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Document 395D0547

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


395D0547
95/547/CE: Décision de la Commission, du 26 juillet 1995, portant approbation conditionnée de l'aide accordée par la France à la banque Crédit Lyonnais (Le texte en langue française est le seul faisant foi) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
Journal officiel n° L 308 du 21/12/1995 p. 0092 - 0119



Texte:

DÉCISION DE LA COMMISSION du 26 juillet 1995 portant approbation conditionnée de l'aide accordée par la France à la banque Crédit Lyonnais (Le texte en langue française est le seul faisant foi.) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) (95/547/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment ses articles 92 et 93,
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment ses articles 61 et 62,
après avoir, conformément aux articles susmentionnés, mis les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations (1),
considérant ce qui suit:

1. INTRODUCTION
Par lettre du 2 mai 1995 [SG(95) D/5500] la Commission a communiqué aux autorités françaises sa décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité, au regard des aides d'État octroyées à la banque publique Crédit Lyonnais.
À la fin de 1993, le Crédit Lyonnais était le premier groupe bancaire européen en terme d'actif total [presque 2 000 milliards de francs français (FF)], avec plus de 71 000 employés. Ses activités s'étendaient de la banque commerciale à la banque d'investissement, de la banque des marchés de capitaux à la gestion des fonds pour compte de tiers, de l'assurance aux autres services parabancaires. Le Crédit Lyonnais était présent en France et à l'étranger, avec environ 900 agences en Europe hors de France et 800 dans le reste du monde.
Au 31 décembre 1993, l'actionnaire majoritaire du Crédit Lyonnais était l'État français, avec 55 % du capital et 76 % des droits de vote. Les autres détenteurs d'actions ordinaires étaient Thomson-CSF (une société du Groupe public Thomson, avec près de 20 % des droits de vote) et la Caisse des Dépôts et Consignations (un établissement de crédit public avec 4 % des droits de vote). Le reste du capital (22 %) était constitué de certificats d'investissement cotés en Bourse.
Après près de cinq ans de forte croissance, le Crédit Lyonnais a enregistré des résultats négatifs en 1992 (1,8 milliards de FF) et en 1993 (6,9 milliards de FF). Les pertes très élevées par rapport aux fonds propres auraient fait descendre le ratio de solvabilité du Crédit Lyonnais (c'est-à-dire le rapport entre les fonds propres de la banque et les actifs, ajustés pour leur risque) au dessous du niveau minimal réglementaire de 8 %, si les autorités françaises, à invitation de l'Autorité de surveillance sur le système bancaire français (la Commission bancaire), n'avaient pas pris en sa faveur en 1994 des mesures de soutien financier, notamment une augmentation du capital et la prise en charge par l'État de certains engagements non performants. Au début de 1995, il est apparu que le Crédit Lyonnais était en train d'enregistrer de nouvelles pertes qui auraient mis en cause la solvabilité de la banque; l'État français a mis en place un nouveau mécanisme de sauvetage, avec la création d'une autre structure spécifique de cantonnement destinée à prendre en charge 135 milliards de FF d'actifs, dont notamment les actifs pas ou peu performants du Crédit Lyonnais. La mise en place de ce mécanisme a permis de limiter la perte comptable pour 1994 à 12,1 milliards de FF.
La crise du Crédit Lyonnais semble être liée, dans une large mesure, à la politique agressive de crédit et d'investissement que la banque a poursuivie dans les années 1980 et au début des années 1990, sans un contrôle des risques suffisamment strict. Entre 1988 et 1993, le total de l'actif a presque doublé, tandis que la valeur du portefeuille industriel du Crédit Lyonnais a augmenté de presque cinq fois, atteignant 50 milliards de FF. Les engagements du Crédit Lyonnais sur le marché immobilier ont dépassé les 100 milliards de FF, plaçant la banque au premier rang parmi les établissements de crédit français dans le secteur du crédit aux professionnels de l'immobilier, avec une part plus importante que sa position sur le marché. En outre, afin d'essayer de développer davantage son activité en Europe et dans le reste du monde, le Crédit Lyonnais a fait plusieurs acquisitions de banques étrangères à des prix très élevés (par exemple, Chase Banque de Commerce en Belgique, Banco Comercial Español et Banca Jover en Espagne, Credito Bergamasco et Banca Lombarda en Italie, BfG en Allemagne, Slavenburg Bank en Hollande).
Du côté du passif du bilan, dans une situation de concurrence croissante, le Crédit Lyonnais a poursuivi une politique d'endettement qui a abouti à un coût élevé de financement. Ensuite la dégradation de la qualité des actifs a déterminé une chute de la notation de la banque et un surcoût de financement sur les marchés. En même temps, les frais généraux ont continué à augmenter dans une mesure supérieure à la croissance des actifs totaux. Pour soutenir le développement du Crédit Lyonnais, l'État français a apporté directement ou indirectement au Crédit Lyonnais un montant considérable de ressources (plus de 17 milliards de FF), notamment par apport de titres de sociétés publiques et par participations croisées (Rhône-Poulenc, Usinor-Sacilor, Aérospatiale, Altus). Cela permettait d'accroître de manière comptable les fonds propres, mais a compromis les résultats du groupe du fait de la faible rentabilité de ces participations, puis de la consolidation des pertes subies par certaines de ces entreprises.
Le ralentissement de l'activité économique, qui a causé la chute des prix sur les marchés immobilier et de bourse et qui a aggravé la situation des débiteurs, a contribué à amplifier les problèmes de la banque. La marge d'intérêt a diminué sensiblement tandis que les participations à long terme dans le secteur industriel ont eu des retours faibles ou négatifs.
Suite à un premier examen du cas, la Commission avait retenu que les mesures de soutien du Crédit Lyonnais contenaient d'importants éléments d'aide d'État, qui ne pouvaient pas être déclarés, à ce stade-là et sur la base des informations disponibles à ce moment, compatibles avec le marché commun.

2. DESCRIPTION GÉNÉRALE DES MESURES D'AIDE
Les mesures de l'État français en faveur du Crédit Lyonnais comprennent une augmentation de capital de 4,9 milliards de FF et la prise en charge par l'État des risques et des coûts liés aux engagements transférés dans une structure spécifique de cantonnement, dans le cadre d'une opération dénommée de défaisance. Dans le cadre du premier plan de sauvetage réalisé en 1994, la prise en charge par l'État était limitée à 18,4 milliards de FF sur 42 milliards de FF d'actifs transférés. En 1995, à la suite du transfert de nouveaux engagements, l'État a étendu sa couverture d'une façon générale, en prenant en charge la totalité de la valeur nette des engagements transférés en 1994 et 1995 (à savoir presque 135 milliards de FF), ainsi que les intérêts sur le prêt de 145 milliards de FF accordé par le Crédit Lyonnais à une société publique dénommée SPBI, pour financer le mécanisme de cantonnement.
L'augmentation de capital a été fournie en juillet 1994 par les trois actionnaires principaux, l'État (par l'intermédiaire de SPBI, société en nom collectif contrôlée par l'État et Thomson SIEG, filiale de Thomson CSF), Thomson CSF et la Caisse des Dépôts et Consignations, conformément à leur quote-part du capital social du Crédit Lyonnais. Suite à cette opération, la participation directe et indirecte de l'État français dans le Crédit Lyonnais est passée de 78 à 80,7 %.
La transaction a comporté la distribution de bons de souscription d'actions aux actionnaires afin de rémunérer leur investissement. Chaque bon permet au propriétaire de souscrire une nouvelle action dans une période de cinq ans au prix de 774 FF par action. Ce prix est égal à la valeur d'actif net par action, résultant d'une estimation d'après les comptes de 1993.
Avec l'opération de défaisance réalisée en 1994, près de 42 milliards de FF de prêts non performants au secteur immobilier (sur un total de plus de 100 milliards de FF d'encours à l'égard du même secteur), qui étaient insuffisamment provisionnés, ont été placés dans une société ad hoc filiale du Crédit Lyonnais, baptisée OIG. Cette société a acheté les crédits à leur valeur comptable nette, grâce à un prêt participatif accordé par la SPBI. Ce prêt participatif a été financé avec un prêt accordé par le Crédit Lyonnais à la SPBI. Les trois actionnaires publics du Crédit Lyonnais se sont engagés à couvrir les valeurs négatives qui pouvaient émerger dans la réalisation des actifs, jusqu'à 14,4 milliards de FF, et une partie de la charge de refinancement du prêt accordé par le Crédit Lyonnais à la SPBI pour les deux premières années, s'élevant à 2 milliards de FF par an. Avec la prise en charge par l'État des engagements transférés, à valoir sur les comptes de 1993, le Crédit Lyonnais a pu diminuer le niveau des provisions et des pertes sur les engagements non performants et continuer son activité. En fait, l'État a permis au Crédit Lyonnais de remplacer des actifs douteux, sur lesquels des provisions importantes étaient nécessaires, par un actif sûr.
En 1995, à valoir sur les comptes de 1994, une nouvelle structure de cantonnement a été créée, le Consortium De Réalisations (CDR), filiale à 100 % du Crédit Lyonnais. Selon le plan communiqué par les autorités françaises, cette filiale achète presque 190 milliards de FF d'actifs du Crédit Lyonnais, dont ceux détenus par l'OIG, auxquels sont attachés 55 milliards de FF de passifs. Tous les actifs concernés - à savoir les actifs immobiliers pour l'essentiel regroupés dans l'OIG, les filiales bancaires (notamment SBT, SDBO et Colbert), les financements consentis dans le secteur du cinéma et les participations industrielles - doivent être cédés ou liquidés. Ainsi 80 % des actifs devront être cédés dans les cinq ans et si les conditions de marché le permettent, au moins 50 % de ces mêmes actifs devraient être cédés d'ici trois ans. S'agissant des filiales bancaires transférées au CDR, la partie saine de ces banques sera soit cédée à des tiers, soit reprise avant le 31 décembre 1995 par le Crédit Lyonnais, de sorte qu'à la fin de l'exercice 1995 aucune structure bancaire active ne demeure plus dans le CDR.
Pour lui permettre d'acheter les actifs au Crédit Lyonnais, le CDR reçoit un prêt participatif de 135 milliards de FF de la part de la SPBI. Cette dernière se finance auprès du Crédit Lyonnais à travers un emprunt non participatif à concurrence d'un montant maximal de 145 milliards de FF. Avec cet emprunt, la SPBI sera en mesure d'octroyer le prêt participatif de 135 milliards de FF au CDR et d'acheter des obligations coupon zéro pour un montant d'environ 10 milliards de FF. Cette souscription coupon zéro permettra à la SPBI de dégager un produit d'environ 35 milliards de FF à la fin de 2014, pour lui permettre d'absorber les pertes qui seront alors constatées dans le CDR.
Le prêt du Crédit Lyonnais à la SPBI, ainsi que le prêt de la SPBI au CDR, ont pour échéance le 31 décembre 2014. Le prêt du Crédit Lyonnais sera remboursé par anticipation au fur et à mesure des cessions d'actifs, à hauteur des montants encaissés. Le taux d'intérêt annuel applicable est de 7 % en 1995 et de 85 % du taux du marché monétaire à partir de 1996. Le prêt participatif octroyé au CDR fera l'objet d'un amortissement partiel à l'issue de chaque exercice: la SPBI recevra un remboursement d'un montant égal à celui des cessions intervenues dans l'année et, si des moins-values sont constatées sur les cessions, elle déclarera un abandon de créance à hauteur des pertes enregistrées par le CDR.
Par le mécanisme du prêt participatif, les pertes du CDR seront donc supportées par la SPBI, donc par l'État, jusqu'au montant maximal de 135 milliards de FF. Si, le cas échéant, les pertes du CDR dépassaient ce montant, elles seraient supportées par le Crédit Lyonnais, actionnaire unique du CDR. Le Crédit Lyonnais dispose ainsi de la couverture de l'État pour le remboursement de son prêt à la SPBI, ce qui fait que le CDR n'est pas consolidé ni prudentiellement ni comptablement au sein du groupe Crédit Lyonnais. En conséquence, ce mécanisme a permis à la banque d'enregistrer des provisions et des pertes réduites et de respecter le ratio de solvabilité.
En contrepartie, la SPBI bénéficiera du produit d'une clause de retour à meilleure fortune sur le Crédit Lyonnais. Ainsi elle recevra une contribution de 34 % du résultat net consolidé du Crédit Lyonnais, part du Groupe (avant prise en compte de cette contribution et de la dotation de l'exercice au fonds pour risques bancaires généraux et avant l'impôt français sur les sociétés) augmentée de 26 % de la fraction dudit résultat excédant 4 % des capitaux propres consolidés, part du Groupe (soit environ 1 milliard de FF). En outre, les autorités françaises ont déclaré que l'État pourra placer à terme au sein de la SPBI ses actions du Crédit Lyonnais, pour qu'elle puisse bénéficier des dividendes et du produit de la future privatisation du Crédit Lyonnais.
Selon le contrat d'objectifs entre l'État et le Crédit Lyonnais, celui-ci peut racheter certaines participations industrielles et commerciales à leur valeur de marché pour un montant ne dépassant pas 10 % de la valeur actuelle de son portefeuille de participations, soit environ 5 milliards de FF. En outre, la partie saine des filiales bancaires dans le CDR qui ne sera pas cédée à des tiers devra être reprise avant le 31 décembre 1995 par le Crédit Lyonnais, le reste devant être liquidé.
Selon le protocole d'accord, le Crédit Lyonnais fournira assistance au CDR aux termes d'un contrat de service comportant une clause d'intéressement sur certains actifs, selon des modalités qui seront définies ultérieurement d'un commun accord entre les parties. Toutefois, les autorités françaises ont ensuite affirmé oralement que cette clause sera éliminée.

