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Document 388D0282

Chapitres du répertoire où le document peut être trouvé:
[ 13.20.70 - Autres secteurs industriels ]
[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


388D0282
88/282/CEE: Décision de la Commission du 9 décembre 1987 relative aux aides du gouvernement français dans le secteur de la transformation du bois (Isoroy et Pinault) (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 119 du 07/05/1988 p. 0038 - 0043



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 9 décembre 1987
relative aux aides du gouvernement français dans le secteur de la transformation du bois (Isoroy et Pinault)
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(88/282/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
après avoir mis, conformément aux dispositions dudit article, les intéressés en demeure de présenter leurs observations, et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
I
Le groupe Isoroy fut constitué le 25 février 1983, avec effet rétroactif au 1er janvier 1982, à partir d'une fusion de trois entreprises du secteur du bois, à savoir Leroy, Isorel et Baradel. En 1983, le gouvernement français aida ce regroupement au moyen de 12 millions de francs français de subventions et de 112 millions de francs français de prêts participatifs, sans effectuer la notification préalable à la Commission, prévue à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE.
Isoroy ne devint jamais rentable. Ses pertes s'élevèrent en effet à 175 millions de francs français en 1982, 124 millions en 1983, 237 millions en 1984 et 201 millions en 1985, ce qui correspond respectivement à 9 %, à 6 %, à 12 % et à 11 % du chiffre d'affaires de ces mêmes années.
Les difficultés persistantes du groupe incitèrent le gouvernement français à octroyer de nouvelles aides en 1985, cette fois sous forme d'une subvention de 68 millions de francs français, de prêts participatifs de 40 millions de frans français et d'un étalement dans le temps des sommes d'un montant de 98,5 millions de francs français, dues par Isoroy aux pouvoirs publics, et ceci à nouveau sans en informer la Commission au préalable.
Malgré ces aides répétées, Isoroy se trouva rapidement en cessation de paiements et fut admis au bénéfice du redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Caen, du 2 avril jusqu'au 30 septembre 1986.
Le tribunal de commerce prit position le 21 juillet 1986 sur deux plans alternatifs de cession des actifs d'Isoroy sans apurement du passif du groupe, dont les dettes cumulées avaient entre-temps augmenté, atteignant 2,2 milliards de francs français.
Le plan du groupe Pinault proposait une reprise globale, tandis que celui de Seribo, représentant plusieurs entreprises européennes, prévoyait une répartition des activités d'Isoroy entre ces repreneurs.
Le plan Pinault avait l'appui du gouvernement français, celui-ci s'étant engagé en principe à participer à son financement au moyen de 250 millions de francs français; la préférence du gouvernement français ressort également de l'intervention du substitut du procureur de la République en faveur du plan du groupe Pinault lors de l'audience publique au dit tribunal.
Le tribunal de commerce retint effectivement la proposition de Pinault en considérant qu'elle constituait un plan de reprise globale, homogène dans l'économie nationale et maintenant un grand nombre d'emplois.
Le tribunal autorisa dès lors la cession de l'ensemble des actifs, des créances, des immobilisations et des stocks à la société commerciale et industrielle du meuble (SCIM) du groupe Pinault, pour une somme largement symbolique, sous réserve toutefois de la mise à disposition des concours financiers dans le cadre du plan, tant publics que privés, avant le 1er octobre 1986. Cette condition ayant été remplie, la reprise définitive eut lieu à cette date.
II
La Commission, ayant appris qu'Isoroy avait bénéficié de plusieurs aides considérables, invita le gouvernement français, par lettre datée du 23 janvier 1986, à lui fournir, sur les interventions en faveur d'Isoroy depuis sa constitution en 1982, des renseignements complets incluant les conditions exactes des prêts participatifs accordés.
