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Document 399D0274

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


399D0274
1999/274/CE: Décision de la Commission du 22 juillet 1998 concernant le détournement d'aides à la restructuration destinées à MTW-Schiffswerft et à Volkswerft Stralsund, deux sociétés appartenant à l'ancien groupe Brener Vulkan Verbund, et le versement non autorisé d'un crédit à l'investissement de 112,4 millions de marks allemands au chantier naval MTW- Schiffswerft - [notifiée sous le numéro C(1998) 2405] - (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) - (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 108 du 27/04/1999 p. 0034 - 0043



Texte:


DÉCISION DE LA COMMISSION
du 22 juillet 1998
concernant le détournement d'aides à la restructuration destinées à MTW-Schiffswerft et à Volkswerft Stralsund, deux sociétés appartenant à l'ancien groupe Bremer Vulkan Verbund, et le versement non autorisé d'un crédit à l'investissement de 112,4 millions de marks allemands au chantier naval MTW-Schiffswerft
[notifiée sous le numéro C(1998) 2405]
(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
(1999/274/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93, paragraphe 2, premier alinéa,
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément à l'article susmentionné,
considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
Par lettre du 20 mars 1996, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité. Sa décision portait sur le détournement supposé, au profit d'autres entreprises de Bremer Vulkan Verbund AG (ci après dénommée "BVV"), d'aides à la restructuration autorisées en faveur de MTW-Schiffswerft GmbH, à Wismar (ci-après dénommée "MTW"), et de Volkswerft GmbH, à Stralsund (ci-après dénommée "Volkswerft"), ainsi que sur le versement non autorisé d'un crédit à l'investissement à MTW.
La Commission a publié sa décision d'ouvrir la procédure au Journal officiel des Communautés européennes(1); les autres États membres et autres intéressés ont été invités à présenter leurs observations sur cette affaire.
L'Allemagne a pris position sur cette décision de la Commission par lettre du 3 septembre 1996. Elle lui a en outre transmis un rapport de la "Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben" (ci-après dénommée "BvS") sur la perte de 854 millions de marks allemands dans le contexte du dépôt de bilan de BVV, et lui a fait parvenir, par lettre du 22 juillet 1996, le rapport de la société d'expertise comptable Susat & Partner (ci-après dénommée "Susat") concernant les apports des "chantiers de l'Est" (c'est-à-dire MTW et VWS) au système centralisé de concentration des fonds de BVV. Le rapport final remanié date du 5 septembre 1996.
Par lettre du 19 juillet 1996, la Commission a transmis à l'Allemagne les observations que deux États membres lui avaient fait parvenir à l'ouverture de la procédure. L'Allemagne a pris position sur ces observations dans la lettre susmentionnée du 3 septembre 1996.
Les observations et les rapports d'expertise transmis à la Commission après l'ouverture de la procédure principale d'examen ont permis de comprendre beaucoup mieux l'ampleur du détournement de fonds et le fonctionnement du système de concentration des fonds. Des zones d'ombre subsistaient toutefois, surtout en ce qui concernait l'utilisation des fonds dans les différentes sociétés de BVV. Afin de pouvoir prendre une décision raisonnée sur la restitution des aides et de donner au préalable à tous les autres intéressés, et plus particulièrement aux entreprises intéressées, la possibilité de présenter leurs observations, la Commission a décidé d'étendre la procédure engagée en vertu de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Dans cette décision, la Commission a exposé les faits tels qu'ils se présentaient au vu des documents alors disponibles et a procédé à une appréciation provisoire des résultats de l'enquête menée sur cette affaire.
Par lettre du 22 novembre 1996, la Commission a informé l'Allemagne de sa décision d'étendre la procédure et a publié cette décision au Journal officiel des Communautés européennes(2).
Deux États membres, deux fédérations industrielles et sept entreprises dans lesquelles BVV détenait ou détient encore des participations, ont présenté des observations sur la décision d'étendre la procédure. Par lettre du 17 avril 1997, la Commission a transmis ces observations à l'Allemagne.
L'Allemagne y a répondu par lettre du 17 juillet 1997 et a déclaré ne pas être en mesure de prendre position sur les observations présentées du fait que les enquêtes sont toujours en cours et que des procédures sont en instance devant les tribunaux. Cette lettre contient en outre un exposé de l'évolution du système de concentration des fonds pendant les quatre mois qui ont précédé l'ouverture de la procédure de liquidation des biens de BVV.
II. FAITS
Les lettres susmentionnées et les décisions de la Commission des 20 décembre 1992(3), 21 décembre 1993(4), 11 mai 1994(5), 21 juin 1995(6), 20 septembre 1995(7) et 14 novembre 1995(8) permettent d'établir les faits suivants:
1. Régime dérogatoire applicable aux chantiers navals dans l'ancienne République démocratique allemande
Le 20 juillet 1992, le Conseil a arrêté la directive 92/68/CEE(9) modifiant la directive 90/684/CEE(10) (septième directive concernant les aides à la construction navale) pour permettre aux chantiers navals des nouveaux Länder de faire l'objet de toute urgence d'une restructuration globale afin de devenir concurrentiels.
Lors de l'adoption de ladite directive, la Commission s'est engagée à faire usage de ses pouvoirs de surveillance et d'enquête pour s'assurer que les chantiers des nouveaux Länder ne recevraient que les aides nécessaires à leur restructuration. Il fallait donc que les aides soient versées par tranches. Toutefois, conformément à la directive 92/68/CEE, les aides au fonctionnement devaient être versées au 31 décembre 1993, c'est-à-dire avant que la majeure partie des pertes d'exploitation aient eu un effet sur la liquidité.
