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Législation communautaire en vigueur

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Document 389D0456

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


389D0456
89/456/CEE: Décision de la Commission, du 8 mars 1989, concernant le projet d'aide du gouvernement français en faveur de Caulliez Frères, producteur de fil de coton situé à Prouvy, France (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 223 du 02/08/1989 p. 0022 - 0026



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 8 mars 1989
concernant le projet d'aide du gouvernement français en faveur de Caulliez Frères, producteur de fil de coton situé à Prouvy, France
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(89/456/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, conformément audit article 93 et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:
I
Par lettre du 3 mars 1988 et se référant aux orientations communautaires de 1971 et 1977 en matière d'aides à l'industrie du textile et de l'habillement, telles qu'elles ont été communiquées aux États membres par lettres des 30 juillet 1971 et 4 février 1977, le gouvernement français a notifié à la Commission son projet tendant à accorder une aide financière à Caulliez Frères, producteur de fil de coton situé à Prouvy.
L'aide serait accordée au titre du régime PAT (primes à l'aménagement du territoire) et se présenterait sous la forme d'une prime d'un montant de 5,3 millions de francs français. Elle est destinée à faciliter la réalisation d'un investissement de 77,6 millions de francs français en vue de la création d'une nouvelle filature de coton.
Après un premier examen, la Commission a considéré que l'aide envisagée ne réunissait pas les conditions requises pour bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité CEE et, notamment, qu'elle n'était pas conforme aux orientations communautaires en matière d'aides à l'industrie du textile et de l'habillement, et qu'elle altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
En conséquence, la Commission a ouvert la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2 premier alinéa du traité CEE.
Par lettre du 20 avril 1988, elle a mis le gouvernement français en demeure de lui présenter ses observations. Les autres États membres ont été informés le 11 août et les tiers intéressés le 18 août 1988.
II
Par lettre du 29 juin 1988, le gouvernement français a présenté ses observations dans le cadre de la procédure. Il a mis l'accent sur le fait que l'aide serait accordée au titre du régime PAT, lequel avait été autorisé par la Commission par la décision 85/18/CEE (1). C'est la raison pour laquelle il a considéré qu'il n'y avait nullement lieu d'ouvrir la procédure à l'égard de ce projet d'aide.
Sur le fond, le gouvernement français a fait valoir que le secteur concerné, à savoir celui des fils de coton peigné, était loin de connaître une situation de surcapacité et que les entreprises des autres États membres ne cessaient d'augmenter leurs capacités de production, alors qu'en France la production était en forte régression depuis plusieurs années. Il a également indiqué que l'investissement était indispensable pour l'entreprise en cause, parce que seules la modernisation et la rationalisation de sa production lui permettraient d'éviter de prendre du retard sur le plan technologique et donc de disparaître du marché. En outre, le gouvernement français a fait observer que la nouvelle filature de coton peigné aurait une capacité de 1 750 tonnes, alors que la capacité actuelle de l'entreprise Caulliez Frères est de 2 400 tonnes. Cette capacité supplémentaire qui, selon le gouvernement français, ne représente que 0,6 % de la production communautaire actuelle, est considérée comme n'étant pas de nature à entraîner des distorsions de la concurrence.
Par ailleurs, le gouvernement français a indiqué que les importations, toutes provenances confondues, représentaient actuellement environ 60 % de la consommation totale sur le marché français. Plus de 50 % de ces importations proviennent de pays tiers, européens ou autres.
Après avoir souligné le fait que l'investissement prévu est très capitalistique (9 millions de francs français par poste de travail), le gouvernement français a mis l'accent sur les problèmes économiques de la région concernée et indiqué que, le taux de chômage y étant de 17 %, le projet en question revêtait une importance primordiale pour le développement de cette région.
Un autre État membre et trois tiers intéressés ont présenté leurs observations dans le cadre de la procédure.
Par lettre du 11 novembre 1988, le gouvernement français a informé la Commission qu'il souhaitait retirer la notification faite le 3 mars 1988.
