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Législation communautaire en vigueur

Structure analytique

Document 396D0369

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


396D0369
96/369/CE: Décision de la Commission du 13 mars 1996 concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 146 du 20/06/1996 p. 0042 - 0048



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 13 mars 1996 concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (96/369/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62 paragraphe 1 point a),
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément aux dispositions des articles susmentionnés, et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:

LES FAITS

I
Par lettres datées respectivement des 7 mars 1988, 16 août 1988, 18 décembre 1988 et 9 avril 1991, la Commission, agissant sur la base des dispositions de l'article 93 paragraphe 1 du traité, a demandé au gouvernement allemand des informations sur les aides accordées en Allemagne aux compagnies aériennes. Le gouvernement allemand a fait suite à ces demandes par courriers respectivement des 13 avril 1988, 1er mars 1989 et 22 août 1991, lesquels faisaient notamment état du régime d'amortissement exceptionnel institué par l'article 82f du règlement d'application de l'imposition sur le revenu (Einkommensteuerdurchführungsverordnung) en vigueur en Allemagne.
Par lettres des 5 mai et 28 juillet 1992, la Commission a sollicité, de la part des autorités allemandes, des précisions sur l'origine, les modalités d'application, l'effet économique et les bénéficiaires du régime d'amortissement de l'article 82f. Le gouvernement allemand a répondu à ces deux correspondances par courriers datés respectivement des 16 juin et 3 septembre 1992.
Les informations ainsi collectées ont permis à la Commission d'avoir une bonne image du régime d'amortissement dont il s'agit. Celui-ci a été introduit dans la législation fiscale allemande en 1965 afin de renforcer la compétitivité des compagnies aériennes exposées à la concurrence internationale, ainsi qu'il ressort du treizième rapport au Parlement allemand (Bundestag) relatif aux subventions, daté du 11 novembre 1991. Il s'est par la suite révélé constituer une mesure efficace de soutien financier et a, en conséquence été prolongé pour une durée de cinq ans, jusqu'au 31 décembre 1994, par la Steuerbereinigungsgesetz de 1986. Une nouvelle prolongation d'une durée de cinq années, jusqu'au 31 décembre 1999, a été notifiée à la Commission par lettre du 8 septembre 1993 (cf. ci-dessous).
Il est nécessaire d'expliciter le contenu et les conditions d'application des dispositions de l'article 82f dont il s'agit. Comme dans la plupart des autres États membres, il existe dans la législation fiscale allemande deux systèmes généraux d'amortissement des biens dont l'usage est laissé au choix de l'entreprise contribuable sous certaines conditions: l'amortissement linéaire et l'amortissement dégressif. L'article 82f institue un troisième système, d'un usage toutefois plus spécifique, complémentaire de l'utilisation de l'amortissement linéaire mais exclusif de l'emploi de l'amortissement dégressif pour le bien considéré. Ce régime d'amortissement exceptionnel s'applique en particulier aux aéronefs utilisés à des fins commerciales pour les transports internationaux de biens ou de personnes ou pour d'autres activités de services effectuées à l'étranger. Il concerne les seuls aéronefs immatriculés en Allemagne, avec la condition supplémentaire que ceux-ci ne doivent pas faire l'objet d'une cession au cours d'une période de six années suivant leur acquisition. Lorsque l'ensemble des conditions précédentes sont réunies, les propriétaires des aéronefs ont la possibilité de procéder, durant l'année suivant l'acquisition ainsi qu'au cours des quatre années suivantes, à un amortissement exceptionnel d'un montant maximal de 30 % du total du coût d'acquisition. Ce montant d'amortissement exceptionnel peut être entièrement utilisé au cours de la première année ou bien être ventilé de façon discrétionnaire sur les cinq premières années.
L'amortissement exceptionnel ainsi comptabilisé, qui s'ajoute à l'amortissement linéaire normalement pratiqué, a pour effet de réduire d'autant le montant imposable au cours de l'année considérée. Il ne peut toutefois aboutir à une dépréciation du bien en cause supérieure à 100 % de sa valeur d'acquisition et il n'affecte pas sa durée d'amortissement. Lorsque le mécanisme d'amortissement exceptionnel est utilisé, la valeur résiduelle du bien sera ensuite amortie en fonction de sa probable durée restante d'utilisation. Il importe de rappeler que l'amortissement d'un bien est en principe fondée sur un échéancier probable de dépréciation de ce bien dont la durée est laissée à l'appréciation du contribuable. La durée normale d'amortissement d'un avion varie entre dix et quinze ans suivant les compagnies aériennes.
Il est à noter que les dispositions de l'article 82f ne visent pas seulement les aéronefs mais également, moyennant des conditions moins restrictives que pour les aéronefs, les navires de commerce et de pêche. D'après le rapport au Bundestag du 11 novembre 1991, le système constitue une bonne incitation à l'investissement, car il permet aux compagnies d'éviter de trop fortes variations de leur résultat comptable et imposable. Ce même rapport évalue à 10 millions de marks allemands l'avantage fiscal annuel découlant de ce système au profit de l'ensemble des compagnies aériennes et maritimes qui en sont bénéficiaires. Les autorités allemandes n'ont toutefois pas été en mesure de procéder à une ventilation de ce dernier montant entre les différentes compagnies concernées.
Dans le secteur maritime, les dispositions de l'article 82f ont été appréhendées jusqu'à présent dans le cadre des directives communautaires sur les aides à la construction navale. La dernière décision prise à cet égard par la Commission, relative à l'année 1995, remonte au 1er mars 1995 et a été adressée aux autorités allemandes le 6 mars 1995 (affaire N 641/93).