2. Versement des aides
MTW-Schiffswerft a été cédée le 11 août 1992 à "Hanse-Holding", société appartenant à BVV. Le 2 octobre 1992, l'Allemagne a notifié les aides prévues dans le cadre de la privatisation. Les autorités allemandes ayant compris (à la lumière des discussions du début de l'été 1992 concernant la directive 92/68/CEE) que la Commission n'autoriserait les aides prévues que par tranches, la Treuhandanstalt a conclu une convention annexe le 1er octobre 1992. Cet accord a permis de supprimer du contrat de privatisation la réserve selon laquelle, en particulier, le versement des aides était subordonné à l'autorisation de la Commission. Le montant global de compensation (686,5 millions de marks allemands environ) a donc été versé les 6 octobre 1992 (343,8 millions de marks allemands), 6 janvier 1993 (275,1 millions de marks allemands) et 1er décembre 1993 (67,6 millions de marks allemands) à MTW. Le paiement a été effectué sous la forme d'un prêt dont les intérêts ne seraient exigibles qu'à l'issue de la procédure relative aux aides. Dès que la Commission donnerait son accord, l'obligation de verser des intérêts cesserait rétroactivement à compter du jour du versement du capital. Cet accord annexe n'a pas été notifié à la Commission, et l'Allemagne ne l'a transmis que le 18 novembre 1996, en réponse à des demandes réitérées de renseignements concernant le rapport SUSAT.
Par lettre du 6 janvier 1993, la Commission a autorisé le versement d'une première tranche de 223,3 millions de marks allemands d'aides à la restructuration. En raison du délai indiqué dans la directive 92/68/CEE pour les aides au fonctionnement, à la demande de la Commission, les 463,2 millions de marks qui n'avaient pas encore été libérés à la fin de 1993 ont été versés sur un compte bloqué (de l'entreprise, et non de la Treuhandanstalt comme attendu). Les versements de ce compte bloqué n'ont ensuite été effectués qu'après autorisation de la Commission, soit les 18 mai 1994 (220,8 millions de marks), 5 octobre 1995 (194,0 millions de marks) et 3 avril 1996 (48,4 millions de marks)(11).
Le contrat de privatisation prévoyait, outre le versement du montant global de compensation, l'octroi d'un prêt de 112,4 millions de marks allemands à MTW pour financer des investissements. Le prêt était exonéré d'intérêts pendant quatre ans et devait ensuite être assorti d'un taux supérieur de 1,5 % au taux d'escompte. Ce prêt a été notifié le 2 octobre 1992, en même temps que l'ensemble des mesures d'aide. La Commission et l'Allemagne étaient d'accord sur le fait que ce prêt, vu la bonification d'intérêt dont il était assorti, constituait incontestablement une aide d'État; l'équivalent - aide a été estimé à 45 millions de marks. La Commission n'a jamais donné le feu vert à l'octroi de ce prêt, car aucun besoin de financement n'est apparu en matière d'investissements jusqu'au terme du délai de réflexion. Par lettre du l5 mars 1996, l'Allemagne a indiqué que le prêt avait été octroyé le 22 mars 1993. Ces crédits n'ont jamais été utilisés par MTW pour financer des investissements.
Volkswerft a été cédée le 18 février 1993 à un consortium dirigé par BVV. L'Allemagne a transmis le contrat de privatisation le 17 mars 1993, mais la notification proprement dite des aides date du 7 mai 1993. Une convention annexe comparable à celle de MTW a été conclue le 9 mars 1993. Le montant global de compensation de 585 millions de marks allemands a été versé en trois tranches égales le 25 mars 1993, le 2 août 1993 et le 6 janvier 1994. Contrairement aux attentes de la Commission, aucun compte bloqué n'a été ouvert dans le cas de Volkswerft. Une copie de l'accord de paiement a été adressée à la Commission le 18 novembre 1996.
L'Allemagne considère que le paiement anticipé de ces crédits était justifié par le fait que les acheteurs n'auraient sinon pas été disposés à reprendre la direction de ces établissements, ce qui était de toute urgence nécessaire. De plus, les crédits octroyés portaient des taux d'intérêt correspondant à ceux du marché et ont donc été attribués en conformité avec le droit applicable en matière d'aides d'État. L'Allemagne cherche à légitimer l'absence d'ouverture d'un compte bloqué pour les crédits destinés à Volkswerft en arguant que la Treuhandanstalt ne l'avait pas jugé nécessaire, essentiellement parce que la Commission avait autorisé toutes les aides au fonctionnement en décembre 1993.
3. Contrôle de l'utilisation des aides
Les aides en faveur de MTW et de Volkswerft se composaient d'aides au fonctionnement, d'aides aux investissements, ainsi que d'aides à la fermeture destinées à financer la réduction d'effectifs liée à la restructuration. Si la Commission a autorisé, conformément à la directive 92/68/CEE, le versement en bloc des aides au fonctionnement destinées à couvrir les pertes prévues liées au contrat et à renforcer les fonds propres des entreprises, elle a approuvé les tranches d'aide aux investissements et à la fermeture sur la base des décaissements effectifs et prévus dans un avenir proche. Toutefois, étant donné que la Commission n'avait pas connaissance des versements effectués sans son approbation, le montant des crédits réellement attribués s'écartait notablement du montant qui devait être payé en application des décisions prises par la Commission sur le déblocage des aides. De fait, seuls les fonds destinés à MTW, placés à partir de fin 1993 sur un compte bloqué, ont été versés en application des décisions correspondantes de la Commission.
Les deux chantiers navals ont, dans un premier temps, mis à la disposition de BVV les fonds dont ils n'avaient pas encore besoin pour procéder à leur restructuration sous forme de placements à terme portant intérêt, dans le cadre d'accords individuels. Depuis octobre 1993, BVV avait mis en place un système de concentration des fonds(12). MTW et Volkswerft ont adhéré à ce système à la fin de 1994, sur instruction de la direction du groupe. Devant le refus constant de BVV de garantir, par le biais de cautionnements bancaires, les dépôts des deux chantiers navals, la BvS avait renoncé aux exigences qu'elle avait formulées initialement sur ce point.