Le gouvernement français répondit par lettre du 15 mai 1986 en fournissant des informations concernant aussi bien la constitution d'Isoroy, les subventions octroyées en 1982 et 1985, les réductions de capacité qui avaient eu lieu et leurs effets sur l'emploi, que la cessation des paiements intervenue, mais non les modalités des prêts participatifs ou l'existence d'un atermoiement vis-à-vis des pouvoirs publics, ni l'intention du gouvernement français d'intervenir à nouveau dans l'éventualité d'une reprise par Pinault. Il exprima au contraire son avis qu'il n'appartenait pas aux autorités françaises de se prononcer sur l'issue de la procédure collective qui était en cours, celle-ci relevant de la compétence des instances judiciaires nationales. La Commission, ayant entre-temps eu connaissance de l'intention du gouvernement français d'octroyer de nouvelles aides afin de permettre la reprise par Pinault, avertit le gouvernement français, par lettre du 12 juin 1986, qu'abstraction faite de la suite à donner aux infractions à l'article 93 du traité CEE commises en 1982 et 1985, de telles nouvelles aides devaient faire l'objet d'une notification sous forme de projet et que toute aide octroyée en violation des dispositions de l'article 93 du traité CEE pouvait faire l'objet d'une demande de récupération.
En l'absence d'une réponse à sa lettre du 12 juin 1986 et ayant eu connaissance de la décision du tribunal de commerce du 21 juillet 1986 impliquant 250 millions de francs français en aides, la Commission s'est à nouveau adressée au gouvernement français, par lettre du 5 août 1986, en demandant une notification de ces aides dans les trente jours.
La décision du tribunal de commerce étant devenue définitive et la notification demandée n'étant toujours par parvenue à la Commission, celle-ci décida le 19 novembre 1986 d'entamer la procédure de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE à l'égard des aides successives en considérant qu'elles tombaient sous l'interdiction du paragraphe 1 de l'article 92 du traité CEE et qu'elles ne paraissaient pas remplir les conditions nécessaires pour bénéficier d'une des dérogations des paragraphes 2 et 3 dudit article.
La Commission mit le gouvernement français en demeure de lui présenter ses observations, par lettre du 1er décembre 1986.
III
Par lettre du 27 novembre 1986, le gouvernement français confirma d'abord la décision d'octroyer au groupe Pinault 176 millions de francs français en avances remboursables sans intérêt, 24 millions de francs français de primes d'aménagement du territoire (PAT) et 50 millions de francs français de prêts participatifs bonifiés, ces concours ne constituant selon lui qu'une partie minoritaire des ressources nécessaires à l'entreprise pour sa restructuration. Le gouvernement français souligna les réductions supplémentaires des capacités de production et annonça des observations ultérieures dès que des éléments plus précis seraient disponibles.
Par lettres des 9 janvier, 30 avril, 4 et 5 juin 1987 et au cours d'une réunion bilatérale du 26 mai 1987, le gouvernement français a présenté ses observations dans le cadre de la procédure.
Il a critiqué le fait que la lettre de mise en demeure du 1er décembre 1986 ne tenait pas compte du contenu de la notification du 27 novembre et que la procédure de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE avait été engagée à l'égard tant des aides à Isoroy que de celles à son aquéreur Pinault.
Il a précisé le montant des aides octroyées à Isoroy en 1983 et 1985, sans toutefois communiquer les modalités exactes des prêts participatifs bonifiés. Il a fait valoir que les aides au groupe Pinault étaient d'une intensité minime, qu'elles n'avaient pu avoir d'effet sur les échanges intracommunautaires, notamment en raison de l'importance des importations en provenance de pays tiers, qu'elles correspondaient aux orientations de la Commission elle-même à l'égard de la filière bois et qu'elles étaient justifiées en regard des contreparties sur le plan régional, sur le plan social et sur le plan de l'environnement.
Dans le cadre de la consultation des autres intéressés, les gouvernements de quatre autres États membres, ainsi que quatre fédérations industrielles et deux entreprises du même secteur ont soumis des observations.
IV
Les interventions de l'État sous forme de subventions, d'avances sans intérêt remboursables seulement en cas de surprofit, de prêts participatifs bonifiés et d'un étalement des sommes dues aux pouvoirs publics constituent des aides au sens de l'article 92 paragraphe 1 du triaté CEE, du fait qu'elles permettent aux entreprises et productions bénéficiaires d'être déchargées, au moyen de ressources d'État, d'une partie des coûts qu'elles devraient normalement supporter.