II
Par lettre en date du 21 avril 1993, la Commission, agissant sur la base des dispositions de l'article 93 paragraphe 1 du traité, a informé le gouvernement allemand qu'elle estimait que le mécanisme d'amortissement exceptionnel de l'article 82f constituait une aide existante de nature fiscale affectant les échanges entre les États membres et faussant la concurrence à l'intérieur du marché commun. La lettre a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (1). Constatant, en outre, que cette aide ne pouvait être considérée comme compatible en application des dispositions de l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité, la Commission a, dans ce même courrier, proposé aux autorités allemandes d'y mettre fin, dans le seul secteur de l'aviation civile, au plus tard le 1er janvier 1994. La Commission a également indiqué aux autorités allemandes qu'à défaut d'informations de nature à démontrer la compatibilité de l'aide en cause avec le marché commun, elle se réservait la possibilité d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93 paragraphe 2 du traité. Cette affaire a reçu le numéro E 4/93.
Le 28 juillet 1993, le gouvernement allemand a répondu à la Commission qu'il n'avait pas l'intention de mettre fin au mécanisme de l'article 82f en question dès lors qu'il le considérait comme compatible avec le marché commun en application des dispositions de l'article 92 paragraphe 3. Il précisait que ce mécanisme, qui permet aux compagnies aériennes allemandes de mieux étaler la charge de l'impôt, fait partie de l'ensemble du dispositif fiscal allemand et que sa suppression pénaliserait unilatéralement les compagnies allemandes étant donné qu'il existait des mesures comparables dans les autres États membres. Le gouvernement allemand indiquait également que ce mécanisme incitait les compagnies à acquérir des appareils neufs moins polluants et favoriserait ainsi tant la protection de l'environnement que la construction aéronautique communautaire.
Puis, par lettre du 8 septembre 1993, le gouvernement allemand a notifié à la Commission, au titre de l'article 93 paragraphe 3 du traité, une nouvelle prolongation du mécanisme d'amortissement exceptionnel de l'article 82f pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999. Cette nouvelle prolongation, qui résulte des dispositions des articles 1er et 8 de la Standortsicherungsgesetz, a été considérée comme une aide notifiée et enregistrée en conséquence au secrétariat général de la Commission le 12 octobre 1993 sous le n° N 640/93. À l'appui de leur notification, les autorités allemandes insistaient sur leur volonté de maintenir la compétitivité du pavillon allemand et sur le soutien aux transporteurs régionaux. Elles mettaient à nouveau en avant le rôle d'incitateur que joue le mécanisme en cause pour l'achat d'appareils neufs plus respectueux de l'environnement. À cet égard, elles évaluaient à 10 millions de marks allemands pour la période 1995-1999 la réduction d'impôt annuelle qu'engendrera le mécanisme de l'article 82f au profit du seul secteur aérien.
Dans ces conditions, la Commission a décidé, le 8 décembre 1993, d'ouvrir dans cette double affaire la procédure prévue par l'article 93 paragraphe 2 du traité. L'ouverture de la procédure visait à la fois la prolongation de la validité de la disposition fiscale en cause jusqu'au 31 décembre 1994 (affaire E 4/93) et la nouvelle prolongation pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999 notifiée le 8 septembre 1993 (affaire N 640/93). La Commission a motivé sa décision d'ouverture de la procédure en rappelant tout d'abord que la mesure fiscale instituée par l'article 82f constituait une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité dès lors qu'il s'agissait d'une mesure fiscale à caractère sectoriel, dérogatoire par rapport au cadre général fiscal allemand. Elle a ensuite considéré qu'aucune des dérogations prévues par ce même article 92 paragraphe 3, en particulier celle du point c), n'était à première vue susceptible de s'appliquer en l'espèce.
Par une lettre du 31 décembre 1993, la Commission a porté sa décision d'ouverture de la procédure à la connaissance du gouvernement allemand et l'a mis en demeure de présenter ses observations. Cette lettre a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2) et les autres États membres ainsi que les autres intéressés ont également été invités à présenter leurs observations conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 2 du traité.
Toutefois, la Commission n'a adopté aucune décision finale dans cette double affaire jusqu'au 31 décembre 1994. Aussi la prolongation jusqu'à cette date de la validité de la mesure en cause (affaire E 4/93), qui constituait alors une mesure existante, a-t-elle été de facto acceptée par la Commission. Une lettre explicitant ce point a été adressée par la Commission aux autorités allemandes le 10 mars 1995.