Conformément à la directive 92/68/CEE, l'Allemagne devait apporter la preuve, sous forme de rapports annuels établis par un expert-comptable indépendant, que les aides versées s'appliquaient exclusivement aux activités de chantiers situés dans l'ancienne République démocratique allemande. La Commission était, en outre, convenue avec l'Allemagne que cette dernière élaborerait des rapports trimestriels sur l'utilisation des fonds, rapports qu'elle a présentés pour la plupart avec un retard considérable. C'est la société d'expertise comptable qui avait vérifié les comptes annuels de BVV qui a établi ces rapports.
Ces rapports confirment que les crédits autorisés par la Commission sont exclusivement allés à MTW et à Volkswerft, que MTW et Volkswerft ont été gérées (en 1994) en tant qu'entreprises elles-mêmes responsables de leurs recettes et de leurs coûts et que les opérations réalisées entre MTW/Volkswerft et les entreprises de BVV n'ont donné lieu à aucun détournement. En ce qui concerne les investissements des chantiers navals dans BVV, ces rapports attestent qu'ils ont été réalisés aux conditions du marché, comme l'exigeait la Commission. Le rapport de SUSAT conclut que les auteurs des rapports sur le contrôle de l'utilisation des fonds n'ont pas totalement rempli leur mission; connaissant les attentes de la BvS et de la Commission, ils auraient dû au moins assortir leurs conclusions de la réserve qu'ils n'avaient pas examiné les fonds déposés auprès de BVV, en particulier dans le système de concentration.
BVV a enregistré en 1994 un excédent annuel de 56,5 millions de marks allemands et, au début de l'été 1995, elle envisageait de reprendre la distribution des dividendes. SUSAT conclut dans son rapport "que le directoire (de BVV) a, en 1994 et au début de l'exercice de 1995, présenté les résultats du groupe d'une manière exagérément positive. Bien que les comptes annuels du groupe au 31 décembre 1994 (...) soient encore conformes aux règles actuelles de comptabilité générale pour l'établissement et l'évaluation des bilans ainsi qu'à l'interprétation des principes de tenue régulière des comptes, la marge d'appréciation (...) a été à chaque fois utilisée au maximum."
Dans l'ensemble, les rapports transmis par BVV et les précédents experts-comptables présentaient donc les opérations financières d'une manière incomplète et dressaient un tableau trop favorable de la situation économique de BVV.
4. Investigations destinées à déterminer l'ampleur du détournement de fonds
Les premiers problèmes de trésorerie de BVV sont apparus en septembre 1995, mais l'entreprise a donné l'impression que ces difficultés avaient été résolues en quelques jours. Cependant, la situation s'est de nouveau détériorée fin octobre-début novembre 1995. La Commission a alors demandé, d'abord par lettre du 10 novembre 1995, si les conditions des transferts à BVV de crédits destinés à MTW respectaient toujours l'interdiction du détournement. Elle a posé de nouvelles questions concernant Volkswerft le 27 novembre 1995. En décembre et en janvier, la Commission a envoyé de nouvelles lettres de mise en demeure et des interventions à haut niveau ont eu lieu. Il ressort des rapports transmis par l'Allemagne que les autorités allemandes étaient au courant, dès la fin octobre 1995, des pertes extrêmement élevées subies par BVV et qu'elles savaient, au moins depuis la réunion du 29 novembre 1995 entre BVV, la BvS et diverses autorités, qu'un détournement de fonds s'était produit à grande échelle et que les crédits destinés aux chantiers de l'est "n'étaient plus disponibles pour la finalité initialement prévue". Or, la Commission n'a reçu un premier rapport que le 2 février 1996, suivi, le 23 février 1996, d'un rapport intermédiaire élaboré par la nouvelle société d'expertise comptable, KPMG, désignée entre-temps par la BvS. La Commission a, par conséquent, été contrainte de fonder sa décision d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité sur ces rapports provisoires et incomplets.
Le rapport intermédiaire de KPMG contient un premier relevé des principaux emplois et bénéficiaires des fonds prélevés du système de concentration. Ce relevé a été établi à partir d'une lettre adressée le 31 janvier 1996 à la BvS par un cadre de BVV. L'origine des fonds se trouvant dans le système de concentration n'avait alors guère été examinée, ce qui explique que le texte de la décision d'ouverture de la procédure d'enquête n'ait pu mentionner qu'une fourchette des crédits éventuellement détournés.
L'Allemagne a alors chargé la SUSAT de clarifier les faits. Dans la première partie de sa prise de position du 3 septembre 1996, le gouvernement allemand rend compte des résultats des investigations menées sur l'utilisation des aides par BVV et confirme que MTW et Volkswerft avaient déposé, au 31 décembre 1995, un total de 854,0 millions de marks allemands dans le système de concentration des fonds de BVV(13). SUSAT est d'avis qu'il est impossible de déterminer avec certitude la part que représentent les aides d'État dans ce montant, ni d'imputer les différents versements effectués à partir du système de concentration des fonds aux aides ou aux montants versés par MTW et VWS, car d'autres filiales de BVV, comme Flender Werft ou STN Atlas Elektronik, avaient également contribué à alimenter ce fonds. À la fin de 1995, les versements au système de concentration s'élevaient au total à 972,1 millions de marks, parmi lesquels figuraient les 854 millions de marks provenant de MTW et de Volkswerft(14).
Au fil du temps, les aides ont été à ce point mêlées à d'autres fonds des chantiers, comme des acomptes reçus ou des fonds propres, qu'il n'est plus possible de les distinguer en tant que telles. Toutefois, si l'on suppose que toutes les aides non encore utilisées au 31 décembre 1995 ont été versées dans le système de concentration des fonds, on peut déterminer comme suit le montant des aides:
>EMPLACEMENT TABLE>
Les aides régionales figurant dans le relevé ont été accordées dans le cadre du régime d'aide intitulé "Tâche d'intérêt commun: amélioration des structures économiques régionales". Conformément à l'accord de privatisation des chantiers, elles devaient être restituées à la BvS.
