de l'installation d'équipements de séchage à infrarouge électriques. Selon les autorités françaises, ces calculs ont été effectués et validés par le consultant indépendant Hagler-Bailly. Ils indiquent que, pour les surconsommations engendrées par les installations infrarouges, les conditions commerciales pratiquées couvrent la totalité des coûts variables et, en moyenne, 57 % des coûts fixes.
(50) Dans ce contexte, elles soulignent que les incitations commerciales mises en oeuvre pour des consommations nouvelles ne se traduisent pas par des baisses de tarifs mais permettent, par le développement des ventes, de mieux couvrir les coûts fixes du parc de production d'EDF, ce qui bénéficie directement à l'ensemble de sa clientèle.
(51) En ce qui concerne la comparaison entre les conditions tarifaires dans l'affaire en cause et celles relatives à [...] et [...], les autorités françaises déclarent que les deux situations ne sont effectivement pas comparables. Pour [...] et [...], la part de l'électricité dans le coût de fabrication des produits finals se situe à plus de 50 %, alors qu'elle est inférieure à 5 % dans le secteur de la papeterie. Selon une étude statistique du VDEW réalisée à partir de données fournies par le Statistisches Bundesamt allemand, la DIW et l'Unipede, la part de l'électricité dans les coûts de production du papier s'élève à 2,4 %. De la même manière, une étude du rapport 1997 du SESSI (Service des statistiques industrielles du ministère de l'économie) montre que le pourcentage équivalent s'élève à 4,3 %. Par conséquent, les pourcentages réels d'électro-intensivité pour la fabrication du papier sont dix fois inférieurs aux chiffres avancés par le plaignant dans l'affaire en question.
(52) Au sujet des surconsommations réelles liées au fonctionnement des machines de séchage, les autorités expliquent qu'elles n'ont pas fait l'objet de comptages particuliers. Les rabais ont donc été calculés et attribués par rapport aux surconsommations engendrées par ces équipements et prévues dans les conventions y afférentes.
(53) Par ailleurs, dans leur lettre, les autorités françaises confirment que le remboursement concernant l'incitation commerciale complémentaire de 230000 FRF accordée à l'entreprise Sibille n'a pas été effectué par cette dernière.
(54) En ce qui concerne le prêt à IRS, les autorités françaises maintiennent que la convention du 29 mars 1996 conclue entre EDF et IRS est en réalité un contrat de prestation de services et non une convention de prêt. Selon elles, à l'époque de la signature de ce contrat, la société IRS était bien le seul constructeur capable de proposer un équipement électrique innovant en matière de séchage infrarouge. Sur la base de la "plate-forme marketing" d'EDF, IRS a donc été choisi parce que cette entreprise était susceptible de rendre les services et prestations qu'EDF attendait sur le segment de marché du séchage infrarouge électrique.
(55) Au sujet de Condat, une des bénéficiaires de l'aide, les autorités françaises assurent que seuls trois équipements infrarouges électriques ont été réalisés dans son entreprise et que le quatrième, un moment envisagé, n'a pas été réalisé, l'industriel ayant finalement choisi un équipement infrarouge fonctionnant au gaz.
(56) Enfin, les autorités françaises expliquent la différence entre les calculs de la Commission et ceux d'EDF par le fait que l'étude NERA surestime largement le coût variable d'une unité nucléaire du parc de production d'EDF. Pour le parc nucléaire français, comme dans la quasi-totalité des autres pays, les coûts d'exploitation et d'entretien sont des coûts fixes. Il en résulte que le coût variable du nucléaire s'identifie fondamentalement au coût du combustible, évalué pour la France dans ce même rapport de l'OCDE à 0,83 et 0,92 cents américains/kWh au 1er juillet 1991, soit environ 5 à 6 centimes/kWh au milieu des années quatre-vingt-dix.
(57) Selon les autorités françaises cette différence entre le coût variable retenu par l'étude NERA [...] et le coût variable réel des centrales nucléaires françaises tel qu'évalué dans le rapport OCDE de 1992 [...] suffit à démontrer, compte tenu de la structure du parc de production français, que le coût marginal de court terme pour une fourniture en ruban se situe bien à [...].
