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Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 300D0199

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


300D0199
2000/199/CE: Décision de la Commission du 17 mars 1999 concernant une aide d'État accordée par la Grèce à la société Heracles General Cement Company [notifiée sous le numéro C(1999) 716] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)
Journal officiel n° L 066 du 14/03/2000 p. 0001 - 0019



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION
du 17 mars 1999
concernant une aide d'État accordée par la Grèce à la société Heracles General Cement Company
[notifiée sous le numéro C(1999) 716]
(Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
(2000/199/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa,
après avoir invité les parties concernées à présenter leurs observations conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus(1), et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:
I
La décision Heracles et son annulation
(1) Le 6 juillet 1995, le Tribunal de première instance a annulé(2) la décision arrêtée par la Commission et notifiée aux autorités grecques par lettre du 1er août 1991(3), autorisant l'aide accordée par le gouvernement grec à la société Heracles General Cement Company (ci-après dénommée "Heracles"), un producteur de ciment grec.
II
Les faits à l'origine du litige
(2) En 1983, les autorités grecques ont adopté un certain nombre de mesures structurelles destinées à remédier à des perturbations graves de l'économie du pays, notamment la loi 1386/83 relative à l'organisme pour le redressement financier des entreprises (ci-après dénommée "loi 1386/83"), adoptée le 5 août 1983. Cette loi a institué un organisme dénommé "Organisme pour la restructuration des entreprises" (ci-après dénommé "ORE"), qui a pour objet de "contribuer au développement social et économique du pays par l'assainissement financier d'entreprises, l'importation et la mise en oeuvre de technologies étrangères, le développement de technologies grecques ainsi que la création et l'exploitation d'entreprises rationalisées ou d'économie mixte". L'ORE est notamment habilité à administrer et à gérer des sociétés, à prendre des participations dans le capital de sociétés et à accorder des prêts. La loi 1386/83 autorise également la capitalisation des dettes des entreprises concernées au moyen de l'émission de nouvelles actions.
(3) Par décret ministériel du 7 août 1986, le gouvernement grec a appliqué les dispositions de la loi 1386/83 à la société Heracles, dont le bilan enregistrait un déficit substantiel depuis 1983, en la soumettant au contrôle des pouvoirs publics et en convertissant en capital ses dettes envers des organismes publics grecs, qui s'élevaient à 27755 millions de drachmes grecques (environ 84 millions d'euros).
(4) La loi 1386/83 n'a pas été notifiée à la Commission par les autorités grecques avant son adoption. Il semble également que le gouvernement grec n'ait pas préalablement informé la Commission de son intention d'appliquer les dispositions de la loi 1386/83 à Heracles, en août 1986. Toutefois, après l'octroi de l'aide, les concurrents d'Heracles ont attiré l'attention de la Commission sur cette affaire. Celle-ci a alors demandé au gouvernement grec, par télex du 18 septembre 1986, de lui apporter des éclaircissements sur ce point dans un délai de sept jours et de lui notifier, le cas échéant, l'application de la loi 1386/83 dans le cas concerné. En réponse à cette demande, le gouvernement grec a fourni des informations détaillées par lettre du 10 octobre 1986, en soulignant notamment que, à son avis, la conversion des dettes d'Heracles en actions ne constituait pas une aide au sens de l'article 92 du traité.
(5) La procédure engagée par la Commission, le 29 octobre 1986, à l'encontre de la loi 1386/83 a abouti le 7 octobre 1987 à l'adoption de la décision 88/167/CEE(4) qui approuve la "mise en oeuvre de la loi" en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité, au motif qu'elle était destinée à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre.
(6) Toutefois, la mise en oeuvre de la loi 1386/83 a été soumise à un certain nombre de conditions, parmi lesquelles figure l'obligation pour le gouvernement grec de notifier certains cas isolés d'application de la loi dépassant certains seuils.
(7) Dans le préambule de cette décision, la Commission a constaté que la loi 1386/83 et les opérations de l'ORE répondaient aux conditions d'application de l'article 92, paragraphe 3, point b), seconde partie, du traité compte tenu notamment du protocole no 7 de l'acte d'adhésion de la Grèce, concernant le développement économique et industriel de la Grèce (ci-après dénommé "protocole n° 7"). Ce protocole dispose que "dans le cas d'application des articles 92 et 93 du traité, il faudra tenir compte des objectifs d'expansion économique et de relèvement du niveau de vie de la population".
(8) La Commission a informé le gouvernement grec de l'adoption de la décision 88/167/CEE par lettre du 17 novembre 1987. Suite à cette lettre, les autorités grecques ont communiqué, par lettre du 3 décembre 1987, des informations complémentaires détaillées sur Heracles, en réitérant leur avis selon lequel l'intervention en question ne constituait pas une aide d'État.
(9) Le 8 décembre 1987, la TITAN SA (ci-après dénommée "Titan"), un concurrent grec d'Heracles, a déposé une plainte auprès de la Commission contre l'octroi de l'aide à Heracles.
(10) Par lettre du 15 février 1988, la Commission a informé le gouvernement grec de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre de l'aide accordée à Heracles. Ayant constaté une augmentation des exportations de ciment grec, notamment celles d'Heracles, vers les autres États membres, la Commission a estimé que l'aide était susceptible de fausser la concurrence et d'affecter les échanges entre États membres, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où Heracles réalisait des pertes depuis 1983 tout en participant au commerce intracommunautaire. La Commission soulignait que la seule dérogation applicable à l'aide était celle prévue à l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité, mais que l'application de cette disposition était soumise à certaines conditions qui ne lui semblaient pas remplies dans le cas d'Heracles.
(11) Le 9 mars 1988, Titan a envoyé des observations complémentaires à la Commission au sujet de l'aide accordée à Heracles.
(12) Après avoir décidé d'engager la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission a publié une communication(5) dans laquelle elle invitait les parties concernées autres que les États membres à lui communiquer leurs observations sur l'aide accordée à Heracles, dans un délai d'un mois(6).
(13) Suite à cette communication, plusieurs concurrents d'Heracles ont affirmé que le marché communautaire du ciment avait été gravement perturbé par l'intervention des autorités grecques, qui avait considérablement renforcé la position concurrentielle d'Heracles. Plusieurs réunions et échanges de correspondance ont ensuite eu lieu entre, d'une part, la Commission et les plaignants et, d'autre part, la Commission et le gouvernement grec.
(14) La Commission a clôturé la procédure en adoptant une décision d'approbation de l'aide, dans laquelle elle concluait que l'aide accordée à Heracles en 1986, qui consistait en une conversion d'une partie de ses dettes en capital, était jugée conforme à la décision 88/167/CEE.
(15) Parallèlement à la procédure relative à Heracles, la Commission a engagé, le 3 avril 1989, une procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre d'une aide accordée à la société Halkis, le troisième producteur de ciment grec, sur la base de la loi 1386/83. Cette procédure a abouti à l'adoption de la décision 91/144/CEE(7) (ci-après dénommée "décision Halkis"), dans laquelle la Commission estimait que l'aide accordée à Halkis constituait une infraction aux dispositions de l'article 93, paragraphe 3, du traité et était incompatible avec le marché commun, dans la mesure où elle ne remplissait pas les conditions d'application de l'article 93, paragraphes 2 et 3, du traité, compte tenu notamment de l'augmentation des exportations d'Halkis vers l'Italie. La Commission a conclu que cette aide était contraire à "l'intérêt commun".
III
Les parties au litige devant la Cour
(16) Par requête déposée devant la Cour de justice des Communautés européennes le 27 mars 1992, l'Associazione Italiana Tecnico Economica del Cemento (ci-après dénommée "AITEC"), une association de producteurs de ciment italiens, a introduit un recours visant à l'annulation de la décision de la Commission autorisant l'aide accordée à Heracles, notifiée le 1er août 1991(8).
(17) De même, par requêtes déposées devant la Cour de justice le 30 mars 1992, Titan et la British Cement Association (ci-après dénommée "BCA"), ainsi que trois des sociétés membres de cette association, Blue Circle Industries plc (ci-après dénommée "Blue Circle"), Castle Cement Ltd (ci-après dénommée "Castle") et Rugby Group plc (ci-après dénommée "Rugby"), qui sont les principaux producteurs de ciment du Royaume-Uni, ont introduit des recours visant à l'annulation de cette même décision (ci-après dénommée "la décision litigieuse").
(18) Les trois affaires, qui ont été introduites devant la Cour de justice et inscrites sous les numéros C-97/92, C-105/92 et C-106/92, ont été jointes par ordonnance du président de la Cour.
(19) Par ordonnances du président de la Cour de justice du 12 octobre 1992 et du 23 mars 1993, la République hellénique puis Heracles ont été autorisées à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse dans les trois affaires, à la suite des demandes qu'elles avaient déposées au greffe de la Cour de justice le 14 août et le 10 août 1992 respectivement. Elles ont déposé leurs mémoires en intervention, qui étaient communs aux trois affaires jointes, le 7 décembre 1992 et le 3 juillet 1993 respectivement.
(20) Le 27 septembre 1993, la Cour de justice a renvoyé l'affaire au Tribunal de première instance.
IV
Les principales conclusions du Tribunal de première instance
(21) Pour ce qui est du fond de l'affaire, le Tribunal a constaté que l'ensemble des requérantes faisaient valoir en substance que, pour apprécier la compatibilité de l'aide en cause avec le traité, la Commission ne pouvait se contenter d'examiner si elle remplissait les conditions fixées dans la décision 88/167/CEE, qui déclarait compatible avec le traité le régime d'aide mis en place par la loi 1386/83, sur la base duquel l'aide litigieuse a été octroyée. Selon les requérantes, la Commission aurait dû procéder à un examen spécifique de la compatibilité de l'aide avec le marché commun. Le Tribunal a donc jugé qu'il lui fallait tout d'abord déterminer la portée de la décision 88/167/CEE et vérifier ensuite si la décision litigieuse constituait ou non une violation de la décision 88/167/CEE et de l'article 92 du traité.
(22) En ce qui concerne la portée de la décision 88/167/CEE, le Tribunal a constaté que la Commission avait approuvé la mise en oeuvre de la loi 1386/83 sur la base de l'article 92, paragraphe 3, point b), seconde partie du traité, en liaison avec le protocole no 7, dans la mesure où elle était destinée à remédier à une perturbation grave de l'économie grecque. Toutefois, la Commission a autorisé la mise en oeuvre de la loi 1386/83 à condition que "le gouvernement grec notifie les cas individuels d'intervention dans des entreprises assujetties à la loi occupant 300 personnes ou plus dans le cas des secteurs non sensibles et 100 personnes ou plus dans le cas des secteurs sensibles".