5. Investigations destinées à établir à quelles fins les fonds détournés ont été utilisés
Il a été extrêmement difficile d'éclaircir la question de l'affectation réelle des fonds détournés. Bien que BVV ait annoncé l'ouverture d'une procédure de concordat le 21 février 1996, ce n'est que peu de jours avant l'annonce du dépôt de bilan, le 1er mai 1996, que le nouveau président du directoire s'est montré prêt à mettre des documents à la disposition des collaborateurs de SUSAT et à relever les précédents commissaires aux comptes de leur obligation de réserve. Les documents sollicités n'ont été remis qu'ultérieurement et d'une manière partielle. Les membres de BVV chargés des finances et du contrôle interne ont de plus déclaré qu'ils n'étaient pas disposés à engager des discussions. Il n'a donc pas été possible de vérifier les informations de BVV figurant dans la lettre du 31 janvier 1996 (voir ci-dessus). Comme l'indique la décision de la Commission concernant l'extension de la procédure, SUSAT considérait qu'elle n'avait aucune raison de mettre en doute l'exactitude des déclarations de BVV. Selon elle, les chiffres ne reflétaient toutefois pas l'ensemble des mouvements de fonds réalisés pendant la période 1993-1995, mais concernaient des opérations isolées. De même, elle estime que les données ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien direct entre les apports de MTW et de Volkswerft et certaines utilisations des fonds.
Les avocats de DSR-Senator Lines GmbH ont cependant prouvé, à l'aide de la lettre transmise par l'Allemagne le 19 décembre 1996, que les indications fournies par BVV étaient manifestement en partie inexactes, ce que SUSAT a également reconnu dans la lettre du 5 février 1997(15).
Il apparaît donc que, dans l'ensemble, les déclarations de BVV du 31 janvier 1996 ne peuvent servir à prouver le détournement de fonds. La Commission a demandé à plusieurs reprises à l'Allemagne de poursuivre ses efforts en vue d'élucider la question de l'emploi des aides dans les divers secteurs d'activité de BVV entre 1993 et 1995. L'Allemagne a finalement répondu sur ce point à la Commission, par lettre du 17 juillet 1997, dans laquelle elle déclarait notamment: "Le gouvernement allemand ne dispose pas d'éléments probants en ce qui concerne l'emploi des crédits soustraits aux chantiers navals par l'intermédiaire du système de concentration des fonds. Malgré toutes les investigations menées en vue de faire valoir les droits de la BvS, également à l'égard de membres du directoire de BVV(16), il n'est pas possible pour l'instant d'imputer précisément ces crédits à des opérations financières bien précises dans BVV". D'après les renseignements actuellement disponibles, il n'existe apparemment pas de preuves directes attestant que les aides en faveur des chantiers de l'Est ont été employées pour couvrir certaines dépenses d'autres entreprises du groupe BVV.
Étant donné qu'il n'est pas possible, pour les raisons mentionnées ci-dessus, d'apporter une preuve directe de l'utilisation des aides détournées, SUSAT s'est surtout efforcée de de la déduire des comptes des entreprises du groupe dans le système de concentration des fonds, mais cet examen n'a donné que des résultats limitées.
- Le système de concentration des fonds a été instauré dans les années 1993/1994, afin de couvrir, aussi largement que possible, les besoins en liquidité des différents secteurs d'activité et entreprises du groupe par des ressources internes et, partant, de limiter le recours, onéreux, aux lignes de crédit des banques. Les différentes entreprises du groupe ont adhéré au système par le biais d'un contrat conclu avec BVV; dans certains cas, en particulier dans celui de MTW, la direction du groupe a exercé une pression considérable à cet effet. À partir du début de 1995, la quasi-totalité des opérations de paiement ont été exécutées par l'intermédiaire du système de concentration des fonds. Le nombre d'opérations comptables est, par conséquent, extrêmement élevé et il est techniquement impossible de déterminer la part de l'aide dans une opération de paiement. Enfin, les capitaux étaient brassés pratiquement tous les jours et les aides étaient indissolublement mêlées à des fonds provenant d'autres sources.
- Le système de concentration des fonds avait une structure pyramidale. Les crédits n'étaient par conséquent conclus qu'entre une filiale et sa société mère immédiate, généralement une holding intermédiaire placée sous l'autorité de la holding BVV elle-même. Les soldes des holdings intermédiaires étaient compensés en utilisant le compte correspondant de la holding BVV, qui décidait également de l'octroi de lignes de crédit aux différentes sociétés du groupe. En ce qui concerne MTW et Volkswerft, la holding intermédiaire était Vulkan Schiffbau Verbund GmbH (VSV), qui réunissait toutes les activités de construction navale et d'armement du groupe(17). Du fait de cette structure pyramidale, il n'y a jamais eu d'opérations de crédit directes entre MTW/Volkswerft et les autres unités opérationnelles de BVV, celles-ci étant exclusivement conclues avec VSV. D'après les dispositions du droit allemand applicables en matière de responsabilité au sein d'un groupe de fait, les créances de ces chantiers existent cependant également vis-à-vis de la holding de coordination BVV.