Selon la pratique normale, la Commission clôt une procédure formelle d'examen ouverte au titre de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE lorsqu'elle a reçu à la fois une demande de retrait et la confirmation formelle du gouvernement de l'État membre concerné qu'il n'accordera pas l'aide en question. Or, dans le cas présent, la Commission n'a pas reçu de confirmation formelle.
En conséquence, la Commission, lors d'une réunion tenue le 25 novembre et par lettre du 1er décembre 1988, a rejeté la demande du gouvernement français et a considéré que celle-ci n'avait aucun effet sur la procédure ouverte au titre de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE, à moins d'être complétée par la confirmation que l'aide considérée ne serait pas octroyée. Le gouvernement français a été invité à donner cette confirmation avant le 8 décembre 1988, mais il ne l'a pas fait.
Dans ces conditions, la Commission est fondée à considérer que le gouvernement français n'a garanti en aucune manière que l'aide en question ne serait pas accordée. En conséquence, la Commission se voit dans l'obligation de poursuivre la procédure et d'arrêter la présente décision.
III
Le commerce intracommunautaire des fils de coton, et en particulier celui des fils de coton peigné, atteint un volume important, soit près de 35 % de la production communautaire totale. Caulliez Frères, dont la capacité de production augmentera de 72,9 %, passant de 2 400 tonnes à 4 150 tonnes à la faveur de la réalisation du projet, participe activement à ces échanges intracommunautaires en exportant environ 25 % de la production vers d'autres États membres. Elle représente actuellement 13,9 % de la production française de fils de coton peigné et 0,9 % de la production communautaire. La réalisation du projet permettrait de porter ces pourcentages respectivement à 24 % et 1,6 %. En outre, avec un chiffre d'affaires de 230 millions de francs français et un effectif de quatre cent trente personnes, la société a déjà une taille nettement supérieure à celle d'une filature moyenne de coton peigné en France et dans la Communauté.
Les fils de coton peigné représentent environ 30 % de la production totale de fils de coton, le reste étant constitué des fils cardés et des fils cardés « open-end ». Tous ces fils sont utilisés par l'industrie du textile et de l'habillement, les fils de coton peigné servant principalement en bonneterie. Ces trois sous-groupes réunis constituent la catégorie no 1 de l'arrangement multifibres, qui est l'une des catégories de produits les plus sensibles de l'industrie du textile et de l'habillement. Cette forte sensibilité est due à la pression considérable des pays tiers. En outre, la baisse d'activité dans le tissage et le tricotage dans la Communauté au cours des dernières années a eu pour effet de réduire la demande de fils communautaires. De surcroît, la consommation de fils constitués de fibres synthétiques pour la confection de collants, de chaussettes, d'autres vêtements et surtout pour la production de tapis et de textiles industriels a augmenté, ce qui a également provoqué une réduction de la demande traditionnelle.
En conséquence, la concurrence est très forte entre les producteurs de fils de coton peigné de la Communauté, qui sont au nombre de quatre-vingt-dix environ. Les prix ont fortement baissé et la production a encore diminué de 5 % au début de 1988 par rapport à la période correspondante de 1987. Il en résulte que le taux d'utilisation des capacités est insuffisant, principalement en raison de la pression très forte des pays tiers, qui ne fait que s'accentuer.
L'aide de 5,3 millions de francs français que le gouvernement français envisage d'accorder sous forme de prime à l'aménagement du territoire constitue une aide d'État au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE. En effet, ce montant, bien que relativement faible en chiffres absolus, représente un avantage important parce que l'aide permettrait de réduire les coûts d'investissement de 3,96 % en équivalent subvention net et permettrait à l'entreprise d'augmenter sa capacité de 72,9 % sans devoir supporter tous les coûts liés à cette augmentation comme ses concurrents ne bénéficiant d'aucune aide devraient le faire s'ils souhaitaient réaliser de tels investissements. Par conséquent, l'aide en question renforcerait la position de l'entreprise par rapport à celle de ses concurrents sur le marché intracommunautaire et elle affecterait également les échanges intracommunautaires. Étant donné que le commerce de fils de coton peigné atteint un volume élevé dans la Communauté, que la concurrence est très vive et que l'entreprise en cause participe activement aux échanges intracommunautaires, l'aide envisagée est de nature à affecter les échanges et à fausser, ou menacer de fausser, la concurrence au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE.