(23) De l'avis du Tribunal, cela signifie que la Commission a estimé que les interventions d'une certaine importance effectuées par l'ORE devrait faire l'objet d'un examen spécifique, afin de vérifier, d'une part, si l'octroi de l'aide remplit les "conditions" prévues par la décision 88/167/CEE et, d'autre part, s'il n'a pas pour résultat que les entreprises concernées "viennent à se trouver, vis-à-vis des industries d'autres États membres, dans une position concurrentielle plus forte que celle qui serait la leur si les difficultés ne s'étaient pas produites au départ". Le Tribunal a conclu que la nécessité d'un tel examen correspondait à la finalité de l'article 92 du traité, qui vise à empêcher que l'octroi d'aides par les États membres ne fausse la concurrence ou n'affecte le commerce intracommunautaire.
(24) Pour ce qui est de la décision litigieuse, le Tribunal a observé que la Commission avait souligné, dans cette même décision, que l'obligation de notifier les cas individuels importants avait été imposée "de sorte qu'ils puissent être examinés du point de vue de leur incidence sur les échanges intracommunautaires et la concurrence". Toutefois, dans la décision litigieuse, la Commission s'est bornée à examiner les conséquences de l'aide sur le territoire grec en concluant qu'elle remplissait les conditions figurant dans la décision 88/167/CEE, notamment celles relatives à l'absence de toute augmentation de la capacité de production et à la viabilité de l'entreprise. Le Tribunal a considéré que s'il était certes nécessaire que ces facteurs soient pris en considération pour examiner la compatibilité de l'aide avec le marché commun, ils ne permettaient pas, à eux seuls, de tirer de conclusion à cet égard, dans la mesure où la décision 88/167/CEE imposait à la Commission d'examiner également dans quelle mesure la concurrence pourrait être faussée ou si les échanges intracommunautaires pourraient être affectés. Or, la Commission n'a entrepris aucun examen de ce type.
(25) C'est pourquoi, le Tribunal a estimé que la Commission n'avait pas respecté l'obligation qui lui est imposée par la décision 88/167/CEE et par l'article 92 du traité d'examiner si l'aide en question fausse la concurrence et affecte le commerce intracommunautaire.
V
Élargissement du champ de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2
(26) À la suite de l'arrêt du Tribunal annulant la décision de la Commission de clôturer la procédure engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la procédure engagée en 1988 demeure ouverte et une nouvelle décision finale devra être arrêtée.
(27) Par conséquent, afin de se conformer à l'arrêt du Tribunal, la Commission a décidé, le 14 novembre 1995, d'élargir le champ de la procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Dans cette décision, la Commission notait que, compte tenu du fait que la procédure ouverte portait uniquement sur l'incompatibilité éventuelle de l'aide à Heracles avec la décision 88/167/CEE, elle devait modifier cette procédure afin de pouvoir procéder à un examen exhaustif de la compatibilité de l'aide avec l'article 92, ainsi que l'exigeait le Tribunal, sans porter atteinte aux droits de la défense du gouvernement grec. En outre, la Commission a indiqué, en 1995, que la recapitalisation d'Heracles constituait une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et qu'elle nourrissait de sérieux doutes quant à sa compatibilité avec le marché commun. Dans sa décision, la Commission s'était également demandé si l'aide à Heracles était ou non limitée au minimum nécessaire pour que l'entreprise retrouve sa rentabilité. À cet égard, après avoir comparé Heracles avec son concurrent Titan, entreprise légèrement plus petite mais bénéficiaire, la Commission avait conclu qu'Heracles semblait effectivement avoir été surcapitalisée, pour un montant d'environ 5 milliards de drachmes (environ 15,5 millions d'euros).
(28) La Commission a informé la Grèce de sa décision d'élargir le champ de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité par lettre du 29 novembre 1995. Les autorités grecques lui ont transmis leurs réponses, dont un résumé est donné ci-après, par lettre du 13 février 1996.
(29) La décision de la Commission d'élargir le champ de la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(9). La Commission a invité les autres États membres et les autres intéressés à présenter leurs observations au sujet des mesures en question. Trois associations nationales de producteurs de ciment et un concurrent d'Heracles, ainsi que certaines autres parties concernées, ont transmis des informations. Celles-ci sont résumées au point VI.
(30) Les observations communiquées par les parties concernées ont été transmises au gouvernement grec par lettre du 17 juin 1996. Après avoir demandé, par lettres des 23 juillet et 12 septembre 1996, plusieurs prolongations du délai dans lequel elles étaient tenues de transmettre leurs observations, les autorités grecques ont communiqué leurs commentaires à la Commission par lettre du 8 novembre 1996. Heracles a également fourni des informations complémentaires par lettres des 12 et 23 décembre 1996. À la suite de ces réponses, la Commission a demandé au gouvernement grec, par lettre du 16 janvier 1997, de lui fournir des informations complémentaires. Celles-ci lui ont été transmises le 6 février 1997.
(31) Une série de réunions entre la Commission et l'ensemble des parties concernées ont eu lieu à la fin de l'été et à l'automne 1997: le 29 juillet 1997 avec l'Agrupación de fabricantes de cemento de España (Oficemená), le 30 juillet 1997 avec l'AITEC, le 31 juillet 1997 avec les anciens actionnaires d'Heracles, le 31 juillet 1997 avec Lafarge Coppée SA (Lafarge), le 1er août 1997 avec les représentants de l'industrie britannique du ciment et le 17 septembre 1997 avec Titan. Une réunion avec Heracles et avec des représentants de gouvernement grec a eu lieu le 19 septembre 1997.
(32) Le 12 août 1997, la Commission a demandé des informations complémentaires aux autorités grecques. Celles-ci ont transmis leur réponse par lettre du 17 novembre 1997. Par lettre du 2 décembre 1997, Titan a transmis des informations complémentaires à la Commission. Par lettre du 23 janvier 1998, Heracles a adressé un mémoire à la Commission. Les autorités grecques ont communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettre du 10 février 1998. Outre son mémoire du 23 janvier 1998, Heracles a transmis des informations complémentaires à la Commission par lettre du 6 avril 1998.
(33) Une réunion avec les autorités grecques a eu lieu le 5 octobre 1998. Heracles a fourni des informations complémentaires le 24 novembre 1998 et le 29 décembre 1998. Une autre réunion avec des représentants d'Heracles a eu lieu, à leur demande, le 12 janvier 1999. Les autorités grecques ont adressé une note finale à la Commission le 8 février 1999, pour résumer les réunions et communication d'informations précédentes.
VI
Observations reçues dans le cadre de la procédure ouverte au titre de l'article 93, paragraphe 2
VI.1. Observations transmises dans le cadre de la procédure par le gouvernement grec et par Heracles
(34) À la suite de la première décision d'ouverture d'une procédure prise par la Commission en 1988, le gouvernement grec a transmis ses premières observations par lettre du 27 avril 1988. Une réunion bilatérale avec des représentants du gouvernement grec et d'Heracles a eu lieu le 29 juin 1988. À la suite de cette réunion, la Commission a demandé des informations complémentaires par lettre du 18 juillet 1988, à laquelle il a été répondu le 26 octobre 1988. À la suite d'une autre réunion qui a eu lieu le 30 mai 1989, le gouvernement grec a transmis des informations complémentaires par lettre du 18 juillet 1989. Une autre réunion a été organisée le 13 décembre 1989, suivie d'une lettre du gouvernement grec du 6 mars 1990. De nouvelles réunions ont eu lieu les 19 octobre 1990, 16 novembre 1990 et 11 janvier 1991. Le gouvernement grec a transmis des informations écrites le 3 mars 1991.
(35) En 1988, le gouvernement grec a complètement rejeté le point de vue de la Commission, affirmant que l'intervention de l'ORE s'était limitée au strict minimum nécessaire pour permettre à la société de survivre. Il a en outre défendu la nécessité du maintien de prix faibles et stables pour le ciment sur le marché intérieur, nié que les capacités de production d'Heracles aient été ou seraient augmentées, affirmé que l'aide régionale supplémentaire avait été octroyée en 1985, mais n'avait pas encore été versée, et que, sans cette aide, la conversion de dettes en capital aurait été supérieure de 3 milliards de drachmes. Enfin, il a fourni des informations sur les investissements d'Heracles, afin de prouver qu'une véritable restructuration avait eu lieu.
(36) En 1989, le gouvernement grec a annoncé qu'il avait tenu compte de certains des griefs exprimés par la Commission. Le prix imposé pour le ciment sur le marché intérieur avait été aboli et le programme d'investissement d'Heracles pour la période 1987-1990 serait renforcé afin d'accélérer sa restructuration. Enfin, le gouvernement grec avait décidé de ne pas accorder d'aides régionales à l'investissement supplémentaire.
(37) En 1990 et 1991, la discussion s'est concentrée sur le problème en suspens du montant de l'aide, ainsi que sur l'intention nouvellement exprimée par le gouvernement grec de privatiser Heracles.
(38) Tout au long de la procédure, c'est-à-dire devant le Tribunal ainsi que durant l'enquête officielle ouverte par la Commission en 1998, dont le champ a été élargi en 1995, le gouvernement grec a maintenu son argument selon lequel la conversion, en 1986, d'une partie des dettes d'Heracles en actions détenues par l'ORE, c'est-à-dire par le gouvernement grec, ne constituait pas une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Les autorités grecques ont reproché à la Commission de ne pas avoir vérifié si cette intervention de l'État grec pouvait réellement être considérée comme une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, lorsqu'elle l'a approuvée en août 1991, mais d'avoir simplement jugé que toute intervention au titre de la loi 1386/83, qui constituait la base juridique de la mesure en question et avait été approuvée par la Commission au titre de l'article 92, paragraphe 3, point b), en octobre 1987, serait considérée comme une aide d'État.
(39) Le gouvernement grec affirme notamment que le critère de l'investisseur privé est respecté, du fait que les 20775 millions de drachmes investis par le gouvernement grec dans Heracles ont dégagé un rendement de 120790 millions de drachmes en six ans, c'est-à-dire en 1992, au moment où la société a été privatisée. En outre, le gouvernement grec soutient toujours que l'aide ne répond pas aux critères figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité en raison de l'absence de commerce intracommunautaire. Il note que la comparaison entre Heracles et Titan montre également que l'aide n'a pas eu d'effet défavorable sur la position du principal concurrent d'Heracles et qu'elle constituait réellement le minimum nécessaire au maintien de la viabilité d'Heracles, dans la mesure où les ventes de Titan n'ont baissé ni en Grèce ni à l'étranger, et où son chiffre d'affaires n'a pas diminué. Un examen des bénéfices avant impôts montre que les bénéfices de Titan ont augmenté après la conversion des dettes en actions, et qu'ils ont été supérieurs à ceux d'Heracles.