3. APPLICATION AUX BANQUES DES RÈGLES EN MATIÈRE D'AIDES D'ÉTAT

3.1. Applicabilité des règles en matière d'aides d'État aux banques et appréciation de la présence d'aides d'État
Dans l'examen des mesures de soutien de l'État aux banques, il faut d'abord considérer que le traité ne connaît pas de règles spécifiques pour les établissements de crédit en matière d'aides d'État. Cependant, la Commission est consciente du caractère particulier du secteur bancaire et de la grande sensibilité des marchés financiers même aux difficultés limitées à l'un ou l'autre établissement, circonstance qui doit être prise en considération lors de l'application des règles en matière d'aide d'État.
Il convient ainsi de rappeler la considération que le Conseil des Communautés européennes a énoncé dans la directive 89/647/CEE (2) relative à un ratio de solvabilité des établissements de crédit: « les établissements sont appelés dans un marché bancaire commun à entrer en concurrence l'un avec l'autre et . . . l'adoption de normes communes de solvabilité sous la forme d'un ratio minimal aura pour effet de prévenir des distorsions de concurrence et de renforcer le système bancaire de la Communauté ».
Dans la même directive, le Conseil a aussi considéré que « l'instauration de normes communes de fonds propres en fonction des actifs et des éléments hors bilan soumis au risque de crédit est [. . .] un des éléments essentiels de l'harmonisation nécessaire pour parvenir à la reconnaissance mutuelle des techniques de contrôle et, ce faisant, à l'achèvement du marché intérieur dans le domaine bancaire ».
Ces considérations se fondent sur la reconnaissance qu'un niveau minimal du ratio de solvabilité constitue en même temps un critère d'égalité des conditions de concurrence et un des critères de viabilité d'une banque. Cependant, les mesures étatiques qui ont l'effet de donner un soutien financier aux banques en difficulté pour leur permettre de respecter les normes prudentielles communautaires peuvent en même temps contenir des éléments d'aide d'État. Il en découle que la Commission doit vérifier si les règles en matière d'aide d'État du traité sont respectées pour prévenir toute distorsion de concurrence incompatible.
Dans un cadre concurrentiel, les établissements de crédit sont libres de choisir, dans le respect des normes prudentielles et sous le contrôle de leurs autorités de tutelle, la politique d'investissement et la combinaison risque-rendement de leur portefeuille d'actifs qu'ils considèrent les plus appropriées. Une politique audacieuse et agressive peut entraîner des rendements attendus plus élevés mais elle comporte aussi un niveau de risque plus élevé si elle n'est pas suffisamment maîtrisée. L'identification, le contrôle et la limitation de ces risques, qui sont de différentes natures et souvent interconnectés, constituent une des caractéristiques de base du métier de banquier. Quand des risques importants se réalisent, ceux-ci peuvent diminuer le résultat de la banque et affecter le montant des fonds propres et le ratio de solvabilité. Une réduction des activités à risque ou une augmentation de capital peuvent devenir nécessaires afin de rétablir le niveau réglementaire minimal des fonds propres et du ratio (8 %). Face à une telle situation, les actionnaires de la banque peuvent apporter des ressources supplémentaires s'ils estiment que leur investissement aura une rémunération suffisante. Ils demanderont normalement des efforts de restructuration pour réduire le niveau du risque.
Étant donné que l'alternative de la liquidation d'une banque est souvent une solution globalement plus coûteuse par rapport à celle d'une entreprise industrielle, à cause du rapport par définition plus élevé entre fonds de tiers et fonds propres et de la responsabilité souvent plus élevée des actionnaires majoritaires vis-à-vis des déposants, et que la confiance des déposants doit être maintenue, les autorités de surveillance bancaire appliquent des mesures de contrôle constantes et très strictes sur la gestion des banques ainsi que sur les actionnaires pour prévenir les effets négatifs d'un dépôt de bilan.
Elles effectuent des inspections et peuvent demander des mesures de correction, si elles l'estiment nécessaire. Dans le cas de violation des règles prudentielles, elles ont plusieurs instruments pour rétablir des conditions normales d'exercice de l'activité bancaire; ces mesures vont de l'avertissement jusqu'au retrait de l'agrément d'établissement de crédit. Elles peuvent aussi demander aux actionnaires de donner leur soutien pour le redressement de la banque, notamment si la faillite peut avoir des conséquences négatives indésirables sur la confiance des déposants et éventuellement sur les marchés financiers. Ces conséquences peuvent être particulièrement importantes et même être sans commune mesure avec les difficultés de la banque individuelle concernée.
Si la recapitalisation de la banque par ses actionnaires ou son rachat par un autre établissement n'est pas possible, différentes solutions sont envisageables: soit le dépôt du bilan, soit la mise en oeuvre d'un mécanisme de liquidation contrôlée ou de vente par blocs, soit l'intervention solidaire de plusieurs autres banques pour prévenir les possibles effets négatifs indésirables susmentionnés. Dans le cas où le secteur privé participe sur une base non obligatoire et dans une mesure financièrement significative aux mesures de sauvetage, il pourrait être conclu qu'aucune aide d'État n'est présente.
Selon l'ampleur du risque de crise pour le système financier, les autorités de surveillance peuvent intervenir. Dans le cas des banques publiques, l'État peut aussi être sollicité d'intervenir en qualité d'actionnaire.
Dans le cas où l'État fournit la majeure partie ou la totalité du support financier, même si c'est à la demande des autorités de tutelle, la Commission doit évaluer le contenu d'aide éventuel des interventions étatiques. Dans son évaluation des interventions étatiques, la Commission applique en général « le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché », comme indiqué dans sa communication sur les entreprises publiques (3). Cette communication énonce qu'il y a présence d'aide dans une opération si un investisseur privé comparable, agissant dans les conditions normales d'économie de marché, ne l'aurait pas entreprise.
En ce qui concerne les participations publiques dans le capital social d'une entreprise, et comme exposé dans la communication de la Commission de 1984 (4), il est considéré qu'un investisseur privé n'aurait pas entrepris une telle opération, et qu'il y a donc une présomption d'aide, quand la situation financière de la société est telle qu'un retour à un niveau de rémunération normale (en terme de dividendes ou de gains en capital) du capital investi n'est pas assuré dans un laps de temps raisonnable ou quand les risques d'une telle opération sont trop élevés ou trop étendus dans le temps.
De même, la Commission considère qu'il y a une présomption d'aide dans les garanties d'État si celles-ci sont nécessaires à la survie de la société, en d'autres mots si l'aide y contenue est égale au montant garanti, ainsi que si elles ont une durée extraordinaire ou comportent un niveau de risque très élevé.
Afin de permettre à la Commission de vérifier que le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché est respecté, une justification du comportement de l'État actionnaire par rapport à celui d'un investisseur privé doit être fournie. À cet effet, un plan de restructuration cohérent et détaillé doit être présenté, démontrant qu'il peut raisonnablement être supposé que l'intervention de l'État obtienne une rémunération « normale » acceptable pour un investisseur en économie de marché sur toute l'opération. Sinon, elle contient une aide d'État.
L'article 10 paragraphe 3 de la directive 89/647/CEE susmentionnée concernant le ratio de solvabilité établit aussi que « au cas où le ratio devient inférieur à 8 %, les autorités compétentes veillent à ce que les mesures appropriées soient arrêtées par l'établissement de crédit concerné en vue de rétablir, le plus tôt possible, le ratio au niveau minimal convenu ». Cette disposition entraîne trois types de considérations. Premièrement, une obligation est créée pour les autorités de surveillance de vérifier que des mesures appropriées soient prises pour restaurer la solvabilité de la banque. Evidemment, pour être appropriées ces mesures ne doivent pas seulement rétablir le ratio d'un point de vue comptable, mais aussi comporter des interventions plus substantielles pour assurer une restructuration effective et un redressement durable de la banque, afin d'éviter que celle-ci ne retombe dans les mêmes difficultés.
Deuxièmement, il faut souligner que l'obligation de surveillance trouve sa justification, soulignée dans les considérants de la directive, dans la nécessité de prévenir toute crise de confiance et de maintenir des conditions de parité de concurrence. Une surveillance continue et stricte est très importante parce qu'elle peut envisager des mesures correctives afin de limiter les risques des banques, prévenir la crise de l'établissement et ses éventuelles conséquences néfastes, et donc de limiter le montant de ressources nécessaires au sauvetage. Par conséquent, la surveillance des autorités de tutelle contribue à la minimisation de l'éventuelle aide nécessaire au redressement.
Puisque le but de la directive n'est pas seulement d'assurer la stabilité du système, mais aussi la parité des conditions de concurrence, le rôle de surveillance que la directive donne aux autorités de tutelle par le biais du contrôle du ratio de solvabilité doit être accompli dans le cadre des règles de concurrence, et notamment de celles relatives aux aides d'État, pour assurer des conditions de concurrence loyale. Par conséquent, les autorités de surveillance doivent veiller à ce que les établissements de crédit ne prennent pas trop d'engagements risqués, qui peuvent affecter le ratio de solvabilité, forts du soutien explicite ou implicite de l'État, car s'agissant d'établissements publics ou trop grands pour faire faillite (too-big-to-fail). Une reconstitution automatique du ratio de solvabilité par injection de fonds propres, ou toute autre mesure équivalente par l'État, aurait l'effet d'avaliser la concurrence déloyale pratiquée par l'établissement défaillant avant la crise.
Enfin, il faut préciser que cette disposition de la directive n'impose pas le rétablissement du ratio à tout prix, par n'importe quelle solution. Mais il est évident que le non-respect des normes sur la solvabilité comporte le retrait de l'agrément d'établissement de crédit et, par conséquent, la liquidation ou la faillite de la banque. En particulier, selon l'article 8 paragraphe 1 point d) de la directive 77/780/CEE du Conseil (5), l'insuffisance des fonds propres est une condition pour que les autorités de surveillance compétentes puissent retirer leur agrément d'établissement de crédit (6).
Même si les règles nationales prévoient une obligation de recapitalisation de la banque en difficulté, une telle recapitalisation constituerait une aide si elle n'était pas consentie à des conditions normales, acceptables en termes de rémunération pour un investisseur privé. En comparant l'action de l'État et celle d'un investisseur en économie de marché, l'évaluation du montant d'aide doit se baser sur la comparaison entre le coût de l'opération et sa valeur correctement actualisée (7).
Si même une intervention étatique est jugée nécessaire pour des raisons dépassant le cadre de l'établissement aidé, cela n'enlève pas l'obligation de vérifier si la solution entraînant le moins de distorsions a été choisie; si une distorsion majeure est inévitable, des contreparties importantes doivent être exigées, qui soient utiles aux autres opérateurs du secteur afin de compenser les effets négatifs et la limitation des possibilités de solution plus radicale, mais parfois inévitable, qui s'appliquent dans le secteur industriel, moins sensible aux difficultés dans une entreprise individuelle.
En conclusion, les règles en matière d'aides d'État doivent être appliquées également aux banques pour déterminer la présence d'une aide dans une mesure étatique de soutien à une banque en difficulté, les distorsions que ce soutien créé et les conditions à respecter par l'État aux fins du respect de l'intérêt commun.

3.2. Appréciation de la compatibilité d'une aide d'État à une ou plusieurs banques
Après avoir déterminé la nature d'aide d'État des mesures sous examen, selon l'article 92 paragraphe 1 du traité, la Commission doit examiner si celles-ci peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.
Dans le cas où des éléments en dehors du contrôle des banques provoquent une crise de confiance dans le système, l'État peut être amené à donner son soutien à l'ensemble des établissements de crédit pour éviter les effets négatifs d'une telle crise systémique. Par conséquent, dans le cas d'une véritable crise systémique, la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point b), pourra être invoquée pour « remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ». La condition à remplir pour la compatibilité est que les aides soient octroyées d'une façon neutre, du point de vue de la concurrence de l'État concerné, à l'ensemble du système bancaire et sans dépasser le strict nécessaire.
En principe, les difficultés d'une ou de quelques banques n'entraînent pas nécessairement une crise de confiance pour tout le système. Toutefois, la défaillance d'une seule banque d'une certaine taille, bien que due à des erreurs de gestion internes, peut mettre en difficulté plusieurs autres institutions de crédit qui lui sont financièrement liées, causant ainsi une crise plus générale. Un soutien de l'État peut être nécessaire, mais cela ne doit pas signifier un soutien inconditionnel de l'établissement défaillant, et le soutien ne doit pas être effectué sans intervenir sérieusement dans la restructuration définitive et dans la limitation individuelle de la distorsion de concurrence causée par l'aide.
Dans son évaluation de la compatibilité des aides octroyées aux grandes banques, la Commission vérifie que les aides n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, selon l'article 92 paragraphe 3 point a) ou c). Elle doit, par conséquent, vérifier l'existence d'un plan de redressement, régulièrement notifié, cohérent et réaliste. Dans le cadre du plan de redressement, la Commission prend en considération le fait que, dans certaines situations, des mesures particulières sont nécessaires pour éviter que la faillite d'une grande banque puisse exercer des effets négatifs indésirables sur les marchés financiers. Le respect de l'intérêt commun peut exiger que l'impossibilité de faillite d'un établissement soit compensée par des restrictions importantes de sa force concurrentielle.
Dans son encadrement sur les aides au sauvetage et à la restructuration du 27 juillet 1994 (8), la Commission a montré que les aides d'État, pour respecter l'intérêt commun et donc être déclarées compatibles, doivent respecter les quatre principes suivants:
a) l'aide doit assurer le retour de l'entreprise à la viabilité dans un laps de temps raisonnable;
b) l'aide doit être proportionnelle aux coûts et bénéfices de la restructuration et ne doit pas dépasser le montant strictement nécessaire;
c) afin de limiter pour les concurrents les distorsions de concurrence, les mesures d'aide doivent être les moins distorsives pour la concurrence et l'entreprise doit contribuer financièrement d'une façon significative aux coûts de restructuration;
d) des mesures doivent être prises afin de compenser autant que possible les conséquences défavorables de l'aide pour les concurrents.
La Commission considère que ces quatre principes généraux peuvent être appliqués aux banques, tout en tenant compte des éventuels effets négatifs indésirables de leur application sur le système financier ainsi que sur la confiance du public dans le secteur bancaire, et de la nécessité de respecter les règles communautaires en matière bancaire.
Quand l'État est l'actionnaire principal de la banque en crise, il convient de séparer le rôle de l'État comme actionnaire du rôle d'autorité de contrôle, qui a l'obligation de sauvegarder la confiance dans le système bancaire. En effet, cette dernière tâche peut amener l'État à accorder à la banque en crise des mesures de soutien additionnelles à ce qui est vraiment nécessaire pour restaurer la viabilité de la banque. Par conséquent, la Commission peut évaluer plus favorablement les mesures de soutien prises par des autorités de surveillance indépendantes, surtout dans le cas de banques publiques, si elles permettent de garantir la neutralité des interventions étatiques et la parité des conditions de concurrence.