6. APPRÉCIATION DE LA MESURE
6.1. Tarifs préférentiels en faveur de certaines papeteries
6.1.1. Règle de minimis
(58) À titre liminaire, les autorités françaises ont fait valoir que les rabais accordés aux papeteries Cascades et Gromelle, en 1992 et 1993, respectivement, étaient couverts par la règle de minimis.
(59) Dans ce contexte, il convient de préciser que le plafond applicable dans le cas présent est celui résultant de l'encadrement communautaire des aides aux petites et moyennes entreprises de 1992(10) (ci-après dénommé "l'encadrement"), soit 50000 écus, qui est la seule règle dont la France pouvait se prévaloir en l'espèce en 1992 et 1993.
(60) Cet encadrement indique que selon la règle de minimis "l'aide qui atteint un certain montant absolu, au-dessous duquel l'article 92, paragraphe 1, du traité, peut être considéré comme n'étant pas applicable". Il énonce ensuite que "les versements d'aides ad hoc n'excédant pas 50000 écus pour ur type donné de dépenses et les régimes en vertu desquels le montant de l'aide qu'une entreprise donnée peut recevoir pour un type donné de dépenses sur une période de trois ans est limité à ce chiffre ne devront plus être notifiés en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité, pourvu que l'octroi de l'aide ou les modalités du régime comportent ne condition expresse prévoyant qu'une aide supplémentaire accordée à la même entreprise pour le même type de dépenses sur d'autres sources de financement ou dans le cadre d'autres régimes ne doit pas porter le montant total de l'aide dont bénéficie l'entreprise à un niveau supérieur à la limite des 50000 écus".
(61) La valeur du rabais en faveur de Cascades en avril 1992, au moment où il a été accordé, s'élevait à 250000 FRF (36000 écus) et en mars 1993 celle de Gromelle à 130000 FRF (18700 écus). Les autorités françaises ont confirmé que les papeteries Cascades et Gromelle n'ont pas bénéficié, au titre du de minimis, d'autres aides éventuelles et que le plafond a donc été effectivement respecté. Par conséquent, ces rabais, abstraction faite de leur qualification éventuelle d'aide, ne dépassent pas le seuil de la règle de minimis. L'article 87, paragraphe 1, du traité, n'est donc pas applicable.
6.1.2. Aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité
(62) La question se pose de savoir si les rabais accordés à Condat, Lancey et Sibille constituent des tarifs préférentiels qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
(63) Aux termes dudit article, une aide est incompatible avec le marché commun, dans la mesure où elle affecte les échanges entre les États membres, si elle est accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État - sous quelque forme que ce soit - et qu'elle fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
(64) Ainsi un tarif préférentiel tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 87, paragraphe 1, du traité lorsqu'il réunit les trois éléments suivants:
1) Il est accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État.
2) Il est à l'avantage de certaines entreprises et/ou de certaines productions.
3) Il fausse la concurrence entre les entreprises favorisées et des entreprises et/ou des productions similaires, les produits concernés faisant l'objet d'échanges intracommunautaires.
6.1.2.1. Accordé par l'État ou au moyen de ressources d'État
(65) En ce qui concerne le premier point, c'est-à-dire l'octroi par l'État ou au moyen de ressources d'État, l'État français détient 100 % du capital d'EDF. Les prix de l'électricité sont fixés par EDF après approbation du ministre des finances. Bien que la société jouisse d'une certaine marge de négociation concernant sa politique de rabais, il faut néanmoins conclure que c'est l'État, par le biais d'EDF, qui dispose en définitive d'une influence prépondérante pour déterminer l'avantage qui revient aux papeteries concernées.
(66) L'allégation des autorités françaises, selon laquelle les actions commerciales sont "d'une envergure limitée"(11), doit être réfutée. En effet, les autorités françaises confirment elles-mêmes que lesdites actions font partie "d'une politique commerciale qui vise à encourager les consommateurs industriels à développer et à employer des technologies qui assurent une application innovatrice, performante et rationnelle de l'électricité"(12). Faisant partie "d'une politique commerciale", les actions commerciales visées ne peuvent guère être considérées comme ayant "une envergure limitée".
(67) Par conséquent, étant accordé par EDF, et ainsi indirectement par l'État français, le tarif préférentiel en faveur de certaines papeteries constitue une mesure étatique et ainsi la première condition de l'article 87, paragraphe 1, du traité est remplie.