En l'espèce, les aides octroyées à Isoroy en 1983 et 1985 s'élèvent à 80 millions de francs français de subventions, à 152 millions de francs français de prêts participatifs, à un taux d'intérêt préférentiel qui n'a pas été communiqué à la Commission par le gouvernement français ainsi qu'à 98,5 millions de francs français de sommes dues par Isoroy aux pouvoirs publics, dont l'étalement sur 1986 et 1987, accordé par le gouvernement français en 1985, a eu un effet comparable à celui d'une subvention dès la cessation des paiements intervenue en 1986.
Les aides accordées à Pinault en 1986 s'élèvent à 176 millions de francs français en avances sans intérêt, remboursables seulement en cas de surprofit; à un prêt participatif de 50 millions de francs français d'une durée de douze ans dont trois années de différé, à un taux d'intérêt de 5,5 % pendant le différé et à un taux variable dépendant du profit pendant les autres neuf années; finalement à 24 millions de francs français de primes à l'aménagement du territoire. L'avantage d'un délai fixe de remboursement des avances ainsi que par la bonification de tout intérêt (cet avantage peut être évalué à 9,25 % l'an, c'est-à-dire le taux pratiqué par le crédit national en novembre 1986), et, en ce qui concerne le prêt participatif, par la bonification partielle d'intérêt pendant les trois premières années, qui peut être évaluée à 3,75 points l'an (c'est-à-dire la différence entre le taux de 9,25 % susmentionné et le taux de 5,5 % du prêt participatif en cause).
L'article 93 paragraphe 3 du traité CEE dispose que « la Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides . . . l'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ». Abstraction faite de la question de la notification préalable, en accordant des aides à Isoroy en 1983 et 1985 et à Pinault en 1986 dans le cadre de la reprise des productions d'Isoroy sans respecter l'effet suspensif, le gouvernement français n'a pas respecté les obligations découlant de l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE. Lesdites aides sont donc, en tout état de cause, illégales pour vice de procédure et, en plus, elles sont incompatibles quant au fond avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE.
Lors de la mise en redressement judiciaire, le groupe Isoroy disposait d'une trentaine d'usines et ateliers sur seize sites en France, avec un effectif de quelque quatre mille personnes pour la production de panneaux sur base de bois, d'emballages pour le fromage, de tanin, de portes et d'éléments pour la construction. La production des panneaux sur base de bois a représenté 80 % des ventes d'Isoroy en 1985.
En ce qui concerne la situation du marché, la consommation des panneaux en cause [bois plaqués ou contre-plaqués (code Nimexe 44.15), panneaux de fibres (code Nimexe 44.11), panneaux de particules (code Nimexe 44.18)] est en partie déterminée par la conjoncture des secteurs du bâtiment et de l'ameublement, qui sont les principaux clients des panneaux. La situation stagnante de ces deux secteurs est en outre rendue plus aiguë par la concurrence de produits de substitution pour les panneaux de bois dans presque toutes leurs applications. Pour ces raisons, l'évolution structurelle du secteur des panneaux de bois présente une stagnation en ce qui concerne les panneaux en général, tandis qu'il y a eu une croissance pour des panneaux spéciaux et à plus haute valeur ajoutée, tels les panneaux structurés « OSB » et les panneaux de fibres de moyenne densité « MDF ».
Les produits en cause font l'objet d'échanges entre États membres et il existe une vive concurrence entre les producteurs de panneaux dans la Communauté, qui doivent en outre faire face aux importations considérables des pays tiers. En 1985 la Communauté des Dix a importé 503 556 tonnes de panneaux de fibres des pays tiers et y a exporté 45 058 tonnes; elle en a importé 1 241 401 tonnes de contre-plaqués et y a exporté 71 744 tonnes; elle en a importé 1 363 770 tonnes de panneaux de particules et y a exporté 141 799 tonnes.
En 1985, Isoroy a représenté 26 % de la production française de panneaux de particules et a détenu 17 % du marché français. La France a exporté 170 000 tonnes vers les autres États membres et en a importé 300 000 tonnes. Les exportations françaises ont réprésenté 11 % de la totalité des échanges intracommunautaires.
Isoroy a représenté 20 % de la production française de panneaux contre-plaqués et a détenu 10 % du marché français; l'entreprise a exporté 29 % de sa production. La France a exporté 74 000 tonnes de contre-plaqués vers les autres États membres et en a importé 48 000 tonnes. Les exportations françaises ont représenté 30 % de la totalité des échanges intracommunautaires.