4. RÉPONSES DES AUTORITÉS FRANÇAISES AUX DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS FORMULÉES PAR LA COMMISSION DANS SA DÉCISION D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE
Dans sa décision d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 du traité, la Commission avait exprimé son avis sur les lignes générales du plan de redressement. Elle avait affirmé que l'approche semblait s'attaquer au problème de fond de la banque, que des contributions majeures semblaient être fournies par le Crédit Lyonnais, pour tenir compte des intérêts légitimes des concurrents, en bridant l'expansion du Crédit Lyonnais et en réduisant sa présence dans certains domaines d'activité. Elle avait constaté qu'une nouvelle recapitalisation avait été évitée, que les actifs improductifs avaient été séparés de la banque et qu'ils feraient l'objet d'un processus de cession, et qu'un recentrage sur les métiers de base du Crédit Lyonnais serait effectué. La Commission avait également affirmé que, dans son examen sur la compatibilité de l'aide, elle aurait porté une attention particulière aux efforts demandés au Crédit Lyonnais, notamment à l'amaigrissement du bilan et au principe d'une clause de retour à meilleure fortune qui a pour effet de modérer l'expansion future du Crédit Lyonnais, ainsi qu'à la rationalisation importante de l'activité bancaire, incluant certaines réductions additionnelles importantes du personnel et de la couverture géographique des activités bancaires.
Toutefois, la Commission avait estimé que sur d'importants points, des éclaircissements et précisions étaient nécessaires. Faute de ces éléments, la Commission ne pouvait pas conclure à la compatibilité du plan avec le marché commun. Elle avait aussi réaffirmé le principe général à appliquer aux entreprises en difficulté, qui conditionne la compatibilité d'une aide à la fois à une limitation de l'aide au strict minimum, afin que l'effort de redressement soit supporté au maximum par l'entreprise elle-même, à l'apport de contreparties suffisantes pour compenser l'effet distorsif d'une aide de cette importance sur la concurrence, et à l'exécution complète d'un plan de restructuration qui permet de rétablir dans un délai raisonnable la viabilité de l'entreprise.
En particulier, la Commission avait demandé des renseignements supplémentaires, notamment sur les aspects suivants:
a) les listes détaillées des engagements transférés, mentionnées dans le protocole d'accord entre l'État et le Crédit Lyonnais, ainsi que les études d'évaluation conduites par les banques conseils et par la Commission bancaire;
b) le plan de restructuration détaillé par activité et ventilé géographiquement, démontrant le retour à la viabilité du Crédit Lyonnais;
c) la séparation entre le CDR et le Crédit Lyonnais et les modalités de l'intéressement du Crédit Lyonnais dans le contrôle de la gestion du CDR;
d) les modalités de rachat par le Crédit Lyonnais des actifs cantonnés;
e) la possibilité de report des pertes fiscales;
f) la prise en charge totale par l'État des engagements de la SPBI;
g) le coût de restructuration des actifs cantonnés nécessaire pour les vendre;
h) les conditions de privatisation du Crédit Lyonnais, surtout en ce qui concerne l'avenir des contraintes imposées au Crédit Lyonnais après une telle privatisation;
i) l'éventuelle condition de retrait des actionnaires minoritaires de la SPBI;
j) la vente d'actifs hors mécanisme CDR/SPBI pour un montant de 100 milliards de FF;
k) toute autre cession dans la périphérie ou dans le domaine du métier de base du Crédit Lyonnais;
l) les opérations effectuées par l'OIG en 1994, comme par exemple ses rapports financiers.
Ensuite, il y a lieu de présenter les renseignements fournis par les autorités françaises. Ces renseignements ont été fournis par écrit (lettres des 26 et 28 avril, du 23 juin et du 6 juillet, enregistrées respectivement le 27 avril, A/33402, le 3 mai 1995, A/33499, le 26 juin, A/34961 et le 7 juillet, A/35317) ou oralement pendant des entretiens entre les représentants de la Commission, du gouvernement français et du Crédit Lyonnais (le 28 avril, le 17 mai, le 20 et le 27 juin, ainsi que le 5 juillet 1995).
4. a) Le point a) visait d'abord à effectuer une vérification sur les actifs cantonnés et leur prix de transfert. En plus, la Commission avait besoin de renseignements supplémentaires pour parvenir à une estimation plus précise de l'aide contenue dans les mesures de sauvetage. En effet, la quantification du soutien effectif de l'État est essentielle à la fois pour la détermination des contreparties que le bénéficiaire de l'aide doit être appelé à fournir et afin de limiter l'aide au strict nécessaire.
En ce qui concerne la vérification comptable, le Crédit Lyonnais a déclaré transférer 190 milliards de FF d'actifs auxquels sont attachés 55 milliards de FF de passifs. Il est ressorti de l'examen des documents envoyés que le montant net des actifs cantonnés (titres plus créances) atteint environ 130 milliards de FF. À ce montant, il faut ajouter le transfert de 16 milliards de FF des garanties chiffrables et un certain nombre d'autres garanties non chiffrables: il s'agit, notamment, de risques potentiels susceptibles de provenir de garanties de passifs accordées à des sociétés tierces par le Crédit Lyonnais ou ses filiales, de litiges et d'engagements contractés par des personnes morales contrôlées par CDR. Le tableau ci-dessous montre les valeurs d'achat des actifs par grands agrégats, telles qu'elles ont été communiquées par le Crédit Lyonnais:
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Le prix de transfert des actifs est fixé comme suit:
- créances, valeurs mobilières à revenu fixe et titres représentatifs du capital de sociétés non consolidées: valeur comptable au 31 décembre 1994 nette des provisions (excepté les créances sur le groupe MGM qui sont transférées à la valeur brute),
- titres représentatifs du capital social de sociétés consolidées: prix tel qu'il n'engendre pas de variation des capitaux propres consolidés part du Groupe Crédit Lyonnais au 31 décembre 1993.
Étant donné que, selon le protocole d'accord entre l'État et le Crédit Lyonnais, les cessions auront lieu avec effet rétroactif au 1er janvier 1994, les produits et les charges des actifs cantonnés, et se rapportant à la période écoulée entre le 1er janvier 1994 et la date de transfert, devaient être transférés à CDR. En application de ce principe, le prix de cession des titres a été majoré d'intérêts calculés au taux de 4,845 % (soit 85 % du taux du marché monétaire pour 1994, soit 5,7 %). Pour ce qui concerne les créances, l'application du principe a été faite de manière forfaitaire: le Crédit Lyonnais renonce à se faire rembourser les coûts de financement et conserve les produits constitués par les intérêts lorsque ceux-ci ont été comptabilisés.
4. b) Dans sa décision d'ouverture de la procédure, la Commission avait demandé que le plan de redressement du Crédit Lyonnais lui soit fourni pour lui permettre d'évaluer la compatibilité des aides et notamment de l'augmentation de capital. La Commission avait ainsi demandé des informations financières plus détaillées sur les différents secteurs économiques et géographiques du Groupe du Crédit Lyonnais pour vérifier que l'aide ne dépasse pas le montant strictement nécessaire et que le Crédit Lyonnais puisse retrouver sa viabilité sans un autre appui de l'État dans le futur. Ces informations sont indispensables pour apprécier le degré de réalisme du scénario de référence du Crédit Lyonnais pour les cinq prochaines années et, en particulier, de la possibilité de réduction en quatre ans du coefficient d'exploitation (c'est-à-dire le rapport entre frais généraux plus amortissement et produit net bancaire) du Crédit Lyonnais, aujourd'hui de 81 %, à un niveau inférieur à celui de ses principaux concurrents, d'environ 70 %, produisant une amélioration correspondante des résultats du Crédit Lyonnais.
Les autorités françaises ont transmis le business plan préparé par le Crédit Lyonnais. Pour restaurer la capacité bénéficiaire du Crédit Lyonnais, le business plan analyse les principaux problèmes qui sont responsables des difficultés de la banque, à savoir la croissance excessive et mal maîtrisée, la dérive des frais généraux et l'insuffisance du contrôle des risques. Suite à cette analyse, le plan s'ordonne autour des trois axes suivants:
a) Un processus de « recentrage » sur les métiers prioritaires, avec un blocage de croissance externe significative. Le Crédit Lyonnais continuera son activité de « banque commerciale en France » (avec une nouvelle segmentation de la clientèle, le développement de nouveaux canaux de distribution et l'optimisation du réseau d'agences) et de « banque des grandes entreprises et des grands investisseurs dans le monde ». Il va aussi renoncer à l'universalité géographique: l'activité de banque de détail hors d'Europe ainsi que les activités parabancaires en dehors d'Europe seront cédées. En particulier, le Crédit Lyonnais estime qu'il va céder en 1995 toutes les filiales d'Amérique latine. D'autres cessions interviendront dans le réseau international. Le Crédit Lyonnais cédera ou fermera aussi les activités de banque de détail en Europe qui n'ont pas de perspective de rentabilité satisfaisante. Dans cette perspective, le Crédit Lyonnais a déjà fermé cette année en Grande-Bretagne l'ensemble de ces implantations de banque de détail. Les chiffres retenus dans le business plan intègrent la cession du Crédit LyonnaisBN en 1995 et celle de la vente d'autres filiales étrangères dans les années suivantes, pour permettre entre-temps leur restructuration. Cet effet de recentrage se traduira dans le bilan du Crédit Lyonnais, toutes choses égales par ailleurs, par une diminution évaluée à une centaine de milliards de francs sur une période de quatre ans, hors impact de la cession des actifs à la structure de cantonnement.
b) L'amélioration de la productivité, indiquée par la réduction du niveau de coefficient d'exploitation (frais généraux + amortissements/PNB) de plus de 80 % à 70 % en quatre ans. Les mesures prises à cet égard se rattachent à deux axes principaux. Premièrement, l'action sur les coûts salariaux par tête et la réduction des effectifs. À l'issue de la première phase du plan en 1994, 1 500 emplois ont été supprimés en France. L'objectif recherché est d'atteindre une diminution d'emplois de l'ordre de 2 400 en 1995. La dernière phase du plan, celle couvrant la période 31 mars 1996/31 mars 1997 devrait permettre une amélioration comparable de productivité. C'est sur cette base qu'ont été prévues les dotations aux provisions pour restructuration de 1994. En Europe, l'objectif recherché est de passer de [. . .] personnes en juin 1994 à [. . .] en décembre 1995. Les effectifs de la banque commerciale hors d'Europe (11 600 aujourd'hui) se réduiront [. . .] sous l'effet du recentrage stratégique. À ce premier type de mesures, il est à ajouter la réduction des autres coûts, surtout au niveau administratif.
c) La maîtrise et le contrôle des risques, objectif que le Crédit Lyonnais compte atteindre surtout grâce à la réorganisation de la fonction engagement, la mesure du coût du risque et l'amélioration du recouvrement, en plus de l'effet bénéfique du cantonnement en matière de risque.
Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des principaux agrégats comptables du Groupe Crédit Lyonnais après restructuration pour les années 1994-1999, telle qu'elle a été présentée par le Crédit Lyonnais.
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Les prévisions des activités de base et les chiffres disponibles dans le business plan pour 1995-1996 sont l'agrégat des prévisions transmises par les directions opérationnelles et d'un certain nombre de mesures volontaristes portant essentiellement sur le produit net bancaire et les frais généraux, définies de manière globale et dont les résultats ont été ensuite affectés aux entités de base.
Pour les années 1997 à 1999, la prévision a été établie sans descendre au niveau des unités les plus élémentaires, mais de manière plus globale pour chacune des grandes activités du Groupe.
Le business plan du Crédit Lyonnais se fonde sur les hypothèses suivantes:
- les taux d'intérêt à court terme restent bas tout au long de la période considérée en Europe (en France 4,78 % en 1995, 4,67 % par la suite) mais remontent aux États-Unis (de 6,06 à 6,45 %);
- les taux d'intérêt à long terme restent stables;
- le dollar des États-Unis s'améliore par rapport à 1994, et la parité DM/FF reste stable,
- l'environnement économique tient compte de l'amélioration prévue de la conjoncture en Europe, permettant une diminution de la dotation aux provisions jusqu'en 1997.
Les résultats ont été présentés par le Crédit Lyonnais avec les commentaires suivants:
- le produit net bancaire est en baisse en 1995 sous l'influence des cessions [. . .] et en 1996, sous l'effet du passage de la rémunération du prêt du Crédit Lyonnais à la SPBI de 7 % à 85 % du TMM (soit 4 % dans l'hypothèse de taux d'intérêt retenue dans la modélisation). Dans les années suivantes, l'effet positif des remboursements de la SPBI au Crédit Lyonnais au fur et à mesure des cessions d'actifs cantonnés est compensé par la cession de certaines filiales européennes et par les effets de la restructuration,
- les frais généraux et les amortissements diminuent tout au long du plan. Les effets des mesures de restructuration produisent leurs impacts mécaniques liés à la baisse des effectifs,
- le coefficient d'exploitation montre une amélioration constante, passant de [. . .] en 1994 à [. . .] en 1996, pour terminer à [. . .] en 1999,
- l'évolution des dotations nettes aux provisions se fonde sur l'hypothèse que le rattrapage soit terminé en [. . .], point le plus haut du cycle bancaire,
- les autres éléments intègrent la quote-part du résultat des assurances-vie [. . .] et les plus et moins-values exceptionnelles réalisées à l'occasion des cessions.
Le tableau 3 retrace l'évolution du ratio de rentabilité du Crédit Lyonnais, selon le business plan (résultats part du Groupe avant déduction de la clause participative sur fonds propres).
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4. c) Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission avait demandé une séparation plus précise entre la structure de cantonnement (CDR) et le Crédit Lyonnais, pour assurer un contrôle indépendant de la gestion et de la vente ou liquidation des actifs transférés. La Commission avait estimé que, même si des économies avaient pu être obtenues dans la gestion de certains dossiers (notamment les dossiers bancaires et immobiliers) par les équipes du Crédit Lyonnais, il y avait un risque évident de conflits d'intérêt. Ce risque de conflits d'intérêt doit être éliminé par une séparation majeure entre le CDR et le Crédit Lyonnais et par une plus forte influence directe de l'État. Le même souci a été exprimé par les plaignants.
Dans le cadre de la procédure, les autorités françaises ont soumis à la Commission la version définitive des articles du protocole d'accord entre l'État et le Crédit Lyonnais concernant la gestion du CDR, version qui présente certaines modifications par rapport au premier projet. Selon ces modifications, la nomination des mandataires sociaux du CDR, que le droit des sociétés confie à l'actionnaire Crédit Lyonnais, sera soumise pour accord à l'État. Il est aussi prévu que soit créé un comité consultatif de contrôle, qui comprendra trois membres nommés par la SPBI sous le contrôle direct du ministre de l'économie, deux membres nommés par le Crédit Lyonnais et cinq personnalités qualifiées nommées par le ministre de l'économie. Selon le protocole d'accord, la nomination des membres désignés par le Crédit Lyonnais est soumise à l'agrément du ministre de l'économie.
Le comité consultatif est investi de pouvoirs très étendus. En effet, il sera amené à se prononcer sur toutes les grandes décisions engageant CDR ou ses filiales concernant par exemple les cessions d'actifs, les opérations de financement complémentaires ou le contentieux au-delà de seuils définis dans le protocole d'accord et pouvant être ultérieurement modifiés par le règlement intérieur du comité. Bien que ces avis ne soient juridiquement que consultatifs, ils comportent, s'ils sont négatifs, l'exclusion de la responsabilité pécuniaire de la SPBI. En pratique, le comité consultatif aura le pouvoir de refuser ces opérations.
Ainsi, pour remplir sa mission, le comité pourra procéder à des audits des actifs ou des opérations intervenues. En particulier, les mandats de cessions, sauf exception expressément approuvée par le comité, seront confiés à des banques tierces pour assurer l'indépendance de l'évaluation. Cette étanchéité pourra aussi prévaloir pour la gestion des actifs qui, s'il y a lieu, pourra être confiée à un autre établissement.
En ce qui concerne la clause d'intéressement pour inciter le Crédit Lyonnais à bien gérer le canton, les autorités françaises ont communiqué informellement que l'article du protocole d'accord concernant la clause d'intéressement ne sera pas mis en oeuvre.
4. d) En ce qui concerne la possibilité de rachat par le Crédit Lyonnais de certains actifs cantonnés, selon l'annexe 12 du protocole d'accord, les mandats de vente, s'il y en a, seront confiés à des banques tierces et le Crédit Lyonnais devra demander l'accord exprès et préalable de la SPBI pour acquérir un actif. En particulier, en cas de cession projetée au bénéfice d'un tiers au Groupe CDR, l'achat par le Crédit Lyonnais doit impérativement être effectué à des conditions, notamment de prix, au moins égales à celles proposées par ledit tiers au Groupe CDR. Dans le cas de cession spontanée, à tout moment, dans le cadre de la gestion des actifs, la SPBI pourra imposer une mise en concurrence du Crédit Lyonnais avec des tiers. Dans ce dernier cas, ainsi que dans le cas de cession des banques cantonnées, le prix d'acquisition par le Crédit Lyonnais, si la SPBI le demande, sera fixé conjointement par deux banques d'affaires, désignées respectivement par le Crédit Lyonnais et la SPBI en tant qu'experts habilités.
4. e) La Commission avait aussi estimé que la possibilité pour le Crédit Lyonnais de reporter les déficits fiscaux constituait un problème qui devait être traité selon les principes établis dans l'encadrement des aides à la restructuration. Les plaignants ont aussi demandé l'annulation de cette possibilité.
À la fin de 1994, le groupe fiscal constitué par le Crédit Lyonnais et soixante et onze de ses filiales dispose d'un report déficitaire de l'ordre de 29 milliards de FF généré pour l'essentiel par l'activité de la maison-mère, le Crédit Lyonnais métropole. Selon les prévisions du Crédit Lyonnais, le résultat fiscal du Groupe devrait être légèrement positif et ainsi consommer une partie du déficit fiscal qui n'est reportable que durant cinq ans, exception faite de la part du déficit provenant de l'amortissement de biens immobiliers pour laquelle le report est illimité, soit 4,8 milliards de FF.
[. . .]
Les autorités françaises ont aussi affirmé que, en tout cas, lors d'une éventuelle privatisation du Crédit Lyonnais avec la probable cession de la clause d'un retour à meilleure fortune, cette possibilité de report de pertes pourra être révisée en ce sens qu'un tel report serait rendu impossible.
4. f) La Commission avait affirmé qu'elle ne pouvait pas déclarer compatible une prise en charge totale par l'État qui risque de subir des variations importantes. La Commission comprend que le coût précis pour l'État de la prise en charge est très difficile à déterminer aujourd'hui en raison de la volatilité de la valeur des actifs. Toutefois, la Commission doit parvenir à une estimation du montant du coût final de l'opération pour l'État, même dans une fourchette de deux valeurs extrêmes, afin d'évaluer le respect des règles en matière d'aides d'État, notamment en ce qui concerne la limitation de l'aide au strict minimum et les contreparties. Tout dépassement du coût approuvé amènera la Commission à réexaminer le cas.
En outre, il faut considérer que la SPBI étant une société en nom collectif avec deux associés, l'État et Thomson SIEG, et la responsabilité de Thomson SIEG limitée à 1 000 FF selon les statuts de la SPBI, l'État reste le responsable unique du passif net de la SPBI. Bien que cette responsabilité soit illimitée, le montant du passif net pour la SPBI peut être estimé par la différence entre le prêt du Crédit Lyonnais à SPBI (145 milliards de FF) et les produits dont la SPBI va bénéficier, notamment du coupon zéro, de la clause de retour à meilleure fortune, du prêt participatif au CDR et de la contre-garantie de la CDC et de Thomson CSF sur une partie des pertes de l'OIG.
Les autorités françaises ont affirmé que la prise en charge par l'État, via SPBI, des risques et des coûts du CDR est limitée au montant du prêt participatif de SPBI à CDR, soit 135 milliards de FF, et qu'une limite inférieure à ce montant ne pouvait pas être fixée, sans mettre en danger l'approbation de la déconsolidation du canton des comptes du Crédit Lyonnais par les commissaires aux comptes et les autorités de surveillance.
4. g) Le mécanisme de cantonnement a pour but de permettre au Crédit Lyonnais d'éviter la comptabilisation de provisions importantes estimées, avec l'assistance technique des commissaires aux comptes, à 60 milliards de FF. Ce montant inclut [. . .] milliards de FF des risques chiffrables estimés après l'arrêté des comptes du 30 juin 1994 (et incluant le montant de [. . .] milliards de FF des garanties chiffrables, dont au point 4 a), [. . .] milliards de FF de coûts de portage de l'exercice 1994, et [. . .] milliards de FF de provisions du premier semestre 1994 sur des situations dites exceptionnelles. Selon les renseignements fournis par les autorités françaises, le coût brut de portage pour 1995 peut être estimé à environ 4 milliards de FF. Aucune estimation n'est possible pour les années suivantes.
4. h) Vu la longueur de la période du mécanisme financier de soutien du Crédit Lyonnais (20 ans), des clarifications avaient été demandées par la Commission sur la privatisation future du Crédit Lyonnais et, en particulier, sur la modification éventuelle des conditions du plan dans cette éventualité, notamment en ce qui concerne la clause de retour à meilleure fortune et la prise en charge par l'État.
Les autorités françaises ont déclaré que la privatisation du Crédit Lyonnais reste leur objectif, mais que l'incertitude sur le temps nécessaire à la restructuration de la banque ne permet de fixer ni la date ni les conditions de cette privatisation. Toutefois, un premier rendez-vous est prévu dans cinq ans, pour vérifier si le Crédit Lyonnais peut être ou non privatisé. Auparavant, il aura été procédé le 31 décembre 1997 à un bilan approfondi de la mise en oeuvre du plan de redressement afin d'en revoir, le cas échéant, les paramètres. La privatisation du Crédit Lyonnais sera conditionnée par l'équilibre financier pour l'État, via SPBI, du dénouement du montage financier. Dans ce but, les autorités françaises ont affirmé que l'État n'a pas l'intention d'abandonner sans contrepartie adéquate, au moment de la privatisation, la clause de prélèvement sur les résultats du Crédit Lyonnais dont bénéficie la SPBI. Le caractère adéquat de la contrepartie fera alors l'objet d'une valorisation par des banques conseils.
Dans le cadre des discussions entre les représentants de la Commission et les autorités françaises, celles-ci ont réaffirmé leur volonté de privatisation, expliquant qu'elles visent à privatiser le Crédit Lyonnais en principe dans un délai de cinq ans, si le business plan est respecté et donc si la banque retrouve sa viabilité.
Les autorités françaises ont aussi affirmé que les produits de la privatisation pourront venir contribuer à l'équilibrage final de la SPBI. Dans cette perspective, les titres du Crédit Lyonnais détenus par l'État pourront être apportés à la SPBI.
4. i) La Commission avait demandé des renseignements plus détaillés sur la part des actionnaires minoritaires (notamment Thomson et CDC) dans le plan de redressement du Crédit Lyonnais, en particulier sur l'éventuelle condition de retrait de ces actionnaires de la SPBI.
Les autorités françaises ont souligné que Thomson CSF et CDC restent garantes des pertes de l'OIG, si elles dépassent 12,3 milliards de FF, et dans la limite de 1,77 milliard de FF pour Thomson CSF, puis, si nécessaire, de 300 millions de FF pour la CDC. La date d'appel de cet engagement a été reportée au 31 décembre 2012.
En ce qui concerne la SPBI, les autorités françaises ont précisé que la SPBI est une société en nom collectif qui a deux associés: l'État et Thomson SIEG, filiale de Thomson CSF. La responsabilité de Thomson SIEG est, selon les statuts de la SPBI, limitée au montant de sa participation dans SPBI, à savoir 1 000 de FF. Le retrait de Thomson SIEG n'est pas prévu.
4. j) Les autorités françaises avaient annoncé que le Crédit Lyonnais réduirait, dans les plus brefs délais, d'au minimum 100 milliards de FF la taille de son bilan, hors les seuls effets de la création de CDR. Elles ont confirmé cette réduction. Il est précisé que cette réduction peut se faire par désinvestissements, bancaires ou non bancaires, cessions de créances, titrisation et cessions de titres de placement.
En particulier, les autorités françaises ont déclaré que l'ensemble du réseau bancaire en Amérique latine a été mis en vente, des mandats de vente ou des projets de cession ont été lancés pour d'autres entités internationales du Groupe, la Banca Lombarda (Italie) a été cédée et le Crédit LyonnaisBN (Hollande) a été mis en vente, une filiale spécialisée française a été mise en vente. Les cessions engagées portent sur plus de 120 milliards de FF d'actifs au bilan consolidé du Crédit Lyonnais, hors titrisation (presque 14 milliards de FF).
4. k) Le business plan envisage le recentrage de l'activité du Crédit Lyonnais sur les deux métiers de base de banque commerciale en France et de banque des grandes entreprises et des grands investisseurs dans le monde. Le Crédit Lyonnais a déclaré que l'activité de banque de détail hors d'Europe ainsi que les activités parabancaires en dehors d'Europe seront cédées. Les autorités françaises n'ont pas fourni des précisions sur les éventuelles cessions additionnelles.
4. l) Les autorités françaises ont transmis à la Commission un rapport provisoire sur l'activité et les comptes d'OIG. Les résultats de 1994 sont peu significatifs, car le démarrage de l'activité a été très lent. 2 milliards de FF d'actifs ont été cédés, tandis que le coût de portage des actifs en portefeuille a correspondu à 2,5 milliards de FF de nouveaux fonds. Ce montant a augmenté à 3,3 milliards de FF en mars 1995, à cause d'une situation du marché immobilier qui reste très faible.