(40) En ce qui concerne les observations présentées par Heracles, la société souligne qu'elle se rallie entièrement aux commentaires du gouvernement grec. Elle affirme que la capitalisation de ses dettes ne constitue pas une aide et que si elle devait être considérée comme telle, elle devrait être approuvée dans son intégralité. Heracles rappelle que la Commission a approuvé l'aide en 1991 sur la base d'informations et de considérations particulières qui sont toujours valables aujourd'hui. C'est pourquoi, si la Commission devait parvenir à des conclusions différentes sur la base des mêmes faits, une telle décision violerait les principes de sécurité juridique et de bonne administration. En outre, en n'arrêtant pas sa décision dans un délai raisonnable (compte tenu du temps qui s'est écoulé), la responsabilité de la Commission est clairement engagée. Heracles prétend également qu'il est impossible, compte tenu du principe de bonne administration que les institutions communautaires doivent respecter dans l'exercice de leurs pouvoirs, que des erreurs dont elles sont reconnues responsables aient des effets défavorables sur un particulier agissant de bonne foi et portent atteinte à ses intérêts.
VI.2. Réactions des parties concernées
a) Réactions à la communication de la Commission publiée le 11 mai 1988(10)
(41) La première décision prise par la Commission, en 1988, d'ouvrir une procédure à l'encontre de l'aide accordée à Heracles a suscité des observations émanant de trois gouvernements d'autres États membres, de sept fédérations nationales, de quatre concurrents d'Heracles ainsi que des anciens actionnaires d'Heracles. Tous se rangeaient à l'avis de la Commission.
(42) Les fédérations belge, néerlandaise, française et allemande de producteurs de ciment soulignaient que leurs membres avaient dû engager des programmes de restructuration lourds, comprenant des réductions de la capacité de production et d'importants investissements, et ce sans bénéficier d'aucune aide particulière. La fédération belge ajoutait que ses membres étaient confrontés à des perturbations graves du marché, provoquées, entre autres, par des importations bon marché de ciment grec. La fédération néerlandaise craignait que la surcapacité créée et maintenue en Grèce grâce aux aides d'État ne contraigne l'industrie grecque du ciment, et notamment Heracles, à vendre de grandes quantités de ciment dans d'autres pays, le cas échéant à des prix très bas. La fédération allemande ajoutait que du ciment grec, provenant notamment d'Heracles, avait été proposé dans plusieurs pays d'Europe occidentale, entre autres en Allemagne, à des prix inférieurs à des coûts de production comparables.
(43) La fédération luxembourgeoise, qui regroupe les sociétés produisant ou commercialisant des matériaux de construction, a souligné que le ciment produit par Heracles était arrivé au Luxembourg, via les Pays-Bas, à des prix inférieurs d'un tiers à ceux facturés par l'industrie du ciment au Luxembourg.
(44) La fédération italienne des producteurs de ciment a protesté contre l'augmentation des importations en Italie de ciment grec bon marché, dont plus de la moitié provient de chez Heracles. La fédération italienne et un producteur irlandais ont souligné le fait que l'industrie grecque du ciment a pu bénéficier de plusieurs régimes généraux d'aides, notamment d'aides à l'exportation. Toute aide au fonctionnement supplémentaire, telle que la conversion de dettes en capital, ne pourrait manifestement pas remplir les critères prévus à l'article 92, paragraphe 3, du traité.
(45) Le gouvernement britannique a tout particulièrement protesté contre les aides au sauvetage non liées à un plan de restructuration durable.
(46) Deux concurrents grecs d'Heracles ont fait valoir que la meilleure façon d'aider l'industrie grecque du ciment dans son ensemble serait de supprimer le contrôle des prix du ciment en Grèce.
(47) Les gouvernements du Danemark et de l'Allemagne, une fédération britannique et un producteur danois ont protesté contre l'aide en termes plus généraux.
(48) La Commission a transmis ces observations au gouvernement grec par lettre du 18 septembre 1989 et celui-ci lui a fait connaître ses commentaires par lettre du 6 mars 1990.
(49) Les anciens propriétaires d'Heracles ont transmis des informations confidentielles en novembre 1990. Ces informations n'ayant pu être communiquées au gouvernement grec, elles ne doivent donc pas être prises en considération.
b) Réactions à la communication de la Commission publiée le 21 mars 1996(11)
(50) Les réactions des parties concernées à la communication de la Commission sur l'élargissement du champ de la procédure ouverte à l'encontre de l'aide octroyée à Heracles sont résumées ci-dessous. Elles émanent d'un concurrent d'Heracles, de trois fédérations nationales de producteurs de ciment et des anciens actionnaires d'Heracles. À la suite de l'élargissement du champ de la procédure, des avocats représentant un producteur de ciment français ont également, à plusieurs reprises, fait connaître à la Commission leurs observations sur l'aide en question.
(51) Globalement, les parties concernées font valoir que l'aide accordée illégalement à Heracles est incompatible avec le marché commun et doit donc être restituée, assortie d'intérêts. Elles prétendent en outre que l'aide ne peut pas être autorisée en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point b), du traite dans la mesure où elle ne permet pas de remédier à une perturbation grave de l'économie grecque. À cet égard, la Commission n'aurait pas démontré comment l'aide aurait permis de remédier à cette perturbation, ni quelles auraient été les conséquences pour l'économie grecques si l'aide n'avait pas été accordée.
Titan Cement Company SA
(52) Titan fait valoir que l'aide accordée à Heracles - son principal rival commercial dans le marché commun - lui a été très dommageable. Elle pense que la Commission devrait estimer le niveau d'aide qui aurait suffi pour réduire les coûts financiers supportés par Heracles du fait de son endettement à un niveau où ils auraient pu être couverts par les flux de trésorerie, en calculant le niveau minimal de capitalisation de la dette qui aurait assuré la survie d'Heracles.
(53) Titan estime que l'approche adoptée par la Commission, qui a consisté à comparer la situation financière d'Heracles à la sienne, est mauvaise, pour plusieurs raisons. Premièrement, elle ne tient pas compte du critère de viabilité, dans la mesure où Heracles serait restée parfaitement viable, même si sa situation financière avait été plus faible que celle de Titan, le numéro un du secteur. En outre, il aurait été parfaitement normal qu'Heracles, qui avait consenti des investissements beaucoup plus lourds, et plus récents, que Titan, supporte des frais financiers plus élevés. Deuxièmement, Titan met en cause la validité des données utilisées par la Commission pour effectuer ces comparaisons, notamment celles relatives à l'année 1987.
L'industrie britannique du ciment
(54) L'industrie britannique du ciment(12) déclare que l'aide accordée à Heracles lui a permis d'exporter vers le Royaume-Uni des quantités qu'elle n'aurait jamais pu exporter sans cette aide (la quantité de ciment exportée par Heracles au Royaume-Uni est passée de 12500 tonnes en 1986 à 388000 tonnes en 1988, et au cours de la période 1989-1995, elle est restée nettement supérieure à 400000 tonnes). L'aide a permis à Heracles de produire du ciment à un coût unitaire faible, sans avoir à supporter les coûts financiers liés à l'installation de l'usine, puisque l'aide reçue a été utilisée pour la construire et la moderniser. Du fait de sa rentabilité, Heracles a été en mesure d'exporter des quantités importantes vers le Royaume-Uni, alors que ces exportations n'étaient pas rentables.
(55) L'industrie britannique du ciment note que si aucune aide ne lui avait été attribuée, Heracles n'aurait pas cessé toute activité commerciale, mais aurait simplement été contrainte de prendre plus rapidement les mesures de restructuration qui s'imposaient, y compris, le cas échéant, une poursuite de la rationalisation de sa capacité de production afin de s'adapter à la demande. Dans sa communication, la Commission n'indique pas si une telle restructuration aurait nécessairement impliqué une perturbation grave de l'économie grecque.
(56) Le contrôle des prix imposé par l'État sur le marché intérieur empêchait les producteurs de réaliser des profits sur la vente de ciment sur le marché intérieur et a aggravé les difficultés de l'industrie grecque du ciment en général. Si le gouvernement grec avait pris des mesures pour remédier à cette situation, par exemple dès 1986 plutôt qu'en 1989, il aurait certainement réduit les problèmes de ce secteur sans qu'une aide ne soit nécessaire. De même, si Heracles avait été liquidée plus tôt et n'avait pas pu bénéficier d'une aide illégale du gouvernement grec, le secteur aurait pu être rationalisé plus rapidement.
(57) L'industrie britannique du ciment demande à la Commission d'évaluer si l'aide accordée à Heracles aurait été nécessaire pour remédier à une perturbation grave de l'économie grecque si le gouvernement grec: i) n'avait pas accordé d'aide illégale à Halkis, ce qui aurait permis la liquidation de la société et de ce fait, la restructuration nécessaire de l'industrie grecque du ciment, et ii) était intervenu plus tôt pour supprimer le contrôle des prix sur le marché intérieur.
(58) L'industrie britannique du ciment note, toutefois, que cette comparaison, basée sur les chiffres de 1987, est excessivement favorable à Heracles et qu'une analyse correcte montre que la capitalisation excédentaire était encore plus importante. Les parties reprochent également à la Commission de s'être contentée d'examiner quels étaient les apports de capitaux nécessaires pour permettre à Heracles de poursuivre ses activités essentiellement sous la même forme, en partant du principe que ces apports étaient inévitables si l'on voulait empêcher un effondrement de l'économie grecque.
AITEC
(59) Dans ses observations, l'AITEC fait allusion aux distorsions de la concurrence provoquées par le niveau de plus en plus élevé des exportations d'Heracles vers l'Italie à partir de 1988 (les quantités de ciment exportées par Heracles vers l'Italie sont passées de 34000 tonnes en 1987 à 885000 tonnes en 1991, ce qui représente un accroissement de 1 à 32 %). L'AITEC fait valoir qu'Heracles a pu pénétrer sur le marché italien en pratiquant une politique de prix anormalement bas particulièrement agressive. Pour appuyer ses dires, elle cite des chiffres indiquant que le prix du ciment grec est inférieur de 22 % en moyenne à celui du ciment italien, et aussi inférieur jusqu'à 30 % aux prix pratiqués sur le marché grec.