Toujours en 1985, Isoroy a représenté quelque 80 % de la production française de panneaux de fibres et a détenu 65 % du marché français. Elle a exporté 27 % de sa production. La France a exporté 68 000 tonnes de panneaux de fibres vers les autres États membres et en a importé 24 000 tonnes. Les exportations françaises ont représenté 26 % de la totalité des échanges intracommunautaires.
La production de tanin n'a représenté que 3 % du chiffre d'affaires d'Isoroy mais il y a lieu de considérer que ce groupe a été le seul producteur français de tanin et que la plupart de sa production a été exportée. En 1985 la France a exporté 6 061 tonnes d'extraits tannants (code Nimexe 32.01-40) vers les autres États membres et a importé 1 820 tonnes en provenance de l'Italie.
Par conséquent, les aides successives accordées par le gouvernement français ont faussé ou menacé de fausser la concurrence et ont affecté les échanges entre États membres au sens de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE en accordant un avantage sensible d'abord au groupe Isoroy et ensuite au groupe Pinault ainsi qu'à leur production.
Lorsque l'aide financière de l'État renforce la position de certaines entreprises par rapport à d'autres qui leur font la concurrence dans la Communauté, elle doit être considérée comme affectant ces autres entreprises.
L'article 92 paragraphe 1 du traité CEE prévoit l'incompatibilité de principe avec le marché commun des aides répondant aux critères qu'il énonce. Les dérogations à ce principe, prévues à l'article 92 paragraphe 2 du traité CEE, ne sont pas applicables en l'espèce, à cause de la nature des aides proposées, qui, en outre, ne visent pas un tel but.
L'article 92 paragraphe 3 du traité CEE énonce les aides qui peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. La compatibilité avec le traité doit être déterminée dans le contexte de la Communauté et non dans celui d'un seul État membre. Afin de garantir le bon fonctionnement du marché commun en tenant compte des principes de l'article 3 point f) du traité CEE, les dérogations énoncées à l'article 92 paragraphe 3 du traité CEE doivent être interprêtées strictement lorsqu'un régime d'aides ou un cas individuel d'application est examiné.
En particulier, elle ne sont applicables que dans le cas où la Commission est à même d'établir que, sans l'aide, le jeu de force du marché ne permettrait pas d'obtenir à lui seul du futur bénéficiaire qu'il adopte un comportement de nature à contribuer à la réalisation de l'un des objectifs visés par ces dérogations.
En ce qui concerne les dérogations prévues au paragraphe 3 point a) de l'article 92 du traité CEE et relatives aux aides destinées à favoriser le développement de certaines régions, il y a lieu de considérer qu'onze des seize sites industriels d'Isoroy sont éligibles au régime d'aides français à finalité régionale, en raison de leur situation socio- économique relativement défavorable, mais qu'aucun de ces sites ne présente les caractéristiques d'une région dans laquelle le niveau de vie serait anormalement bas ou dans laquelle sévirait un grave sous-emploi au sens de la dérogation visée audit point a).
En ce qui concerne les dérogations de l'article 92 paragraphe 3 point b) du traité CEE, il est évident que les aides en question ne sont pas destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie française. Dans le cadre de la procédure, le gouvernement français a fait valoir que la reprise des activités d'Isoroy par Pinault mènerait à une synergie des activités, ce qui entraînerait une diminution des importations des pays tiers et a souligné que le programme d'investissements de Pinault comporterait 45,6 millions de francs français en faveur du contrôle de la pollution. À ce sujet, il y a lieu de considérer que l'argument de l'effet secondaire des aides sur la balance commerciale de la Communauté n'est pas pertinent pour justifier l'octroi d'une des dérogations de l'article 92 du traité CEE. En ce qui concerne les investissements de 45,6 millions de francs français, ceux-ci représentent 9 % de la totalité des investissements prévus; aucun élément de preuve n'a été fourni au sujet d'un éventuel lien entre les 250 millions de francs français accordés à Pinault dans le cadre de la reprise d'Isoroy et les investissements spécifiques mentionnés ci-dessus. Il y a en outre lieu de souligner qu'il existe en France plusieurs régimes d'aide spécifiques à l'environnement, dont le gouvernement français n'a pas communiqué s'ils seront appliqués auxdits investissements, ni si ces investissements sont même éligibles, aux termes de ces régimes spécifiques.