5. COMMENTAIRES REÇUS DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE

5.1. Réactions des tiers intéressés
La Banque Nationale de Paris et la Société Générale, deux banques françaises de taille comparable au Crédit Lyonnais, ont fait parvenir à la Commission leurs commentaires sur le présent cas d'espèce. Comme les deux dossiers reçus sont très semblables, leurs argumentations sont décrites ci-dessous dans une seule présentation.
L'association des actionnaires salariés et anciens salariés du Groupe Crédit Lyonnais (« Crédit Lyonnais Actionnaires Salariés ») a fait part à la Commission de son souci au regard du futur du Crédit Lyonnais, notamment en ce qui concerne la réduction de sa taille. Elle a aussi affirmé que la politique agressive et audacieuse menée par le Crédit Lyonnais pendant la deuxième moitié des années 80 a été explicitement soutenue par l'État français.
La représentation permanente du Royaume-Uni auprès de l'Union européenne et la British Bankers' Association ont aussi envoyé deux lettres dans lesquelles elles expriment leur accord avec l'attitude de la Commission en ce qui concerne l'application aux banques des règles en matière d'aide d'État, tout en insistant sur la nécessité de préserver la confiance des opérateurs économiques dans la solidité du système bancaire. S'agissant du Crédit Lyonnais, elles ont affirmé que la Commission doit vérifier que l'aide soit limitée au strict minimum et que le Crédit Lyonnais donne des contreparties importantes en termes de vente d'actifs et de réduction de taille.
La représentation permanente de Danemark auprès de l'Union européenne a aussi envoyé une lettre dans laquelle elle a exprimé son approbation de l'approche suivie par la Commission. Toutefois, les observations danoises sont parvenues après l'expiration des délais de réponse prévus dans la communication de la Commission publiée dans le Journal officiel des Communautés européennes, et elles sont donc rapportées seulement pour information. Les autorités danoises ont aussi affirmé que, dans certains cas, pour éviter que le risque du dépôt du bilan d'une ou plusieurs grandes banques entraîne une crise systémique, des mesures urgentes et immédiates sont nécessaires.
Les argumentations des banques françaises peuvent être résumées dans les points suivants:
I) Le plan de sauvetage n'offre pas de lecture claire de l'objectif recherché en termes de stratégie. Sans une réduction claire et significative de son périmètre d'activité en termes géographiques et en termes de métiers exercés, on pourrait craindre la reconstruction simple de la banque à l'identique par le support étatique.
II) Les capitaux engagés ne trouvent pas une rémunération normale. Le plan comporte un montant d'aide d'État nette des contributions du Crédit Lyonnais entre 50 et 62 milliards de FF, valeur au 1er janvier 1995. Ce montant est obtenu en additionnant les valeurs actualisées de l'augmentation de capital (5,3 milliards de FF), de l'opération de défaisance (entre 54 et 66 milliards de FF), après déduction des revenus actualisés du coupon zéro (7,8 milliards de FF) et de la clause de retour à meilleure fortune (1 milliard de FF). Le taux d'actualisation utilisé (7,81 %) a été obtenu à partir des estimations des autorités françaises de la valeur du coupon zéro. L'estimation du coût de l'opération de défaisance a été basée sur l'hypothèse que tout le portefeuille des actifs transférés sera vendu en cinq ans et que chaque année il y aura un coût de portage entre 5 et 6 % à supporter.
III) Le plan induit de graves distorsions de concurrence qui ne sont pas compensées par un effort de restructuration significatif du Crédit Lyonnais. Selon les plaignants, la politique très agressive menée par le Crédit Lyonnais pendant les années 1987-1993, notamment dans l'acquisition de participations bancaires et industrielles à des prix très élevés, avait déjà été financée en grande partie par l'État (en lui apportant presque 20 milliards de FF de fonds propres, tandis que l'autofinancement a représenté moins de 6 milliards de FF). En outre, le Crédit Lyonnais aurait, par son intervention disproportionnée, constitué un facteur important d'aggravation de la crise immobilière en France. En effet, le Crédit Lyonnais représente, avant cantonnement, près d'un tiers du total des crédits aux professionnels de l'immobilier (105 milliards de FF sur 324 milliards de FF) et plus du double des engagements totaux de la BNP et de la Société Générale, établissements de taille comparable au Crédit Lyonnais. Face à ces éléments, les conditions de réalisation du plan apparaissent peu contraignantes et l'amaigrissement du Crédit Lyonnais purement virtuel, étant donné que les actions de rationalisation entreprises en France par le Crédit Lyonnais sont de même nature et de même ampleur que celles de ses concurrents (ainsi en 1994 les effectifs du Crédit Lyonnais Métropole avaient diminué de - 2 % à périmètre constant alors que dans le même temps ceux de la BNP Métropole reculaient de - 2,3 %) (9).
IV) Les mesures correctrices suivantes seraient donc envisageables:
1) La gestion de CDR doit être indépendante (le capital, les organes dirigeants et le personnel totalement indépendants du Crédit Lyonnais), pour prévenir toute possibilité de conflit d'intérêts.
2) Altus, SDBO et Colbert doivent rester dans le périmètre de consolidation du Groupe Crédit Lyonnais (qui doit assumer lui-même les coûts liés à la liquidation de ces banques).
3) La garantie de l'État doit être plafonnée.
4) La subvention d'exploitation de l'État au Crédit Lyonnais, qui provient de la substitution dans les comptes du Crédit Lyonnais des actifs non rentables cantonnés avec le prêt à SPBI, doit être fortement réduite.
5) Les reports fiscaux déficitaires doivent être annulés.
6) Il faut « verrouiller » la clause de retour à meilleure fortune pour la durée initialement prévue (vingt ans), que le Crédit Lyonnais soit privatisé ou non.
7) Le Crédit Lyonnais doit céder des composantes substantielles de son outil de production, à la fois en Europe et hors Europe.
8) Les engagements du Crédit Lyonnais doivent être précisés, recensés et irrévocables; de plus, un rapport annuel public doit rendre compte de l'application du plan.
La plupart des remarques des deux banques françaises, qui avaient été déjà prises en considération par la Commission lors de l'ouverture de la procédure, soit dans l'appréciation du contenu d'aide, soit dans la demande de renseignements, font l'objet d'une discussion plus approfondie dans l'appréciation du contenu d'aide de l'opération et dans l'examen de sa compatibilité.
Toutefois, la Commission considère que certaines argumentations des plaignants ne peuvent pas être acceptées, notamment en ce qui concerne les points 2) et 4). Le point 3) n'est pas pertinent par rapport au problème de l'évaluation par la Commission du contenu d'aide de cette garantie.
En effet, le souhait des plaignants que Altus, SDBO et Colbert ne soient pas transférés au canton ne semble pas acceptable, pour deux raisons. Premièrement, si ces filiales étaient restées dans le périmètre de consolidation du Groupe Crédit Lyonnais, celui-ci aurait nécessité une augmentation de capital additionnelle de 9 milliards de FF au minimum pour faire face aux demandes des provisions des commissaires aux comptes. Deuxièmement, dans tous les cas à la fin de 1995, ces filiales seront reprises par le Crédit Lyonnais si elles n'ont pas été vendues ou liquidées auparavant. Le prix de rachat pourra être fixé par deux banques d'affaires indépendantes.
En ce qui concerne la réduction de la subvention d'exploitation, et notamment le raisonnement selon lequel les coûts de portage des actifs cantonnés sont à ajouter au montant des pertes estimées par les commissaires aux comptes, la Commission estime que ce raisonnement n'est pas correct, car il implique que l'aide serait comptée deux fois, étant donné que, selon les autorités françaises, ce montant des pertes inclut tout coût de portage des actifs.

5.2. Réponses des autorités françaises aux réactions des tiers
Les argumentations des tiers ont été discutées avec les autorités françaises, pendant les entretiens réguliers entre elles et les représentants de la Commission. Leurs commentaires sont inclus dans l'appréciation de l'opération et dans l'examen de sa compatibilité effectués par la Commission (points 6 et 7).

