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Document 389D0305

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


389D0305
89/305/CEE: Décision de la Commission du 21 décembre 1988 relative aux aides accordées par le gouvernement français à une entreprise du secteur de l'automobile - Peugeot SA (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 123 du 04/05/1989 p. 0052 - 0058



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 21 décembre 1988
relative aux aides accordées par le gouvernement français à une entreprise du secteur de l'automobile - Peugeot SA
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(89/305/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations conformément à l'article 93, et compte tenu de ces observations,
considérant ce qui suit:
I
Par deux lettres du 30 avril 1985, enregistrées le même jour, le gouvernement français a transmis à la Commission des informations concernant l'octroi d'aides en faveur du groupe Peugeot SA /Citroën.
Ces aides étaient accordées sous la forme de trois prêts du Fonds industriel de modernisation (FIM):
- un prêt de 200 millions de francs français au taux de 9,75 % accordé le 5 juillet 1984 à la Société mécanique automobile de l'Est (SMAE) pour la mise en fabrication à Caen d'une boîte de vitesse entièrement nouvelle, allégée de 20 % par rapport aux boîtes actuelles. L'assiette du prêt FIM s'élève à 1 016 millions de francs français,
- un prêt de 500 millions de francs français au taux de 9,75 % accorde le 30 mai 1984 à la société Automobiles Peugeot pour la mise en place d'un atelier de tôlerie polyvalente intégralement automatisé et des lignes automatisées d'assemblage et sous assemblages à Poissy et pour la mise en oeuvre d'un ensemble de moyens d'usinage de conception avancée pour la réalisation des trains avant et des trains arrière. L'assiette du prêt du FIM s'élève à 1 167 millions de francs français,
- un prêt de 500 millions de francs français au taux de 8,75 % accordé le 12 juillet 1985 à la Société automobiles Citroën pour le développement, à l'occasion de la réalisation d'un nouveau modèle de bas de gamme particulièrement économe en carburant, d'un appareil industriel optimisé faisant, à plus de 60 %, appel à du matériel de haute technologie, avec recours aux techniques de gestion de production par ordinateur et l'introduction une grande flexibilité génératrice de gains de productivité. L'assiette du prêt du FIM s'élève à 1 150 millions de francs français.
Par sa décision 85/378/CEE (1), la Commission a précisé que les prêts du FIM constituent des aides au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE et a surbordonné l'octroi de ces prêts à l'obligation de notifier au préalable tous les cas concrets significatifs.
Ces prêts ont été initialement octroyés à des taux différents pour une durée maximale de dix ans et assortis d'un différé de remboursement allant jusqu'à deux ans. Ils sont destinés à soutenir des investissements présentant un caractère innovateur et notamment ceux prévoyant l'installation de machines et d'équipements de haute technologie, le développement de la bureautique et de la biotechnologie.
La Commission a ainsi considéré que les trois prêts totalisant 1,2 milliard de francs comportent des éléments d'aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 et n'étaient pas susceptibles de répondre aux conditions de l'article 92 paragraphe 3 pour bénéficier d'une des dérogations y énoncées. Elle a, dès lors, ouvert à l'encontre de cette aide la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2.
La principale raison de l'ouverture de la procédure était l'absence d'informations concernant la mesure dans laquelle les prêts FIM contribuaient au développement de produits réellement innovateurs.
Par lettre du 29 janvier 1986, la Commission a mis le gouvernement français en demeure de lui présenter ses observations; par lettre du 15 mai 1986, les autres États membres ont été informés de l'engagement de la procédure et mis en demeure de présenter leurs observations; les tiers intéressés l'ont été par la publication au Journal officiel des Communautés européennes (2).
À la demande de la Commission, le gouvernement français a informé celle-ci, par lettre du 9 septembre 1987, de l'attribution, le 12 mars 1986, d'un prêt FIM de 500 millions de francs français à la société Automobiles Citroën. Ce prêt s'inscrit dans le même contexte que le prêt FIM de 500 millions de francs français attribué à la société Automobiles Citroën en 1985. S'appliquant au même programme, il correspond aux mêmes finalités et a été attribué selon des modalités de taux (8,75 %) et de durée identiques. L'assiette du prêt FIM s'élève à 1 136 millions de francs français.