- Il a été mis fin au système de concentration des fonds entre décembre 1995 et février 1996; à ce moment là, les problèmes de BVV étaient tels qu'ils ne permettaient plus une activité normale que dans certains domaines. Lorsque le système a été clôturé, les comptes n'ont pas été compensés, mais chaque société s'est trouvée en position soit créditrice soit débitrice. Le fait qu'une entreprise du groupe soit en position débitrice ne permet toutefois pas de conclure directement que cette entreprise a bénéficié du détournement d'aides. Certes, dans la majorité des cas, les entreprises étaient constamment soit en position débitrice soit en position créditrice(18), mais, dans la phase finale, la situation de plusieurs entreprises s'est modifiée plus ou moins fortuitement grâce à des rentrées de fonds sans rapport avec des aides publiques. Depuis de nombreuses années déjà, BVV enregistrait des pertes et sa position dans le système de concentration des fonds était par conséquent depuis longtemps débitrice. Or, vers la fin de 1995, le chantier a reçu une série de paiements intermédiaires pour des bateaux en construction et sa position était finalement créditrice. À l'inverse, les résultats de Geeste Metallbau GmbH, un fournisseur du chantier, étaient positifs depuis des années. Ce n'est que lorsque BVV a exigé rétroactivement des concessions tarifaires et a refusé d'acquitter ses factures que la position de la société est devenue débitrice. En outre, les prix de transfert pratiqués pour les opérations au sein du groupe ne correspondaient pas aux prix réels du marché. En particulier, l'analyse des livraisons de bateaux construits par les chantiers du groupe à des compagnies d'armement liées à ce dernier montre que les prestations étaient surévaluées. Enfin, il convient de tenir compte du fait que, dans un certain nombre de cas, la position créditrice des entreprises s'explique aussi par une remise de dettes des sociétés holding.
En résumé, on peut donc dire que la situation finale des comptes dans le système de concentration des fonds ne représente qu'un instantané de la position financière interne des sociétés du groupe. Du fait de la structure pyramidale du système, MTW et Volkswerft ne peuvent pas faire valoir de créances sur d'autres sociétés opérationnelles du groupe. Certes, du point de vue économique global, il est tout à fait évident que les montants considérables utilisés par BVV dans le cadre du système de concentration des fonds provenaient en grande partie d'aides destinées à MTW et à Volkswerft. De même, les entreprises dont les résultats étaient constamment négatifs ont donc très probablement profité de l'utilisation abusive de certaines aides. Étant donné que les aides étaient en permanence mélangées à d'autres crédits, et pour les autres raisons susmentionnées, la part que représentent les aides dans les dettes finales des différentes sociétés filiales ne peut toutefois être évaluée qu'à l'aide d'une série d'hypothèses. D'une manière générale, cependant, la preuve indubitable que certains montants détenus par une filiale sont en fait des aides, ne peut être apportée. L'Allemagne s'est donc ralliée à l'appréciation de SUSAT, selon laquelle rien ne prouve qu'il existe un lien direct entre les versements réalisés à partir du système de concentration des fonds et les apports de MTW et de Volkswerft(19). Dans le cas de Dörries Scharmann AG qui, d'après la lettre de l'Allemagne du 3 septembre 1996, a, à elle seule, puisé 304,5 millions de marks allemands sous forme de crédits dans le système de concentration des fonds, il convient néanmoins de considérer que l'entreprise a incontestablement bénéficié d'aides détournées. L'ensemble des versements nets en provenance d'autres sources n'auraient autrement pas suffi pour couvrir les besoins de financement de cette entreprise.
6. Mesures prises par les autorités allemandes pour récupérer les fonds détournés
Les aides détournées constituent une partie des fonds que MTW et Volkswerft ont affectés à BVV par l'intermédiaire de VSV sous forme de crédits octroyés dans le cadre du système de concentration des fonds. BVV comme VSV sont en faillite depuis le 1er mai 1996. Les demandes de rétrocession de MTW et de Volkswerft figurent dans l'état des créances pour les deux procédures de faillite et ont été confirmées par l'administrateur judiciaire, à l'exception des montants les plus faibles (qui ne sont pas significatifs du point de vue des aides). Les aides et les autres fonds placés dans le système de concentration peuvent donc être restitués, pour autant que BVV ou VSV disposent encore de ressources ou d'éléments d'actif réalisables. La réalisation d'éléments d'actif dans le cadre d'une faillite englobe les parts détenues dans les filiales et les créances de BVV et de VSV à l'égard des filiales.
Une fois close la procédure de faillite, il sera satisfait aux demandes de rétrocession de MTW et de VWS à concurrence du pourcentage accordé aux créanciers dans la masse. Dès 1996, l'administrateur judiciaire de BVV a déclaré qu'aucun pourcentage ne pourrait vraisemblablement être versé pour les créances ordinaires.
Lors de la reprise de MTW et de VWS, toutes leurs créances vis-à-vis de BVV et de VSV ont été transférées à la BvS, qui se charge à présent de leur exécution. La BvS a dans le même temps renoncé à toutes les créances à l'égard des deux chantiers. Comme l'a exposé la Commission dans sa proposition de règlement concernant les aides en faveur de certains chantiers navals en cours de restructuration, cette mesure était indispensable à la poursuite des restructurations(20).
Outre les droits qu'elle fait valoir dans le cadre de la procédure de faillite, la BvS a intenté auprès du Landgericht de Brême une action en dommages-intérêts contre cinq membres du directoire de BVV. Le 8 octobre 1997, le tribunal a rejeté quatre de ces actions et n'a pas reconnu la responsabilité personnelle de ces membres du directoire. La BvS a fait appel de ces décisions; en ce qui concerne la cinquième procédure, le jugement n'a pas encore été prononcé.
III. OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR DES TIERS CONCERNANT L'EXTENSION DE LA PROCÉDURE
À la suite de l'ouverture de la procédure, deux États membres ont transmis leurs observations à la Commission. Une présentation en a déjà été faite à l'occasion de l'extension de la procédure(21).
Deux États membres, deux fédérations nationales de la construction navale et sept entreprises ont pris position sur l'extension de la procédure.
Un des États membres est d'avis que, premièrement, le montant des aides qui n'ont pas été autorisées par le Conseil et la Commission devrait, selon la pratique courante, être récupéré auprès des entreprises (c'est-à-dire MTW et Volkswerft). Deuxièmement, toute aide perçue illégalement par d'autres entreprises de BVV devrait être remboursée. Le deuxième État membre émet des doutes sur la nécessité d'accorder de nouvelles aides à la restructuration en faveur de MTW et de Volkswerft. Il estime que la cession des actifs de BVV aurait dû couvrir les besoins de liquidité des deux chantiers.