6. APPRÉCIATION

6.1. Confirmation de l'aide contenue dans les mesures financières en faveur du Crédit Lyonnais
Le Crédit Lyonnais étant une banque sous le contrôle de l'État, pour évaluer la présence d'aide d'État dans le soutien financier qui lui est fourni, la Commission applique « le principe de l'investisseur privé dans une économie de marché ».
Les mesures de restructuration mises en place en 1994 et poursuivies en 1995 peuvent être considérées comme formant un processus global de restructuration, auquel les aides octroyées en 1994 et en 1995 sont liées.
6.1.1. L'augmentation de capital
En ce qui concerne l'augmentation de capital réalisée au mois de mai 1994, sur la base des documents transmis, la Commission estime qu'elle était au moment de l'apport en capital loin d'être suffisante pour assurer la rentabilité future. Il doit être considéré que l'augmentation de capital était essentielle à la survie de la banque, puisque son ratio de solvabilité était descendu au-dessous du niveau minimal de 8 %. Toutefois, l'opération ne faisait pas partie d'un plan [. . .] de redressement de la banque.
En outre, il convient de considérer que le prix de l'augmentation de capital semble avoir été basé sur une surestimation de la valeur de la banque. Les autorités françaises ont fait valoir que cette estimation avait été certifiée par [. . .]. Cependant, plusieurs éléments font supposer qu'un investisseur privé n'aurait pas accepté cette estimation pour un tel investissement dans le Crédit Lyonnais.
Un investisseur privé aurait exigé une enquête approfondie et complète sur les engagements du Crédit Lyonnais et sur ses comptes, ainsi qu'un plan détaillé de redressement, avant d'accepter de fournir du nouveau capital, tandis que [. . .], dont la mission ne comportait pas la revue des principaux engagements du Crédit Lyonnais, a conduit son évaluation sur la base des informations fournies par le Crédit Lyonnais (la plupart étant publiques), informations que [. . .] n'a pas été mise en mesure de vérifier totalement. En deuxième lieu, la valeur des actifs nets a été estimée sur la base des comptes de 1993, qui ne semblaient pas refléter leurs valeurs réelles, notamment en ce qui concerne le portefeuille industriel et les actifs bancaires. Enfin, un investisseur privé aurait aussi considéré que certains engagements, notamment dans le portefeuille industriel, dont les revenus étaient inférieurs à leur coût de financement, aurait pesé d'une façon négative sur les résultats futurs de la banque. Par conséquent, une dépréciation supplémentaire de la valeur des actifs nets aurait pu être jugée nécessaire.
Par conséquent, au lieu de pouvoir escompter une rémunération appropriée pour son investissement effectué en mai 1994 sans devoir à nouveau fournir d'autres financements, l'État a dû prendre en considération de nouvelles mesures de soutien financier pour le Crédit Lyonnais.
D'ailleurs, en vertu de la directive 89/647/CEE, les autorités de supervision bancaire doivent faire en sorte qu'une banque, dont le ratio de solvabilité tombe en dessous de 8 %, prenne les mesures nécessaires pour reconstituer le niveau adéquat aussi rapidement que possible, par recapitalisation ou par diminution de ses engagements, faute de quoi elle devrait cesser son activité. Toutefois, ces opérations de recapitalisation ou de minoration des engagements constituent des aides si elles ne sont pas consenties à des conditions normales de marché. Ainsi, le ratio de solvabilité minimal est une contrainte qui trouve sa raison d'être dans le raisonnement qu'une banque ne peut être sainement gérée qu'avec un minimum de solvabilité. L'exigence de solvabilité minimale constitue ainsi un des critères de viabilité d'une banque et assure en même temps l'égalité des conditions de concurrence.
Il convient donc de conclure qu'un investisseur privé dans une économie de marché n'aurait pas accepté, comme l'a fait l'État français en mai 1994, d'injecter ses capitaux dans le Crédit Lyonnais au prix de 774 de FF par action, sans une enquête [. . .] des comptes de la banque et sans un plan de restructuration [. . .] démontrant que le Crédit Lyonnais connaîtra un retour à la viabilité dans un laps de temps raisonnable. Dès lors, sur la base des informations disponibles, l'augmentation de capital de 4,9 milliards de FF doit être considérée comme une aide d'État.
6.1.2. La prise en charge par l'État dans le cadre de la première opération de défaisance
En ce qui concerne la prise en charge par l'État de 18,4 milliards de FF prévue dans l'opération de défaisance de 1994, il est également conclu que celle-ci contient des éléments d'aide d'État. La Commission, en ouvrant la procédure, avait considéré que, comme le gouvernement Français l'a reconnu, la prise en charge par l'État était nécessaire à la survie du Crédit Lyonnais, puisque sans celle-ci le besoin des provisions appropriées aurait épuisé les réserves de la banque, la rendant ainsi insolvable. Sans prise en charge par l'État ou autre opération de même ampleur, le Crédit Lyonnais aurait dû être mis en liquidation.
En second lieu, la prise en charge n'était pas rémunérée par une prime de risque fixe, bien qu'elle contînt une clause de retour à meilleure fortune. Cependant, une telle clause était sans valeur pratique, étant donné la surestimation des actifs non performants, et aussi parce qu'un tel retour à meilleure fortune n'était nullement établi. Cette surestimation aurait rendu d'une part le provisionnement couvert par la prise en charge insuffisant, comme mentionné par [. . .] dans son rapport sur le Crédit Lyonnais, et d'autre part, très probable l'activation de cet engagement. Puisque la prise en charge était nécessaire à la survie du Crédit Lyonnais et qu'aucune rémunération ne pouvait être attendue, l'élément d'aide contenu dans cette prise en charge est pratiquement égal au montant garanti.
En outre, il convient de considérer que cette opération est intervenue environ trois ans après le changement de la conjoncture économique dans ce secteur. Pendant cette période, le Crédit Lyonnais n'avait constitué [. . .] provision sur les engagements acquis, qui au contraire ont continué à augmenter, alors que plusieurs experts parvenaient à l'estimation qu'une partie [. . .] des engagements sur l'immobilier aurait dû être provisionnée.
La Commission avait aussi rejeté l'argumentation du gouvernement français, selon laquelle une telle prise en charge n'est pas une aide d'État puisqu'elle avait été fournie par les actionnaires à la demande de la commission bancaire et faisait partie d'un mécanisme de défaisance également adopté par d'autres banques françaises. En effet, le Crédit Lyonnais présente des particularités par rapport aux autres banques françaises qui ont adopté des mécanismes semblables de défaisance. Tout d'abord, le Crédit Lyonnais n'a pas enregistré de pertes significatives sur la valeur nominale des engagements transférés à la structure spécifique de défaisance (OIG), car il a pu céder ces engagements à la valeur comptable nette, grâce à la prise en charge par l'État des risques de cette structure, et les provisions constituées par le Crédit Lyonnais sur ces engagements étaient presque négligeables par rapport à la valeur nominale des actifs.
En second lieu, sur la base de l'information reçue, il semble que, par rapport aux autres mécanismes de défaisance, seule la société spécifique du Crédit Lyonnais (OIG) ait bénéficié d'une prise en charge par l'État de ses risques. Cette prise en charge par l'État a permis au Crédit Lyonnais de garder pour 1994 les engagements dans les livres sans être obligé de constituer des provisions additionnelles et de reconstituer ses fonds propres, comme le veulent les règles sur la solvabilité des institutions de crédit. Il semble que les autres banques françaises n'aient pas reçu le même avantage, puisque elles ont dû constituer des sociétés spécifiques au dehors du périmètre de consolidation avec leur prise en charge par les sociétés holdings financières de ces banques et non pas par leurs actionnaires finaux.
Troisièmement, dans le cas du Crédit Lyonnais seulement, le mécanisme comprend le paiement du coût de portage au Crédit Lyonnais pour le service du prêt accordé à la société spécifique (4 milliards de FF). Le paiement du coût de portage doit donc évidemment être considéré comme une aide qui s'ajoute à celui de la prise en charge.
Il doit par conséquent être conclu que des aides importantes sont présentes dans le mécanisme de défaisance et notamment dans la prise en charge par l'État des risques des engagements transférés et du service du prêt.
6.1.3. La deuxième opération de défaisance
En 1995, dans le cadre de la deuxième opération de sauvetage, le mécanisme de cantonnement a été modifié pour prendre en compte d'autres pertes potentielles qui auraient dépassé les fonds propres de base du Crédit Lyonnais. Les autorités françaises ont déclaré que la solution envisagée a été réalisée à la demande de la commission bancaire et est la seule possible pour satisfaire les multiples contraintes que le plan de redressement doit respecter, à savoir la protection des déposants et le respect des règles en matière de droit bancaire, commerciale et de bourse, la minimisation du coût du plan pour le contribuable, la prévention de toute distorsion de concurrence, la préservation des intérêts patrimoniaux de l'État et des actionnaires minoritaires.
Elles ont aussi affirmé que le coût pour l'État de toute solution alternative aurait été beaucoup plus élevé, que la prise en charge totale par l'État des engagements transférés est nécessaire pour permettre leur déconsolidation des comptes du Crédit Lyonnais et la certification des mêmes comptes, et que la clause de retour à meilleure fortune, avec le produit des cessions d'actifs, du coupon-zéro et de la privatisation de la banque couvre le coût de la prise en charge y inclus la rémunération du prêt du Crédit Lyonnais à la SPBI.
Toutefois, la Commission estime que le mécanisme de cantonnement et notamment la prise en charge par l'État des risques et des coûts de ce mécanisme constitue une aide d'État. Le caractère d'aide de cette prise en charge peut être déduit du fait qu'elle est à la fois nécessaire pour la survie du Crédit Lyonnais, qu'elle a une durée extraordinaire, qu'elle comporte un niveau de risque très élevé, et qu'aucune rémunération adéquate de cette prise en charge ne peut être attendue, étant donné qu'elle peut subir des variations importantes auxquelles le Crédit Lyonnais est incapable de faire face.
Selon les informations disponibles, la Commission estime qu'il n'y a pas de raisons pour conclure que les coûts globaux prévisibles à ce stade pour l'État français du mécanisme choisi sont moins élevés que les coûts que l'État actionnaire aurait dû supporter si la solution d'une liquidation contrôlée ou toute autre solution de vente ou de restructuration avait été choisie, en tenant compte des contraintes éventuelles qui résident dans les règles nationales ou communautaires régissant les différents scénarios possibles, règles qui peuvent entraîner en cas de liquidation des coûts plus élevés dans le secteur bancaire que dans le secteur industriel.
En outre, il y a lieu de conclure que le coût pour l'État aurait été beaucoup moins élevé si son intervention avait été réalisé d'avance. Si l'État était intervenu pour limiter la croissance excessive du Crédit Lyonnais, il aurait aussi limité les risques auxquels le Crédit Lyonnais s'exposait, fort du soutien de son actionnaire et de sa taille, et donc le coût ultérieur de redressement pour l'État.
Il convient de rappeler à ce propos que la politique agressive du Crédit Lyonnais, pas suffisamment maîtrisée, et la qualité modeste de ses actifs avaient déjà mené en 1991 l'agence de notation Moody's à réviser vers le bas la notation de la banque deux crans au-dessous du maximum. Toutefois, cette notation restait encore au-dessus du niveau effectif de la qualité du portefeuille du Crédit Lyonnais, étant favorisée par la garantie qui provient de la présence de l'État en qualité d'actionnaire principal de la banque.
En outre, plusieurs éléments avait déjà alerté les autorités françaises au début de 1992: le retournement de la conjoncture avec ses conséquences claires sur les engagements du Crédit Lyonnais dans l'immobilier et dans l'industrie, la situation fragile du Crédit LyonnaisBN, notamment du fait de son engagement et celui du Crédit Lyonnais dans l'affaire MGM, les conséquences des prises de participations dans des entreprises publiques déficitaires comme Usinor-Sacilor, le dysfonctionnement que les premières enquêtes menées par la Commission bancaire dans certaines filiales du Groupe, comme Altus, laissaient prévoir.
Au contraire, le Crédit Lyonnais continuait sa stratégie d'expansion [. . .]. Le total du bilan augmentait de 1 600 (fin 1991) à presque 2 000 milliards de FF (fin 1993), soit 25 % en deux ans, dont la moitié pour l'acquisition de la BfG en Allemagne, conclue en décembre 1992; en même temps, le Crédit Lyonnais renforçait sa présence en Amérique, en Asie et en Afrique; le portefeuille industriel et commercial, qui était de presque 38 milliards de FF fin 1991, atteindrait environ 50 milliards de FF fin 1993 (soit + 30 %). Il est évident, donc, qu'un contrôle plus strict de l'expansion du Crédit Lyonnais aurait limité les coûts du redressement. Par conséquent, le plan de redressement apparaît tardif.
Il est à noter que les autorités françaises n'ont pas présenté de solution alternative de liquidation contrôlée ou vente par blocs, ni une évaluation de ses coûts. Si une telle solution avait été retenue et même si ses coûts avaient avoisiné ceux du redressement retenu, il est évident que cette solution aurait été nettement moins distorsive du point de vue concurrentiel. Donc, si on applique le principe de la proportionnalité, cette solution aurait dû être retenue.
[. . .]
Si l'on peut comprendre les raisons qui ont amené les autorités françaises à opter pour la solution du redressement accompagné d'un important soutien financier étatique, cela ne permet pas d'ignorer les effets négatifs importants d'une telle solution sur la concurrence. De tels effets exigent des contreparties importantes.
Enfin, il faut considérer qu'il est très probable que le coût de l'opération de sauvetage pour l'État aurait été moins élevé si une analyse approfondie et complète avec la préparation d'un plan de redressement adéquat avait été préparé lors de la première intervention, ou même avant.
En conclusion, étant donné les éléments ci-dessus et sur la base des informations disponibles, la Commission considère que l'augmentation de capital, les différents éléments du mécanisme CDR/SPBI ainsi que les prises en charge par l'État des engagements transférés contiennent d'importants éléments d'aide d'État.

6.2. Appréciation du business plan
Pour ce qui concerne le business plan du Crédit Lyonnais, celui-ci semble s'attaquer aux problèmes de fond de la banque et permettre au Crédit Lyonnais de restaurer sa viabilité. Toutefois, certaines précisions semblent nécessaires.
Tout d'abord, étant donné que le système de sauvetage du Crédit Lyonnais permet de rétablir le ratio de solvabilité au niveau de 8,3 %, tout en minimisant le montant des ressources payées actuellement par l'État, on peut conclure que l'aide ne semble pas être significativement supérieure au strict minimum, qui est aujourd'hui nécessaire. Néanmoins, des contreparties importantes sont également nécessaires afin que le Crédit Lyonnais ne soit pas reconstitué à l'identique, qu'il participe d'une façon significative aux coûts de restructuration et qu'il donne des compensations appropriées aux concurrents pour la distorsion de concurrence induite par l'aide.
En effet, selon les renseignements fournis par les autorités françaises sur l'évolution des fonds propres du Crédit Lyonnais, le plan de restructuration permet au Crédit Lyonnais le retour à la viabilité avec un ratio de solvabilité suffisant. Avec un taux d'augmentation des capitaux propres part du Groupe (18 % en cinq ans) supérieur au taux de croissance des actifs pondérés (4,6 %), le ratio de solvabilité pourra se renforcer.
On peut parvenir facilement à une estimation de l'évolution du ratio de solvabilité et de sa valeur à la fin du processus de redressement, sur la base des estimations du Crédit Lyonnais sur la croissance des actifs pondérés et des fonds propres part du Groupe et dans l'hypothèse, particulièrement prudente, que les fonds propres résiduels (intérêts minoritaires et fonds propres complémentaires) restent constants au niveau de 1994 (presque 50 milliards de FF). Cet exercice montre que le ratio de solvabilité reste pendant toute la durée de la période de redressement à un niveau supérieur au minimum réglementaire (tableau 4).
>EMPLACEMENT TABLE>
Toutefois, les hypothèses retenues pour le business plan semblent être légèrement optimistes. En ce qui concerne les taux d'intérêt, nominaux et réels, le business plan suppose que ceux-ci décroissent en 1995 jusqu'à un niveau bas (4,78 %) et restent stables par la suite (4,67 %). Toutefois, actuellement, la réduction attendue des taux d'intérêts n'a eu lieu que dans une mesure assez limitée. Les taux d'intérêt à court terme actuels s'inscrivent à environ 7,2 %, donc 2,4 points en plus. Dans une situation où le taux d'inflation reste bas (10), cela signifie des taux d'intérêts réels élevés. Or, l'expérience du passé concernant le redressement des banques et des études réalisées par la commission bancaire montrent que le redressement d'une banque est d'autant plus difficile quand les taux d'intérêts réels sont élevés.
En particulier, les études présentées par la commission bancaire dans ses rapports annuels montrent qu'il y a en général une relation positive entre taux d'intérêt réel et le rendement minimal que les banques doivent obtenir en moyenne de leurs opérations de crédit pour rémunérer leurs ressources empruntées et couvrir le coût d'intermédiation (« point mort » des banques).
Le resserrement monétaire entraîne une réduction de la demande de crédit et un accroissement de la concurrence entre les établissements de crédit, qui a pour effet de réduire les marges bancaires. De plus, la forme plate de la courbe des taux d'intérêts en France (les taux à court terme sont presqu'au même niveau que les taux à long terme) pénalise les activités de marché et augmente le coût de portage des actifs immobiliers. Enfin, le coût des ressources pour les établissements plus fragiles s'alourdit, car ils ont une notation plus dégradée surtout sur les emprunts à long terme (11).
Ainsi, l'hypothèse que le Crédit Lyonnais puisse rattraper et même faire mieux que ses concurrents en termes de coefficient d'exploitation, d'ici à la fin de 1999, semble optimiste. Cela signifierait que le Crédit Lyonnais augmentera sa part de marché. Toutefois, il semble plus réaliste de supposer que les efforts que, pendant cette période, les concurrents feront aussi pour améliorer leur productivité, ne permettront pas ce dépassement. Le rattrapage est possible quand il y a des gaspillages et des déséconomies qui peuvent être éliminées, mais faire mieux que les concurrents signifie supposer que le Crédit Lyonnais puisse mettre en place de nouveaux systèmes de gestion plus efficaces et rentables que ceux des concurrents et que ceux-ci ne connaissent eux-mêmes pas encore. Par conséquent, cet objectif semble ambitieux.
En outre, l'amélioration envisagée des coûts ne doit pas être surestimée. En particulier, la réduction des coûts du personnel en France trouve une limite dans le système actuel de licenciement qui ne favorise pas un renouvellement du personnel plus ancien avec du personnel plus jeune, mieux préparé pour l'introduction, la diffusion et l'application intensive des systèmes informatisés. Bien que des plans sociaux aient été établis avec l'accord des syndicats pour favoriser les départs volontaires du personnel excédentaire, tout autre effort pour conserver et attirer le personnel plus valable et pour améliorer sa productivité semble difficile.
[. . .] il convient enfin d'ajouter que [. . .] de 2000 à 2014 [. . .]. Le business plan prévoit une croissance du résultat net après impôts de 4 % par an; avec un taux d'inflation d'environ 2 % par an, cela signifie un taux de croissance réel automatique de 2 % par an des résultats nets, coeteris paribus. Il est évident que cette approche arithmétique n'est pas réaliste. Si l'on suppose un marché bancaire à croissance marginale seulement, une telle hypothèse suppose une croissance de la part de marché du Crédit Lyonnais. Une telle hypothèse ne peut pas être acceptée.
Pour toutes ces raisons, il semble donc plus approprié de supposer une stabilisation des résultats réels après redressement. En effet, le taux de rentabilité des capitaux propres retenu pour 1999 (12,4 %) confirme le retour à la viabilité du Crédit Lyonnais, tandis que son augmentation automatique dans les années suivantes semble trop optimiste.
Par conséquent, il convient de faire une estimation plus prudente de la capacité de redressement du Crédit Lyonnais. Évidemment, cela signifie que les prévisions des revenus attendus pour l'État (produits de la clause de retour à meilleure fortune, ainsi que les résultats pour l'État actionnaire, en termes de dividendes et affectation à réserve des résultats), doivent être adaptés vers le bas, par une analyse de sensibilité, basée sur l'hypothèse d'un taux de croissance nominale du résultat net après impôts de 2 % pour la période 2000-2014.

