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Législation communautaire en vigueur

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Document 386D0592

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[ 08.60 - Aides accordées par les États et autres subventions ]


386D0592
86/592/CEE: Décision de la Commission du 29 juillet 1986 relative au système de plafonnement du prix du gazole «pêche» instauré par le gouvernement français (Le texte en langue française est le seul faisant foi)
Journal officiel n° L 340 du 03/12/1986 p. 0022 - 0025



Texte:

*****
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 29 juillet 1986
relative au système de plafonnement du prix du gazole « pêche » instauré par le gouvernement français
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(86/592/CEE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 93 paragraphe 2 premier alinéa,
vu le règlement (CEE) no 3796/81 du Conseil, du 29 décembre 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 28,
après avoir mis, conformément aux dispositions de l'article 93 paragraphe 2 premier alinéa du traité CEE, les intéressés en demeure de présenter leurs observations (2), et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
I
Historique et description de l'aide
En avril 1982, les services de la Commission des Communautés européennes ont appris par voie de presse que le gouvernement français avait annoncé l'entrée en vigueur d'un système d'indexation du prix du gazole pour les pêcheurs.
Sur demande de la Commission, faite le 28 juin 1982 et renouvelée le 11 août et le 2 décembre 1982, les autorités françaises ont, par lettres du 22 juillet et du 14 décembre 1982, confirmé l'existence de ce système.
Jugeant cette réponse insuffisante, la Commission a, le 8 février 1983, décidé d'examiner ce dossier au titre de l'article 169 du traité CEE pour non-respect de l'article 5 du traité.
Dans le cadre de cette procédure, les autorités françaises ont, par lettre du 6 mai 1983, fourni des informations plus précises sur ce système, appelé « modulation des prix du carburant pour les pêcheurs ».
Il s'agit d'un mécanisme mis en place en étroite liaison avec les compagnies distributrices de pétrole et destiné à permettre une adaptation progressive du prix du gazole dans le secteur de la pêche, pour éviter les répercussions sociales et économiques d'une hausse forte et brutale. Il entre donc en action quand on constate un écart important entre l'augmentation du prix du gazole sur le marché et le taux de variation de l'indice général des prix à la consommation établi mensuellement par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Ce dernier est utilisé pour fixer un prix « plafond » pour la pêche. Si celui-ci est dépassé sur le marché du gazole, les distributeurs reçoivent de l'État la différence entre ce prix payé par les pêcheurs et le prix du marché, pour compenser leurs pertes. Si, par la suite, le prix du gazole « pêche » rattrape le prix du marché et l'évolution de ce dernier est inférieure à celle du coût de la vie, le mécanisme est suspendu.
Après une première apparition en mars 1982, le système de « modulation des prix du carburant pour les pêcheurs » a été suspendu en 1983.
Au début de 1985, les services de la Commission ont appris, de nouveau par voie de presse, qu'il aurait été remis en vigueur dans les mêmes conditions.
Or, ce sytème relève des articles 92 à 94 du traité CEE en vertu de l'article 28 du règlement (CEE) no 3796/81 du Conseil.
À l'issue d'un premier examen, la Commission a estimé que le système en cause semblait comporter un élément de subvention aux pêcheurs par le biais d'une compensation aux distributeurs du gazole pour leurs pertes de revenus. De plus, cette aide, octroyée sans contrepartie de la part des bénéficiaires, aurait le caractère d'une aide au fonctionnement que la Commission considère normalement comme incompatible avec le marché commun.
En conséquence, la Commission a décidé d'ouvrir à l'égard de ce système la procédure d'examen de l'article 93 paragraphe 2 du traité CEE et a, par lettre du 28 juin 1985, mis le gouvernement français en demeure de lui présenter ses observations, tout en lui rappelant l'obligation de notification prévue par l'article 93 paragraphe 3 du traité.
II
Observations exprimées
Un État membre et une organisation de producteurs ont transmis leurs observations à la Commission.
Dans leur réponse, adressée à la Commission le 9 septembre 1985, les autorités françaises ont fait les observations suivantes.
1. Il s'agit ici d'« un système temporaire de lissage du prix du gazole "pêche" lié à un contexte exceptionnel », mais ni d'une subvention aux pêcheurs ni d'un plafonnement du prix du gazole « pêche ». Le gouvernement français dénie à ce système le caractère d'une aide nationale au sens de l'article 92 du traité, ce qui explique son refus de procéder à une notification conformément à l'article 93 paragraphe 3 du traité.