La Commission a considéré que le prêt de 500 millions de francs français comporte des éléments d'aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 et n'était pas susceptible de répondre aux conditions de l'article 92 paragraphe 3 pour bénéficier d'une des dérogations y énoncées. Elle a, dès lors, ouvert à l'encontre de cette aide la procédure prévue à l'article 93 paragraphe 2.
La principale raison de l'ouverture de la procédure était l'absence d'informations concernant la mesure dans laquelle le prêt FIM contribuait au développement de produits réellement innovateurs.
Par lettre du 11 décembre 1987, la Commission a mis le gouvernement français en demeure de lui présenter ses observations; par lettre du 29 février 1988, les autres États membres ont été informés de l'engagement de la procédure et mis en demeure de présenter leurs observations; les tiers intéressés l'ont été par la publication au Journal officiel des Communautés européennes (3).
Par lettre du 31 mars 1987, la Commission a demandé aux autorités françaises de lui fournir des informations supplémentaires permettant d'apprécier le caractère technologique des investissements en question.
II
Les autorités françaises ont présenté leurs observations par lettres des 12 août 1986, 14 août 1987, 9 septembre 1987, 2 mars 1988, 4 juillet 1988 et 1er décembre 1988.
Selon les autorités françaises, il faut apprécier la totalité des investissements effectués par le groupe PSA dans le contexte d'une réorganisation et d'une restructuration de l'ensemble des moyens industriels du groupe. Après la reprise, en 1978, des activités de Chrysler Europe, qui s'inscrit dans un contexte de marché automobile profondément déprimé à partir de 1979, la politique du groupe PSA a consisté à réduire ses excédents de capacité de production pour tendre à les ramener au niveau de la demande de ses produits. Ceci a engendré des fermetures d'usines et, donc, des pertes d'emplois ainsi que de violents conflits sociaux en 1982 et 1983, notamment à Poissy et à Aulnay. Seuls des investissements innovateurs pouvaient permettre au groupe PSA d'améliorer sa productivité et de retrouver en 1985 une rentabilité qui reste très fragile.
En ce qui concerne le caractère innovateur des investissements financés par les prêts du FIM, les autorités françaises considèrent que les prêts seraient destinés à des investissements ayant un caractère véritablement innovateur et concernent en particulier l'introduction de procédés et de techniques de fabrication permettant la réalisation de produits réellement nouveaux.
En ce qui concerne le prêt pour SMAE, le caractère innovateur des investissements serait démontré par l'importance du bond technologique réalisé à la SMAE, dans la conception et l'industrialisation de la boîte de vitesse MA, et par le fait que ce produit est fabriqué sous licence par un autre constructeur automobile.
Le caractère innovateur des investissements financés par le FIM en 1985 et 1986 chez Peugeot et Citroën à l'occasion du lancement de deux nouveaux véhicules (Peugeot 309 et Citroën AX) de conception originale se situerait incontestablement au plus haut niveau technologique, tant en Europe que dans le reste du monde. La mise en oeuvre, dans l'ensemble des investissements réalisés, de nombreux procédés techniques réellement innovateurs, tant en amont qu'en aval de la chaîne de fabrication prise dans son ensemble, a représenté pour l'entreprise un risque certain qu'elle a néanmoins assumé, dans la perspective de dégager ainsi des gains significatifs en matière de qualité, de sécurité et de gestion de la production.
Les autorités françaises considèrent que ces investissements, qui n'ont entraîné aucune augmentation de capacité, auraient ainsi contribué efficacement à améliorer la position concurrentielle de l'industrie automobile européenne. Ils estiment donc que l'octroi de ces prêts au groupe Peugeot est compatible avec le marché commun sans entraîner de distortions de concurrence vis-à-vis d'entreprises dans les autres États membres.
Le groupe Peugeot a réalisé, au cours des deux années 1984 et 1985, des investissements pour un montant de 9,3 milliards de francs français. Ainsi, les trois prêts obtenus du FIM pendant ces deux années représentaient 13 % des investissements. Pour assurer le financement de ce programme, l'entreprise aurait largement fait appel à son autofinancement. Elle aurait reçu, par ailleurs, des apports de ces actionnaires et aurait eu recours à divers emprunts à long et moyen termes auprès du système bancaire français ou sur le marché financier à des taux très divers selon les modalités de financement.