La présente procédure ne porte pas sur l'appréciation de nouvelles aides à la restructuration en faveur de MTW et de Volkswerft. Cette question a fait l'objet de discussions au sein du Conseil dans le cadre du règlement (CE) no 1013/97 du Conseil du 2 juin 1997 concernant les aides en faveur de certains chantiers navals en cours de restructuration(22). La Commission souhaite cependant rappeler que le produit de la cession des éléments d'actif de BVV est allé exclusivement aux créanciers privilégiés. Ces fonds ne permettaient pas de financer la poursuite de la restructuration de MTW et de Volkswerft.
De même, une fédération de la construction navale se déclare résolument opposée à l'octroi de nouvelles aides en faveur de MTW et de Volkswerft. Elle considère que les chantiers étaient eux-mêmes responsables des transferts de fonds à la société mère et que, de ce fait, ils devraient également se charger de leur recouvrement. En outre, elle est d'avis que les aides doivent, en totalité, être restituées à l'État s'il s'avère impossible de prouver qu'elles ont été utilisées conformément à leur destination. L'argument selon lequel le gouvernement allemand n'avait aucun moyen d'agir sur le détournement de fonds n'est, selon elle, pas valable. Celui-ci aurait en effet dû, conformément aux décisions du Conseil et de la Commission, exercer une influence suffisante pour assurer la surveillance de l'utilisation adéquate des aides. La fédération exige enfin que la Commission améliore et uniformise le contrôle de l'utilisation des aides. Tant que cet objectif n'est pas atteint, la Commission ne devrait pas prendre de décisions d'octroi de nouvelles aides.
D'après une deuxième fédération de la construction navale, MTW et Volkswerft ont certainement tiré profit du système de concentration des fonds par le biais de leurs relations avec BVV. Elle considère que BVV a, en tout état de cause, bénéficié d'avantages concurrentiels par rapport aux chantiers de la fédération et que ces pratiques sont en partie responsables de la chute des prix sur le marché de la construction navale. Cette fédération considère en outre que quatre chantiers est-allemands sur cinq n'ont pas respecté leur limitation de capacité en 1996. L'ensemble de ces éléments doivent être pris en compte dans la décision d'octroi de nouvelles aides à MTW et à Volkswerft.
Comme cela a été indiqué ci-dessus, la présente procédure n'a pas pour objet l'attribution des nouvelles aides. En ce qui concerne le dépassement de la capacité, d'après les informations dont dispose la Commission, seule MTW serait concernée. La Commission a sanctionné cette infraction dans sa décision du 30 juillet 1997(23).
Les sept entreprises, qui, antérieurement, étaient toutes liées à BVV, soit comme filiales, soit comme sociétés associées, déclarent unanimement qu'elles n'avaient pas connaissance du refinancement du système de concentration des fonds ou de l'utilisation abusive des aides. Sur la base des déclarations faites par la direction du groupe, elles avaient tablé sur l'existence d'importantes lignes de crédit bancaires et d'un montant considérable de liquidités disponibles. Certaines entreprises du groupe mentionnent en outre que leur indépendance était précisément limitée en matière de stratégie financière, d'acquisition de nouvelles filiales et d'exécution de grosses commandes au sein du groupe. Elles n'étaient donc, par conséquent, pas responsables économiquement des pertes qu'elles devaient couvrir par le biais d'engagements contractés dans le cadre du système de concentration des fonds. D'après les déclarations de Lloyd Werft Bremerhaven, de Schichau Seebeckwerft AG et de Volkswerft, cela a notamment été le cas au second semestre de 1995, lorsque ces entreprises ont été contraintes de souscrire des emprunts en faveur du groupe et ont alors dû donner en garantie une partie de leurs actifs.
Enfin, DSR-Senator Lines a indiqué qu'il était exclu que l'entreprise ait pu bénéficier d'un détournement d'aides par l'intermédiaire du système de concentration des fonds. Selon elle, les apports de liquidité ont essentiellement eu lieu à un moment où les deux chantiers ne disposaient pas encore des crédits en question; du reste, DSR-Senator Lines n'a jamais adhéré au système de concentration des fonds.
Dans sa réponse, le gouvernement allemand souligne que, malgré toutes les investigations qu'il a menées, il ne dispose d'aucun élément probant sur l'utilisation des aides. Il est d'avis que le grand nombre de versements et de prélèvements réalisés par les entreprises participant au système de concentration des fonds empêche de prouver concrètement l'affectation de certaines aides. Du reste, tant que le contraire n'est pas démontré, il convient de considérer que les entreprises qui ont bénéficié du système de concentration des fonds n'avaient pas connaissance des aides qui sortaient des chantiers et ne pouvaient les reconnaître comme telles. Dans le cas notamment où BVV était contractuellement tenue de financer les entreprises(24), la direction de ces entreprises était en droit de penser qu'elles pouvaient, à cette fin, bénéficier des fonds du système de concentration. L'Allemagne se réserve cependant le droit d'engager d'autres actions en cas d'éléments nouveaux et considère par conséquent qu'il n'est pas en mesure de prendre position sur les observations présentées par les différentes entreprises.
IV. APPRÉCIATION
Les notifications des programmes de restructuration destinés à MTW et à Volkswerft étaient dès le départ incomplètes et donc partiellement fausses sur le fond, puisque l'Allemagne n'avait pas informé la Commission des accords passés avec BVV sur le versement des montants globaux de compensation. Les raisons invoquées, à savoir d'une part, le risque que BVV aurait pu refuser, en cas de conditions de paiement différentes, de reprendre les chantiers et, d'autre part, le fait que le gouvernement allemand supposait que la Commission l'autoriserait à verser, en bloc, le montant global des aides, ne sauraient justifier cette façon de procéder. L'argument de l'Allemagne, affirmant que les paiements anticipés ont été réalisés sous forme de crédits octroyés aux conditions du marché est incorrect du simple fait de l'existence d'un accord prévoyant qu'elle renoncerait, rétroactivement, à percevoir les intérêts dont les montants d'aide non encore autorisés étaient assortis une fois que la Commission aurait donné le feu vert aux aides en question. Conformément à l'article 11, paragraphe 2, de la directive 90/684/CEE, les États membres sont tenus de notifier préalablement à la Commission et de ne pas mettre en oeuvre sans son autorisation des régimes d'aide nouveaux. Or, l'Allemagne n'a pas respecté cette disposition. La violation a duré pendant toute la période allant d'octobre 1992 jusqu'à l'effondrement de BVV, puisque, même lorsqu'elle a demandé le déblocage de tranches d'aide supplémentaires, l'Allemagne n'a pas informé la Commission des versements déjà effectués.