IV
L'article 92 paragraphe 1 du traité CEE énonce le principe que les aides qui présentent de telles caractéristiques sont incompatibles avec le marché commun.
Les dérogations à ce principe, énumérées à l'article 92 paragraphe 2 du traité CEE, ne sont pas applicables dans le cas d'espèce, en raison de la nature de l'aide et du fait que le régime invoqué pour justifier l'octroi de cette aide n'est pas prévu à de telles fins.
L'article 92 paragraphe 3 du traité CEE énumère les aides qui peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. La compatibilité avec le traité doit être appréciée dans le contexte de la Communauté et non pas en fonction de la situation d'un seul État membre. Le bon fonctionnement du marché commun et le respect des principes de l'article 3 point f) du traité CEE exigent que les dérogations au principe énoncé à l'article 92 paragraphe 1, mentionnées au paragraphe 3 dudit article, soient interprétées de manière stricte lors de l'examen d'un régime d'aide ou d'un cas d'application individuel.
En particulier, ces dérogations ne peuvent être appliquées qu'après que la Commission aura pu constater que le libre jeu des forces du marché ne suffirait pas, en l'absence d'une aide, à amener le bénéficiaire éventuel à adopter un comportement propre à permettre la réalisation de l'un des objectifs mentionnés.
Accorder une dérogation en faveur d'aides ne contribuant pas à la réalisation d'un tel objectif ou n'ayant aucune utilité à cet égard aurait pour effet de privilégier indûment les industries ou entreprises de certains États membres, dont la situation financière serait simplement renforcée, de permettre que les conditions des échanges entre les États membres soient affectées et que la concurrence soit faussée sans que l'intérêt communautaire ne le justifie, comme cela est indiqué à l'article 92 paragraphe 3.
Le gouvernement français n'a pas pu fournir ni la Commission découvrir une raison de classer l'aide envisagée dans l'une des catégories de dérogations définies à l'article 92 paragraphe 3.
V
La production de fils de coton peigné constitue un sous-secteur de l'industrie textile. Par conséquent, l'aide envisagée en faveur de Caulliez Frères est soumise aux conditions régissant l'octroi d'aides à l'industrie du textile et de l'habillement, ce qui explique que le gouvernement français ait expressément fait référence dans sa notification du projet d'aide, du 3 mars 1988, aux orientations fixées par la Communauté en la matière.
Ces orientations comportent un certain nombre de critères mis au point par la Commission avec le concours d'experts nationaux afin de guider les gouvernements des États membres lors des interventions qu'ils peuvent souhaiter faire dans ce secteur. Dans les orientations de 1971, la Commission fait observer que les aides à l'industrie du textile et de l'habillement, secteur caractérisé par une concurrence très vive sur le plan communautaire, risquent de conduire à des distorsions de concurrence intolérables pour les concurrents non bénéficiaires de telles mesures. Les aides, qui ont généralement une incidence très forte dans ce secteur, peuvent se justifier sur la base des orientations si elles contribuent à l'aménagement des structures du secteur. Aux termes des orientations, par aides à l'aménagement des structures on entend les aides à des entreprises textiles qui ont pour but notamment de faciliter l'élimination des surcapacités dans les branches ou sous-branches où elles se manifestent et de favoriser la conversion des activités marginales en des activités dans des secteurs autres que celui du textile. Les aides de ce type doivent cependant satisfaire à certaines conditions énoncées dans les orientations de 1971 et, en particulier, elles ne doivent pas conduire à des accroissements de capacités de production.
L'évolution ultérieure et, en particulier, plusieurs régimes d'aide et cas individuels d'application introduits sous la pression de la situation économique et de considérations en matière d'emploi, lesquels ont été jugés contraires à l'intérêt communautaire sur un certain nombre de points, ont confirmé l'inquiétude de la Commission, si bien que celle-ci a précisé en 1977 les orientations communes à suivre. Pour résoudre les problèmes qui se posent en matière de structures et de surcapacité, la Commission a répété et souligné que « toute aide visant la création de capacités nouvelles dans certaines branches du textile et de la confection dans lesquelles existe déjà une surcapacité structurelle ou une stagnation persistante du marché, doit être évitée ». Elle a fait observer que, dans ces branches, seules les aides en faveur d'entreprises qui se reconvertissaient dans des activités autres que celles de la branche ou du secteur pouvaient bénéficier d'un préjugé favorable.
