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Yasmina Khadra voit rouge

Prix / dimanche 2 novembre 2008 par Akram Belkaïd
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C’est bien connu, le monde littéraire français, ou plutôt parisien, raffole des polémiques et des coups de gueule. Il vient d’être servi avec les sorties récentes de Yasmina Khadra, lequel clame à qui veut l’entendre que « toutes les institutions littéraires » se seraient liguées contre lui. Dans un entretien accordé au quotidien Le Parisien, l’écrivain algérien s’est ainsi emporté contre le fait que son dernier roman, Ce que le jour doit à la nuit, a été exclu de toutes les sélections pour les traditionnels et très médiatisés prix d’automne [1].

L’actuel directeur du Centre culturel algérien à Paris, et aussi officier des Arts et des lettres et chevalier de la Légion d’honneur (pour ne citer que ses distinctions françaises), n’obtiendra pas le prix Goncourt, pas plus que les prix Renaudot, Médicis ou Interallié. On peut comprendre qu’une telle déconvenue lui provoque quelques urticaires, d’autant que son livre semble bien se vendre. Mais il n’est certainement pas le seul dans ce cas. A chaque rentrée littéraire, nombreux sont les auteurs, talentueux ou non, qui espèrent être distingués mais, loi du nombre oblige, très peu sont comblés.

Foire aux vanités de la rentrée

Du coup, cette foire aux vanités, car c’est bien de cela qu’il s’agit, amène toujours son lot de commentaires aigres-doux, voire de révélations à propos des arrangements et des combines entre éditeurs influents («  je vote pour ton auteur pour tel prix, tu voteras pour le mien pour tel autre »). En clair, cette distribution de lauriers, qui est souvent synonyme de ventes accrues (quand il n’a pas d’idée de cadeau de Noël, monsieur Dupont offre le dernier Goncourt à Bobonne ou à Mémé…), mérite amplement d’être critiquée et, quoi qu’on pense des romans et du style de Yasmina Khadra, on peut admettre avec indulgence qu’il soit déçu de ne pas faire partie du crû 2008.

Mais là où les choses se corsent, c’est lorsqu’on examine les arguments qu’il martèle. A l’écouter, il serait privé de prix malgré son propre itinéraire qu’il affirme être exceptionnel. « Les gens pensent que ça a été facile pour moi de devenir écrivain, a-t-il expliqué au Parisien. Ils n’ont rien vu de mon parcours. J’ai été soldat à l’âge de 9 ans. J’ai évolué dans un pays où l’on parle de livres mais jamais d’écrivains et dans une institution qui est aux antipodes de cette vocation. On devrait me saluer pour ça ! ».

Voilà une sortie égotique dont on se demande quel rapport elle présente avec les prix littéraires. Qu’ils soient ou non arrangés, ces derniers récompensent avant tout un livre, ce qui signifie que Khadra aurait pu se contenter de dire «  mon livre est bon, je ne comprends pas pourquoi il n’est pas sélectionné ». A l’inverse, le voici qui insiste sur sa vie et sur le fait qu’il est devenu écrivain malgré le fait d’être passé par l’armée algérienne. Et de laisser entendre qu’il serait victime d’un racisme qui ne dit pas son nom, argument facile qui est toujours à double tranchant et qui ne peut que mettre mal à l’aise.

Disqualifié par son passé militaire ?

Le plus étonnant dans l’affaire, c’est que Khadra dit se sentir « disqualifié » par son absence sur la liste des prix. La question est simple. Pourquoi écrit-il ? Ou plus exactement, que recherche-t-il ? La reconnaissance de ses lecteurs ou les ors d’un milieu fermé où les rivalités le disputent aux jalousies ? « Celui qui se pince le nez devant moi, je lui crache dessus », dit le dicton, et ce serait l’attitude la plus logique que devrait adopter cet écrivain. Pourtant, on a l’impression qu’il désespère de plaire à ceux qui lui signifient qu’il n’est pas des leurs.

Il y a donc quelque chose de pathétique à voir Khadra se plaindre de ne pas être aimé par le milieu littéraire parisien et à l’entendre répéter que son parcours devrait lui amener admiration et considération de la part des jurés des prix. On se sent même gêné en l’écoutant égrener ce qu’il pense être des arguments imparables, à savoir le fait qu’il a été traduit aux quatre coins de la planète, qu’il a fait la guerre aux terroristes ou qu’il a reçu, ici et là, telle ou telle récompense. Complexe vis-à-vis de madame la France ? Ego surdimensionné ?