Tant les articles 6 et 7 de la directive 90/684/CEE que, surtout, la disposition dérogatoire insérée par la directive 92/68/CEE (article 10 bis) disposent que l'ensemble des aides versées pour la restructuration devraient avoir une affectation précise et aller exclusivement aux chantiers situés dans les nouveaux Länder. Lors de l'adoption de la directive 92/68/CEE, la Commission s'était en outre engagée à veiller à ce que les chantiers des nouveaux Länder ne reçoivent que les aides nécessaires à leur restructuration. La Commission a rappelé ces dispositions dans chacune de ses décisions relatives au déblocage des tranches d'aide. Ces décisions comprenaient du reste une justification du calcul de chaque tranche d'aide. En ce qui concerne les aides au fonctionnement, la Commission a pris en compte les besoins des chantiers et le délai fixé à l'article 10 bis, paragraphe 2, point a). Pour calculer les tranches d'aide aux investissements et d'aide à la fermeture autorisées en vertu des articles 6 et 7 de la directive 90/684/CEE, la Commission s'est basée, en conformité avec ces dispositions, sur les besoins de financement découlant des programmes d'investissements et de réduction de personnel présentés par l'Allemagne. Au cours de la procédure, l'Allemagne n'a transmis aucun renseignement qui aurait justifié, objectivement, le paiement anticipé des aides qui n'avaient pas encore été autorisées. Au contraire, en ce qui concerne les aides au fonctionnement, du fait de l'échéance fixée à l'article 10 bis, des versements ont eu lieu bien avant l'apparition des besoins financiers réels. De même, les retards répétés de la réalisation des programmes d'investissement expliquent que le montant des aides aux investissements ait quasiment toujours dépassé les besoins du moment. Le versement d'aides au fonctionnement sans l'approbation préalable de la Commission et dans des proportions supérieures aux montants autorisés était donc illégal, et ce pas seulement sur le plan formel. Sur le fond également, il n'était pas justifié et compatible avec l'article 6 et l'article 10 bis de la directive 90/684/CEE.
Cette appréciation vaut en particulier pour le "prêt à l'investissement" de 112,4 millions de marks allemands en faveur de MTW-Schiffswerft, versé le 22 mars 1993, mais qui n'a jamais été employé à cette fin, et pour des aides aux investissements d'un montant de 70,5 millions de marks destinées à Volkswerft, versées en janvier 1994 alors qu'il n'existait dans ce secteur aucun besoin, du moins jusqu'à l'effondrement de BVV.
De même, les aides à finalité régionale qui ont alimenté le système de concentration des fonds à concurrence de 44,1 millions de marks allemands au total (16,0 millions de marks pour MTW et 28,1 millions pour Volkswerft) ne peuvent pas non plus être considérées comme compatibles avec le marché commun. Il est vrai que ces montants peuvent s'expliquer par le financement de la restructuration, assuré à la fois par des fonds de la Treuhandanstalt et par le régime d'aide intitulé "Gemeinschaftsaufgabe" (tâche d'intérêt commun). Du point de vue de ces fournisseurs d'aide, ces fonds ne devaient toutefois pas rester dans les entreprises, mais, conformément aux contrats de privatisation, être remboursés à la Treuhandanstalt/BvS. Pourtant, au bout du compte, les entreprises ont perçu des aides supplémentaires par le jeu du mécanisme de règlement choisi et le montant autorisé par la Commission, fixé dans chaque cas en fonction des besoins, a été dépassé.
Enfin, les versements anticipés ont entraîné d'importants avantages en termes d'intérêts. D'après les calculs des experts de SUSAT, les montants concernés atteindraient environ 100 millions de marks allemands pour la période comprise entre 1992 et début 1996. Sur la base des hypothèses simplificatrices, mais somme toute plausibles, figurant dans leur rapport, le total des intérêts accumulés pendant cette période s'élevait à 139,7 millions de marks, dont 39 millions de marks environ portaient sur les aides autorisées à compter du jour de leur autorisation.
Ainsi, sur les 788,7 millions de marks allemands qui, d'après les résultats des investigations menées par l'Allemagne, se trouvaient dans le système de concentration des fonds au 31 décembre 1995, quelque 327 millions de marks représentent des montants dont le versement n'a pas été autorisé par la Commission et qui, de ce fait, doivent être considérées comme incompatibles avec le traité.