Les fils de coton peigné sont des produits textiles qui se caractérisent par une stagnation et même par une diminution de la demande, comme cela est indiqué ci-avant et sera indiqué ci-après, et le taux d'utilisation des capacités est insuffisant.
L'ensemble de l'industrie communautaire du textile et de l'habillement a subi une évolution très rapide au cours des dix dernières années. La production a diminué sous la pression de la concurrence des pays tiers, tant sur les marchés d'exportation traditionnels que sur le marché communautaire. Un million d'emplois, soit près de 40 % du total des effectifs de ce secteur, ont disparu entre 1975 et 1985. Tant la gravité que la durée de la crise ont contraint les entreprises du secteur à déployer des efforts importants pour restructurer et moderniser leurs installations de production. En conséquence, le secteur a pu s'adapter et rétablir progressivement sa compétitivité et sa rentabilité. Le rôle important joué par l'encadrement communautaire des aides à l'industrie textile dans le rétablissement d'un certain équilibre et dans le maintien ou le rétablissement d'une véritable économie de marché a été largement reconnu. Comme le secteur reste cependant très vulnérable, en particulier, et ce n'est pas la moindre des raisons, parce qu'il continue d'être soumis à une forte concurrence internationale, la Commission considère qu'une absence de coordination des interventions publiques serait contraire à l'intérêt communautaire, essentiellement parce qu'elles compromettraient sérieusement les efforts passés et d'ailleurs présents déployés par les producteurs communautaires du secteur du textile et de l'habillement pour s'adapter à l'évolution des conditions du marché. En conséquence, la Commission continue d'attacher le plus grand prix à la prise en considération par les États membres de l'encadrement susmentionné.
Alors que la production de fils de coton peigné dans la Communauté est soumise à de fortes pressions, tant de la part des importations qu'en raison de conditions de marché difficiles, lesquelles sont partiellement imputables à l'augmentation des importations de tissus, de vêtements et de linge de maison, si bien que la capacité est supérieure à la demande et que la pression sur les marges bénéficiaires est forte et la concurrence vive, toute réduction artificielle du coût de l'extension d'une filature de coton peigné affaiblirait la position concurrentielle des autres producteurs et aurait pour effet de réduire le taux d'utilisation des capacités et de faire baisser les prix, au détriment des producteurs qui n'ont survécu jusqu'à présent que grâce à des mesures de restructuration et à des améliorations de la productivité financées sur leurs ressources propres et même au risque d'éliminer ces producteurs du marché. Malgré ce climat peu favorable, les entreprises situées dans d'autres pays de la Communauté et même en France, ont continué d'investir - sans aide - pour moderniser et remplacer leurs filatures de coton peigné. L'économie de ces investissements est cependant fragile et serait affectée par toute augmentation subventionnée de la capacité de production. L'accroissement de 72,9 % de la capacité grâce à l'octroi d'une aide, qui ferait de Caulliez Frères le premier producteur français de fils de coton peigné, aurait donc des conséquences particulièrement importantes, d'autant plus que l'augmentation en volume à long terme de la demande de produits textiles dans la Communauté est inférieure à 1 % par an. À la suite de l'investissement envisagé, l'entreprise se classerait parmi les quinze principaux producteurs de ce type de fil dans la Communauté. L'argument des autorités françaises selon lequel l'augmentation envisagée de la capacité est insignifiante doit donc être rejeté.