Selon les autorités françaises, il est nécessaire, pour apprécier de façon objective l'existence éventuelle d'un écart réel de coût entre un investissement financé par un appel au marché et un investissement financé par le FIM, de prendre en compte l'ensemble des moyens de financement mobilisés par le groupe sur un exercice complet au moins.
Ainsi, les taux de prêts FIM accordés au groupe PSA en 1984, 1985 et 1986 n'apparaissent pas avoir été substantiellement différents du taux moyen des prêts qu'a pu ou qu'aurait pu obtenir le groupe sur le marché national et international au cours des mêmes exercices. En juin 1986, par exemple, le groupe PSA a procédé à un emprunt international de 1 milliard de francs français à un taux de 8 % l'an sur une durée de dix ans, soit un taux inférieur au taux du prêt FIM contracté la même année. De la même manière, le groupe PSA avait envisagé de procéder à l'automne 1986 à une émission obligataire à taux variable, sur une période de sept ans et à un coût actuariel inférieur à 9 % par an.
Dans le cadre des procédures, les gouvernements de deux autres États membres ont soumis leurs observations.
III
Sur base de la décision 85/378/CEE, tous les prêts du FIM constituent des aides au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE, qui affectent les échanges entre États membres et faussent ou menaçent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
Les quatre prêts du FIM, totalisant 1,7 milliard de francs français, que le gouvernement français a octroyés à PSA constituent ainsi des aides qui ont permis au bénéficiaire de réaliser une série d'investissements sans en supporter la totalité des frais. Ces aides affectent les échanges entre les États membres, parce qu'il y a un commerce intracommunautaire important des produits fabriqués par le groupe PSA. En fait, pour les voitures particulières, en 1986, les échanges entre les États membres ont porté sur 5 030 402 véhicules, dont 17,4 % (878 927 unités) pour les exportations de France vers les autres États membres. En 1986, Peugeot et Citroën ont exporté vers les autres pays de la Communauté 688 996 voitures, soit 45 % de la production totale de voitures particulières en France.
Il y a lieu de rappeler que les éléments d'aide des prêts FIM découlent du différé d'amortissement de deux ans et de la différence entre le taux d'intérêt du prêt FIM accordé à l'entreprise et le taux de référence en France qui correspond au taux d'intérêt appliqué par le Crédit national au titre des « prêts à l'équipement ». Dans ce contexte, il est important de rappeler que c'est le gouvernement français lui-même qui a retenu ce taux du Crédit national pour la détermination de l'élément d'aide des prêts à taux réduit dans le cadre de principes de coordination des régimes d'aides à finalité régionale.
Or, les quatre prêts FIM en question ont été accordés au bénéficiaire au taux de 9,75 % pour le prêt de 200 millions de francs français à la SMAE et pour le prêt de 500 millions de francs français à Peugeot et au taux de 8,75 % pour les deux prêts de 500 millions de francs français à Citroën en 1985 et 1986. À la date de l'octroi des prêts, les taux de référence susmentionnés étaient de 14,75 % pour le prêt à SMAE et pour le prêt à Peugeot, de 13 % pour le prêt à Citroën en 1985 et de 11 % pour le prêt à Citroën en 1986. La bonification d'intérêt s'élève ainsi à 5 % pour les prêts à SMAE et à Peugeot, à 4,25 % pour le prêt à Citroën en 1985 et à 2,25 % pour le prêt à Citroën en 1986.
En ce qui concerne l'année 1986, pour laquelle les autorités françaises ont fourni des exemples pour illustrer l'absence d'un élément d'aide, il faut considérer que le taux de référence a baissé rapidement, au cours du premier semestre, de 13 % le 1er janvier 1986 à 9,25 % le 27 mai 1986. Par conséquent, il n'est pas indiqué de comparer des prêts contractés après le 27 mai 1986 avec le prêt FIM du 12 mars 1986.
IV
Sur le plan de la procédure, aux termes de l'article 93 paragraphe 3, les aides doivent être notifiées à l'état de projet et octroyées uniquement après décision de la Commission (effet suspensif). Les aides en question ayant par contre déjà été octroyées, il s'ensuit que'elles sont illégales pour violation des dispositions de procédures de l'article 93 paragraphe 3.
À cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu du caractère impératif des règles de procédure fixées à l'article 93 paragraphe 3 (voir arrêts de la Cour de justice du 11 décembre 1973 dans l'affaire 120/73 - Lorenz et du 22 mars 1977 dans l'affaire 78/76 - Steinike), l'illégalité de l'aide en cause ne saurait être régularisée a posteriori. En outre, la Commission peut obliger les États membres à supprimer l'aide par voie de récupération auprès des bénéficiaires (voir arrêt de la Cour de justice du 12 juillet 1973 dans l'affaire 70/72 - Kohlegesetz).
(1) JO no L 216 du 13. 8. 1985, p. 12.
(1) JO no C 144 du 11. 6. 1986, p. 3.
(2) JO no C 60 du 4. 3. 1988, p. 2.
V
Le groupe PSA était formé au cours de l'année 1980 et résultait de la reprise de Citroën et des activités de production automobile de Chrysler Europe par Peugeot. Les nouvelles divisions souffraient dans une mesure différente, d'une lacune d'investissement et d'une gamme de produits partiellement dépassée. La tentative de relance de la gamme Chrysler à travers un retour de la marque « Talbot », héritée de Simca, n'a pas obtenu le succès attendu et était arrêtée à la suite de son intégration totale au sein de Peugeot. Malgré ce fait, le groupe PSA a maintenu les trois conceptions de production, ce qui a laissé le groupe avec des problèmes considérables d'organisation de la production.
Le groupe PSA a réussi à faire face à cette complication dans son organisation de production. Ceci se reflète dans le redressement financier du groupe qui a dégagé, à partir de 1985, des bénéfices croissants. En 1987, la marge brute d'autofinancement consolidée a été, pour la première fois depuis de nombreuses années, supérieure aux investissements. Ajoutée au produit de l'augmentation de capital réalisée au cours de l'année et à l'effet de la diminution continue de besoins en fonds de roulement, elle a donc contribué à la réduction remarquable de 11 milliards de francs français, c'est-à-dire plus d'un tiers de l'endettement financier du groupe. L'endettement financier net de 19 milliards de francs français était, en 1987, légèrement inférieur aux capitaux propres. Ce redressement a été obtenu grâce aux efforts conjugués des deux branches Peugeot et Citroën. Le bénéfice net du groupe pour 1987, après charge d'impôt encore partielle, représentait 4,2 % du chiffre d'affaires. Il aurait ainsi été supérieur au niveau des constructeurs japonais ou allemands, mais serait resté inférieur à celui d'autres constructeurs européens et américains.
Le redressement du groupe se manifeste aussi dans la progression constante à partir de 1985 de ses ventes de voitures particulières et utilitaires sur le marché européen. La progression a même été sensiblement plus forte que celle de chacun des autres constructeurs. Ainsi, le groupe a pu porter sa part de marché européen en 1987 et 1988 (8 mois) à respectivement 12,2 % et 12,7 % par rapport à l'année 1986 au cours de laquelle il a obtenu 11,4 % du marché européen. En 1981, avant les efforts de restructuration et d'intégration, la part du groupe PSA dans le marché européen était de 13,1 %. Le groupe occupe actuellement la troisième position sur le marché européen et se rapproche régulièrement de son objectif: se placer rapidement au premier rang en Europe.
VI
L'article 92 paragraphe 1 du traité CEE érige en principe l'incompatibilité avec le marché commun des aides présentant les caractéristiques qu'il énonce. En ce qui concerne les dérogations à ce principe, celles qui sont énoncées à l'article 92 paragraphe 2 du traité CEE sont inapplicables en l'espèce, compte tenu de la nature et des objectifs des aides envisagées.
Aux termes de l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE, les aides susceptibles d'être considérées comme compatibles avec le marché commun doivent être appréciées dans le contexte communautaire, et non dans celui d'un seul État membre. Pour préserver le bon fonctionnement du marché commun et tenir compte des principes énoncés à l'article 3 point f) du traité CEE, énoncées au paragraphe 3 dudit article, doivent être interprétées restrictivement lors de l'examen de tout régime d'aides ou de toute mesure individuelle d'aide.