2. L'application d'un système de modulation du prix du gazole « pêche » est justifiée par la conjoncture économique et sociale, rendue particulièrement difficile par les fortes hausses dues à la libération des prix du gazole « pêche », à la suite de l'arrêt rendu par la Cour de justice, le 29 janvier 1985 (1). Le gouvernement français insiste sur le caractère conjoncturel et temporaire des mesures en cause.
3. Cette justification est renforcée par la nécessité de compenser la suppression de l'aide au maintien de l'emploi dans les régions côtières d'un montant forfaitaire de 21 centimes par litre de carburant utilisé par les pêcheurs, la Commission, par sa décision 83/313/CEE, ayant estimé que c'était une subvention au carburant et l'ayant donc interdite (2) et la Cour de justice ayant condammé la France pour manquement à ses obligations (3).
III
Appréciation juridique
Dans la décision précitée, la Commission rappelle que, d'une manière générale, les aides au carburant ont une influence directe sur les coûts de production des bénéficiaires et leur donnent un avantage certain sur les autres pêcheurs communautaires.
Dans le cas présent et malgré les arguments contraires du gouvernement français, s'il n'y a pas de subvention au carburant octroyée directement aux pêcheurs, il y a néanmoins un système de réduction momentanée du prix du gazole pour une catégorie déterminée de consommateurs, en l'occurence les pêcheurs, qui possède toutes les caractéristiques d'aide au carburant.
1. Les pêcheurs bénéficient d'un tarif préférentiel à l'achat de leur gazole, alors que l'ensemble des consommateurs paie le prix fixé sur le marché, plus élevé, puisque telle est la condition pour que le système fonctionne.
Ils sont donc dans une situation privilégiée par rapport aux autres consommateurs nationaux, mais également par rapport aux autres pêcheurs de la Communauté, les autres États membres n'accordant pas des facilités similaires à leurs ressortissants.
Si, comme la Commission l'a rappelé dans sa décision 83/313/CEE relative à l'aide française au maintien de l'emploi maritime déjà citée, l'existence d'aides comparables ne peut jamais justifier l'octroi d'une aide nationale, a contrario, l'absence d'aides comparables dans d'autres États membres renforce la démonstration que les conditions de concurrence dans le marché commun se trouvent faussées par l'aide nationale en cause.
Un tel renforcement de la situation concurrentielle des pêcheurs français peut avoir des répercussions négatives sur celle des producteurs des autres États membres puisque le marché français est alimenté pour presque la moitié par ses propres débarquements, pour presque un quart par des importations en provenance des autres États membres et pour le reste par des importations en provenance des pays tiers, et que, par ailleurs, la France exporte presque un quart de sa production, dont plus de la moitié vers les autres États membres (données pour l'année 1984).
Dans le contexte d'une concurrence très vive sur le marché communautaire des produits de la pêche, les échanges entre États membres se trouvent affectés par une telle aide.
Le caractère temporaire mais répétitif du système français ne contredit pas ces observations.
2. Les compagnies distributrices de pétrole, sociétés commerciales soumises aux lois du marché, n'ont a priori aucune raison de vouloir favoriser un secteur d'activité, tel que la pêche, plutôt qu'un autre. Pour obtenir d'elles ce tarif préférentiel pour les pêcheurs, l'État français a dû s'engager à leur verser une compensation financière pour leur perte de revenu. Bien que les autorités françaises n'aient fourni aucune indication à ce sujet, il apparaît clairement que cela constitue une subvention indirecte au carburant pour les pêcheurs.
3. Dans une affaire comparable (1), la Commission a déjà considéré qu'« un tarif préférentiel tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 92 paragraphe 1 du traité lorsqu'il réunit les trois éléments suivants:
- il est à l'avantage de certaines entreprises ou de certaines productions qui sont en concurrence avec des entreprises ou des productions d'autres États membres, les produits concernés faisant l'objet d'échanges intracommunautaires,
- il a été imposé par l'autorité publique,
- il donne lieu à une compensation de l'État versée à la société distributrice ou à une moindre recette de l'État. »
Dans ces conditions, en effet, il est flagrant qu'un tarif préférentiel n'entre pas dans le cadre de la gestion normale d'une entreprise privée, mais correspond plutôt à la prise en considération d'impératifs politiques et économiques propres à un État. Il s'agit donc d'une aide financée directement par des ressources étatiques et remplissant les conditions de l'article 92 paragraphe 1 du traité.
Il résulte de ce qui précède que le système de plafonnement du prix du gazole « pêche » instauré par le gouvernement français est une aide d'État incompatible avec l'article 92 paragraphe 1 du traité.
Les dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité, seules concernées en l'espèce, visent les objectifs poursuivis dans l'intérêt de la Communauté et non dans celui de secteurs particuliers d'une économie nationale.