(60) L'AITEC fait valoir que l'aide accordée à Heracles lui a permis de s'assurer une position favorable vis-à-vis de ses concurrents en Italie, en prenant une part substantielle du marché italien. Le fait que la conversion des dettes d'Heracles en 1986 n'ait été accompagnée d'aucune restructuration signifie que la capacité de production de la société n'a pas évolué depuis 1985. Toutefois, la production annuelle d'Heracles a augmenté, bien que ses effectifs aient considérablement diminué en 1988-1994 (passant de 3600 à 3000 personnes). Il convient également de noter que, au cours de la même période, c'est-à-dire 1988-1994, le ratio investissements/chiffre d'affaires est passé de 2 % à environ 4 %. L'AITEC estime que cela a été possible grâce à l'aide reçue par Heracles. L'association affirme que les exportations d'Heracles vers l'Italie ont entraîné, globalement, la perte de 350 à 400 emplois en Italie.
Oficemen
(61) Oficemen note dans sa lettre que l'une des caractéristiques de l'industrie grecque du ciment est que la plus grande partie de sa production est exportée. Sur les quantités totales de ciment grec exportées au cours de la période 1989-1995, la part des exportations vers l'Espagne est passée de 1 à 12 % (c'est-à-dire de 62000 tonnes à 929000 tonnes en valeur absolue). Le volume des exportations d'Heracles vers l'Espagne est passé de 29000 tonnes en 1989 à 370000 tonnes en 1994, ce dernier chiffre représentant environ 50 % des exportations grecques vers l'Espagne au cours de cette même année. Oficemen affirme que cette augmentation du volume des exportations d'Heracles sur cette période de cinq ans est due à l'aide que cette société a reçue de l'État grec, qui lui a permis de vendre en dessous de ses coûts de production. Les producteurs espagnols de ciment se sont donc trouvés défavorisés par rapport à Heracles.
Les anciens actionnaires d'Heracles
(62) Les anciens actionnaires d'Heracles se considèrent comme des parties concernées dans la mesure où l'augmentation du capital de la société qui a été imposée a eu pour effet de diluer le contrôle exercé par les actionnaires initiaux. Ils font également observer qu'il n'est pas surprenant qu'Heracles ait été surcapitalisée, dans la mesure où l'augmentation de capital constituait une manoeuvre déguisée pour prendre le contrôle de la société et n'était pas motivée par des considérations purement financières. Les anciens actionnaires affirment que l'aide a été accordée de façon illégale, c'est-à-dire qu'elle n'a pas été préalablement notifiée, et qu'elle était en infraction avec la directive 71/81/CEE du Conseil(13) (deuxième directive sur le droit des sociétés), modifiée en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède. Par conséquent, une aide ne peut pas être jugée compatible en vertu de l'article 92, paragraphe 3, si le mécanisme d'octroi de cette aide est lui-même contraire à une disposition du droit communautaire (en l'occurrence la deuxième directive sur le droit des sociétés) autre que celles figurant aux articles 92, 93 et 94 du traité. De plus, même si elle était jugée compatible avec le marché commun, elle ne devrait pas être autorisée, dans la mesure où elle a été octroyée par des voies illégales. Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, les anciens actionnaires devraient retrouver le contrôle de la société dont ils disposaient à l'origine.
Lafarge Coppée SA
(63) Lafarge, un producteur de ciment français, a reproché à la Commission de ne pas avoir pris en considération, dans sa décision d'élargissement du champ de la procédure, le fait que l'aide pourrait permettre à Heracles de reprendre un producteur de ciment qui enregistre des pertes, Halkis, ce qui lui permettrait d'augmenter plus encore sa capacité de production. À cet égard, Lafarge mentionne le fait qu'Heracles, qui est elle-même contrôlée par Concretum SA par l'intermédiaire de CAL-NAT SA, a racheté à Concretum au moins 50 % de la participation que celle-ci détenait dans Halkis. Concretum est l'actionnaire majoritaire d'Halkis, dont elle détient 70 % des parts. Lafarge prétend que même si cette opération ne constitue pas formellement une prise de contrôle d'Halkis par Heracles, le résultat sur le plan économique est le même, puiqu'il y aura renforcement de la capacité des deux producteurs ayant bénéficié d'une aide d'État. Lafarge affirme donc que l'élargissement du champ de la procédure est insuffisant, parce qu'il ne couvre pas la question de la réunion d'Heracles et d'Halkis sur le plan économique.
VII
Application de l'article 92 du traité
VII.1. Application de l'article 92, paragraphe 1, du traité
(64) Pour les raisons énoncées ci-dessous, la Commission estime que l'aide accordée à Heracles en 1986 remplit l'ensemble des critères figurant à l'article 92, paragraphe 1, du traité et, en particulier, qu'elle a été accordée à une entreprise particulière au moyen de ressources d'État et menace de fausser la concurrence et d'affecter les échanges entre États membres.
(65) Ainsi qu'il est dit dans la décision 88/167/CEE sur la mise en oeuvre de la loi 1386/83, les interventions de l'ORE sont considérées comme des aides d'État. Heracles, dont les comptes étaient déficitaires depuis 1983 et dont les pertes cumulées s'élevaient à 7249 millions de drachmes à la fin de l'année 1985 (ce qui représentait environ trois fois son capital de l'époque), s'est vu appliquer la loi 1386/83 par arrêté ministériel du 7 août 1986, et ses dettes ont été transformées en capital. Grâce à la capitalisation des 27755 millions de drachmes dues par Heracles à des organismes publics, la société s'est soudainement retrouvée avec un capital dix fois plus élevé qu'auparavant, dont 93 % étaient détenus par l'État.
(66) Ainsi que la Commission l'avait noté dans sa décision d'élargir le champ de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité du 15 novembre 1995, l'aide accordée à Heracles faussait la concurrence et affectait les échanges entre États membres au sens de l'article 92, paragraphe 1.
VII.2. Distorsion de la concurrence et répercussions sur les échanges entre États membres
a) Marché européen du ciment(14)
(67) Le ciment est un produit commercialisable, bien que du fait de son faible prix par rapport à son poids important, il ne soit concurrentiel que lorsqu'il est transporté par voie terrestre à de courtes distances de son site de production. Par conséquent, la quasi-totalité du ciment commercialisé à l'échelle internationale est acheminée par voie terrestre dans un faible rayon ou transportée par voie maritime sur de grands navires, lorsque les distances sont beaucoup plus longues.
(68) L'activité de l'industrie du ciment est liée à celle du bâtiment, qui dépend elle-même étroitement de la situation économique. Le ciment constitue un matériau de base important pour les travaux de construction et de génie civil, deux secteurs dans lesquels les investissements tant publics que privés sont très importants.
(69) La production du ciment comprend essentiellement deux phases:
- la fabrication d'un produit semi-fini appelé "clinker", obtenu par cuisson dans un four à haute température de matières premières (argile, chaux, etc.) préalablement préparées sous forme de pâte ou de poudre, selon le processus de production utilisé (humide ou sec),
- la fabrication du ciment en tant que produit fini, obtenu par mélange homogène de poudre de clinker et de sulfate de calcium, avec éventuellement, selon le type de ciment, un ou plusieurs composants complémentaires: scories, suie, pouzzolane, matériau de remplissage, etc.
(70) La production de ciment nécessite d'importantes quantités d'énergie. Au cours des dernières décennies, des progrès sensibles ont été faits en matière de réduction de l'énergie nécessaire pour produire une tonne de ciment.
(71) Il n'existe pas de critères généralement admis pour classer les sociétés ou les groupes produisant du ciment, dans la mesure où tant le chiffre d'affaires que la capacité peuvent être définis de façons différentes. Le chiffre d'affaires publié dans des comptes consolidés peut comprendre des activités non liées au ciment, et l'existence de sociétés affiliées chargées du négoce peut aboutir à des chiffres différents pour les quantités de ciment produites et distribuées par une même société. Le calcul de la capacité de production dans des sociétés détenues en partie peut être effectué de façon différente. Compte tenu de ces réserves, on considère que les plus grandes sociétés mondiales possédant des intérêts dans le secteur du ciment dans la Communauté sont (par ordre alphabétique): Blue Circle (Royaume-Uni), Cemex (Mexique), Dyckerhoff (Allemagne), Heidelberger (Allemagne), Holderbank (Suisse), Italcementi (Italie), Lafarge (France) et Scancem AB (Suède).
(72) À la suite du déclin du secteur de la construction dans l'ensemble de l'Europe au cours de la période 1979-1985, la consommation communautaire totale est tombée de 164 millions de tonnes en 1979 à 134 millions en 1985. Inversement, la diffusion de l'usage du béton dans la construction routière et du béton armé comme support de rails dans les réseaux ferroviaires, la nécessité de rénover des infrastructures vétustes, etc., ont entraîné un accroissement de la demande de ciment dans les États membres au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt. En ce qui concerne les importations, elles n'ont que peu contribué à la couverture des besoins sur l'ensemble du marché communautaire. La part des importations dans la consommation communautaire a été de 3,9 % en 1979 et de 4,6 % en 1986. Les importations communautaires totales ont été stables en 1979 et 1986 (6,4 millions de tonnes). La production totale en Espagne est tombée de 185 millions de tonnes en 1979 à 153 millions de tonnes en 1986, à la suite du ralentissement de la consommation et de la construction au cours de cette période. La part de la production communautaire destinée à l'exportation a représenté 13 % en 1986, soit 19,1 millions de tonnes.
(73) En Grèce, la consommation de ciment a diminué au cours de la période 1979-1986, comme dans l'ensemble de la Communauté. Cette tendance négative a toutefois été beaucoup plus forte pour l'ensemble des pays de la Communauté que pour la Grèce. En ce qui concerne la production, la part de la Grèce dans la production communautaire totale est passée de 6,5 % en 1979 à 8,6 % en 1986. Cela était dû au fait que la production de la Grèce avait augmenté alors que, dans le même temps, la production communautaire diminuait.
(74) Entre la seconde moitié des années soixante-dix et le début des années quatre-vingt, les producteurs de ciment grec ont augmenté leurs capacités de production d'environ 7 millions de tonnes, afin de répondre à la forte demande des marchés du Moyen-Orient, qui étaient à l'époque en pleine expansion en raison de l'augmentation des prix du pétrole. Les marchés à l'exportation de la Grèce étaient traditionnellement surtout des pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord, et jusqu'en 1986, la Grèce n'a pratiquement pas exporté de ciment vers les États membres. Vers le milieu des années quatre-vingt, toutefois, la chute des prix du pétrole a conduit à l'effondrement des marchés du Moyen-Orient et, combinée à l'expansion des sociétés locales de production de ciment, a entraîné des surcapacités considérables dans l'industrie grecque du ciment et obligé celle-ci à rechercher de nouveaux marchés pour la production nationale, qui était largement supérieure à la consommation intérieure. Depuis lors, les exportateurs grecs ont dirigé une partie de plus en plus grande de leur production vers les autres États membres. Alors que, en 1987, la Grèce a exporté 6 millions de tonnes de ciment vers des pays tiers et 0,5 million de tonnes seulement vers les autres États membres, ces chiffres étaient de 2,6 et 2,8 millions de tonnes respectivement en 1990 et en 1992.