En particulier, les dérogations ne peuvent jouer que si la Commission constate que le libre jeu des forces du marché, en l'absence des aides, ne suffirait pas à lui seul à inciter leurs bénéficiaires éventuels à agir pour atteindre l'un des objectifs recherchés.
Appliquer les dérogations à des cas qui ne contribuent pas à un tel objectif reviendrait à conférer des avantages aux industries ou aux entreprises de certains États membres, en affectant les conditions des échanges entre États membres dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
Dans le cadre de l'examen dérogations, eu égard aux dispositions de l'article 92 paragraphe 3 point a) concernant les aides destinées à favoriser le développement de certaines régions, il y a lieu de considérer que les régions où ont eu lieu les investissements du groupe PSA ne souffrent pas d'un niveau de vie anormalement bas ou d'un grave sous-emploi au sens de la dérogation visée au paragraphe 3 point a). Les régions concernées ne font pas partie des régions susceptibles de bénéficier de cette dérogation.
Pour ce qui est des dérogations de l'article 92 paragraphe 3 point b), aucun élément du dossier ne permet, de quelque façon que ce soit, de considérer que les aides en cause sont destinées à soutenir un projet d'intérêt européen commun (voir arrêt de la Cour de justice du 8 mars 1988, dans les affaires 62/87 et 72/87) ou à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Le gouvernement français n'a d'ailleurs pas invoqué de motifs de cet ordre pour justifier les aides en question.
Les aides ne remplissent pas non plus les conditions du paragraphe 3 point c) pour ce qui a trait à l'aspect régional. En effet, les prêts du FIM ne sont, d'une façon générale, pas accordés à des entreprises ayant leurs activités dans des régions déterminées d'avance. Ils n'ont donc pas comme objectif de faciliter le développement de certaines zones et, en l'espèce, le gouvernement français n'a d'ailleurs pas invoqué de motifs de cet ordre pour justifier l'attribution des prêts au groupe PSA. Par conséquent, les aides ne peuvent pas bénéficier de la dérogation en question.
Enfin, en ce qui concerne la dérogation de l'article 92 paragraphe 3 point c) en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, il y a lieu en particulier de considérer que, sur la base de la décision 85/378/CEE de la Commission, les investissements susceptibles de bénéficer des prêts du FIM sont uniquement ceux qui présentent un caractère innovateur au niveau communautaire. En effet, dans sa décision 85/378/CEE concernant l'autorisation du régime d'aides octroyées par le FIM, la Commission a conclu qui ni l'intérêt industriel prioritaire français, ni la modernisation des entreprises industrielles en tant que telles, ne pouvaient être considérés comme une contrepartie communautaire justifiant l'octroi d'une des dérogations de l'article 92 paragraphe 3; au contraire, ces aides risquent, selon la Commission, d'altérer les échanges intracommunautaires dans une mesure contraire à l'intérêt commun lorsqu'elles sont octroyées dans des cas individuels significatifs étant donné qu'elles renforcent particulièrement la position des entreprises bénéficiaires par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires. La Cour de justice a confirmé le bien-fondé de l'approche de la Commission en la matière (voir arrêté de la Cour de justice du 13 juillet 1988 dans l'affaire 102/87 - République française contre Commission).
Le gouvernement français a joint à ses lettres des 16 juin 1987, 2 mars 1988, 4 juillet 1988 et 1er décembre 1988 des notes techniques décrivant les investissements au financement desquels contribuent les prêts du FIM.
La Commission a soumis ces informations à un examen technique approfondi afin de déterminer dans quelle mesure les investissements bénéficiant d'aides donnent lieu à de véritables innovations au niveau communautaire et, en ce qui concerne les deux prêts octroyés à Citroën (totalisant 1 000 millions de francs français) et le prêt octroyé à SMAE (200 millions de francs français) elle est parvenue aux conclusions suivantes:
Dans le domaine de la carrosserie, la conception traditionnelle des ateliers de tôlerie, définis et affectés à un véhicule déterminé, a été abandonnée. Il s'agissait de rendre possible la construction simultanée, dans une même tôlerie, de trois familles de produits de créneaux de marché différents, à savoir celles des modèles Citroën AX, Peugeot 205, Peugeot 309, Citroën BX et Peugeot 405.