6.3. Evaluation du montant de l'intervention d'État
Tout d'abord, il faut considérer qu'une estimation du coût pour l'État de l'opération de sauvetage du Crédit Lyonnais est très difficile, vu la difficulté d'évaluer l'aide contenue dans le mécanisme de défaisance. En effet, l'aide contenue dans la prise en charge par l'État des actifs transférés au canton ne peut pas être chiffré avec précision, en raison du caractère aléatoire de l'évaluation du risque contenu dans les actifs. Pour une estimation significative de l'aide contenue dans la prise en charge, des évaluations détaillées et portant sur tout actif cantonné sont nécessaires. De telles évaluations peuvent être menées seulement par des « audits » professionnels. Par conséquent, la Commission a voulu examiner les résultats de différentes évaluations effectuées avec l'assistance de plusieurs experts, notamment la commission bancaire, les nouveaux commissaires aux comptes du Crédit Lyonnais, et les banques conseils.
Une valeur indicative de l'aide contenue dans la prise en charge par l'État peut être estimée, comme la Commission l'avait fait lors de l'ouverture de la procédure, en regardant tout d'abord le montant de fonds propres que le Crédit Lyonnais aurait nécessité pour le respect du coefficient de solvabilité s'il n'avait pas bénéficié de la couverture de l'État. En effet, l'objectif principal de la prise en charge par l'État de la valeur nette totale des actifs cantonnés est de permettre au Crédit Lyonnais de déconsolider le canton, évitant toute provision (soit pour dépréciation d'actifs par rapport à la valeur comptable, soit pour coût de portage) ainsi que toute augmentation des fonds propres qui auraient pesé lourdement sur le budget de l'État, selon les règles de solvabilité pour les établissements de crédit.
Les renseignements fournis par les autorités françaises ont permis de parvenir à une estimation plus précise du montant brut de l'opération, selon cette méthode. Ce montant comprend 4,9 milliards de FF d'augmentation de capital, 60 milliards de FF de provisions (12), environ 4 milliards de FF relatifs au simple effet mécanique sur le besoin de fonds propres lié à la déconsolidation, soit presque 69 milliards de FF au total.
Toutefois, comme les autorités françaises l'ont souligné, le mécanisme a pour but d'éviter que le Crédit Lyonnais enregistre au présent ces pertes et de reporter celles-ci sur plusieurs années dans le futur, et de permettre ainsi leur compensation par les différents éléments du mécanisme. Selon les autorités françaises, le déficit dérivant des abandons de créances du CDR, sera compensé par la clause d'un retour à meilleure fortune entraînant des prélèvements au bénéfice de la SPBI, les éventuelles plus-values sur les actifs transférés reprises à leur valeur nette dans les comptes SPBI, ainsi que le revenu de la vente des actions du Crédit Lyonnais par la SPBI lors de la privatisation de la banque. L'éventuel solde négatif final (en 2014) serait couvert par les revenus du prêt coupon zéro à concurrence de 35 milliards de FF.
Pour examiner la validité de ce raisonnement, il est nécessaire de comparer la rémunération attendue de l'opération pour l'État actionnaire avec les coûts que l'État doit supporter. Évidemment, tous les montants nominaux des coûts actuels et des revenus attendus du mécanisme dans un avenir plus ou moins loin, notamment les pertes finales et les produits de la clause de retour à meilleure fortune, des dividendes et du coupon zéro, doivent être correctement comparés. Cela signifie qu'une actualisation appropriée doit être opérée sur toute valeur future.
La nécessité pour la Commission d'utiliser cette approche consiste à la fois dans l'argumentation des autorités françaises que l'opération a un coût net final nul pour l'État, et dans l'estimation présentée par les banques concurrentes, dans le cadre de la procédure, qui affirme que le montant net actualisé de l'aide se chiffre entre 50 et 62 milliards de FF.
En outre cette méthode à utiliser pour l'évaluation d'une intervention étatique a été définie par la Commission dans sa communication 93/C 307/03 (13). Dans cette communication, la Commission a affirmé que pour apprécier les interventions étatiques, il faut comparer le comportement de l'État et celui d'un investisseur privé. En particulier, elle a affirmé que « un investisseur en économie de marché apporterait normalement des capitaux à condition que la valeur actuelle (soit, le cash-flow futur actualisé au coût du capital pour la société, ou taux d'actualisation interne) des cash-flow qu'il peut espérer retirer du projet envisagé (perçus sous forme de dividendes et/ou de plus-values sur capital et ajustés en fonction des risques) soit supérieure au nouvel apport ». Dans la communication, la Commission affirme également que « cet élément d'aide est constitué par la différence entre le coût de l'investissement et sa valeur correctement actualisée ».
Dans l'évaluation des apports en capital et des résultats attendus sous forme de dividendes et/ou de plus-values sur capital, le taux d'actualisation doit être égal au taux que les marchés de capitaux auraient utilisé pour évaluer le rendement de leur soutien.
Selon les estimations que font plusieurs experts, Crédit Lyonnais compris, le taux de rentabilité approprié pour des capitaux placés dans une banque est de l'ordre de 12 %. On peut parvenir à la même estimation si on considère le taux moyen de rentabilité dans les quatre dernières années d'un échantillon des grandes banques internationales (14). Ainsi le taux de rentabilité des fonds propres que le Crédit Lyonnais s'est fixé comme objectif est de la même ampleur, le taux attendu en 1999, après redressement, étant égal à 12,4 %. Par conséquent, la Commission considère qu'un taux de 12 % peut être retenu comme approprié pour le calcul de la valeur actuelle des revenus futurs pour l'État.
Afin de parvenir à une évaluation du coût net de l'opération pour l'État, trois considérations sont nécessaires. Tout d'abord, il convient de noter que la SPBI étant une société en nom collectif détenue par l'État, elle bénéficie d'une prise en charge totale de la part de son actionnaire. Le contenu d'aide de l'opération inclut non seulement les pertes sur le prêt participatif au CDR, mais aussi les coûts de financement de la SPBI.
Deuxièmement, dans le présent cas d'espèce, cette méthode doit être basée sur la considération que la valeur du Crédit Lyonnais sans plan de sauvetage aurait été nulle, étant donné que les pertes auraient épuisé les fonds propres de la banque. Par conséquent, en regard du montant brut de l'intervention il faut mettre à la fois le coupon zéro, le produit de la clause d'un retour à meilleure fortune (le « prélèvement ») et les parts des résultats que l'État recevra en sa qualité d'actionnaire direct et indirect (Thomson et CDC) du Crédit Lyonnais, soit par distribution de dividendes, soit par l'affectation des résultats aux réserves.
Enfin, il faut retenir que les contributions financières nettes effectives effectués par le Crédit Lyonnais au mécanisme CDR/SPBI au titre de la clause d'un retour à meilleure fortune doivent être diminuées des rentrées au titre des impôts auxquelles l'État doit renoncer pour permettre la contribution du Crédit Lyonnais aux coûts de l'opération. En effet, la clause étant un prélèvement sur les résultats avant impôts français, l'État perd par la même occasion les impôts auxquels il aurait normalement droit comme collecteur d'impôts.
Par conséquent, l'aide ressort des éléments suivants:
i) l'augmentation de capital,
ii) l'abandon de créance en faveur du CDR sur le prêt participatif de 135 milliards de FF octroyé par la SPBI et pris en charge par l'État, après avoir pris en compte les produits et les coûts de portage et de restructuration des actifs,
iii) le coût net de portage d'autres actifs cantonnés, soit le solde entre le coût pour la SPBI du prêt octroyé par le Crédit Lyonnais et les revenus pour la SPBI du prêt participatif accordé au CDR.
Il y a lieu de mettre en regard des coûts ci-dessus:
iv) les revenus futurs actualisés du coupon zéro,
v) les revenus futurs actualisés de la clause de retour à meilleure fortune, ainsi que la part des résultats attendus pour l'État directement et indirectement (Thomson et CDC), diminuée de la perte en impôt pour l'État en raison de cette clause.
L'augmentation de capital de 4,9 milliards de FF été réalisée en juillet 1994, ce qui correspond, en termes actualisés, à 5,2 milliards de FF.
S'agissant du point ii), il faut d'abord considérer que la perte maximale de la SPBI sur le CDR ne peut pas dépasser le montant du prêt participatif, à moins que d'autres avances soient fournies par la SPBI au CDR (15). Afin de parvenir à une estimation de cette perte, plusieurs éléments devraient en principe être considérés: les pertes latentes actuelles de ces actifs, leur coût de portage ou de liquidation, leur revenu de vente, la probabilité d'une activation des garanties, l'évolution des marchés. Une telle estimation est particulièrement difficile en raison de la nature des actifs et de la volatilité des conditions de marché.
En simplifiant, on peut séparer les actifs cantonnées en deux parties, la première partie étant composée des actifs pas ou peu rentables sur lesquels on peut imaginer que toutes les provisions à prendre étaient concentrées, l'autre partie étant constituée des actifs plus performants. En ce qui concerne la première partie, les autorités françaises avaient dans un premier temps déclaré que la perte envisageable était égale aux estimations du besoin des provisions réalisées avec l'assistance des commissaires aux comptes, et que celles-ci étaient d'environ 50 milliards de FF. La Commission, après avoir examiné les résultats de différentes analyses effectuées par les autorités françaises avec la collaboration des commissaires aux comptes, de la commission bancaire et des banques conseils est parvenue à la conclusion que, à ce montant, il faut ajouter aussi les provisions du Crédit Lyonnais pour le premier semestre 1994 et les coûts de portage de l'exercice 1994 qui ont été aussi transférés au CDR, qui peuvent être estimé à environ 9,8 milliards de FF.
Il y a lieu d'ajouter à ce montant le coût de financement des actifs plus performants [iii)], dont le coût de portage est supporté par la SPBI, qui se finance auprès du Crédit Lyonnais. Le taux sur le prêt octroyé par le Crédit Lyonnais est égal à 7 % pour 1995 et 85 % du taux du marché monétaire (TMM) par la suite. Dans l'hypothèse où tous les actifs sont cédés en cinq ans à un taux constant (16) et si le TMM est constant à 4,7 % (taux utilisé par le Crédit Lyonnais pour la préparation du business plan), on peut parvenir à une estimation de ce coût d'environ 11 milliards de FF (valeur actualisée).
>EMPLACEMENT TABLE>
De ce montant sont à déduire les produits des actifs plus performants. Selon les autorités françaises ces produits se chiffrent à environ 5,2 milliards de FF valeur nominale, soit 4,1 milliards de FF valeur actualisée. Par conséquent, le coût net de portage d'autres actifs cantonnés peut être estimé à environ 7 milliards de FF.
Ces coûts globaux pour l'État (environ 72 milliards de FF) doivent être portés en déduction des revenus pour l'État du coupon zéro [iv], ainsi que de la clause de retour à meilleure fortune et des résultats pour l'État actionnaire en termes de dividendes versés ou d'affectation aux réserves [v)].
En ce qui concerne le coupon zéro de 10 milliards de FF [iv)], il doit dégager une plus-value de 35 milliards de FF en vingt ans, impliquant un taux d'intérêt de 7,8 %. C'est ainsi que la valeur actuelle au même taux de cette plus-value équivaut à environ 8 milliards de FF (valeur au 1er janvier 1995).
Afin de savoir dans quelle mesure le Crédit Lyonnais contribue au financement du système, il y a lieu bien entendu de prendre en considération la totalité des revenus escomptés pour l'État sur la base du plan de redressement, c'est-à-dire, tous bénéfices confondus, ceux sous forme de prélèvement pour le canton en vertu de la clause et ceux qui restent normalement après impôts pour l'État actionnaire, et qui sont affectés soit comme dividendes soit comme réserves [v)]. Il est à noter que, en déduisant également du coût de l'opération les dividendes futurs normaux pour leur valeur actuelle que l'État recevra directement et indirectement (Thomson et CDC), versés ou retenus, on tient en fait compte de la valeur d'une privatisation éventuelle ou, en l'absence d'une telle privatisation, de la valeur actuelle du Crédit Lyonnais après restructuration, selon la méthode de la valeur nette actuelle des cash-flow futurs.
S'agissant de la clause d'un retour à meilleure fortune, il faut considérer que l'État actionnaire perd par la même occasion les dividendes auxquels il aurait normalement droit comme actionnaire direct et indirect du Crédit Lyonnais [avec 71 % du capital (17)] ainsi que comme collecteur d'impôts. La contribution nette du Crédit Lyonnais aux coûts du mécanisme de cantonnement à ce titre est donc limitée. En effet, sans la clause, l'État aurait touché environ 35 % des résultats au titre de l'impôt et 71 % du montant restant au titre d'actionnaire (qui correspond à 81 % des résultats), alors que, avec la clause, l'État touche tout de suite environ 47 % des résultats au titre de la clause (18) et au total 90 % des résultats. Mais, en même temps, il perd une partie des impôts français (soit environ un sixième du montant de la clause) qu'il aurait autrement payé. Le surplus pour l'État de la clause est ainsi 9 % des résultats, à savoir environ 3 milliards de FF en vingt ans (valeur actuelle).
Il est donc clair que ce que l'État gagne d'un côté par la clause, il le perd de l'autre coté dans les impôts et les dividendes normaux, à l'exception de la part du prélèvement en vertu de la clause que l'État effectue [. . .]. La clause constitue toutefois une obligation, produisant un effet de « bridage » pour le Crédit Lyonnais, d'autant plus que le prélèvement de la clause vient avant provisions pour le fonds pour risques bancaires généraux.
Selon le business plan, les prélèvements actualisés au titre de la clause de retour à meilleure fortune et les résultats actualisés pour l'État actionnaire peuvent être estimés à environ 18 et 12 milliards de FF, respectivement.
Toutefois, la Commission considère que le business plan se fonde sur des hypothèses plutôt optimistes (voir point 6.2.). Le taux d'intérêt du marché monétaire est actuellement beaucoup plus élevé que le taux retenu pour les estimations du business plan pour 1995. Ainsi, l'analyse des cas précédents de redressement de banques et des études sur le « point mort » des banques suggèrent que le redressement d'une banque est souvent moins facile dans un contexte de taux d'inflation bas et taux d'intérêt réel élevés que dans le cas contraire. En outre, il semble difficile que le Crédit Lyonnais puisse réussir si rapidement sa réduction des frais généraux (18 % en quatre ans), bien que cette réduction soit nécessaire pour rattraper les concurrents. À ces considérations, il convient enfin d'ajouter que la modélisation du business plan de 2000 à 2014 se base sur l'hypothèse de croissance automatique du résultat net après impôts de 4 % par an, qui ne semble ni réaliste [. . .].
Pour toutes ces raisons, il semble donc plus approprié de supposer une stabilisation des résultats réels après redressement. En effet, le taux de rentabilité des capitaux propres retenu pour 1999 (12,4 %) confirme le retour à la viabilité du Crédit Lyonnais, tandis que son augmentation automatique dans les années suivantes semble trop optimiste. Cela signifie que les produits de la clause d'un retour à meilleure fortune, ainsi que les résultats pour l'État actionnaire, en termes de dividendes et d'affectation aux réserves, doivent être adaptés vers le bas. L'analyse de sensibilité, basée sur l'hypothèse d'un taux de croissance nominale du résultat net après impôts de 2 %, donne une estimation de ces deux éléments de 15 et de 10 milliards de FF, respectivement.
Toutefois, cette estimation ne peut pas être considérée comme définitive, puisque l'État perd une partie des impôts normaux en raison de la clause. Il doit être tenu compte de cet effet dans le calcul du coût de l'intervention de l'État, puisqu'il trouve son origine dans la possibilité de bénéficier d'un retour à meilleure fortune. Même si cette facilité fiscale est applicable aux investisseurs privés comme publics, elle ne s'applique qu'aux entreprises en difficulté. Dès lors, un tel avantage constitue en principe une aide d'État.
Comme il a été dit ci-dessus le prélèvement au titre de la clause s'applique avant le prélèvement des impôts français. Étant donné que le Crédit Lyonnais bénéficie d'un report de déficits fiscaux pour les cinq premières années et que presque la moitié des revenus du Crédit Lyonnais proviennent de l'étranger, la perte d'impôt peut être estimée à 17,5 % du montant actualisé de la clause de 2000 à 2014, soit environ 2 milliards de FF. Ce montant doit être porté en déduction de la valeur actuelle de la clause. Par conséquent, l'estimation à retenir de la clause de retour à meilleure fortune est de 13 milliards de FF.
>EMPLACEMENT TABLE>
En récapitulant, les estimations de différents éléments de l'opération de sauvetage du Crédit Lyonnais se présentent comme suit:
i) l'augmentation de capital, avec une valeur actualisée de 5,2 milliards de FF;
ii) l'abandon de créance par le CDR sur le prêt participatif de la SPBI d'un montant maximal de 135 milliards de FF et estimé à 60 milliards de FF, après avoir pris en compte les produits et les coûts de portage et de restructuration des actifs pas ou peu performants;
iii) le coût net de portage d'autres actifs cantonnés, 7 milliards de FF, soit le solde entre le coût pour la SPBI du prêt octroyé par le Crédit Lyonnais (11 milliards de FF) et les revenus pour la SPBI du prêt participatif accordé au CDR (4 milliards de FF).
Il y a lieu de mettre en regard des coûts du système:
iv) les revenus futurs actualisés du coupon zéro, soit environ 8 milliards de FF;
v) toutes les valeurs actuelles des revenus futurs reçus par l'État au titre de la clause d'un retour à meilleure fortune et en sa qualité d'actionnaire comme corrigées suite à l'analyse de sensibilité, estimés environ à 23 milliards de FF.
Le solde, environ 41 milliards de FF, constitue l'estimation actualisée du coût net que le système peut générer pour l'État, et sur lequel la Commission a basé son analyse de la compatibilité. Toutefois, étant donné l'incertitude élevée quant à certains éléments du plan, notamment en ce qui concerne les pertes du CDR et les revenus futurs pour la SPBI, il convient de prendre une marge de variation du coût ci-dessus, hors augmentation de capital (soit 36 milliards de FF), de ± 10 %. Par conséquent, l'estimation du coût net maximal de l'intervention étatique est de 45 milliards de FF.