III
À la suite de l'ouverture de la procédure, l'Allemagne, par courriers des 24 janvier 1994 (communication du 19 janvier 1994) et 28 février 1994 (communication du 18 février 1994), et quatre autres intéressés, à savoir Airbus Industrie, la compagnie aérienne britannique British Midland, l'association allemande Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen (ADL) et la société allemande Hapag-Lloyd Fluggesellschaft mbH ont présenté des observations. Airbus Industrie mentionne les aides apportées à l'industrie aéronautique américaine par le système du Foreign Sales Corporations et recommande à la Commission une grande prudence dans cette affaire. British Midland estime que la mesure fiscale de l'article 82f est une aide incompatible avec le marché commun en raison des avantages qu'elle procure aux transporteurs allemands dans le marché communautaire libéralisé de l'aviation civile. Le gouvernement allemand ainsi que les deux autres intéressés soutiennent au contraire, d'une part, que la mesure en cause ne constitue pas une aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité, et d'autre part, qu'elle devrait, en tout état de cause, bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions de l'article 92 paragraphe 3 points b) et c). Ils font valoir à ce sujet plusieurs arguments, dont certains reprennent des éléments précédemment exposés par le gouvernement allemand et qui peuvent se résumer de la façon suivante:
- il existe des régimes d'aide semblables dans les autres États membres. En conséquence, la Commission ne peut agir à l'encontre d'un seul État membre sans méconnaître le principe d'égalité,
- il existe également des règles comparables dans les pays tiers, notamment aux États-Unis, et le comité des sages désigné par la Commission en 1993 a précisément proposé des mesures favorisant l'amortissement accéléré des avions dans les États membres afin de permettre aux compagnies communautaires de lutter contre la concurrence des compagnies des pays tiers,
- il n'est pas établi que la mesure fausse la concurrence et affecte les échanges entre les États membres, car elle n'améliore pas la position des compagnies aériennes allemandes sur le marché communautaire. De plus, le système fiscal allemand, comparé à ceux des autres États membres, est globalement assez défavorable aux entreprises,
- le mécanisme d'amortissement exceptionnel en cause ne procure aux entreprises aucun avantage par rapport aux systèmes d'amortissement linéaire ou dégressif; en particulier, le montant total amorti reste identique et le budget de l'État allemand ne supporte en définitive aucune diminution de rentrées fiscales puisque le payement de l'impôt est simplement différé,
- l'article 82f, dont les effets sont semblables à ceux de l'amortissement dégressif, est une mesure générale du droit fiscal allemand,
- l'article 82f constitue un élément indissociable de l'ensemble du système fiscal allemand et la Commission ne peut le mettre en cause au titre des dispositions régissant les aides d'État en l'absence d'une harmonisation fiscale au plan communautaire, laquelle supposerait en l'espèce le recours à l'article 101 du traité,
- la mesure vise à protéger l'environnement et à favoriser l'aviation civile et l'industrie aéronautique de la Communauté en encourageant l'achat d'avions neufs et peu polluants.
Les observations des autres intéressés ont été portées à la connaissance du gouvernement allemand. Celui-ci a formulé des commentaires sur ces observations par courrier du 3 mai 1994 adressé à la Commission.
Le gouvernement allemand a, par ailleurs, présenté de nouvelles observations dans cette affaire par courriers des 11 août 1994, 12 janvier 1995 (communication du 18 octobre 1994), 2 février 1995 et 4 octobre 1995 (communication du 28 septembre 1995).