Le système polyvalent, introduit à Poissy en 1985, a été amélioré significativement dans les installations d'Aulnay en 1986 et en 1987. À Poissy, l'implantation a été réalisée en intercalant, dans l'enchaînement des opérations, des postes manuels de retouche pour pallier les éventuelles pannes de l'automatisation et de la robotique. Ce système polyvalent, qui n'a réussi que partiellement, avait déjà été introduit par un autre constructeur communautaire d'automobiles avant 1985. Au contraire, à Aulnay, le système polyvalent était lié à une approche audacieuse du « flux rapide ». Le flux rapide supprime tous les postes manuels de retouche. Le cycle de soudure par robots est réalisé sans aucune possibilité de procédure dégradée (« sans fil »). Ce système conduisait à une meilleure qualité et à une réduction drastique du temps de défilement et des stocks « tampons » à tous les endroits des lignes. Parce que la moindre panne, même très en amont, se traduisait par une perte de production, Citroën a dû créer une tôlerie supplémentaire manuelle à Rennes. Les investissements liés à la mise en place d'une tôlerie polyvalente au « flux rapide » s'élevait à 747,8 millions de francs français. En outre, il a fallu faire face à des frais de démarrage élevés, ainsi qu'à des frais de formation importants liés au système de flux rapide. L'ensemble des surcoûts de démarrage liés à l'introduction du système a été évalué à 150 millions de francs français. La tôlerie polyvalente au flux rapide, qui se base sur un système Toyota au Japon, a donc constitué une expérience coûteuse. Elle constitue sans doute une innovation au niveau européen, nonobstant le fait que la tôlerie d'Aulnay ne fabrique qu'un seul modèle pour l'instant.
En ce qui concerne le montage de l'AX à Aulnay, le groupe PSA a décidé de ne pas suivre l'approche d'une automatisation élevée comme cela a été expérimenté par certains constructeurs concurrents (par exemple Volskwagen au hall 54). Par contre, le groupe PSA a essayé d'éviter les coûts élevés d'une telle approche en introduisant un input manuel plus intensif afin d'arriver à une certaine flexibilité malgré un coût d'investissement réduit (82,6 millions de francs français ou 2,5 % de la somme globale). Cette flexibilité était nécessaire à cause d'une très grande diversité (au moins 15 000 définitions) du véhicule AX.
Certaines opérations dans la ligne de montage étaient robotisées en introduisant des innovations significatives, surtout dans l'installation de la garniture de pavillon et de la pose de glaces de pare-brise. Les alternances de zones manuelles, où la voiture doit défiler devant les opérateurs avec une vitesse constante, et de zones de montage automatique, où la voiture doit s'arrêter et même être libérée de sa balancelle pour être mise en position géométrique constante, a nécessité le développement d'un nouveau concept de balancelle automotrice programmée. Cette balancelle automotrice équipée d'un micro-ordinateur est capable de compenser les temps d'arrêt aux postes automatiques et d'employer plusieurs vitesses et même une marche arrière pour dégager les accès à la voiture à certains postes. Le développement et la réalisation de ce système de balancelle étaient pris en charge par un constructeur extérieur en sous-traitance externe pour un coût total de 150,4 millions de francs français. Ce système de balancelles automotrices constitue une innovation fondamentale: il a, depuis, été réutilisé, en l'état ou avec des évolutions, par d'autres constructeurs européens. Pour l'introduction des concepts innovateurs d'une tôlerie polyvalente à flux rapide et d'un montage semi-manuel à l'usine d'Aulnay, le groupe PSA a dû dégager 268 millions de francs français d'investissements immatériels.
L'usine de Caen livre à l'usine de montage d'Aulnay, pour l'essieu avant, deux bras avant préparés et deux éléments porteurs assemblés et, pour l'essieu arrière, un ensemble complet. Les caractéristiques techniques retenues pour le véhicule AX ont conduit à la redéfinition intégrale des lignes de fabrication des suspensions avant et arrière. Les exigences particulièrement élevées du cahier des charges ont conduit à la définition de lignes de production et d'assemblage très automatisées. Les techniques appliquées reposent sur l'utilisation systématique de la robotisation et des techniques associées, par exemple, approvisionnement, identification et chargement automatiques des composants et contrôle de conformité électronique par laser et vidéo avant désignation des sous-ensembles. L'automatisation des lignes s'est accompagnée d'une mise en oeuvre de la production juste à temps, caractérisée par l'accélération des flux, l'amélioration du processus de production et l'accroissement de la disponibilité des moyens. L'ensemble de ces lignes de fabrication et de montage a représenté un investissement de 435 millions de francs français. Quelques aspects de ces installations ultra-modernes constituent des innovations au niveau communautaire, représentant environ la moitié de l'investissement total.