Il est également à noter que, contrairement à l'argument des autorités françaises selon lequel la part de la France dans la production communautaire de ce type de produit est en diminution constante, cette part est, en fait, restée pratiquement inchangée depuis le début des années 1980. Elle a même progressé récemment à la suite d'une augmentation de la production de 20,3 % en 1987, alors que la part du Royaume-Uni et de l'Allemagne, par exemple, a diminué (de 5,4 % à 4,9 % et de 28,4 % à 27 % respectivement). En outre, au Royaume-Uni, le secteur de la filature de coton connaît un tel marasme que de nombreuses filatures ont recours au chômage partiel et que d'autres ont été contraintes de prolonger la période de fermeture estivale en 1988 pour réduire la production. La production allemande de fils de coton peigné a diminué de 8 % au cours du premier semestre de 1988. Tous ces éléments indiquent que la situation de l'industrie française est comparativement bonne et mettent de nouveau en évidence la sensibilité du secteur. À cet égard, il convient de noter que les exportations françaises intracommunautaires de fils de coton ont augmenté très sensiblement au cours des dernières années, la progression la plus spectaculaire ayant été de 15 % en 1987, ce qui fait de la France l'un des pays les plus importants participant à ces échanges.
Par ailleurs et en ce qui concerne l'observation faite par les autorités françaises dans le cadre de la procédure au sujet de la nécessité de moderniser et de rationaliser la production de Caulliez Frères pour permettre à cette entreprise de survivre sur le plan technologique, la Commission rappelle qu'elle a toujours considéré que, surtout dans le secteur du textile et de l'habillement, les investissements réalisés par une entreprise dans le but susmentionné et qui n'entraînent aucune modification importante ne peuvent bénéficier d'aucune aide. Au contraire, dans l'industrie textile, les aides à la modernisation, à la rationalisation et visant à augmenter la capacité de production dans des branches confrontées aux problèmes décrits ci-dessus ont toujours été considérées, à juste titre, comme ne conduisant pas à une amélioration durable de la situation du secteur au niveau national ou communautaire. Elles affecteraient, en fait, les conditions de concurrence dans le marché commun sans contribuer à améliorer la compétitivité du secteur, qui est la condition sine qua non de son redressement et de son succès sur le marché international du textile.
Enfin, il convient d'indiquer qu'autoriser l'aide envisagée reviendrait à créer un précédent, ce qui pourrait entraîner un très fort accroissement des aides d'État dans cette branche très vulnérable de l'industrie textile et, par conséquent, à des distorsions très graves de la concurrence.
En conclusion, l'aide envisagée en l'espèce n'est pas conforme aux orientations communautaires en matière d'aides à l'industrie du textile et de l'habillement. Comme elle facilite la réalisation d'un projet qui a pour effet d'augmenter de 72,9 % la capacité de production actuelle dans une branche qui connaît de graves problèmes dans toute la Communauté, l'aide envisagée en faveur de Caulliez Frères doit être considérée comme affectant les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En conséquence, cette aide ne peut pas bénéficier de la dérogation sectorielle prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE.
En ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point a) concernant les aides destinées à favoriser le développement économique de certaines régions, il convient de faire observer que le niveau de vie dans la région considérée, Prouvy (Nord), n'est pas anormalement bas et qu'il n'y sévit pas un grave sous-emploi au sens de la dérogation susvisée.
En ce qui concerne la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) concernant les aides destinées à faciliter le développement de certaines régions économiques, il est à noter que les orientations communautaires en matière d'aides à l'industrie du textile et de l'habillement définissent une politique communautaire qui a le soutien explicite de tous les États membres.
En vertu de cette politique et dans la situation que connaît actuellement le secteur des fils de coton peigné, des investissements subventionnés visant à créer de nouvelles capacités de production de fil ne facilitent pas le développement de certaines régions économiques, parce qu'ils ne rendraient pas une installation de production financièrement et économiquement viable à moyen ou long terme et qu'ils ne garantiraient pas le maintien des emplois qui seraient créés. Le taux de chômage de 17 %, mis en évidence par le gouvernement français, ne serait donc pas durablement réduit, si bien que les objectifs énoncés à l'article 92 paragraphe 3 point c) ne seraient pas atteints. À cet égard, la Commission souligne que le projet est très capitalistique (9 millions de francs français par poste de travail). Bien qu'il soit prévu de créer, au total, cinquante-trois emplois en trois ans, cela ne compense pas les effets défavorables du projet décrits ci-dessus, qui doivent être pris en considération lors de l'appréciation de l'applicabilité de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) en faveur de certaines régions.