En ce qui concerne les dérogations prévues au paragraphe 3 point c) de l'article 92 du traité CEE en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques ou de certaines régions, il y a lieu de considérer que les aides décidées en 1986 dans le cadre du plan Pinault comportent 24 millions de francs français de primes d'aménagement du territoire (PAT). À ce sujet, le gouvernement français a fait valoir qu'il a respecté la décision 85/18/CEE de la Commission (1) concernant la délimitation des zones pouvant bénéficier du régime de la prime d'aménagement du territoire en France. Dans la mesure où le gouvernement français a également respecté les principes de coordination des régimes d'aide à finalité régionale (2), le cas d'application du régime PAT en cause peut être considérée comme compatible avec le marché commun en vertu de la dérogation prévue au paragraphe 3 point c) de l'article 92 du traité CEE en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines régions économiques. Dans ces conditions, la contrepartie sur le plan régional et social, invoquée par le gouvernement français au cours de la procédure, est à considérer comme satisfaite par l'aide octroyée au titre de la PAT.
Les autres aides accordées à Isoroy en 1983 et 1985 et à Pinault en 1986 pour la reprise d'Isoroy ne constituent pas des cas d'application de régimes d'aides à finalité approuvés par la Commission. L'effet de ces aides a en premier lieu été de réunir et de maintenir les activités d'Isoroy comme un ensemble dans l'économie française. En ce qui concerne plus particulièrement les aides à Pinault, il y a également lieu de considérer qu'elles ont avantagé de manière sensible cette entreprise du fait qu'elles lui ont permis de présenter un plan de reprise d'Isoroy plus favorable que tout autre plan alternatif.
En 1986, le gouvernement français a fait valoir que les aides octroyées à Isoroy en 1982 avaient permis à celui-ci d'investir 294,5 millions de francs français au cours de la période 1982-1984. Il a également fait valoir que les aides octroyées à Isoroy en 1985 avaient pour objet de lui permettre d'investir 219,1 millions de francs français au cours de la période 1985-1987. Dans le cadre de la procédure, le gouvernement français a notamment souligné que les aides accordées au groupe Pinault permettraient à celui-ci de réalider un programme d'investissements de 533 millions de francs français sur trois ans, visant la modernisation du processus de production, l'accroissement de la productivité, une reconversion vers des produits nouveaux et une relocalisation de quelques chaînes de production. Le gouvernement français a également souligné les réductions des capacités de production et d'emploi effectuées et prévues dans les installations d'Isoroy.
Selon les données disponibles, dans le cadre dudit programme, Pinault envisagerait de réduire la production de contre-plaqués d'Isoroy d'environ 9 %, de réduire la production de panneaux de particules ordinaires d'environ 7 %, de poursuivre la construction d'une usine destinée à la production de panneaux structurés à base de particules de bois dits « OSB » de réduire de 12 % la production des panneaux de fibres durs, d'augmenter la production de panneaux de fibres dits « MDF », de moderniser et de rationaliser d'autres productions.
À ce sujet il y a lieu de considérer que le nombre d'usines dans le secteur des panneaux dérivés du bois dans la Communautés a diminué de 27 % entre 1978 et 1984 (à savoir de 588 à 432) et que les capacités de production ont reculé de 5 % (à savoir d'environ 19 à 18 millions de m3). L'études des industries des panneaux dérivés du bois publiée par les Nations unies en 1984 décrit comme suit l'évaluation du secteur: « L'évolution pendant cette période (1978-1984) de la situation des panneaux dérivés du bois dans les pays nordiques, les pays de la Commu
nauté économique européenne et les pays d'Europe centrale, où le nombre des usines en activité, la production et la capacité de production ont diminué tandis que la capacité moyenne des usines augmentait, indique que la structure de ces industries a subi des modifications. Nombre de petites usines dotées d'un équipement périmé ont été fermées, et des usines modernes équipées de machines spéciales ont commencé à produire des panneaux spéciaux en vue de réaliser un meilleur équilibre entre l'offre et la demande de panneaux sur le marché intérieur et sur le marché international. »
Le développement qui a eu lieu chez Isoroy et qui est prévu sous la gestion de Pinault ne se distingue pas significativement de l'évolution du secteur en cause. De telles fermetures d'usines, réductions d'emploi, investissements de modernisation, de rationalisation et de diversification des produits plus spécialisés et à haute valeur ajoutée sont également réalisés régulièrement par les concurrents de Pinault dans la Communauté sans aides spécifiques. Aussi faut-il souligner que la proposition de la Commission d'un programme [COM(83) 222 final] n'exprime aucun préjugé favorable vis-à-vis de telles aides et ne saurait dès lors affecter la portée des dispositions de l'article 92 du traité CEE.