APPRÉCIATION JURIDIQUE

IV

Sur la prorogation de la mesure en cause jusqu'au 31 décembre 1994
La prorogation des dispositions de l'article 82f jusqu'au 31 décembre 1994 en matière d'aviation civile, qui a fait l'objet tout d'abord d'une proposition de mesures utiles puis de l'ouverture de la présente procédure, constitue une aide existante au sens de l'article 93 paragraphe 1 du traité. Or, une décision finale prise par la Commission à l'égard d'une aide existante ne produit des effets qu'à compter de la date de son adoption. Aussi, dès lors qu'aucune décision finale de la Commission n'est intervenue dans cette affaire jusqu'au 31 décembre 1994, convient-il de clore la procédure qui est devenue sans objet.
Il en résulte que les entreprises allemandes intéressées peuvent appliquer les dispositions de l'article 82f en ce qui concerne leurs revenus imposables au titre de l'année 1994, qui ont fait l'objet d'une déclaration au cours de l'année 1995.

V

Sur la prorogation de la mesure en cause du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999
Aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord EEE, sont incompatibles avec le marché commun et ledit accord, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres et entre les parties contractantes, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
En l'espèce, l'amortissement exceptionnel prévu par les dispositions de l'article 82f de la Einkommensteuerdurchführungsverordnung permet aux entreprises bénéficiaires de réduire, lorsque certaines conditions sont satisfaites, le montant de leur bénéfice imposable et, par là-même, le montant de l'imposition qui serait normalement exigible sans le recours à ces dispositions au cours d'une année considérée. Il apporte, en conséquence, aux entreprises bénéficiaires un avantage pécuniaire dont le coût est directement supporté par le budget de l'État allemand.
Certes, ainsi que le soutiennent les autorités allemandes et deux des autres intéressés, l'utilisation de ce mécanisme d'amortissement exceptionnel n'a pas pour effet de supprimer le paiement de l'impôt à hauteur des dotations aux amortissements correspondantes, mais simplement de le différer. Toutefois, tout comme avec le système de l'amortissement dégressif, le gain procuré par l'utilisation de l'article 82f réside précisément dans le report du paiement de l'impôt: si, à l'issue de la période d'amortissement d'un bien, la somme des montants nominaux des impositions versées au fisc allemand au cours de cette période est identique quel que soit le mode d'amortissement du bien retenu, il n'en est pas de même de la somme des valeurs actualisées des même impositions, lesquelles tiennent compte des taux d'intérêts. En définitive et toutes choses étant égales par ailleurs, l'avantage pécuniaire net découlant de l'emploi de l'amortissement dégressif ou du mécanisme de l'article 82f est bien réel par rapport à l'usage du seul amortissement linéaire et pour les entreprises réalisant des bénéfices, même si cet avantage est inférieur à ce qu'il y paraît de prime abord.
Les autorités allemandes et les autres intéressés font également valoir que, même en tenant compte des valeurs actualisées des impositions différées, le gain global résultant du report du paiement de l'impôt n'est pas supérieur, en utilisant le mécanisme de l'article 82f, à celui procuré par le recours à l'amortissement dégressif. En admettant même qu'il en soit ainsi, cet argument ne prend cependant pas en compte l'avantage lié à la grande flexibilité d'utilisation des dispositions de l'article 82f. Les entreprises n'ont pas toujours intérêt à opter pour le mode d'amortissement dégressif, en particulier celles qui réalisent des pertes. Or, alors que le choix entre l'amortissement dégressif et l'amortissement linéaire s'effectue uniquement lors de l'acquisition du bien, il est par contre possible de recourir aux amortissements exceptionnels prévus par l'article 82f à tout moment durant les cinq premières années suivant l'acquisition. En cela réside le véritable intérêt des dispositions de l'article 82f par rapport aux modes d'amortissement dégressif ou a fortiori linéaire. Cette flexibilité d'emploi permet par exemple aux compagnies aériennes bénéficiaires d'opérer plus facilement des changements dans la gestion de leur flotte. Elle leur permet surtout d'augmenter de façon discrétionnaire le montant des amortissements lors des exercices fortement bénéficiaires. En jouant ainsi sur le montant des amortissements selon qu'il s'agit d'exercices bénéficiaires ou déficitaires, les