Par ailleurs, la filature du coton a été le premier procédé textile réellement industrialisé et l'essentiel du secteur est concentré dans des zones qui connaissent aujourd'hui des problèmes de déclin industriel dans la Communauté. Compte tenu de cette situation, l'aide en question ne faciliterait pas le développement régional au niveau communautaire. En outre, eu égard à la situation du secteur concerné et comme cela est indiqué ci-avant, l'aide qui doit être accordée afin de permettre une augmentation de la capacité de 72,9 % serait susceptible d'affecter les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. En conséquence, le projet d'aide ne peut pas bénéficier de la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point c) du traité CEE en faveur de certaines régions.
Cette conclusion ne peut pas être modifiée par le fait que les autorités françaises envisagent d'accorder l'aide sous la forme d'une prime à l'aménagement du territoire, régime autorisé par la Commission, comme l'a fait observer le gouvernement français au cours de la procédure. S'il est exact que la région de Prouvy (Nord) est prioritaire en ce qui concerne l'octroi d'aides dans le cadre de ce régime, la Commission doit cependant faire observer que, dans l'article 7 de la décision 85/18/CEE autorisant le régime des primes d'aménagement du territoire, elle a expressément fait mention de la nécessité de respecter les règles spécifiques existant dans certains secteurs. L'un de ces secteurs est l'industrie du textile et de l'habillement, où les orientations communautaires, comme déjà indiqué, doivent être respectées, ce qui explique que le gouvernement français ait jugé nécessaire de notifier le projet en question. Comme la Commission l'a déjà fait observer, les conditions définies par les orientations précitées ne sont pas remplies dans le cas d'espèce, si bien que l'aide envisagée ne peut pas bénéficier de l'autorisation générale accordée pour le régime d'aides régionales en question. À ce sujet, la Commission rappelle expressément que lesdites orientations précisent que l'aspect régional des aides doit être apprécié en fonction de leurs effets sur le secteur concerné, tant du point de vue de la concurrence que des échanges intracommunautaires, afin de contrôler l'incidence sectorielle des aides régionales même dans les régions en difficulté.
En ce qui concerne les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 point b), il est évident que l'aide en question n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen ou à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Une aide spécifique en faveur d'un seul producteur de fils de coton n'est pas de nature à remédier au type de problème décrit à l'article 92 paragraphe 3 point b).
Enfin, la Commission fait observer que, pour les mêmes raisons ou pour des raisons analogues, elle a dû, par le passé, rejeter des projets d'aide ou des aides accordées en faveur d'autres entreprises de l'industrie du textile et de l'habillement ou même du secteur. Elle rappelle expressément certaines de ses décisions concernant Boussac Saint Frères (87/585/CEE) (1), ENI-Lanerossi (89/43/CEE) (2), Vanden Berghe (88/173/CEE) (3), le régime français d'aide financé par des taxes parafiscales (85/380/CEE) (4), le régime d'aide à l'industrie textile proposé par le Royaume-Uni (85/305/CEE) (5), et le régime belge d'aide au secteur du textile et de l'habillement, de 1984 (84/564/CEE) (6).
VI
En conclusion, l'aide envisagée en faveur de Caulliez Frères et notifiée à la Commission par lettre du 3 mars 1988 ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphes 2 et 3 du traité CEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Le projet tendant à accorder une aide de 5,3 millions de francs français à Caulliez Frères, notifié à la Commission par lettre du 3 mars 1988, est incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE.
Le gouvernement français s'abstient donc de mettre ce projet à exécution.
Article 2
Le gouvernement français informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 3
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 8 mars 1989.
Par la Commission
Sir Leon BRITTAN
Vice-président
(1) JO no L 11 du 12. 1. 1985, p. 28.
(1) JO no L 352 du 15. 12. 1987, p. 42.
(2) JO no L 16 du 20. 1. 1989, p. 52.
(3) JO no L 78 du 23. 3. 1988, p. 44.
(4) JO no L 217 du 14. 8. 1985, p. 20.
(5) JO no L 155 du 14. 6. 1985, p. 55.
(6) JO no L 312 du 30. 11. 1984, p. 27.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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