En conclusion, les innovations susmentionnées introduites par Citroën dans le cadre des deux prêts FIM correspondent à environ deux tiers des assiettes d'investissements retenues (1 470 millions de francs français sur 2 288 millions de francs français). Par conséquent, la Commission considère que la majorité des investissements de Citroën, soutenus par les deux prêts FIM, ne constituent pas de simples investissements de modernisation mais des investissements destinés à développer des produits et des procédés réellement innovateurs sur le plan communautaire au moment de leur mise en oeuvre.
En ce qui concerne les investissements de 895,3 millions de francs français à l'usine SMAE (filiale de Citroën) de Borny, l'examen technique de la Commission a révélé qu'ils constituent des innovations de produits et de procédés de production au niveau communautaire. En effet, le programme de la SMAE a permis la mise en fabrication d'une boîte de vitesse entièrement nouvelle, allégée de 20 % environ par rapport aux boîtes actuelles. L'ensemble des opérations relatives à l'usinage des composants de la boîte (arbre, pignonnerie, couronnes), c'est-à-dire le tournage, le taillage, le montage, le brochage, la rectification, le fraisage, sont automatisés par lignes, le transfert des pièces étant assuré par convoyeurs mécanisés entre les centres d'usinage. Les opérations de montage sont, elles aussi, intégralement automatisées, ce qui a permis d'atteindre une productivité voisine des performances japonaises actuelles.
L'importance du bond technologique réalisé à la SMAE dans la conception et l'industrialisation de la boîte de vitesse MA est aussi confirmée par l'achat par un autre constructeur automobile de la licence de fabrication de ce produit.
Par conséquent, les aides découlant des crédits FIM octroyés à Citroën pour un montant total de 1 milliard de francs français et à sa filiale SMAE pour un montant de 200 millions de francs français et qui ont permis l'introduction des innovations susmentionnées sont compatibles avec le marché commun parce qu'elles répondent aux conditions fixées par la Commission dans sa décision 85/378/CEE.
Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, les éléments d'aide au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE sous forme de bonification d'intérêt et de différé d'amortissement de deux ans, contenus dans les trois prêts FIM de 1,2 milliard de francs français, bien qu'octroyés illégalement en violation des dispositions de l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE, peuvent être considérés comme des aides susceptibles de faciliter le développement de certaines activités économiques au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c) sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, et sont dès lors compatibles avec le marché commun.
VII
Par contre, il ressort de l'examen technique que les investissements financés par le prêt FIM de 500 millions de francs français octroyé à Peugeot ont contribué à la modernisation des installations et au rajeunissement des produits mais ne pouvaient être considérés comme innovateurs au niveau communautaire au moment de leur réalisation. Ceci concerne les investissements de l'assiette retenue par le FIM:
- presses d'emboutissage à Poissy (280,2 millions de francs français),
- tôlerie polyvalente à Poissy (505,7 millions de francs français),
- montage sellerie-peinture à Poissy (55,3 millions de francs français),
- usinage de trains avant et arrière et amortisseurs à Mulhouse et Bart et leur montage à Poissy (317,2 millions de francs français),
- direction et adaptation moteurs à Dijon (8,7 millions de francs français).
Les investissements susmentionnés totalisent 1 167,1 millions de francs français.