6.1.2.2. À l'avantage de certaines papeteries
(68) En ce qui concerne le deuxième point, c'est-à-dire un avantage pour certaines entreprises ou certaines productions, l'existence d'un tel tarif préférentiel pour l' électricité en faveur de certaines papeteries conduit à accorder un avantage à ces entreprises. Dans le cas présent, l'avantage pour les papeteries concernée consiste en des prix moyens réels de l'électricité et des rabais suivants: Condat: 16,6 centimes/kWh (2,5 cents/kWh) ou 22,6 millions de FRF (3,45 millions d'euros); Lancey: 15,1 centimes/kWh (2,3 cents/kWh) ou 2,87 millions de FRF (0,44 million d'euros) et Sibille: 19,6 centimes/kWh (3,0 cents/kWh) ou 2,72 millions de FRF (0,41 million d'euros). La valeur totale des avantages sous forme des rabais s'élève à 28,2 millions de FRF (4,3 millions d'euros).
(69) En principe, une entreprise privée ou publique peut faire une distinction dans ses tarifs selon l'utilisation des marchandises qu'elle vend. Toutefois, de telles distinctions devraient être justifiées par des raisons commerciales, à savoir couvrir le coût marginal ainsi qu'une partie au moins des coûts fixes.
(70) D'après les estimations des experts chargés par la Commission d'analyser la situation de surcapacité d'EDF ainsi que son système tarifaire(13), le coût marginal d'EDF pour produire une unité additionnelle d'électricité d'origine nucléaire serait d'environ [...], tandis que celle d'origine fossile (charbon et pétrole) serait comprise entre [...]. Dans le cadre des contrats de fourniture d'électricité de longue durée, un opérateur électrique, même en situation de surcapacité, doit prendre en considération une partie significative de ses coûts fixes. Cela amènerait le prix de vente pour les grands consommateurs industriels à une moyenne d'environ [...]. Ce prix semble correspondre, par ailleurs, à celui facturé par EDF à ses clients les plus importants selon le tarif en vigueur.
(71) Or, en se référant au rapport OCDE de 1992, qui évalue le coût variable du nucléaire pour EDF à 5 à 6 centimes/kWh (1 cent/kWh), les autorités françaises ont démontré que l'étude NERA surestimait le coût variable d'une unité nucléaire du parc de production d'EDF. Sur la base de cette information, les autorités françaises confirment que le coût marginal à court terme pour une fourniture en ruban se situe à [...].
(72) Sur la base d'un coût marginal à court terme de [...], les autorités françaises ont établi que le prix proposé par EDF pour cette surconsommation couvrait son coût variable et au moins 35 % et en moyenne 57 % de ses coûts fixes. Le taux de couverture moyen des coûts fixes est de 50 % pour Condat, de 66 % pour Lancey et de 62 % pour Sibille.
(73) Les autorités françaises affrment qu'EDF dispose de surcapacité d'énergie d'origine nucléaire(14). À cet égard, il convient de rappeler que cette surcapacité a été créée dans une situation de monopole ex lege, bien avant la libéralisation en cours du marché de l'électricité. Par conséquent, l'analyse de la Commission se concentre sur les circonstances particulières du cas présent. En aucun cas, donc, la présente décision ne préjuge des conclusions auxquelles, dans un contexte d'ouverture du marché, la Commission pourrait arriver dans l'examen des problèmes posés par la création dans le passé par EDF de ladite surcapacité.
(74) Il découle de la logique commerciale que, dans une situation de surcapacité, un opérateur en économie de marché aurait naturellement été conduit par la recherche de la maximisation de son profit à vendre une quantité supplémentaire de son produit sans couvrir la totalité de ses coûts pour cette quantité supplémentaire. En effet, dans le cas contraire, les quantités correspondantes qui sont produites et ne peuvent être stockées resteraient invendues. En outre, rien n'indique dans le dossier qu'EDF aurait pu obtenir un meilleur prix ailleurs. Par contre, l'alternative aurait été que ces papeteries installassent des séchoirs fonctionnant au gaz. Dans cette perspective, le fait d'obtenir pour la surconsommation résultant du choix d'un séchoir électrique supplémentaire, un prix couvrant les coûts variables et au moins 35 %, et en moyenne 57 %, des coûts fixes doit être considéré comme une approche commercialement acceptable.