6.4. Autres éléments d'appréciation
Au sujet de la privatisation du Crédit Lyonnais, la Commission prend note de l'affirmation des autorités françaises selon laquelle la privatisation ne pourra être envisagée qu'après le redressement de la banque. Or, selon le business plan présenté par les autorités françaises, le Crédit Lyonnais serait revenu à la viabilité en 1999. La Commission considère que le business plan est suffisamment réaliste et réalisable, au moins jusqu'à l'année 2000. Par conséquent, elle considère aussi que la privatisation pourra intervenir à partir de 1999.
La Commission considère que, sur la base des informations reçues des autorités françaises, la question du rôle de Thomson SIEG et de CDC dans l'opération en faveur du Crédit Lyonnais n'est pas pertinente pour la problématique que la Commission doit examiner.

6.5. Distorsion des échanges entre les États membres
La libéralisation des services financiers et l'intégration des marchés financiers ont pour effet de rendre les échanges intercommunautaires de plus en plus sensibles à des distorsions de la concurrence.
Une aide à une banque internationale comme le Crédit Lyonnais, fournissant des prêts et d'autres moyens financiers aux entreprises qui sont en concurrence sur les marchés internationaux et offrant des services financiers en concurrence avec d'autres établissements de crédit européens, tout en élargissant son activité à l'étranger à travers son réseau d'agences en dehors de la France, est certainement susceptible d'avoir un effet distorsif sur les échanges intercommunautaires. En particulier, les aides en question permettent au Crédit Lyonnais la survie et la restructuration d'un certain nombre des filiales à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, en Espagne, au Portugal et en Allemagne qui sont en concurrence avec d'autres établissements financiers communautaires.
Il est à noter qu'à l'heure actuelle la moitié des actifs du Crédit Lyonnais se situe hors France, dont une partie importante dans la Communauté, que l'aide au Crédit Lyonnais est, dans une mesure non négligeable, destinée à couvrir des pertes importantes hors France dans la Communauté, que l'aide en question permettra au Crédit Lyonnais de rester présent sur le marché ailleurs dans la Communauté.
Par conséquent, il faut considérer que l'augmentation de capital et la prise en charge par l'État tombent sous l'article 92 paragraphe 1 du traité, puisqu'ils sont susceptibles de constituer des aides d'État et de fausser la concurrence au niveau communautaire.

7. EXAMEN DE LA COMPATIBILITÉ DES AIDES

7.1. Considérations générales
Après l'évaluation de la présence d'aides d'État dans les mesures de soutien financier accordé au Crédit Lyonnais, il convient d'examiner si de telles aides peuvent être compatibles au sens de l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité.
Il faut d'abord considérer qu'il ne s'agit ni d'une aide à caractère social octroyée à des consommateurs individuels, ni d'une aide de nature à et octroyée pour faciliter le développement de certaines régions françaises.
La moitié des actifs du Crédit Lyonnais et par conséquent probablement une même proportion de ses activités se situent en dehors de la France. Pour ce qui est de l'activité en France, celle-ci est distribuée sur tout le territoire, mais concentrée dans les moyennes et grandes agglomérations.
Il ne s'agit pas non plus d'une aide destinée à remédier à une grave perturbation économique, puisque l'aide vise à remédier aux difficultés d'un seul bénéficiaire, le Crédit Lyonnais, et non pas à des difficultés de tous les opérateurs du secteur. En outre, la Commission considère que les problèmes du Crédit Lyonnais ne trouvent pas leur origine dans une crise bancaire systémique en France, bien que le Crédit Lyonnais ne soit pas la seule banque française en difficulté, certaines autres banques, notamment publiques, connaissant également des difficultés. Les causes des pertes du Crédit Lyonnais sont spécifiques à lui-même et semblent être liées, dans une large mesure, à la politique agressive de crédit et d'investissement que la banque a poursuivie dans la deuxième moitié des années 1980, sans un contrôle des risques et une évaluation des valeurs acquises suffisamment strictes. Toutefois, bien que la Commission soit consciente de la sensibilité particulière des marchés financiers et de possibles conséquences négatives indésirables que le dépôt du bilan d'une banque comme le Crédit Lyonnais peut provoquer, l'aide octroyée ne peut pas non plus être qualifiée comme étant d'intérêt européen commun.
Par conséquent, seule la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) pourra être prise en considération.
Comme mentionné ci-dessus, la compatibilité de telles mesures doit être évaluée selon les règles spécifiques concernant les aides au sauvetage et à la restructuration, en prenant en compte également l'effet d'une intervention étatique sur le système financier dans l'État membre concerné. En ce qui concerne le cas spécifique du secteur bancaire, la Commission estime qu'une aide d'État au sauvetage et à la restructuration peut être compatible aussi longtemps que les quatre conditions décrites ci-dessus (point 3.2.) sont respectées.
En particulier, la Commission doit évaluer comment l'effet distorsif de l'aide d'État sur la concurrence est compensé par les éléments concrets de contrepartie du plan de restructuration. Une telle compensation est nécessaire pour déclarer que l'aide n'est pas contraire à l'intérêt commun.
Étant donné le volume colossal de l'aide, qui est aussi destinée à couvrir les pertes issues des actifs acquis par le Crédit Lyonnais pendant son expansion agressive des années 1980, la contribution du Crédit Lyonnais doit à la fois être importante et se situer dans une réduction de sa présence commerciale, tout en respectant l'exigence de reconstituer et maintenir la viabilité du Crédit Lyonnais. Cette contribution doit contenir des contreparties réelles et importantes également en raison du fait que la solution de la faillite est bloquée, celle-ci ayant des conséquences négatives indésirables et disproportionnées sur les autres établissement de crédit et sur les marchés financiers. Cette solution aurait probablement été retenue pour une entreprise privée d'autre nature que bancaire, présentant des pertes aussi colossales. Par conséquent la distorsion de concurrence induite par l'aide est particulièrement importante et doit conduire à des contreparties aussi importantes. Il est à noter que le déficit n'est pas comblé, même dans vingt ans, par les bénéfices projetés.

7.2. Questions découlant de l'appréciation de la Commission et conditions à poser pour l'acceptation de l'aide
7.2.1. Séparation entre le Crédit Lyonnais et le CDR
À la lumière des modifications apportées par les autorités françaises au mécanisme de contrôle de CDR et décrites ci-dessus, la Commission considère que le risque de conflit d'intérêts sera éliminé, si les comités ainsi que les dirigeants des équipes ne sont pas dépendants du Crédit Lyonnais. Les équipes elles-mêmes devraient être financièrement dépendantes du CDR. Il est aussi nécessaire que l'indépendance des comités de direction des actifs cantonnés soit assurée à l'égard du Crédit Lyonnais.
En ce qui concerne la clause d'intéressement pour inciter le Crédit Lyonnais à bien gérer le canton, la Commission estime qu'une fois la séparation nette entre le Crédit Lyonnais et CDR obtenue, cette clause n'est plus nécessaire et devra donc être éliminée, comme déjà accepté par les autorités françaises de manière informelle.
7.2.2. Rachat des actifs cantonnés
En ce qui concerne la possibilité de rachat par le Crédit Lyonnais de certains actifs cantonnés, la Commission estime que les modifications des règles de gestion de CDR n'ont pas apporté une solution à ce problème.
En effet, la Commission estime que permettre au Crédit Lyonnais de racheter en tout ou en partie des participations cédées au prix du marché après les avoir cédées au CDR à la valeur comptable justement parce qu'il ne pouvait plus les financer, avec l'argument qu'il peut ainsi quand même maintenir ses relations commerciales privilégiés avec les entreprises en question, signifierait que le Crédit Lyonnais bénéficierait deux fois de l'aide, chose indéfendable à l'égard de la concurrence.
Toutefois la Commission considère que, si le Crédit Lyonnais estime utile de racheter certains actifs, cette possibilité ne doit pas confier au Crédit Lyonnais un avantage indu. Par conséquent, la Commission considère que le Crédit Lyonnais peut racheter des actifs cantonnés, dans la mesure limitée indiquée dans le contrat d'objectifs, seulement au prix auquel l'actif a été transféré au CDR, ou au prix de marché si celui-ci est supérieur au prix du transfert de l'actif au CDR.
7.2.3. Report des déficits fiscaux
S'agissant du report des déficits fiscaux, la Commission applique les principes de l'encadrement des aides à la restructuration. Celui-ci prévoit que toute perte compensée par une aide ne peut bénéficier de la possibilité de report fiscal. Par conséquent, les pertes de 1994 qui correspondent à l'augmentation de capital de 4,9 milliards de FF ne peuvent pas faire l'objet du report fiscal.
En ce qui concerne les déficits fiscaux résiduels, la Commission demande aux autorités françaises d'éliminer la possibilité de report des déficits fiscaux pour le Crédit Lyonnais au moment de la privatisation, si la clause de retour à meilleure fortune est cédée.
7.2.4. Réduction de 100 milliards de FF d'actifs et cessions dans le réseau bancaire
Afin de limiter le volume de l'aide au strict nécessaire et de fournir une contrepartie suffisante sans pour autant que cela affecte les perspectives futures de viabilité du Crédit Lyonnais, une contribution significative en termes de réduction de taille du Crédit Lyonnais est nécessaire. Tout en tenant compte de la nécessité de confidentialité à cet égard, la Commission doit veiller à ce que cette réduction de la taille du Crédit Lyonnais soit effectivement obtenue.Le business plan envisage le recentrage de l'activité du Crédit Lyonnais sur les deux métiers de base de banque commerciale en France et de banque des grandes entreprises et des grands investisseurs dans le monde. Le Crédit Lyonnais a déclaré que l'activité de banque de détail hors d'Europe ainsi que les activités parabancaires en dehors d'Europe seront cédées, ainsi que certaines filiales de banque de détail européennes peu performantes [voir point 4. j)]. La Commission prend note des cessions ou liquidation suivantes déjà effectuées ou à effectuer jusqu'à 1998:
a) certaines filiales françaises spécialisées [. . .] (1995);
b) Crédit LyonnaisBN (Hollande), Crédit LyonnaisBS (Suède), Banca Lombarda (Italie) et l'ensemble des implantations de banque de détail en Grande-Bretagne (1995);
c) d'autres filiales européennes;
d) toutes les filiales d'Amérique latine (1995);
e) d'autres filiales du réseau international hors Europe.
Les cessions engagées en 1995 portent sur plus de 120 milliards de FF d'actifs au bilan consolidé du Crédit Lyonnais. Les autorités françaises ont aussi déclaré que le Crédit Lyonnais a envisagé presque 14 milliards de FF de titrisation. Toutefois, la Commission estime que la titrisation ne constitue pas une contrepartie valable pour l'aide, puisqu'elle signifie que le Crédit Lyonnais cède simplement le risque des actifs concernés, tout en conservant les liens commerciaux avec ses clients.
Les cessions susmentionnées ne permettent pas à la Commission de conclure à une réduction de la taille du bilan du Crédit Lyonnais, hors simple effet de restructuration, suffisante comme contrepartie. Ces cessions, qui sont ainsi envisagées dans le business plan, concernent notamment les activités moins rentables que le Crédit Lyonnais aurait dû céder en tout cas, même s'il n'avait reçu aucune aide.
La Commission considère que, vu le montant colossal de l'aide et les effets distorsifs sur la concurrence, un effort significatif doit être fourni par le Crédit Lyonnais par sa participation dans une mesure suffisante aux coûts de la restructuration et en compensant les concurrents pour ces distorsions. À ce propos, il convient de rappeler que plusieurs filiales et succursales bancaires du Crédit Lyonnais à l'étranger ont été acquises dans le contexte de la politique agressive menée par le Crédit Lyonnais au cours des dernières années et seulement possible avec le soutien étatique, politique qu'aucune autre banque européenne n'a pu suivre par manque de moyens. Les cessions envisagées dans le business plan ne peuvent évidement pas être jugées suffisantes pour constituer une compensation appropriée à l'aide en question.
Par conséquent, la cession des filiales pas ou peu performantes doit être accompagnée par la cession de filiales ou succursales rentables, qui permettront au Crédit Lyonnais de financer autant que possible sa restructuration par ses propres moyens. Comme certaines filiales nécessitent une restructuration avant qu'elles puissent être vendues, les cessions pourront intervenir en principe dans un délai de trois ans à partir de la date de la présente décision.
Les autorités françaises ont informé la Commission que le Crédit Lyonnais sera obligé de réduire sa capacité commerciale, par une réduction d'au moins 35 % de sa présence commerciale à l'étranger, y compris du réseau bancaire européen, d'ici fin 1998 selon les engagements pris par le gouvernement français [. . .].
Si cet objectif ne pouvait être réalisé dans le délai prévu sans provoquer la constatation de pertes importantes et conduire l'actionnaire de référence à apporter un nouveau soutien financier, notamment pour assurer le respect du ratio européen de solvabilité, la Commission réexaminera la possibilité de prolonger, le cas échéant, ce délai.
Le produit des cessions ne pourra pas être utilisé par le Crédit Lyonnais pour racheter d'autres réseaux ou activités bancaires, mais doit être utilisé pour financer la restructuration d'autres activités, par exemple [. . .]. En effet, le Crédit Lyonnais peut tirer un avantage particulier du produit de cession des filiales, en l'affectant à la restructuration des filiales à pertes, le rendement de telles restructurations, par l'élimination de pertes importantes, étant particulièrement élevé.
7.2.5. Privatisation et cession de la clause de retour à meilleure fortune
Dans le cadre des discussions entre les représentants de la Commission et les autorités françaises, celles-ci ont réaffirmé leur volonté de privatisation, expliquant que le processus de privatisation sera engagé après que la situation économique et financière du Crédit Lyonnais aura été rétablie. Si le business plan est respecté, la situation économique et financière du Crédit Lyonnais aura été rétablie et le Crédit Lyonnais reviendra à la viabilité dans un délai de cinq ans.
La Commission apprécie la volonté de privatisation des autorités françaises, parce qu'une telle privatisation supporte la réussite du plan de redressement et diminue les distorsions de concurrence. En effet, la privatisation aura pour effet de limiter la durée du mécanisme (qui s'étale sur vingt années) et donc l'incertitude sur les risques et les coûts nets du mécanisme. Par conséquent, la privatisation aura pour effet de diminuer l'importance de l'aide; une telle diminution sera assurée si le produit de la privatisation est versé dans la SPBI. En même temps, la privatisation permet de limiter l'effet distorsif de l'aide qui serait autrement étalé sur vingt ans.
Étant donné qu'une éventuelle modification des clauses du plan, notamment au moment de la privatisation du Crédit Lyonnais, pourrait avoir pour effet de modifier le coût final pour l'État, toute modification du plan devra être notifiée à la Commission avant son exécution afin que la Commission puisse s'assurer de la compatibilité de ces modifications avec le marché commun. Ainsi, un report de la privatisation au-delà de cinq ans devra faire l'objet d'une communication à la Commission. En outre, la cession de la clause participative de retour à meilleure fortune contre paiement devra être réalisée au prix de marché, établi sur la base d'une expertise indépendante.
La Commission estime que, même si pour l'État actionnaire la vente du Crédit Lyonnais avec ou sans ces clauses ne fait en principe pas une différence en termes économiques (à part l'effet produit pour les actionnaires privés minoritaires), étant donné que l'abandon de la clause contre paiement aura pour effet de faire augmenter le prix de vente d'un montant égal à sa valeur actualisée, les conséquences pour les concurrents peuvent être différentes.
Une vente ouverte au grand public tout en annonçant que la clause sera annulée devrait normalement entraîner une augmentation correspondante des actions à vendre par l'État, qui traduit pleinement la valeur de marché de cette clause.