En particulier, les installations d'emboutissage, de tôlerie polyvalente, de montage sellerie-peinture ainsi que de montage des trains avant et arrière ont été automatisées et modernisées pour atteindre un niveau technologique moyen dans le secteur. Néanmoins, les installations d'emboutissage et de montage s'avèrent conventionnelles et le parc de machines ancien est partiellement dépassé. Comme indiqué ci-dessus, le système de tôlerie polyvalente, tel qu'appliqué à Poissy, était déjà mis en oeuvre par un concurrent communautaire avant 1985 et ne peut donc pas présenter le caractère innovateur requis par les prêts FIM. En ce qui concerne les investissements de direction et adaptation moteurs et d'usinage des trains avant et arrière, nonobstant la demande de fournir des informations supplémentaires faite par la Commission par lettre du 31 mars 1987, les autorités françaises n'ont donné aucune information permettant d'établir le caractère innovateur de ces investissements. En conclusion, les investissements de Peugeot, soutenus par le prêt FIM, ont pour objet de simples modernisations. Les concurrents de Peugeot SA ont dû faire face eux-mêmes aux exigences technologiques et ont réalisé leurs investissements sans aide d'État. Il est tout à fait normal, et dans l'intérêt du producteur même, qu'il utilise les techniques et matériaux les plus performants permettant une réduction des frais de production et de gestion tout en modernisant la gamme de ses produits [voir à cet égard l'arrêt de la Cour de justice du 13 juillet 1988 dans l'affaire 102/87 (Seb) et l'arrêt du 8 mars 1988 dans les affaires 62/87-72/87 (Glaverbel) ainsi que les décisions de la Commission dans les cas FIM pour Renault, du 29 mars 1988, et pour Valeo, du 23 novembre 1988].
Par conséquent, l'aide découlant du prêt FIM octroyé à Peugeot, destinée aux investissements dans les domaines susmentionnés, n'est pas compatible avec le marché commun parce qu'elle ne remplit pas les conditions énoncées à l'article 92 paragraphe 3 point c) ni celles fixées par la Commission dans sa décision 85/378/CEE de la Commission. Le prêt FIM de 500 millions de francs français octroyé à Peugeot constitue donc une aide incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE et doit être supprimé par voie de récupération.
À cet effet, il y a lieu de supprimer l'élément d'aide incompatible contenu dans le prêt du FIM, octroyé à Peugeot en demandant le remboursement du prêt ou en l'assortissant des conditions normales du marché et, en tout état de cause, en exigeant la restitution de la bonification d'intérêt incompatible dont Peugeot a indûment bénéficié jusqu'à la modification susmentionnée des conditions du prêt. En quantifiant l'élément d'aide, la Commission a calculé d'abord, pour le prêt FIM en question, la différence entre le taux du marché de référence au moment de l'octroi du prêt (14,75 % à la date du 30 mai 1984) et le taux d'intérêt du prêt accordé (9,75 %); la bonification d'intérêt s'élève ainsi à cinq points. À la date de la présente décision, la bonification d'intérêt incompatible découlant du prêt en cause se traduit par un avantage de 107,81 millions de francs français.
Ce montant est à augmenter de la bonification d'intérêt dont pourrait bénéficier ultérieurement le groupe PSA en cas de retard dans l'exécution de la présente décision, et ce, pendant la période comprise entre la date fixée à l'article 3 de la présente décision et la date du remboursement effectif ou de l'adaptation des conditions du prêt incompatible en question,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide constituée par la bonification d'intérêt du prêt FIM de 500 millions de francs français destiné aux investissements s'élevant à 1 167,1 millions de francs français, octroyé à Peugeot SA et communiqué à la Commission en date du 30 avril 1985, est illégale pour violation des dispositions de procédure de l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. En outre, cette aide est incompatible avec le marché commun au sens de l'article 92 paragraphe 1.
Article 2
Le gouvernement français est tenu de supprimer l'élément d'aide contenu dans le prêt du FIM visé à l'article 1er en demandant le remboursement de ce prêt ou en l'assortissant d'un taux d'intérêt conforme au taux du marché - ce taux correspondant à celui du prêt à l'équipement pratiqué par le Crédit national à la date de l'octroi du prêt FIM (14,75 %). Le gouvernement français est, en tout état de cause, tenu d'exiger la restitution de la bonification d'intérêt découlant du prêt et s'élevant à 107,81 millions de francs français dont le groupe PSA a bénéficié jusqu'à la date d'adoption de la présente décision.
Article 3
Le gouvernement français est tenu d'informer la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 4
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 21 décembre 1988.
Par la Commission
Peter SUTHERLAND
Membre de la Commission

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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