(75) Par conséquent, vu les circonstances particulières de l'espèce, les tarifs préférentiels de l'électricité accordés par EDF à Condat, Lancey et Sibille doivent être considérés justifiés par des raisons commerciales.
6.1.2.3. Fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres
(76) Étant donné qu'une mesure n'est considérée comme une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité que si les trois conditions sont remplies et, étant donné que la deuxième condition, c'est-à-dire l'avantage en faveur de certaines entreprises, n'est pas réunie, l'examen de la troisième condition est sans objet.
(77) En conclusion, les tarifs préférentiels de l'électricité, accordés par EDF aux papeteries Condat, Lancey et Sibille ne constituent pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
6.2. Prêt accordé par EDF à IRS
(78) La Commission a examiné, à la lumière de l'article 87, paragraphe 1, du traité, le prêt accordé par EDF à IRS. Aux termes de cet article, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, constituent des aides au sens de cet article, dans la mesure où elles affectent les échanges.
(79) Ainsi qu'on l'a démontré aux considérants 58 à 77 au sujet des tarifs préférentiels, le prêt accordé par EDF à IRS ne tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 87, paragraphe 1, du traité, que lorsqu'il est à l'avantage de certaines entreprises et que cet avantage n'est pas justifié par des raisons commerciales, sous réserve que les autres conditions soient remplies.
(80) La Commission rappelle que, selon le principe de l'investisseur opérant en économie de marché, tel que présenté dans la communication de la Commission aux États membres relative à l'application des articles 87 et 88 du traité et de l'article 5 de la directive 80/723/CE de la Commission aux entreprises publiques du secteur manufacturier(15) (ci-après dénommée "la communication"), "seuls les projets pour lesquels la Commission considère qu'il n'existait pas de raisons objectives ou de bonne foi d'escompter raisonnablement un taux de rendement approprié dans une entreprise privée comparable au moment où la décision d'investissement a été prise peuvent être traités comme aides d'État" (point 28).
(81) En l'espèce, en ce qui concerne la décision prise par EDF en 1996 d'investir dans IRS, le taux de rendement peut être calculé de deux façons.
(82) D'abord, il se traduit par le remboursement de l'investissement de 4 % par an du chiffre d'affaires d'IRS généré par la vente d'équipements infrarouges électriques. Selon EDF, ledit chiffre d'affaires s'élevait à 18 millions de FRF en 1996. Étant donné qu'IRS connaissait des difficultés financières au moment où la décision d'investissement a été prise, seulement un taux de rendement élevé aurait attiré un investisseur privé. Conformément à sa pratique constante, la Commission applique un taux d'intérêt de 12 % pour les projets à risque élevé. La valeur actualisée de 4 % de 18 millions de FRF pendant cinq ans - le chiffre d'affaires ayant été corrigé sur la base du taux d'inflation en France en 1996, c'est-à-dire 2 % - s'élève à 3012024 FRF.
(83) Outre cela, EDF estime que le développement de la technologie infrarouge électrique et son application dans l'industrie pourraient entraîner dans le seul secteur de la papeterie une consommation de 125 GWh, soit une recette annuelle potentielle estimée à 30 millions de FRF.
(84) Étant donné qu'EDF, lorsqu'elle a décidé d'investir dans IRS, escomptait non seulement récupérer la somme investie avec un taux d'intérêt de 12 %, mais aussi faire pénétrer la technologie infrarouge dans le secteur de la papeterie, ce qui représentait une recette annuelle potentielle de 30 millions de FRF, on peut estimer qu'elle a raisonné comme un investisseur privé et qu'en conséquence, le prêt n'est pas à considérer comme une aide d'État.
(85) Enfin, en ce qui concerne le taux de rendement finalement obtenu, la communication indique qu'"il est hors de question que la Commission utilise après coup sa connaissance des faits pour décider que la mise à disposition de ressources publiques constituait une aide d'État pour la seule raison que le taux de rendement finalement obtenu est trop faible" (point 28).
(86) Par conséquent, le fait qu'IRS ait rompu son cycle d'activités et n'ait pas respecté son engagement ne change pas le caractère de l'investissement au moment de la décision en 1996. En effet, il découle de l'information disponible qu'en 1996, au moment où EDF a accordé ledit prêt, il n'existait aucun élément qui aurait permis à un analyste "avisé" de prévoir qu'IRS était susceptible d'interrompre son cycle d'activités de façon telle que les perspectives ne seraient pas celles escomptées.