Ainsi, compte tenu de la situation du marché des produits concernés, les investissements entamés par les groupes Isoroy et Pinault sont à considérer comme relevant des tâches que les entreprises doivent normalement financer en faisant appel à leur propres ressources et sans donc l'apport d'aides d'État.
En ce qui concerne les aides à Pinault, il y a encore lieu de considérer que celui-ci a déjà reçu des avantages considérables en termes de plus-value lors de l'acquisition de l'ensemble des actifs d'Isoroy (ses immobilisations, créances et stocks), pour la somme symbolique de 168 millions de francs français, dont 100 millions étaient destinés à couvrir les coûts sociaux de l'activité d'Isoroy pendant la période de redressement judiciaire. Pinault de son côté s'est engagé à apporter 220 millions de francs français en fonds propres. Ainsi, Pinault a acquis des usines en partie modernisées pour un prix largement inférieur à leur valeur réelle. Le gouvernement français estime que la marge brute d'autofinancement des sociétés reprises par Pinault dépassera, en 1990, 8 % de son chiffre d'affaires.
Dans le cadre de la procédure, le gouvernement français a en outre fait valoir qu'un des buts des aides accordées à Pinault consistait à lui permettre de mieux faire face à la concurrence accrue due aux importations extracommunautaires. Il a notamment souligné l'importance des importations en provenance d'Indonésie en ce qui concerne la production de contre-plaqués et des cas de dumping des pays de l'État dans le secteur des panneaux de fibres. Or, il y a lieu de remarquer que les éventuels problèmes découlant des échanges avec les pays tiers doivent être réglés dans le respect des compétences communautaires et non pas en recourant à des mesures nationales unilatérales comme, par exemple, des aides d'État. En outre, ainsi qu'il ressort des données statistiques de la Nimexe, si les importations de panneaux dérivés du bois provenant des pays tiers ont effectivement augmenté, les importations en France provenant des autres États membres sont beaucoup plus importantes; celles-ci (en poids, tous panneaux confondus) se sont élevées à 71 % en 1983, 70 % en 1984, 71 % en 1985 et 72 % en 1986 et, par conséquent, les aides en cause affectent en premier lieu les conditions des échanges intracommunautaires.
Il y a également lieu de tenir compte de l'effet cumulatif des aides dont ont indûment profité pendant plusieurs années les productions d'Isoroy reprises par Pinault.
Au vu de ce qui précède, les aides successives accordées à Isoroy et Pinault ne peuvent pas être considérées comme facilitant le développement de l'industrie de la transformation du bois sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun et ne peuvent dès lors bénéficier de la dérogation prévue au paragraphe 3 point c) de l'article 92 du traité CEE.
V
Conclusion
En ce qui concerne les aides accordées à Isoroy en 1983 et 1985, il y a lieu de considérer que l'obligation de récupération éventuelle n'aurait pas de portée réelle, ses dettes s'élevant à 2,2 milliards de francs français et ses actifs ayant été repris pour une somme largement symbolique par Pinault. Bien que l'entreprise bénéficiaire ait entre-temps été mise en faillite, la Commission estime que l'adoption d'une décision finale négative au sujet des deux mesures d'aide en question est nécessaire. Cette décision répond particulièrement à l'exigence de la protection des droits des entreprises concurrentes, dans la mesure où celles-ci ont subi des préjudices par suite de la violation des dispositions du traité CEE en matière d'aides d'État.