(75) Fin 1985/début 1986, les producteurs grecs se sont tournés vers l'Europe occidentale, notamment vers les marchés jugés les plus accessibles: premièrement, le Royaume-Uni, parce que c'était le pays d'Europe où les prix du ciment étaient les plus élevés et, deuxièmement, l'Italie, où de petites associations constituées de consommateurs et de sociétés d'import/export avaient commencé à importer du ciment grec.
b) La structure du secteur du ciment en Grèce(15)
(76) La fabrication de ciment est l'un des secteurs les plus traditionnels de l'industrie grecque. Les deux plus importantes sociétés, Heracles et Titan, représentent à elles deux 80 % du marché grec du ciment (environ 40 % chacune). La part de marché du numéro trois, Halkis, est de 13 à 14 %, et celle d'Halips de 6 à 7 %. Les parts de marché détenues par ces quatre producteurs de ciment varient considérablement d'une région à l'autre. Chaque société détient une part du marché plus importante dans les régions proches de ses usines et centres de distribution.
(77) Le marché national du ciment est de nature oligopolistique. Sur les quatre producteurs, un seulement, Titan, est une société entièrement grecque. Les trois autres sociétés sont contrôlées par des multinationales étrangères, deux d'entre elles (Heracles et Halkis) appartenant à la même société italienne. Par conséquent, 93 % du marché national est détenu en réalité par deux sociétés, Heracles/Halkis et Titan. En d'autres termes, ce marché est très concentré. À l'heure actuelle, il n'y a pas de concurrence étrangère sur le marché intérieur, parce que les importations sont négligeables et qu'il est difficile pour des sociétés étrangères de s'implanter en Grèce, en raison des difficultés d'accès (réglementation environnementale stricte, permis d'établissement, comme dans tous les pays européens, coûts de transport élevés, forte position et avantages comparatifs détenus par des sociétés grecques, etc.).
(78) En ce qui concerne l'évolution de la part de marché des quatre producteurs de ciment grecs (c'est-à-dire Titan, Heracles, Halkis et Halips) à partir de la moitié des années quatre-vingt en Grèce, le gouvernement grec a soumis à la Commission les données suivantes.
Part détenue par les producteurs de ciment grecs sur le marché intérieur au cours de la période 1985-1994
>EMPLACEMENT TABLE>
(79) En ce qui concerne la rentabilité et les indicateurs financiers de l'industrie grecque du ciment au milieu des années quatre-vingt, on peut noter que les bénéfices d'exploitation bruts par tonne produite ont enregistré une augmentation globale au cours de la période 1979-1985, due à l'efficience dont a fait preuve le secteur en matière de coûts d'exploitation, et ce malgré des prix à l'exportation en baisse et un niveau comparativement faible de formation des prix sur le marché intérieur. Une analyse des bénéfices avant et après charges financières de l'industrie grecque du ciment montre l'effet défavorable des charges financières sur la rentabilité du secteur. Ces charges élevées sont la conséquence du financement de la modernisation de cette industrie. En outre, le montant de ces charges s'est alourdi du fait que la plus grande partie de l'endettement à long terme lié à la modernisation avait été contracté en monnaies étrangères, de telle sorte que chaque dévaluation de la drachme entraînait une augmentation des intérêts dus et de l'encours de la dette, ce qui avait un effet direct sur la structure financière des entreprises (la drachme a été dévaluée 3,2 fois par rapport au dollar des États-Unis d'Amérique entre 1979 et 1985).
Bénéfices consolidés de l'industrie grecque du ciment
>EMPLACEMENT TABLE>
(80) En ce qui concerne les indicateurs financiers de l'industrie grecque du ciment, on peut noter une conséquence caractéristique de l'impact important des pertes cumulées sur la structure financière de deux des sociétés du secteur en 1985, à savoir l'érosion complète de la valeur comptable de la situation nette de ces entreprises, qui s'est traduite par une valeur nette négative pour l'ensemble du secteur. Le tableau ci-dessous montre que:
- l'endettement du secteur s'est aggravé à partir de 1982 et, dès 1985, le passif à long et à court terme était supérieur au total des actifs, c'est-à-dire que le total des actifs du secteur dans son ensemble était financé par les dettes à long et à court terme,
- la liquidité, qui était satisfaisante jusqu'en 1982, s'est également détériorée par la suite, du fait des problèmes aigus de trésorerie que connaissait le secteur dans son ensemble,
- la rentabilité (en termes de bénéfices nets) s'est détériorée au cours de cette période.
Ratios financiers de l'industrie grecque du ciment
>EMPLACEMENT TABLE>
Le tableau suivant donne le profil de chacun des producteurs grecs pour 1985.
>EMPLACEMENT TABLE>
(81) En ce qui concerne les facteurs qui ont joué le plus grand rôle dans l'évolution de l'industrie du ciment en Grèce à cette époque, il convient de noter que les prix de vente sur le marché intérieur étaient faibles comparés aux prix sur les autres marchés nationaux de la Communauté. Cela était dû en partie au fait que c'était l'État qui fixait les prix du ciment en Grèce. Les prix grecs à l'exportation ont connu une chute brutale après 1983, évolution tout aussi préjudiciable aux entreprises communautaires similaires. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, une grande partie des emprunts à long terme contractés pour financer les investissements au début des années quatre-vingt étaient libellés en monnaies étrangères. Cela a causé des difficultés au secteur, en raison de la faiblesse de la drachme par rapport aux monnaies étrangères. Les producteurs ont eu à faire face à des charges financières élevées qui ont entraîné des pertes importantes pour l'ensemble du secteur pendant la période 1983-1985.
(82) Enfin, il convient de noter que les prix de l'énergie ont constitué un élément important pour la structure des coûts de l'industrie du ciment. L'énergie (charbon, pétrole et électricité) présentait une importance particulière pour l'industrie grecque du ciment, puisqu'elle représentait 53 % de ses coûts totaux, alors que la moyenne européenne était d'environ 39 % en 1984. En revanche, le charbon, qui est le principal combustible utilisé par l'industrie du ciment, tant en Grèce que dans la Communauté, a été beaucoup moins cher en Grèce à partir de 1984.
c) Évolution de la structure des exportations d'Heracles
(83) L'industrie grecque du ciment a toujours exporté une part considérable de sa production. Les exportations grecques ont connu une croissance dynamique au cours de la période 1979-1986, puisqu'elles sont passées de 4,9 millions de tonnes en 1979 à 7,6 millions en 1985. Cette année-là, 55,9 % de la production grecque de ciment a été exportée, contre 43,6 % en 1990 et 51,7 % en 1995. L'industrie grecque du ciment possède un certain nombre d'avantages par rapport à ses concurrents, qui lui permettent de bien exporter. Premièrement, compte tenu des caractéristiques géographiques de la Grèce, les unités de production ont pu être implantées à la fois près des lieux d'où sont extraites les matières premières et près des lieux d'où le produit final est chargé pour le transport par mer (c'est le transport maritime qui constitue le mode de transport le plus économique du ciment, particulièrement sur de longues distances). Les sociétés grecques, dont la plupart possèdent des installations modernes, ont également des coûts de production plus faibles, parce que leurs unités de production sont plus grandes. Enfin, les plus grandes sociétés grecques possèdent leurs propres cargos pour les transport du ciment.
(84) Heracles est le premier exportateur grec. Entre 1983 et 1984, ses exportations ont diminué de 6 %. En 1985, elles ont augmenté de 3 %, tout comme celles de l'ensemble du secteur en Grèce. En 1986 et 1987, elles se sont maintenues au niveau de 1985. En 1988, elles ont diminué de 18 %, alors que les exportations totales de la Grèce baissaient de 11,3 %.
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(85) Dans ce contexte, Heracles a réussi, au cours de la période 1985-1987, à faire passer la part de ses exportations vers les États membres de 14,8 à 18,8 %.
(86) On peut conclure des informations présentées ci-dessus que l'aide d'État accordée à Heracles a eu pour effet de maintenir cette société en activité et, par conséquent, de lui permettre d'exporter une part de plus en plus grande de sa production vers d'autres États membres. La recapitalisation d'Heracles constitue donc une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où elle a faussé la concurrence et affecté les échanges entre États membres.
(87) Compte tenu de ce qui précède, la Commission ne peut approuver l'affirmation du gouvernement grec selon laquelle l'aide accordée à Heracles ne relèverait pas de l'article 92, paragraphe 1. Il n'est pas non plus possible d'accepter l'affirmation selon laquelle l'aide ne remplirait pas tous les critères énoncés à l'article 92, paragraphe 1, en raison de l'absence d'échanges intracommunautaires, dans la mesure où il était déjà prévisible, à l'époque, que les exportations de ciment grec seraient dirigées vers d'autres États membres, ainsi que le Tribunal de première instance l'a lui aussi relevé dans son arrêt.
(88) Il convient également de noter que, à cette époque, le gouvernement grec a pris des risques qui auraient été prohibitifs pour d'autres investisseurs. En tout état de cause, le gouvernement grec n'a pas prouvé qu'Heracles aurait trouvé les fonds nécessaires à sa survie sur le marché des capitaux. En outre, il n'a pas non plus été en mesure de prouver que, compte tenu de la structure et des perspectives de développement de la société, la mesure prise par l'État en faveur d'Heracles ne constituait pas une aide, parce qu'un rendement raisonnable, sous forme de dividendes ou de croissance du capital, pouvait être espéré dans des délais acceptables.
(89) À cet égard, la Commission souligne que le gouvernement grec se contredit lorsque, tout en affirmant que le principe de l'investisseur privé a été respecté, il fait valoir, d'une part, que les problèmes financiers auxquels Heracles a été confrontée en 1986 étaient la conséquence de difficultés à cours terme de l'économie, alors que, d'autre part, il justifie la loi 1386/83 et les activités de l'ORE en prétendant qu'elles constituaient une réponse nécessaire à la situation économique particulière et à l'évolution de la Grèce.