Ces dérogations doivent être interprétées strictement lors de l'examen de tout programme d'aide à finalité régionale ou sectorielle, ou de tout cas individuel d'application de régimes d'aides générales. Elles ne peuvent être accordées que dans les cas où la Commission peut établir que l'aide est nécessaire pour la réalisation de l'un des objectifs visés par ces dispositions.
Accorder le bénéfice desdites dérogations à des aides n'impliquant pas une telle contrepartie reviendrait à permettre des atteintes aux échanges entre États membres et des distorisions de concurrence dépourvues de justification au regard de l'intérêt communautaire.
L'existence d'une telle contrepartie n'a pu être constatée en l'espèce et le gouvernement français n'a pu donner, ni la Commission trouver, une justification permettant d'établir que l'aide en cause remplit les conditions requises pour l'application d'une des dérogations prévues l'article 92 paragraphe 3 du traité.
En ce qui concerne les dérogations en faveur des aides destinées à favoriser le développement de certaines régions, il y a lieu de considérer que, d'une part, les régions visées ne souffrent pas d'un niveau de vie anormalement bas ou d'un grave sous-emploi au sens de l'article 92 paragraphe 3 point a) et, d'autre part, que l'aide au fonctionnement en cause n'est pas de nature à favoriser le développement économique de ces régions au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c).
Cette aide ne constitue pas non plus un projet important d'intérêt européen commun, ni une mesure propre à remédier à une perturbation grave de l'économie française au sens de l'article 92 paragraphe 3 point b).
En ce qui concerne la dérogation en faveur des aides destinées à faciliter le développement de certaines activités, l'aide en question destinée à réduire certains frais de fonctionnement ne peut avoir un effet de développement économique au sens de l'article 92 paragraphe 3 point c). En outre, l'importance des échanges intracommunautaires des produits de la pêche français ne permet pas de considérer que les conditions de ces échanges n'en seraient pas altérées dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
En conséquence, l'aide en cause ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité.
Une aide au carburant constitue, en tant qu'aide visant à diminuer le coût de certains moyens de production, même temporairement, une aide au fonctionnement sans effet durable sur la situation économique des bénéficiaires.
D'une manière générale, la Commission s'est toujours opposée à de telles aides. Dans sa communication au Conseil du 25 mai 1978 relative à sa politique en matière d'aides sectorielles, elle a clairement indiqué que des aides temporaires destinées à pallier les conséquences sociales d'une situation de crise devaient être liées à des objectifs de restructuration du secteur concerné et subordonnées à une action des bénéficiaires tendant à faciliter leur adaptation. De même, dans ses lignes directrices pour l'examen
des aides nationales dans le secteur de la pêche (1), elle a rappelé que les aides au fonctionnement d'entreprises sont en principe incompatibles avec le marché commun, sauf si elles sont directement liées à un plan de restructuration jugé compatible avec le marché commun. Tel n'est pas le cas pour l'aide en cause.
Il résulte de ce qui précède que l'aide en cause ne remplit pas les conditions requises pour bénéficier d'une des dérogations prévues à l'article 92 paragraphe 3 du traité et doit, par conséquent, être supprimée sans délai par le gouvernement français.
Cette aide ayant été octroyée illégalement, la présente décision ne préjuge pas les conséquences que la Commission en tirera, le cas échéant, sur le plan de la récupération des sommes engagées, conformément à sa lettre aux États membres, du 3 novembre 1983, concernant la récupération des aides illégalement octroyées (2),
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
L'aide sous forme de modulation des prix du carburant pour les pêcheurs, octroyée en France épisodiquement de 1982 à 1985, est incompatible avec le marché commun aux termes de l'article 92 paragraphe 1 du traité CEE. Elle doit en conséquence être supprimée dans son entièreté et ne doit plus être octroyée à l'avenir.
Article 2
La France informe la Commission, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour se conformer aux dispositions de l'article 1er.
Article 3
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 29 juillet 1986.
Par la Commission
António CARDOSO E CUNHA
Membre de la Commission
(1) JO no L 379 du 31. 12. 1981, p. 1.
(2) JO no C 227 du 7. 9. 1985, p. 3.
(1) Leclerc, affaire 231-83.
(2) JO no L 169 du 28. 6. 1983, p. 32.
(3) Arrêt du 13 mars 1985, dans l'affaire no 93-84.
(1) JO no L 37 du 10. 2. 1982, p. 29, et
JO no L 97 du 4. 4. 1985, p. 49.
(1) JO no C 268 du 19. 10. 1985, p. 2.
(2) JO no C 318 du 24. 11. 1983, p. 3.

Fin du document


Structure analytique Document livré le: 11/03/1999


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