En ce qui concerne le groupe Pinault, les aides accordées en 1986 s'élèvent au total à 250 millions de francs français. De ces aides, la prime de 24 millions de francs français au titre du régime PAT est à considérer comme compatible avec le marché commun aux termes de l'article 92 paragraphe 3 point c), du traité CEE et la Commission n'a pas d'objections à formuler à son égard. Par contre, les autres aides s'élevant à 226 millions de francs français (à savoir, 176 millions de francs français à titre d'avances remboursables sans intérêt et 50 millions de francs français à titre de prêt participatif au taux de 5,5 % pendant les premiers trois ans) sont à considérer comme incompatibles avec le marché commun, car elles ne sauraient bénéficier d'aucune des dérogations prévues par l'article 92 du traité CEE.
Une partie dudit montant global, à savoir 50 millions de francs français à titre d'avances, n'a pas été versée à Pinault et il y a donc lieu de faire obligation au gouvernement français de ne pas mettre à exécution cette mesure d'aide. Par contre la partie restant de ce montant, à savoir 126 millions de francs français à titre d'avances et 50 millions de francs français à titre de prêt participatif, a été versée à Pinault en novembre 1986, c'est-à-dire au cours de la procédure d'examen des aides; la règle de l'effet suspensif prévue à l'article 93 paragraphe 3 dernière phrase du traité CEE, n'ayant dès lors pas été respectée, ces aides sont en outre illégales pour vice de procédure; elles sont à supprimer dès la date de notification de la présente décision au gouvernement français; la suppression a trait en particulier aux éléments constitutifs d'aide contenus dans lesdites interventions, à savoir l'absence d'échéance et la bonification d'intérêt en ce qui concerne la somme de 126 millions de francs français à titre d'avances, et la bonification partielle d'intérêt évaluée à 3,75 points l'an en ce qui concerne la somme de 50 millions de francs français à titre de prêt participatif; en outre, il y a lieu de supprimer - par voie de récupération - les intérêts sur les deux sommes au principal ci-dessus mentionnées dont Pinault a indûment bénéficié depuis novembre 1986 (c'est-à-dire depuis la date de leur paiement).
À la date d'adoption de la présente décision, ces intérêts se chiffrent respectivement à 12 millions de francs français par rapport à la somme de 126 millions de francs français, et à 2 millions de francs français par rapport à la somme de 50 millions de francs français, ci-dessus mentionnées,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les aides d'un montant de 12 millions de francs français de subventions et de 112 millions de francs français à titre de prêts participatifs octroyés à Isoroy en 1983, de 68 millions de francs français à titre de subventions et de 40 millions de francs français à titre de prêts participatifs octroyés à Isoroy en 1985 ainsi que l'aide découlant de l'étalement du paiement des dettes envers les pouvoirs publics pour le montant de 98,5 millions de francs français accordée à Isoroy en 1985, sont illégales et incompatibles avec le marché commun aux termes des articles 92 et 93 paragraphe 3 du traité CEE.
Article 2
1. Les éléments constitutifs d'aide contenus dans les interventions à titre d'avances remboursables sans intérêt d'un montant global de 176 millions de francs français et à titre de prêt participatif au taux de 5,5 % pendant les trois premières années (d'un montant de 50 millions de francs français) accordées à Pinault en 1986, sont incompatibles avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité CEE et doivent, dès lors, être supprimées dès la date de notification de la présente décision au gouvernement français.
2. Parmi les interventions mentionnées au paragraphe 1, 126 millions de francs français à titre d'avances et 50 millions de francs français à titre participatif ont été versées à Pinault en violation des règles de procédure prévues à l'article 93 paragraphe 3 du traité CEE et sont dès lors illégales.
3. Le gouvernement français est tenu de récupérer les intérêts relatifs aux sommes de 126 millions de francs français et de 50 millions de francs français, mentionnées au paragraphe 2 dont a bénéficié Pinault depuis novembre 1986, intérêts qui se chiffrent respectivement à 12 millions de francs français et à 2 millions de francs français à la date de l'adoption de la présente décision.
Article 3
Le gouvernement français informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des dispositions qu'il a prises pour s'y conformer.
Article 4
La Répbulique française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 9 décembre 1987.
Par la Commission
Peter SUTHERLAND
Membre de la Commission
(1) JO no L 11 du 12. 1. 1985, p. 28.
(2) JO no C 31 du 3. 2. 1979, p. 9.

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Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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