entreprises peuvent non seulement étaler mais aussi diminuer leurs revenus imposables, voire dans certains cas supprimer toute imposition. En effet, si la législation fiscale allemande permet aux entreprises de reporter indéfiniment leurs pertes sur les exercices bénéficiaires suivants, elle n'autorise cependant pas toujours le report des bénéfices sur les éventuelles pertes futures: celles-ci peuvent seulement être imputées sur les profits non distribués des deux années antérieures à concurrence de 10 millions de marks allemands. En fin de compte, les avantages procurés aux entreprises par les dispositions de l'article 82f, qui introduisent une possibilité d'amortissement supplémentaire par rapport aux modes dégressif et linéaire, ne sauraient être niés.
Les autorités allemandes et les autres intéressés soutiennent encore que le mode d'amortissement prévu par l'article 82f constitue une mesure générale du droit fiscal allemand et que celle-ci est indissociable de l'ensemble du système fiscal allemand. Elle ne pourrait en conséquence être examinée que sur la seule base de l'article 101 du traité, dans le cadre d'un effort d'harmonisation au plan communautaire, et non pas au titre des articles 92 et 93 du traité.
Pour différencier les aides d'État des mesures générales, le traité n'offre à la Commission que le critère de la spécificité, en définissant les aides dans son article 92 comme des mesures favorisant «certaines entreprises ou certaines productions». Il convient ainsi de comparer, au sein d'un même État membre, le traitement accordé aux entreprises bénéficiaires de la mesure en cause et le régime général appliqué aux entreprises qui se trouvent dans les mêmes conditions objectives. Si chaque mesure doit s'apprécier au cas par cas, la Commission, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice, considère de manière globale que constituent des aides d'État les mesures dont le caractère dérogatoire par rapport à la règle générale n'est pas justifié par la nature ou l'économie du système (arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, affaire 173/73, Italie/Commission) (3). En matière fiscale, la Commission est d'avis qu'échappent à la qualification d'aides d'État les mesures comportant une dérogation à la règle générale à condition que leur rationalité économique les rende nécessaires ou fonctionnelles par rapport à l'efficacité du système. Cela doit normalement se traduire dans le caractère non limité de leur champ d'application, dans le fait d'être fondées sur des critères ou conditions objectifs et horizontaux, ainsi que dans leur durée illimitée dans le temps.
Dans le cas présent, force est de constater que les dispositions de l'article 82f ont un champ d'application strictement limité de plusieurs façons. Tout d'abord, elles ne s'appliquent qu'à quelques biens amortissables définis de manière précise: navires de commerce, bateaux de pêche et aéronefs, à l'exclusion de tous autres biens. Ensuite, s'agissant des aéronefs, elles subordonnent l'application de la mesure au respect simultané de trois conditions: utilisation à des fins commerciales pour les transports internationaux de biens ou de personnes ou pour d'autres activités de services effectuées à l'étranger; immatriculation en Allemagne; absence de cession au cours d'une période de six années suivant l'acquisition. Compte tenu de ces différentes restrictions, les dispositions de l'article 82f doivent être considérées comme présentant un caractère dérogatoire par rapport aux mesures générales que constituent les modes d'amortissement dégressif ou linéaire. Le rapport au Bundestag précité reconnaît d'ailleurs qu'elles visent à favoriser trois secteurs de l'économie allemande (commerce maritime, pêche, aviation civile) particulièrement exposés à la concurrence internationale. De plus, ces dispositions sectorielles n'ont pas une durée illimitée dans le temps puisqu'elles sont périodiquement reconduites pour quelques années. En outre, elles ne sont pas fondées sur des critères objectifs et n'apparaissent nullement indispensables au bon fonctionnement du système fiscal allemand. En effet, ni les caractéristiques physiques des aéronefs, ni leurs conditions d'utilisation sur le marché, ni aucun autre élément n'imposent, pour que les aéronefs soient amortis de façon efficace, de recourir à un mode d'amortissement autre que les modes dégressifs ou linéaires. Aussi, la Commission estime-t-elle que le mode d'amortissement en cause n'est pas justifié par la nature ou l'économie du système. Il s'ensuit qu'il peut être examiné sur la base de l'article 92 du traité.