(87) Par ailleurs, à l'instar d'un investisseur privé soucieux de protéger son investissement, EDF a intenté une action judiciaire contre IRS, à la suite de laquelle le Tribunal de commerce de Paris a prononcé le 11 février 1999, une ordonnance de référé contre IRS. IRS dispose de trois mois pour se libérer de sa dette en versant une provision de 870769,39 FRF. A défaut, la totalité de la dette sera immédiatement exigible.
(88) En conclusion, le prêt d'EDF à IRS ne constitue pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.
7. CONCLUSIONS
(89) À la lumière de ce qui précède et considérant notamment:
1) que les tarifs préférentiels de l'électricité en faveur des papeteries Cascades et Gromelle entrent dans le cadre de la règle de minimis;
2) que, en raison de la situation de surcapacité d'énergie d'origine nucléaire telle que celle d'EDF, et du fait qu'EDF couvre pour cette surconsommation son coût variable et en moyenne 57 % de ses coûts fixes, les tarifs préférentiels de l'électricité en faveur des papeteries Condat, Lancey et Sibille sont justifiés par des raisons commerciales, et
3) que, au moment où EDF a pris la décision d'investissement, le prêt accordé par EDF à IRS était justifié par des raisons commerciales;
la Commission constate que ni les tarifs préférentiels de l'électricité en faveur des papeteries Cascades, Gromelle, Condat, Lancey ou Sibille ni le prêt en faveur d'IRS ne constituent donc une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Les tarifs préférentiels de l'électricité accordés par EDF, et ainsi indirectement par la France, aux papeteries Condat, Cascades, Lancey, Gromelle et Sibille et le prêt accordé par EDF à IRS, pour une valeur totale actualisée de 32,2 millions de francs français (4,9 millions d'euros) ne constituent pas une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Article 2
La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 11 avril 2000.

Par la Commission
Mario Monti
Membre de la Commission

(1) JO C 70 du 13.3.1999, p. 10.
(2) Voir note 1 de bas de page.
(3) Avant la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité (Journal officiel de la République française du 11 février 2000, p. 2143).
(4) Secret d'affaires.
(5) Secret d'affaires.
(6) Le taux de référence utilisé par la Commission afin de mesurer l'élément d'aide des subventions s'élève à 4,76 % le 1er août 1999.
(7) Sur la base de l'information fournie par les autorités françaises le 21 janvier 1998, la Commission a inclus dans sa décision d'ouvrir la procédure une incitation commerciale de 6,6 millions de francs français (1,01 million d'euros) en faveur de l'installation d'un quatrième séchoir, Or, dans leur lettre du 28 juin 1999, les autorités françaises ont fourni des preuves de la non-installation dudit séchoir. Par conséquent, la Commission a supprimé l'incitation en faveur dudit séchoir dans le calcul du rabais moyen.
(8) Dans la lettre du 4 septembre 1998, les autorités françaises ont affirmé qu'EDF avait exigé le remboursement des sommes concernées pour la machine à papier et l'installation infrarouge générant une surconsommation de 1,2 GWh et qui étaient arrêtées depuis fin 1997. Or, puisque les autorités françaises reconnaissent dans leur lettre du 28 juin 1999 que le remboursement concernant ladite incitation n'a pas été effectué par cette dernière, la Commission inclut cette somme de 230000 FRF (35063 euros) dans la valeur de la mesure.
(9) Arrêt de la Cour du 2 février 1988 dans les affaires jointes 67/88, 68/88 et 70/85, Van der Kooy, Recueil 1988, p. 219.
(10) JO C 213 du 19.8.1992, p. 2.
(11) Lettre des autorités françaises du 4 septembre 1998, page 3.
(12) Voir note 9 de bas de page.
(13) Étude IV/96/1178/ETD/01 "Tariffs and costs consequences of the EDF monopoly", de NERA (National Economic Research Associates) de février 1997.
(14) Voir considérant 43.
(15) JO C 307 du 13.11.1993, p. 3.



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Structure analytique Document livré le: 14/05/2001


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