(90) Toutefois, en ne notifiant pas l'aide avant la mise en oeuvre de la recapitalisation, le gouvernement grec a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l'article 93, paragraphe 3, du traité. En outre, l'obligation de notification des cas individuels d'intervention dans des entreprises assujetties à la loi 1386/83 occupant trois cents personnes ou plus dans le cas des secteurs non sensibles et cent personnes ou plus dans le cas des secteurs sensibles constituait l'une des conditions auxquelles la Commission avait approuvé la mise en oeuvre de la loi 1386/83 (voir décision 88/167/CEE). L'aide a donc été octroyée illégalement.
VIII
Appréciation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun sur la base de l'article 92 du traité
VIII.1. Application des dérogations prévues à l'article 92, paragraphes 2 et 3
(91) Compte tenu de ce qui précède, la Commission est tenue d'apprécier si les dispositions de l'article 92, paragraphes 2 et 3, sont applicables à l'aide en question et, partant, si cette dernière peut être exemptée de l'interdiction générale prévue à l'article 92, paragraphe 1.
(92) Les dérogations prévues à l'article 92, paragraphe 2, ne sont pas applicables en l'espèce, en raison de la nature de l'intervention, qui ne visait pas les objectifs mentionnés dans ce paragraphe.
(93) Bien que l'on puisse considérer que la Grèce remplit les conditions d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point a), en particulier en favorisant le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, la notion de développement régional contenue dans cette dérogation repose essentiellement sur l'octroi d'aides en faveur de nouveaux investissements ou de travaux d'extension ou de reconversion d'entreprises de grande ampleur impliquant des investissements matériels et les coûts y afférents. Or, il n'est pas possible de considérer que la recapitalisation d'Heracles relève de cette dérogation.
(94) L'article 92, paragraphe 3, point c), n'est pas applicable à l'aide accordée à Heracles, dans la mesure où cette aide n'était pas destinée à faciliter le développement de certaines régions ou de certains activités économiques. En d'autres termes, cette aide n'avait pas de finalités régionales et n'était pas non plus liée à un projet de restructuration de l'entreprise en question.
(95) L'article 92, paragraphe 2, point d), n'est pas applicable à l'aide accordée à Heracles, dans la mesure où cette aide n'est pas destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.
(96) Quant à la dérogation prévue dans la première partie de l'article 92, paragraphe 3, point b), qui concerne les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun, elle ne saurait s'appliquer à l'aide accordée à Heracles, car cette aide n'avait pas pour objet de promouvoir un tel projet.
(97) Étant donné que la loi 1386/83, autorisée par la Commission en vertu de la seconde partie de l'article 92, paragraphe 3, point b), en vue de remédier à une perturbation grave de l'économie grecque, a constitué le fondement juridique de l'aide accordée à Heracles, cette aide indviduelle ne peut être approuvée qu'en vertu de cette dérogation.
VIII.2. Applicabilité de l'article 92, paragraphe 3, point b)
(98) Comme il a été indiqué plus haut, la loi 1386/83 constitue le fondement juridique de l'aide accordée à Heracles. La mise en oeuvre de cette loi a cependant été subordonnée à un certain nombre de conditions, y compris l'obligation pour le gouvernement grec de notifier les aides individuelles dont le montant dépasse certains seuils. Cette condition de notification particulière a été imposée afin de permettre à la Commission d'examiner les cas importants d'aide individuelle du point de vue de leur incidence sur les échanges et la concurrence intracommunautaires.
(99) À cet égard, la Commission tient à souligner le fait que l'aide octroyée à Heracles ne constituait pas une aide ad hoc, mais avait été accordée dans le cadre du programme général mis en oeuvre par l'ORE. La situation économique de la Grèce s'était détériorée d'une manière continue jusqu'en octobre 1985. Les déséquilibres internes et externes avaient entraîné une situation difficile, qui exigeait la mise en oeuvre d'une politique de rigueur. Les autorités grecques ont notamment dû faire face à un très grave déficit de la balance des paiements ainsi qu'à des pressions sur le taux de change en septembre 1985. C'est pourquoi, en octobre 1985, elles ont mis en place un programme de stabilisation et de reprise économiques. Ce programme prévoyait une dévaluation de la drachme de 15 %, l'instauration d'un système de dépôts à l'importation non rémunérés, la suppression de l'indexation des salaires, un assainissement budgétaire de grande ampleur et un durcissement de la politique du crédit et de la politique monétaire. À l'époque où le programme d'austérité a été institué, de nombreuses entreprises grecques connaissaient des difficultés financières en raison de la politique qui avait été menée auparavant en matière de salaires, de restriction des licenciements, de contrôle des prix et de taux d'intérêt ainsi que du fait de la surévaluation de la drachme. Lorsque la Commission a approuvé la loi 1386/83 par la décision 88/167/CEE, elle a indiqué qu'il importait que les entreprises grecques maximalisent leurs performances économiques si l'on voulait pouvoir réaliser les objectifs du programme d'austérité. Étant donné l'effort important que le gouvernement grec consentait pour inverser les politiques antérieures dans son programme de stabilisation d'octobre 1985, la loi 1386/83 et les interventions de l'ORE ont été considérées comme faisant partie intégrante de ce programme et relevant de l'article 92, paragraphe 3, point b).
(100) En ce qui concerne l'objectif de l'aide, à savoir remédier à une perturbation grave de l'économie grecque par l'assainissement d'Heracles et sa recapitalisation consécutive, il convient de préciser qu'Heracles était alors, et demeure, une entreprise importante pour l'économie grecque. Le gouvernement grec a souligné ce point dans sa lettre du 3 décembre 1987, en indiquant que, sans l'intervention de l'ORE, l'existence du plus gros producteur de ciment et environ 2000 emplois dans le deuxième secteur d'exportation grec auraient été menacés. Cela aurait eu de graves conséquences sociales et régionales ainsi que des répercussions sur la balance des paiements de la Grèce.
(101) La Commission note que, conformément au traité, le montant de l'aide doit être limité au strict minimum nécessaire pour atteindre l'objectif pour lequel celle-ci a été accordée, afin d'éviter toute distorsion excessive de la concurrence.
(102) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission reconnaît que l'aide accordée à Heracles était nécessaire pour atteindre les objectifs des mesures générales mises en oeuvre par les autorités grecques en vue de remédier à la perturbation grave de l'économie de leurs pays, mais elle est d'avis que cette aide n'était pas limitée au strict minimum nécessaire, parce qu'elle est allée au-delà de l'objectif consistant à remédier à la perturbation grave de l'économie grecque et, partant, a faussé la concurrence et affecté les échanges entre États membres dans une mesure contraire au marché commun. Les mesures adoptées en faveur d'Heracles ont eu pour résultat immédiat l'annulation de ses dettes, la réalisation d'économies importantes correspondant au non-paiement des intérêts sur le prêt capitalisé ainsi que des pénalités de retard relatives à ses dettes vis-à-vis de certains services publics. L'entreprise a considérablement accru ses liquidités, du fait que ses dettes ont été capitalisées et qu'elle n'a pas eu à payer à ses créanciers les intérêts ou les versements dus, ce qui lui a permis d'améliorer les conditions du crédit qu'elle consent à ses clients sur le marché national et à l'exportation et d'exporter une partie croissante de sa production vers les autres États membres. Elle a ainsi été plus compétitive, en raison de l'augmentation de ses exportations et de la réorientation de celles-ci vers d'autres États membres. La Commission considère que seule la partie de l'aide qui était nécessaire au rétablissement de la viabilité d'Heracles, sans affecter les échanges entre États membres dans une mesure contraire au marché commun et sans renforcer excessivement la position de cette entreprise vis-à-vis de ses concurrents, peut être déclarée compatible avec l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité. Cette partie de l'aide, qui relève des mesures générales destinées à remédier à la perturbation grave de l'économie grecque, a affecté les échanges en ce sens que l'intervention de l'État a permis à cette entreprise de poursuivre ses activités et d'exporter davantage vers les États membres, mais pas dans une mesure contraire au marché commun. En fait, cette augmentation des exportations d'Heracles vers les autres États membres doit être examinée dans le cadre de la réorientation générale des exportations grecques vers ces pays qui s'est opérée à partir de 1986. Comme il a été rappelé plus haut, l'effondrement des marchés du Moyen-Orient, qui constituaient traditionnellement les marchés d'exportation de la Grèce, a entraîné la réorientation d'une partie croissante de la production de tous les exportateurs grecs vers les États membres, en raison principalement de la compétitivité des exportations grecques vis-à-vis de la production européenne, qui n'était pas suffisante, de 1986 à 1990, pour répondre à l'augmentation de la demande intérieure.
(103) Afin de déterminer la partie de l'aide qui ne peut être justifiée au titre de l'article 92, paragraphe 3, point b), parce qu'elle va au-delà de l'objectif consistant à remédier à une perturbation grave de l'économie grecque et qui a conféré à l'entreprise une position financière et économique plus forte que cela n'était nécessaire pour assurer sa viabilité à long terme, la Commission analyse ci-après l'évolution de la situation économique et financière d'Heracles et présente la méthode la mieux appropriée pour la calculer.
a) Évolution de la situation économique et financière d'Heracles
(104) Heracles a enregistré des pertes jusqu'en 1983. En 1985, cette entreprise se trouvait dans une situation financière critique: elle a révélé, dans son rapport annuel, un déficit de fonds propres de 2163 millions de drachmes, des pertes nettes de 4216 millions de drachmes ainsi que des pertes courantes de 4623 millions de drachmes. À la fin de l'année 1985, les pertes qu'elle avait cumulées s'élevaient à 7249 millions de drachmes.
(105) En 1985 et en 1986, c'est-à-dire avant l'intervention de l'État, Heracles se trouvait dans la situation suivante:
- l'entreprise était dotée d'installations de production modernes en raison des investissements importants qu'elle avait réalisés au début des années quatre-vingt (1983 ayant été la dernière année marquée par des dépenses en capital élevées),
- ce programme d'investissement avait été financé essentiellement, si ce n'est exclusivement, par des emprunts étrangers supplémentaires,
- la dévaluation de la drachme a eu une incidence négative sur le coût des emprunts précités,
- elle a dû revoir ses perspectives de chiffre d'affaires à la baisse, en raison des mesures de contrôle des prix,
- le recul de la demande sur ses marchés d'exportation traditionnels (Moyen-Orient) était lié au choc pétrolier de 1985-1986 (qui a réduit la capacité de financement de programmes de construction importants des pays exportateurs de pétrole).
(106) La situation économique et financière de l'entreprise se caractérisait donc par une très forte augmentation des charges liées aux emprunts, qui n'a pas seulement pesé très lourdement sur sa rentabilité, mais lui a même fait courir le risque d'un dépôt de bilan. Par ailleurs, l'entreprise tablait sur des gains de productivité relativement importants du fait du programme d'investissement mis en oeuvre au début des années quatre-vingt.