Du reste, dans sa décision relative à l'application des dispositions de l'article 82f au secteur maritime, adressée le 11 novembre 1994 au gouvernement allemand dans l'affaire NN 102/94, la Commission a déjà été d'avis que les dispositions en cause constituaient non pas une mesure générale, mais une aide au sens de l'article 92 du traité et de l'article 61 de l'accord EEE. Cette dernière décision n'a pas été attaquée par les autorités allemandes.
Par ailleurs, l'avantage découlant des dispositions de l'article 82f, qui vise de surcroît exclusivement les aéronefs utilisés sur des services internationaux, affecte les échanges entres États membres compte tenu de la nature même du transport aérien et de sa dimension internationale. Cette affectation des échanges est plus sensible encore depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, des règlements (CEE) n° 2407/92 (4), (CEE) n° 2408/92 (5) et (CEE) n° 2409/92 (6) du Conseil («troisième paquet aérien») libéralisant le marché communautaire de l'aviation civile. De plus, l'amortissement exceptionnel prévu par l'article 82f fausse la concurrence à l'intérieur du marché commun dans la mesure où il favorise les activités de transport international, notamment intracommunautaire, des seules compagnies aériennes allemandes dont la position concurrentielle est ainsi renforcée par rapport à celles des autres transporteurs communautaires qui ne bénéficient pas de mesures d'aide similaires. En effet, sont exclues de son bénéfice les compagnies qui ne sont pas soumises à l'imposition en Allemagne. Sont également exclues les compagnies licenciées dans les États membres autres que l'Allemagne puisque l'article 82f suppose l'immatriculation des aéronefs dans ce dernier État. Il est nécessaire ici de rappeler que les autorités allemandes, de même que les autorités des autres États membres, exigent que les transporteurs aériens auxquels elles délivrent une licence d'exploitation immatriculent leurs appareils dans leur registre national en application de l'article 8 du règlement (CEE) n° 2407/92. Or, une licence d'exploitation ne peut être délivrée par les autorités allemandes qu'aux seules entreprises possédant en Allemagne leur principal établissement en application de l'article 4 dudit règlement. En définitive, sont uniquement susceptibles de bénéficier des dispositions de l'article 82f les compagnies aériennes qui, non seulement sont imposables en Allemagne, mais y possèdent aussi leur principal établissement.
De l'ensemble des éléments qui précèdent, la Commission conclut que les dispositions de l'article 82f constituent une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité et de l'article 61 paragraphe 1 de l'accord EEE. Est sans incidence sur cette qualification la circonstance qu'il existerait des mesures fiscales comparables dans les autres États membres dès lors que ces éventuelles mesures pourraient elles-mêmes faire l'objet, de la part de la Commission, des procédures prévues par l'article 93 du traité [arrêt de la Cour du 22 mars 1977, affaire 78/76, Steinike & Weinlig contre république fédérale d'Allemagne (7)]. Il ressort d'ailleurs des informations en la possession de la Commission qu'aucun État membre autre que l'Allemagne n'a mis en place un tel système d'amortissements exceptionnels. Sont de même sans influence sur la qualification d'aide le fait qu'il existerait des mesures fiscales semblables dans les pays tiers, ce qui au surplus n'est pas établi, ou que le comité des sages désigné par la Commission, dont les conclusions n'engagent cependant nullement cette dernière, ait préconisé des actions favorisant l'amortissement accéléré des avions dans les États membres, dès lors que la mesure en question ne favorise que certaines entreprises [arrêt de la Cour du 7 juin 1988, affaire 57/86, république hellénique contre Commission) (8)].
Il importe à cet égard de rappeler que la Cour a déjà dit pour droit que la circonstance qu'un État membre, en instaurant un taux de réescompte préférentiel au profit de certains produits, se serait proposé de rapprocher ce taux de ceux pratiqués dans les autres États membres, ne saurait enlever à la mesure litigieuse le caractère d'une aide [arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, affaires jointes 6 et 11/69, Commission/France (9)].
Il est en conséquence nécessaire d'examiner la mesure en cause au regard des dispositions de l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité et de l'article 61 paragraphes 2 et 3 de l'accord EEE.