7.3. Contrôle et surveillance de l'application du plan de redressement du Crédit Lyonnais
La Commission estime que la bonne exécution du plan doit être surveillée, notamment en ce qui concerne l'amaigrissement du bilan, le recentrage sur les métiers de base, la rationalisation de ces derniers, ainsi que la contribution du Crédit Lyonnais au canton sous forme de prélèvement ou de dividendes. En application de l'encadrement des aides à la restructuration, la Commission considère que de telles aides à la restructuration ne devraient normalement être nécessaires qu'une seule fois.
Par conséquent, les autorités françaises devront soumettre à la Commission tous les six mois les documents suivants:
a) un rapport détaillé sur l'application du plan, ainsi que les rapports présentés au Parlement;
b) les bilans et les comptes de résultats et les rapports des administrateurs des sociétés parties à l'opération de défaisance, à savoir OIG, CDR, SPBI et Crédit Lyonnais;
c) une liste des actifs cantonnés liquidés ou vendus, avec indication des prix de vente, des noms des acquéreurs, des noms des banques auxquelles les mandats de vente ont été confiés;
d) une liste détaillée des abandons de créances de CDR à valoir sur le prêt participatif octroyé par SPBI;
e) une liste détaillée des actifs bancaires cédés par le Crédit Lyonnais hors du canton, avec une évaluation, basée sur des critères objectifs et vérifiables, de la réduction des moyens de sa présence commerciale à l'étranger;
f) des comptes détaillés sur les contributions du Crédit Lyonnais au canton sous forme de prélèvement ou de dividendes.
Toute intention de modifier le plan tel qu'il a été communiqué à la Commission et approuvé par la Commission, notamment au moment de la privatisation, devra être notifiée à la Commission avant sa réalisation.

8. CONCLUSIONS
En conclusion, tant l'augmentation de capital réalisée en 1994 que la prise en charge par l'État des risques et coûts des engagements transférés, telle que modifiée en 1995, ainsi que les autres éléments des mécanisme de défaisance et de cantonnement, contiennent d'importants éléments d'aide d'État, au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité. L'estimation du coût net actualisé pour l'État que le système peut générer est de 5,2 milliards de FF pour l'augmentation de capital et 36 milliards de FF pour la prise en charge. Etant donné l'incertitude quant à certains éléments du plan, il convient d'introduire une marge de variation de ± 10 % sur la valeur de l'intervention étatique, hors augmentation de capital. Donc, l'estimation maximale du coût net actualisé est égale à 45 milliards de FF.
Ces mesures ont été examinées soigneusement à la lumière de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité, afin d'établir si elles peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. À la lumière des considérations exposées ci-dessus, les aides octroyées au Crédit Lyonnais semblent respecter les conditions prévues dans l'encadrement des aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. Par conséquent, et moyennant le respect d'un certain nombre de conditions dont certaines constituent de contreparties indispensables à l'aide importante afin de respecter l'intérêt commun, elles peuvent être exemptées de l'interdiction prévue à l'article 92 paragraphe 1 du traité CE et à l'article 61 paragraphe 1 de l'accord EEE, puisque compatibles avec le marché commun, selon les dispositions de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CE et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord EEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:


Article premier
L'aide contenue dans le plan de redressement du Crédit Lyonnais sous forme d'une augmentation de capital de 4,9 milliards de FF, de la prise en charge des risques et des coûts liés aux actifs transférés à la structure de cantonnement (jusqu'à un montant maximal de 135 milliards de FF), et des avantages fiscaux inhérents à la clause d'un retour à meilleure fortune, opération dont le coût global net pour l'État, compte tenu de rentrées pour l'État, est estimé à un maximum de 45 milliards de FF, est déclarée compatible avec le marché commun et avec l'accord EEE en vertu de l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CE et de l'article 61 paragraphe 3 point c) de l'accord EEE.

Article 2
L'autorisation des aides visées à l'article 1er est subordonnée au respect par la France des conditions et engagements suivants:
a) assurer la mise en oeuvre de toutes les mesures de redressement et de toutes les dispositions prévues pour le système décrit à l'article 1er;
b) ne pas modifier les conditions prévues dans le plan de redressement sauf accord préalable de la Commission. En tout cas, la clause de retour à meilleure fortune ne peut être cédée au plus tôt qu'au moment de la privatisation du Crédit Lyonnais, et seulement au prix de marché; ce prix sera vérifié par des expertises indépendantes;
c) assurer la réduction de la capacité commerciale du Crédit Lyonnais, vu l'importance des coûts du système pour l'État globalement estimés à 45 milliards de FF, par une réduction d'au moins 35 % de sa présence commerciale à l'étranger, y compris du réseau bancaire européen, d'ici fin 1998 selon les engagements pris par la France [. . .]. Si cet objectif ne pouvait être réalisé dans le délai prévu sans provoquer la constatation de pertes importantes et conduire l'actionnaire de référence à apporter un nouveau soutien financier, notamment pour assurer le respect du ratio européen de solvabilité, la Commission s'engage à examiner la possibilité de prolonger, le cas échéant, ce délai. Si les coûts du système, estimés à 45 milliards de FF, sont dépassés, il y a lieu de réexaminer l'importance de la réduction de la présence commerciale du Crédit Lyonnais, telle qu'acceptée par [. . .];
d) supprimer la possibilité pour le Crédit Lyonnais de bénéficier d'un report des déficits fiscaux pour le montant de la perte fiscale de 1994 couverte par l'augmentation de capital de 4,9 milliards de FF;
e) supprimer la possibilité pour le Crédit Lyonnais de racheter des actifs industriels et commerciaux cantonnés, sauf au prix auquel l'actif a été transféré au CDR, ou au prix de marché si celui-ci est supérieur au prix du transfert de l'actif au CDR, et en tout cas dans la limite globale de 5 milliards de FF;
f) exclure tout intéressement du Crédit Lyonnais aux produits des réalisations du CDR;
g) réaliser la séparation entre le CDR et le Crédit Lyonnais, en ce qui concerne leurs dirigeants, la gestion, ainsi que le système de contrôle et de surveillance de la gestion des actifs cantonnés;
h) assurer l'indépendance des comités de direction des actifs cantonnés à l'égard du Crédit Lyonnais;
i) éliminer toute possibilité de report des déficits fiscaux résiduels au titre des années antérieures à 1995 pour le Crédit Lyonnais si, au moment de la privatisation, la clause de retour à meilleure fortune fait l'objet d'une cession;
j) veiller à ce que le Crédit Lyonnais affecte le produit des cessions à la restructuration des actifs et des activités non performantes;
k) veiller à ce que le Crédit Lyonnais verse à la SPBI les sommes du prélèvement en vertu de la clause d'un retour à meilleure fortune;
l) verser à la SPBI les produits de la privatisation du Crédit Lyonnais, notamment ceux qui dérivent de la vente des actions détenues au présent par la SPBI, et de proposer au Parlement de verser à la SPBI les produits de la privatisation de la partie résiduelle des actions.

Article 3
La Commission a tenu compte de l'affirmation des autorités françaises selon laquelle l'objectif de la privatisation est clairement assigné au Crédit Lyonnais et le redressement attendu devrait lui permettre d'être prêt à une privatisation à l'horizon de cinq ans. Ainsi un report de la privatisation au-delà de cinq ans devra faire l'objet d'une communication à la Commission.

Article 4
Les autorités françaises collaborent pleinement au contrôle de la présente décision et soumettent à la Commission tous les six mois à partir du 1er mars 1995 les documents suivants:
a) un rapport détaillé sur l'application du plan, ainsi que les rapports présentés au Parlement;
b) les bilans, les comptes de résultats et les rapports des administrateurs des sociétés parties à l'opération de défaisance, à savoir OIG, CDR, SPBI, ainsi que le Crédit Lyonnais;
c) une liste des actifs cantonnés liquidés ou vendus, avec indication des prix de vente, des noms des acquéreurs, des noms des banques auxquelles les mandats de vente ont été confiés;
d) une liste détaillée des abandons de créances de CDR à valoir sur le prêt participatif octroyé par SPBI;
e) une liste détaillée des actifs bancaires cédés par le Crédit Lyonnais hors du canton, avec une évaluation, basée sur des critères objectifs et vérifiables, de la réduction des moyens de sa présence commerciale à l'étranger;
f) des comptes détaillés sur les contributions du Crédit Lyonnais au canton sous forme de prélèvement ou de dividendes.
La Commission pourra demander l'évaluation de ces documents et de la mise en place du plan par des « audits » spécialisés.

Article 5
La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 26 juillet 1995.
Par la Commission
Karel VAN MIERT
Membre de la Commission

(1) JO n° C 121 du 17. 5. 1995, p. 4.
(2) JO n° L 386 du 30. 12. 1989, p. 14.
(3) Communication de la Commission aux États membres sur l'application des articles 92 et 93 du traité et de l'article 5 de la directive 80/723/CEE de la Commission aux entreprises publiques dans l'industrie manufacturière (JO n° C 307 du 13. 11. 1993).
(4) Bulletin des Communautés européennes, 9, 1984.
(5) JO n° L 322 du 17. 12. 1977, p. 30.
(6) En principe, il est aussi possible que les autorités de surveillance donnent une exemption temporaire de l'obligation du respect du niveau de 8 % du ratio, sous la condition que celui-ci soit rétabli à bref délai.
(7) Communication de la Commission aux États membres publiée dans le JO n° C 307 du 13. 11. 1993, notamment le paragraphe 37.
(8) JO n° C 368 du 23. 12. 1994.
(9*) Dans tout le texte, les indications entre crochets ont été omises au titre du secret professionnel.
(10) La BNP relève, enfin, que dans les années 1992-1994 les banques publiques françaises ont bénéficié, pour faire face à des pertes d'environ 40 milliards de FF, des apports de fonds publics pour un montant de 25 milliards de FF et de garanties pour les opérations de défaisance de plus de 180 milliards de FF.
(11) Actuellement, le taux d'inflation français est 1,6 %.
(12) Les notes à long terme du Crédit Lyonnais restent très basses: BBB+ pour l'agence d'évaluation financière américaine Standard & Poor's et A3 pour Moody's.
(13) Le détail de ce montant est présenté infra.
(14) Voir JO n° C 307, notamment les paragraphes 35 et 37.
(15) L'échantillon inclut vingt banques, dont deux françaises, trois suisses, trois allemandes, deux hollandaises, quatre anglaises, cinq américaines et une japonaise, et donc quatre-vingts observations (source IBCA).
(16) Les autorités françaises ont déclaré que les tirages additionnels, pour un montant maximal de 10 milliards de FF, n'ont été prévus qu'à titre de précaution et ne pourraient être mis en place qu'à partir du 1er janvier 1998. À cette date, les remboursements partiels déjà effectués par SPBI font que le montant total utilisé devrait en tout état de cause rester à l'intérieur du montant initial de 135 milliards de FF.
(17) Dans la réalité, il est prévu que 80 % des actifs seront cédés en cinq ans, mais la différence pour le calcul ci-après qui en résulte n'est que marginale.
(18) Etant donné le contrôle du Groupe Thomson par l'Etat, avec un pourcentage d'environ 50 %.
(19) Taux moyen ajusté sur les résultats prévus dans le business plan des pourcentages de prélèvement de 34 et 60 %.


Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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