(107) Par arrêté ministériel du 7 août 1986, le gouvernement grec a converti en actions les 27755 millions de drachmes de dettes commerciales contractées par Heracles auprès de différents organismes de crédit, afin de la sauver de la faillite. Heracles a été ainsi libérée d'une partie de ses dettes et de ses charges financières, car elle n'a pas payé les intérêts sur les prêts ni versé de dividendes aux actionnaires. Elle a été sauvée et a donc pu continuer à exporter une partie de sa production vers les autres États membres.
(108)
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(109)
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(110) Il ressort des rapports annuels d'Heracles que cette dernière se trouvait dans une situation très précaire avant la conversion de ses dettes en capital: les coûts financiers très élevés liés aux dettes élevées ont entraîné des pertes importantes qui se sont traduites par l'érosion de son capital. Cependant, il convient de noter que, pendant les années les plus critiques de son activité, Heracles a enregistré des résultats d'exploitation positifs, si l'on fait abstraction des coûts financiers, et que la faiblesse de ses résultats financiers tenait principalement à la très mauvaise conjoncture économique de la Grèce.
b) Différentes méthodes de calcul de la partie de l'aide qui n'est pas limitée au strict minimum nécessaire
(111) Comme il a été rappelé plus haut, lors de l'élargissement du champ de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2(16), et à la suite de l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance, la Commission nourrissait des doutes sérieux quant à la compatibilité de l'aide accordée à Heracles avec le marché commun. En particulier, la Commission nourrissait de sérieux doutes sur l'applicabilité de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point b), au cas d'Heracles. Elle estimait que cette aide pouvait avoir renforcé sa position concurrentielle dans une mesure qui n'était pas nécessaire pour assurer sa viabilité.
(112) En examinant les coûts financiers de Titan et ceux d'Heracles par rapport à leurs chiffres d'affaires respectifs et au volume de leurs ventes, la Commission est parvenue à la conclusion qu'Heracles était surcapitalisée d'environ 5 milliards de drachmes et, partant, que l'aide qu'elle avait reçue n'avait pas été limitée au strict minimum nécessaire.
(113) À la suite de l'élargissement du champ de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, la Commission a reçu de nombreuses observations de tiers, y compris au sujet de la méthode de calcul à utiliser pour déterminer le niveau minimal de capitalisation des dettes permettant d'assurer la viabilité d'Heracles.
(114) La British Cement Association, l'association britannique des producteurs de ciment, a, au nom de ses membres, chargé M. George Yarrow (Hertford College) de réaliser une étude relative aux aspects économiques de l'aide en cause. Dans son premier rapport, celui-ci a estimé le niveau de surcapitalisation d'Heracles en analysant ses flux de trésorerie tels qu'ils étaient indiqués dans sa comptaibilité. À la demande de la Commission, les producteurs britanniques de ciment ont demandé à M. Yarrow de leur présenter des observations supplémentaires, dans la mesure où son premier rapport consistait plutôt dans une évaluation ex post et pouvait uniquement être utilisé compte preuve matérielle.
(115) Dans l'évaluation et les calculs ex ante, fondés sur une comparaison des structures financières, qu'il a présentés par la suite, M. Yarrow est parvenu à la conclusion que les investissements réalisés par Heracles (par raport à Titan) avaient été financés de la même manière que les activités de Titan dans leur ensemble, c'est-à-dire en faisant appel dans les mêmes proportions à des capitaux propres et à des capitaux empruntés et en effectuant les mêmes opérations de débit et de crédit sur ces deux postes. Compte tenu de cette situation, les chiffres relatifs à l'amortissement et aux actifs indiquent que la capacité d'endettement d'Heracles aurait été, toutes choses étant égales par ailleurs, deux fois plus importante que celle de Titan au milieu des années quatre-vingt. Sur cette base, la British Cement Association a conclu que la capitalisation des dettes d'Heracles en 1986 avait dépassé le niveau minimal nécessaire d'environ 15,5 millions de drachmes.
(116) Dans sa plainte, Titan a fait valoir que le montant de la capitalisation était excessif et qu'une conversion d'une telle ampleur non seulement n'était pas nécessaire, mais était également disproportionnée par rapport à la taille et aux besoins de l'entreprise. Selon Titan, le niveau minimal de capitalisation qui aurait permis d'assurer la viabilité d'Heracles aurait dû correspondre au niveau qui lui aurait permis de continuer d'assurer le service de sa dette et d'exercer ses activités. À cette fin, Titan a analysé les flux de trésorerie d'Heracles prévus après 1986, sachant que ce sont ces flux qui sont utilisés pour rembourser les créances.
(117) D'après ses calculs, fondés sur les données financières extraites des rapports annuels d'Heracles, Titan conclut qu'Heracles disposait de suffisamment de liquidités à partir de 1987 pour rembourser au moins 15 milliards, voire 20 milliards de drachmes de dettes supplémentaires si le remboursement du capital était rééchelonné pour ces dernières années.
(118) Afin de démontrer que la conversion de ses dettes en capital, en 1986, n'a pas entraîné de surcapitalisation, Heracles a présenté à la Commission un rapport rédigé par les professeurs Joseph Hassid (université du Pirée) et Emmanuel Sakellis (université Pantion d'Athènes). Ils ont fondé leurs calculs sur une comparaison des différents ratios de la structure financière d'Heracles avec ceux de quatre échantillons importants de producteurs internationaux de ciment(17). Ces échantillons ne comprenaient pas uniquement des entreprises viables, mais également des entreprises en difficulté.
(119) Ce rapport visait en premier lieu à déterminer le montant dont il aurait fallu majorer la valeur nette d'Heracles à partir du 31 décembre 1985 pour assurer sa viabilité. Une entreprise est considérée comme viable lorsque la valeur de ses capitaux à long terme est supérieure à celle de ses actifs immobilisés. Lorsque cette condition n'est pas remplie, l'entreprise doit financer une partie de ses actifs immobilisés en emprunant à court terme, ce qui n'est pas une situation saine dans la mesure où ses fonds de roulement (qui comprenent aussi des valeurs qui ne sont pas réalisables à court terme) ne sont pas suffisants pour couvrir ces dettes à court terme.
(120) Afin de déterminer le montant des dettes à court terme qui devraient être converties en capital, les auteurs du rapport ont utilisé les données financières contenues dans les bilans des entreprises des quatre échantillons, de manière à obtenir des indicateurs financiers moyens par entreprise et par échantillon, et considéré la moyenne géométrique des quatre moyennes d'échantillon comme la valeur utile appropriée vers laquelle la structure financière d'Heracles devait tendre. Pour les échantillons, ils ont calculé les ratios suivants: i) valeur nette + dettes à long terme/actifs immobilisés, ii) actifs immobilisés/valeur nette et iii) Z-score (c'est-à-dire un ratio permettant d'évaluer la probabilité de faillite).
(121) En ce qui concerne le premier ratio, le montant dont les capitaux à long terme d'Heracles auraient dû être majorés a été estimé à 27,5 milliards de drachmes. En d'autres termes, des dettes à court terme de ce montant auraient dû être converties soit en prêts à long terme, soit en capital pour obtenir le même ratio que celui des quatre échantillons. Étant donné que, en août 1986, 20,2 milliards de drachmes au total des dettes à court terme d'Heracles ont été converties en capital (les 7,5 milliards de drachmes restants correspondaient à une conversion de prêts à long terme en capital), c'est un montant inférieur à celui donné par le ratio qui a donc été capitalisé. Cela vaut également pour les autres ratios.
(122) Afin d'apprécier la mesure dans laquelle cette conversion des dettes d'Heracles excédait celle qui était nécessaire pour maintenir la viabilité de cette entreprise, la Commission considère que, compte tenu de la spécificité du marché grec du ciment, il convient de comparer Heracles avec son concurrent grec de taille plus réduite, mais constamment rentable, Titan, comme elle l'avait fait lorsqu'elle avait élargi, en novembre 1995, le champ de la procédure ouverte en application de l'article 93, paragraphe 2. En effet, ces deux entreprises ont exercé leurs activités dans les mêmes conditions économiques défavorables et ont été confrontées aux mêmes coûts (coûts de main-d'oeuvre, dépenses énergétiques et taux d'intérêt). En fait, les conditions de marché auxquelles étaient soumis les producteurs grecs au moment de la capitalisation étaient très différentes de celles que connaissaient leurs concurrents européens, en particulier en ce qui concerne l'environnement macroéconomique, le prix des facteurs de production et les conditions y afférentes, les obligations imposées par le droit national des sociétés, le régime de fixation des prix et la dépendance à l'égard des marchés d'exportation.
(123) De plus, pour ce qui est de l'exercice financier choisi comme exercice de référence, la Commission est d'avis, comme elle l'avait déclaré dans sa décision d'élargir la procédure ouverte en application de l'article 93, paragraphe 2, qu'il convient de retenir 1987, étant donné qu'il s'agit du premier exercice normal d'Heracles après l'obtention de l'aide. Cette comparaison permet d'examiner la situation au moment où l'État est intervenu.
(124) La Commission estime que la comparaison des structures financières d'Heracles et de Titan doit être réalisée sur la base de trois ratios financiers: charges financières nettes/chiffre d'affaires, charges financières nettes/tonne vendue et charges financières nettes/tonne produite. À la lumière des informations échangées dans le cadre de la procédure ouverte en application de l'article 93, paragraphe 2, la Commission est d'avis qu'il convient d'ajouter un troisième ratio, à savoir celui des "charges financières nettes/tonne produite", aux deux ratios qui avaient été utilisés dans sa décision de novembre 1995 d'élargir le champ de la procédure précitée. L'utilisation de ce troisième ratio lui permettra de réaliser une meilleure comparaison des deux entreprises en ce qu'il gomme les différences liées à leur stratégie respective d'approvisionnement de la clientèle, qui consiste, dans un cas, à constituer des stocks et, dans l'autre cas, à livrer directement les quantités produites.
(125) Grâce aux informations communiquées par les autorités grecques le 8 février 1999, la Commission est en mesure de mieux préparer sa conclusion définitive et, partant, d'affiner la méthode financière de calcul de la surcapitalisation d'Heracles. Ce calcul se fonde sur une structure plus détaillée des charges financières, tant pour Heracles que pour Titan, en ce sens que les revenus des participations sont déduits du montant total des charges financières des deux entreprises.