VI
Les dispositions de l'article 92 paragraphe 2 du traité et de l'article 61 paragraphe 2 de l'accord EEE ne s'appliquent pas au mécanisme de l'article 82f dans la mesure où il ne s'agit ni d'une aide à caractère social octroyée à des consommateurs individuels, ni d'une aide destinée à remédier à des dommages causés par des calamités naturelles ou d'autres événements extraordinaires. Il ne s'agit pas davantage d'une aide octroyée à l'économie de certaines régions d'Allemagne affectées par l'ancienne division de ce pays dans la mesure notamment où elle s'applique dans l'ensemble du territoire de l'Allemagne. Les autorités allemandes n'ont d'ailleurs nullement invoqué cette disposition.
Les dispositions de l'article 92 paragraphe 3 points a) et c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 points a) et c) de l'accord EEE, dans la partie régissant les aides régionales, ne peuvent trouver application en l'espèce dès lors que l'aide n'est pas destinée à favoriser le développement de certaines régions économiques. En effet, comme rappelé ci-dessus, elle présente le caractère d'une aide sectorielle qui s'applique uniformément à l'ensemble du territoire de l'Allemagne, laquelle figure de surcroît parmi les États membres les plus prospères de la Communauté. Les dispositions du point b) desdits paragraphes ne sont pas non plus applicables dans la mesure où l'aide en cause ne vise pas à remédier à une perturbation grave de l'économie allemande.
Dans leurs observations, les autorités allemandes et deux des autres intéressés demandent que l'amortissement exceptionnel de l'article 82f bénéficie des exemptions prévues par les dispositions de l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point b) de l'accord EEE en tant que promouvant la réalisation d'un projet européen important, ainsi que par les dispositions du point c) desdits paragraphes dans la partie régissant les aides sectorielles. À cet égard, ils font valoir qu'il s'agirait d'une aide à l'investissement destinée à inciter à l'achat d'appareils neufs peu polluants et à favoriser l'industrie aéronautique communautaire. Ils mettent aussi en avant la nécessité du soutien à apporter à l'aviation civile communautaire ou bien encore le développement du transport aérien international.
Toutefois, la Commission ne pense pas que l'aide fiscale dont il s'agit puisse être considérée comme compatible au titre des dispositions en cause de l'article 92 paragraphe 3 points b) et c) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 points b) et c) de l'accord EEE. En effet, elle remarque tout d'abord que l'aide dont il s'agit n'est pas affectée à un projet ou à un programme précis, pas plus qu'elle n'est expressément réservée à l'achat d'aéronefs d'un type particulier ou possédant des caractéristiques environnementales spécifiques. De plus, les différents objectifs ou effets bénéfiques de la mesure, tels qu'ils sont exposés par les autorités allemandes et les autres intéressés, apparaissent surtout comme les conséquences d'une mesure prise unilatéralement par l'Allemagne en dehors de tout cadre d'action communautaire. Or, en ce qui concerne les dispositions de l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité et de l'article 61 paragraphe 3 point b) de l'accord EEE relatives à des projets importants d'intérêt européen commun, la Commission a défini comme condition nécessaire et préalable au bénéfice éventuel de ces dispositions la satisfaction simultanée des quatre critères suivants:
- l'aide doit promouvoir un projet. Par «promouvoir», il faut entendre une action qui contribue à la mise en oeuvre du projet,
- il doit s'agir d'un projet concret, précis et bien défini,
- le projet doit être important quantitativement et qualitativement. L'importance qualitative est en particulier à souligner,
- le projet doit être «d'intérêt européen commun» et bénéficier en tant que tel à l'ensemble de la Communauté.
En l'espèce, la mesure prévue par les autorités allemandes, à supposer même qu'elle puisse être qualifiée de «projet», n'apparait ni précise, ni bien définie. La mesure en cause ne saurait en conséquence bénéficier des dispositions en question.
Ensuite, en ce qui concerne plus particulièrement l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité et l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord EEE, dans la partie régissant les aides sectorielles, la restriction du champ d'application de l'aide, d'une part aux seuls transporteurs aériens imposés et établis principalement en Allemagne, d'autre part aux seuls aéronefs affectés aux transports internationaux, conduit en tout état de cause à conclure en l'espèce à une altération des conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun compte tenu de l'importance croissante des échanges par voie aérienne dans le marché commun libéralisé de l'aviation civile. Il faut rappeler ici que le troisième paquet aérien parachève l'effort de libéralisation du secteur de l'aviation civile intracommunautaire entrepris depuis plusieurs années. Il crée un marché intérieur unique au bon fonctionnement duquel s'oppose un régime fiscal de faveur établi au profit des compagnies d'un seul État membre. D'ailleurs, dans sa communication concernant l'application des articles 92 et 93 du traité CE et de l'article 61 de l'accord EEE aux aides d'État dans le secteur de l'aviation (10), la Commission a strictement défini les conditions auxquelles une aide accordée à une compagnie aérienne pourrait être considérée comme compatible avec l'intérêt commun au titre des dispositions de l'article 92 paragraphe 3 point c). Une telle possibilité n'est ainsi ouverte qu'aux aides accordées aux entreprises en difficulté, pour autant que ces interventions fassent partie intégrante d'un programme de mesures adéquates pour restaurer la viabilité financière et la compétitivité des entreprises concernées dans un délai raisonnable. Dans le cas présent, l'aide n'est aucunement destinée à assurer le sauvetage d'une entreprise particulière et elle n'accompagne aucun plan de restructuration ou de redressement d'une ou de plusieurs entreprises précisément identifiées.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la mesure d'aide en cause ne rentre dans aucun des cas prévus par l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité et par l'article 61 paragraphes 2 et 3 de l'accord EEE. Il convient en conséquence d'enjoindre à l'Allemagne de renoncer à la mise en oeuvre de cette aide qui est incompatible avec le marché commun.
Enfin, il importe de retirer la décision prise par la Commission le 29 novembre 1995 notifiée aux autorités allemandes le 15 décembre 1995, et portant sur le même objet dès lors que la version allemande de ladite décision, identique quant au fond à la présente décision, comprenait de nombreuses erreurs matérielles,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
La prorogation du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999, de la validité des dispositions de l'article 82f de la Einkommensteuerdurchführungsverordnung allemande instituant un mécanisme d'amortissement exceptionnel au profit des aéronefs, constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CE et de l'article 61 de l'accord EEE.