À ce jour, il n'est pas encore possible d'établir avec certitude à quelles fins ont été affectées les aides versées, mais non encore utilisées. Il y a essentiellement deux raisons à cela: contrairement à la pratique commerciale habituelle, la Treuhandanstalt n'a pas énoncé, dans les contrats de privatisation, l'affectation des montants globaux de compensation, ni indiqué de procédure de contrôle à cet effet. À l'exception des montants placés à partir de la fin 1993 sur un compte bloqué, les aides se sont donc mélangées aux autres capitaux du groupe. À partir de 1995 au plus tard, cette situation est devenue irréversible en raison du nombre élevé d'opérations effectuées au sein du système de concentration des fonds. Selon les documents disponibles, en particulier l'expertise de SUSAT, il est cependant très probable qu'au moins les principaux débiteurs dans le cadre de ce système ont reçu une partie des aides détournées. Dans le cas de Dörries Scharmann AG (qui est tombé en faillite entre-temps) cela doit être considéré comme certain, même si le montant exact ne peut encore être établi jusqu'à présent. Lorsque le système des concentration de fonds a cessé d'exister, la totalité des créances de MTW et de Volkswerft ont été annulées par des dettes d'autres parties du groupe BVV. Ces créances, d'un montant de 854 millions de marks allemands, contenaient 788,7 millions de marks d'aides. II est donc ainsi établi que ces aides, contrairement à ce qui est énoncé à l'article 10 bis, paragraphe 2, point d), de la directive 90/684/CEE ne sont pas allées exclusivement aux chantiers situés dans l'ancienne République démocratique allemande et que les régimes d'aide en faveur de MTW et de Volkswerft ont été appliqués de façon abusive, au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Les aides appliquées de façon abusive doivent, en vertu de cette disposition, être supprimées ou modifiées. Une reconversion des aides au sens d'une restitution des montants détournés à MTW et à Volkswerft est exclue, puisque les deux chantiers ont cédé leurs créances à la BvS lorsqu'ils se sont séparés de BVV. Le montant global des aides détournées, à savoir 788,7 millions de marks, doit par conséquent être supprimé et restitué. L'Allemagne a fait savoir à la Commission que la BvS avait pris les dispositions nécessaires en vertu du droit allemand en vue de la restitution des aides dans le cadre des procédures de faillite de BVV et de VSV,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier
Les aides accordées à MTW-Schiffswerft et à Volkswerft Stralsund pour leur restructuration ont été versées sans avoir été au préalable notifiées intégralement à la Commission. Elles ont donc été octroyées illégalement en violation de l'article 11 de la directive 90/684/CEE et de l'article 93, paragraphe 3, du traité. Si l'on prend en compte les intérêts accumulés jusqu'à la fin 1995, les aides reçues par les deux entreprises dépassent d'environ 327 millions de marks le montant que la Commission avait autorisé. L'octroi de ce montant supplémentaire de 327 millions de marks allemands est contraire à l'article 6 et à l'article 10 bis de la directive 90/684/CEE. Ce montant d'aide est par conséquent incompatible avec le marché commun.

Article 2
Les aides mentionnées à l'article 1er, ainsi qu'une partie des aides autorisées par la Commission pour la restructuration des deux chantiers, ont été détournées au profit d'autres secteurs de Bremer Vulkan Verbund AG. Au vu des résultats des investigations menées par l'Allemagne, le montant de ces aides détournées s'élève à 788,7 millions de marks allemands. Ce détournement constitue une application abusive des aides au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

Article 3
L'Allemagne récupère auprès de Bremer Vulkan Verbund AG les aides détournées, dans le cadre de la procédure de faillite dont elle fait l'objet; de même, elle prend toutes les dispositions nécessaires en vertu du droit allemand pour réclamer aux anciennes entreprises du groupe la restitution de montants partiels, pour autant que les résultats des enquêtes le permettent. L'intérêt cumulé doit être pris en considération dans le recouvrement de l'aide conformément aux règles et procédures du droit allemand.

Article 4
L'Allemagne informe la Commission, dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer et de leurs résultats.

Article 5
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 22 juillet 1998.

Par la Commission
Franz FISCHLER
Membre de la Commission

(1) JO C 150 du 24.5.1996, p. 2.
(2) JO C 65 du 1.3.1997, p. 17.
(3) N 692/B/91 (MTW).
(4) N 692/F/91 (VWS).
(5) N 692/I/91 (MTW).
(6) N 84/95 (VWS).
(7) N 572/95 (MTW).
(8) N 801/95 (VWS).
(9) JO L 219 du 4.8.1992, p. 54.
(10) JO L 380 du 31.12.1990, p. 27.
(11) N 207/96. Ces montants restants ont été versés après l'expiration du délai de réflexion qui a suivi la séparation entre MTW et BVV.
(12) En ce qui concerne le fonctionnement du système, voir à la section II 5.
(13) D'après le rapport de l'expert-comptable, quelques opérations supplémentaires ont été encore effectuées jusqu'au 21 février 1996, de sorte que l'avoir dont disposaient à cette date les deux chantiers est-allemands s'élevait au total à 846,1 millions de marks.
(14) Le montant total des créances des deux chantiers sur BVV a augmenté, pour atteindre 868,9 millions de marks (dont 596,9 millions de marks pour MTW et 272,0 millions de marks pour Volkswerft), sous l'effet d'une série d'opérations et d'intérêts accumulés avant le dépôt de bilan de BVV.
(15) Lettre du 6 février 1997 adressée par l'Allemagne à la Commission.
(16) Les enquêtes judiciaires n'ont apporté aucun éclaircissement supplémentaire sur ce point. À ce jour, il faut supposer que, même au sein du groupe, les fonds des chantiers de l'est n'ont pas fait l'objet d'un traitement à part; voir jugement du Landgericht de Brême du 8 octobre 1997, no dossier: 4-Ö-1073/96.
(17) La société d'armement DSR Senator Lines GmbH n'appartenait pas à VSV et ne participait pas au système de concentration des fonds. Elle avait au sein du groupe le statut "d'entreprise associée" dans le secteur de la construction navale.
(18) Parmi les entreprises en position créditrice constante on trouve notamment STN Atlas Elektronik GmbH, Flender Werft AG, MTW-Schiffswerft GmbH; à l'inverse, Dörries Scharmann AG, Dieselmotorenwerk Vulkan GmbH, Schichau-Seebeckwerft AG faisaient partie des entreprises en position débitrice constante.
(19) Lettre de l'Allemagne du 17 juillet 1997.
(20) JO C 153 du 22.5.1997, p. 3.
(21) Voir note 2 de bas de page.
(22) JO L 148 du 6.6.1997, p. 1.
(23) Cas C-60/96, JO C 344 du 14.11.1997, p. 2.
(24) Ces obligations existaient surtout pour les établissements des nouveaux Länder, qui avaient été repris par la Treuhandanstalt.



Fin du document


Structure analytique Document livré le: 26/03/2001


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