(126) À cet égard, la Commission note que les charges financières nettes de Titan représentaient 10,1 % de son chiffre d'affaires, contre 8,1 % seulement pour Heracles. Les coûts financiers nets de Titan par rapport au volume des ventes s'élèvent à 469,9 drachmes par tonne contre 392,7 drachmes par tonne pour Heracles; ses coûts financiers nets par tonne produite s'élèvent à 423,5 drachmes par tonne contre 471,2 drachmes par tonne pour Heracles.
(127) En calculant le montant théorique moyen des coûts financiers nets qu'Heracles n'a pas eu à supporter sur la base des mêmes valeurs que pour Titan, la Commission conclut que la surcapitalisation d'Heracles s'élève à 2488 millions de drachmes (soit environ 7 millions d'euros).
(128) Cette méthode implique un différentiel réduit entre les charges financières des deux entreprises et, partant, une surcapitalisation moins importante d'Heracles par rapport à Titan. La validitié de cette méthode réside dans le fait que les montants des charges financières utilisés pour comparer Heracles et Titan sont de même nature puisqu'ils sont nets, et donc comparables. Dans le secteur de la finance, on préfère utiliser les charges financières nettes plutôt que les charges financières brutes pour ce type d'analyses, du fait de leur plus grande précision.
(129) Ce montant de 2488 millions de drachmes représente la partie des dettes capitalisées qui a dépassé le niveau nécessaire pour assurer la viabilité à long terme d'Heracles. Cette surcapitalisation a entraîné des distorsions sur le marché européen du ciment, en ce sens que la position concurrentielle de cette entreprise a été renforcée: ses exportations ont augmenté et se sont dirigées vers les autres États membres. Cette partie de l'aide, qui n'était pas nécessaire pour rétablir la viabilité d'Heracles, qui n'était pas destinée à remédier à une perturbation grave de l'économie grecque et qui a indûment renforcé la position de cette entreprise vis-à-vis de ses concurrents, ne relève pas de l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité et, partant, n'est pas compatible avec le marché commun. Afin de rétablir le statu quo sur le plan de la concurrence, il convient de récupérer les montants indûment perçus par Heracles.
(130) La méthode utilisée permet à la Commission de calculer la surcapitalisation d'Heracles sur la base des informations disponibles au moment de l'intervention de l'État grec, c'est-à-dire sans évaluation ex post sur la base des événements qui se sont produits après la conversion des dettes et qui n'étaient pas alors connus. Pour les raisons précitées, la Commission conteste la méthode utilisée par Titan pour calculer l'excédent de fonds propres d'Heracles, dans la mesure où elle repose sur l'analyse des flux de trésorerie de l'entreprise après 1986 et sur son aptitude à assurer le service de sa dette.
(131) En outre, la méthode utilisée par la Commission pour déterminer la surcapitalisation d'Heracles rapporte directement les charges financières des deux entreprises à leur production (exprimée à la fois en valeur et en volume). Cette méthode permet de rejeter certaines hypothèses artificielles utilisées par la British Cement Association pour déterminer l'excédent de fonds propres d'Heracles, comme des structures financières analogues pour Titan et Heracles et une répartition fonds empruntés/fonds propres similaire pour le financement de leurs activités, ce qui ne correspond pas entièrement à la situation qui prévalait à cette époque.
(132) De surcroît, la Commission conteste la méthode appliquée par Heracles pour démontrer qu'elle n'était pas surcapitalisée, dans la mesure où cette méthode repose sur une comparaison d'Heracles avec un grand nombre de producteurs internationaux de ciment. Comme il a été rappelé plus haut, les conditions de marché auxquelles étaient soumis les producteurs grecs au moment de la capitalisation étaient très différentes de celles que connaissaient leurs concurrents étrangers. Or, la Commission estime qu'une analyse fondée sur une comparaison des ratios financiers d'entreprises actives dans des environnements différents et soumises à des conditions différentes n'est pas précise.
(133) L'analyse de la Commission tient compte non seulement de ses premiers doutes sur la compatibilité de l'aide en question, mais aussi de l'examen des distorsions provoquées par cette aide au niveau communautaire. En procédant de la sorte, la Commission entendait déterminer si cette aide avait été accordée conformément à la décision 88/167/CEE (c'est-à-dire conformément à la loi 1386/83) et à l'article 92 du traité. Cette analyse démontre que la transformation en capital d'une partie des dettes d'Heracles par le gouvernement grec en 1986 peut être considérée comme conforme à la décision 88/167/CEE concernant la loi 1386/83.
(134) Cependant, en ce qui concerne la compatibilité de l'aide avec l'article 92 du traité, l'examen précité démontre également qu'une partie de l'aide totale de 27755 millions de drachmes, à savoir 25267 millions de drachmes, peut être considérée comme compatible avec le marché commun en vertu de l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité, dans la mesure où elle contribue à remédier à une perturbation grave de l'économie grecque sans renforcer indûment la position de l'entreprise vis-à-vis de ses concurrents. En revanche, cette analyse montre aussi qu'Heracles a été surcapitalisée à raison d'un montant de 2488 millions de drachmes. Afin d'annuler cette distorsion du marché résultant de l'aide, la Commission invite par conséquent le gouvernement grec à récupérer cette somme de 2488 millions de drachmes auprès d'Heracles. Les sommes à récupérer seront majorées des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à leur remboursement. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.
(135) En réalisant l'analyse précitée, la Commission a examiné dans quelle mesure l'aide accordée à Heracles avait faussé la concurrence et affecté les échanges intracommunautaires et, partant, s'est acquittée de l'obligation qui lui avait été imposée par le Tribunal de première instance, lorsque celui-ci avait annulé sa décision de ne pas soulever d'objections contre cette aide.
IX
Conclusions
(136) Sur la base de cette analyse, la Commission a démontré que l'aide en cause était illégale et en partie incompatible avec le marché commun.
(137) Heracles affirme que tout retournement de la Commission dans son appréciation de la compatibilité de l'aide dont elle a bénéficié serait contraire aux principes de confiance légitime et de bonne administration. En ce qui concerne l'observation formulée par Heracles selon laquelle les faits sur lesquels la Commission fonde sa décision restent inchangés, on peut souligner que le Tribunal, dans son arrêt, a demandé à la Commission non seulement d'apprécier les effets prévisibles de l'aide, mais lui a aussi fait obligation - au moins implicitement - de considérer ceux qui ont pu effectivement être observés de 1986 à 1991. Par conséquent, les faits dont la Commission doit tenir compte ne sont pas seulement ceux qui remontent à l'octroi de l'aide, mais aussi ceux qui sont intervenus après.
(138) De plus, la Commission souligne que, selon la jurisprudence constante de la Cour(18), compte tenu du caractère impératif du contrôle des aides étatiques opéré par la Commission au titre de l'article 93 du traité, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ledit article. Le fait que la Commission ait, dans un premier temps, autorisé l'aide accordée à Heracles ne peut pas être considéré comme susceptible d'avoir fait naître une confiance légitime de l'entreprise bénéficiaire, dès lors que cette décision a été contestée dans les délais devant le Tribunal, qui l'a annulée. L'erreur ainsi commise par la Commission ne saurait donc effacer les conséquences du comportement illégal de la Grèce,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
La recapitalisation de 27755 millions de drachmes en faveur d'Heracles General Cement Company constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Une partie de cette aide, à savoir 25267 millions de drachmes, est considérée comme compatible avec le marché commun, car elle satisfait aux conditions d'application de la dérogation prévue à l'article 92, paragraphe 3, point b), du traité. La partie restante, d'un montant de 2488 millions de drachmes, n'est pas compatible avec le marché commun.

Article 2
1. La Grèce prend toutes les mesures nécessaires pour la récupération auprès du bénéficiaire de l'aide incompatible, visée à l'article 1er, qui a été illégalement mise à sa disposition et pour la restitution de la partie de l'aide visée à l'article 1er d'un montant de 2488 millions de drachmes.
2. La récupération a lieu conformément aux procédures du droit national. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à leur récupération effective. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé, à la date de l'octroi de l'aide, pour le calcul de l'équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3
La Grèce informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 4
La République hellénique est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 17 mars 1999.

Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO C 84 du 21.3.1996, p. 3.
(2) Affaires jointes T-447/93, T-448/93 et T-449/93, AITEC contre Commission, Recueil 1995, p. II-1971.
(3) JO C 1 du 4.1.1992, p. 4.
(4) JO L 76 du 22.3.1988, p. 18.
(5) JO C 124 du 11.5.1988, p. 4.
(6) Voir note 3 de bas de page.
(7) JO L 73 du 20.3.1991, p. 27.
(8) Voir note 3 de bas de page.
(9) Voir note 1 de bas de page.
(10) Voir note 5 de bas de page.
(11) Voir note 1 de bas de page.
(12) Les observations de l'industrie britannique du ciment comprennent celles de l'association professionnelle des producteurs de ciment britanniques et celles de ses trois membres (Blue Circle, Castle et Rugby). Ces parties sont dénommées collectivement l'"industrie britannique du ciment".
(13) JO L 26 du 30.1.1977, p. 1.
(14) Institut de recherche économique et industrielle: "La compétitivité de l'industrie grecque, chapitre D, l'industrie du ciment", Athènes, juin 1987 (rapport préparé pour la DG III de la Commission).
(15) Les données relatives au secteur grec du ciment figurant dans le présent chapitre sont essentiellement tirées des deux études suivantes: i) Institut de recherche économique et industrielle: "La compétitivité de l'industrie grecque, chapitre D, l'industrie du ciment", Athènes, juin 1987 (rapport préparé pour la DG III de la Commission), ii) Institut de recherche économique et industrielle: "L'industrie du ciment", Athènes 1997.
(16) Voir note 1 de bas de page.
(17) Premier échantillon: Troy Almanac of Business and Financial Ratios (441 entreprises produisant du ciment), de juillet 1984 à juin 1985.
Deuxième échantillon: bases de données Value Line (tous les producteurs de ciment présents aux États-Unis en 1985).
Troisième échantillon: Robert Morris & Associates: Annual Statement Studies (209 entreprises produisant du ciment et des produits connexes d'avril 1985 à mars 1986).
Quatrième échantillon: Robert Morris & Associates: Annual Statement Studies (136 entreprises produisant du béton prêt à l'emploi d'avril 1985 à mars 1986).
(18) Arrêt du 20 septembre 1990 dans l'affaire C-5/89, Commission/République fédérale d'Allemagne, Recueil 1990, p. I-3437, point 14, et arrêt du 14 janvier 1997, dans l'affaire C-169/95, Royaume d'Espagne/Commission, Recueil 1997, p. I-135, point 53.


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Structure analytique Document livré le: 08/08/2000


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