Article 2
Il est enjoint à l'Allemagne de supprimer, à compter du 1er janvier 1995, la mesure d'aide mentionnée à l'article 1er.

Article 3
L'Allemagne informe la Commission, dans les deux mois à partir de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.

Article 4
La procédure est close en ce qui concerne la version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994 des dispositions de la législation fiscale allemande mentionnées à l'article 1er.

Article 5
La décision de la Commission du 29 novembre 1995, notifiée aux autorités allemandes le 15 décembre 1995, est retirée.

Article 6
La république fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 13 mars 1996.
Par la Commission
Neil KINNOCK
Membre de la Commission

(1) JO n° C 289 du 26. 10. 1993, p. 2.
(2) JO n° C 16 du 19. 1. 1994, p. 3.
(3) Recueil 1974, p. 709, point 33 des motifs.
(4) JO n° L 240 du 24. 8. 1992, p. 1.
(5) JO n° L 240 du 24. 8. 1992, p. 8.
(6) JO n° L 240 du 24. 8. 1992, p. 15.
(7) Recueil 1977, p. 595, point 24 des motifs.
(8) Recueil 1988, p. 2855, point 10 des motifs.
(9) Recueil 1969, p. 523, point 21 des motifs.
(10) JO n° C 350 du 10. 12. 1994, p. 5.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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