Il y a sûrement des deux et l’on en sera un peu plus convaincu en relisant ses déclarations pour le moins étonnantes au quotidien montréalais La Presse [2]. : « Je suis l’un des écrivains les plus célèbres au monde. Je suis plus connu que l’Algérie ! (sic). Je suis allé en Italie en visite officielle avec le président algérien : je suis passé à la télé, pas lui ! ». Sans commentaire…

On pourrait gloser sans fin sur cet orgueil hypertrophié mais on peut aussi rappeler les mots d’Albert Camus, cet écrivain que Khadra affirme admirer. « Ce qu’ils n’aimaient pas en lui, c’était l’Algérien », avait écrit l’auteur de L’Etranger en parlant du petit monde germanopratin. C’est peut-être aussi le cas pour Khadra. Cela signifie que cela ne changera pas, que l’appréciation que lui porte le milieu littéraire parisien restera la même. Mieux, tout changement pourrait paraître suspect. Si dans un an ou deux, Khadra reçoit un prix littéraire, on ne manquera pas de faire le lien avec son coup de gueule passé et ses « amis » parisiens n’hésiteront pas à parler de consolation ou de compensation.

Reste enfin un autre point que l’on ne peut éluder. Il est évident que nombre de personnalités influentes du tout-Paris littéraire ont des préventions à l’encontre de Khadra en raison de son passé militaire. Il est vrai aussi que des écrivains algériens ont contribué en sous-main à sa diabolisation. Et il faut bien rappeler que cette image négative a été confortée par sa nomination à la tête du Centre culturel algérien de Paris. Qu’il le veuille ou non, et quoi qu’il en dise, ce poste est synonyme d’appartenance au système algérien. Un système que Khadra défend et critique à la fois.

La vérité est qu’on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Face à un système qui a mis l’Algérie à genoux, un écrivain ne peut louvoyer et être « in et out » sans en payer le prix. C’est aussi cela qui vaut à cet écrivain l’ostracisme dont il semble tant souffrir et avec lequel il devra apprendre à vivre.

[1] Le coup de gueule de Yasmina Khadra, Le Parisien, 20 octobre 2008

[2] Les fantômes de l’Algérie perdue, La Presse, 28 septembre 2008


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35 MESSAGES
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Forum

  • Yasmina Khadra voit rouge
    le mardi 16 mars 2010 à 20:05
    Bonjour. J’ai 66 ans, et je viens de terminer "Ce que le jour doit à la nuit". Je dois avouer, étant pied-noir, natif d’un village de Grande-Kabylie, que son roman m’a plus que touché, par sa justesse, son style sobre et surtout de sa grande sensibilité. Monsieur KHADRA, merci du fond du coeur, votre livre reflétant la vérité sur notre histoire commune, avec ses joies, ses peines, et ses douleurs mais jamais avec un esprit partisan, ce qui aurait pu être… Votre livre sera lu par mes enfants et mes petits-enfants, car il illustre d’une façon la plus forte notre passé. Merci, ou saha. Bislama, ya rouya !
    • Yasmina Khadra voit rouge
      le mardi 21 septembre 2010 à 19:00, Lebeauserge a dit :
      Nonobstant les révélations et démonstrations du plagiat du roman de Dris Youcef par Khadra, le cinéaste Alexandre Arcadi va tourner un film adapté du livre douteux. Arcadi ne crachera sûrement pas sur l’argent du ministère de la culture algérien, tant qu’il y a des sous qu’importe l’éthique !
  • L’Héroïque Bichon
    le lundi 22 février 2010 à 13:01, Valentini a dit :

    Vasistas es ist gut lueur où n’y voir goutte

    L’Héroïque Bichon

    Perruque des rois du neuf, porte-voix mignon vermicelle enjoué gai, ouah ! Ouah ! à tu et à toi qu’un rien ensorcelle ! Ardoise et sillon, ruisselle, sans apriori, ni foi ni loi, science sous l’aisselle, un attelage aux abois vignette épique pucelle.

  • Yasmina Khadra voit rouge
    le dimanche 21 février 2010 à 19:31, NASSER a dit :
    Hier matin , j’ai écouté Y Khadra sur Radio chaine 3 Algérie , et voici mon commentaire : "Fier comme Artaban ". S’il continue ainsi , il va se mettre beaucoup de monde sur le dos . Mais peut-être , es-ce intentionnel ?
  • Yasmina Khadra voit rouge
    le mercredi 17 février 2010 à 13:46, fouzi a dit :
    je trouve au contraire qu’au fil de ses écrits , il murit
  • Yasmina Khadra voit rouge
    le lundi 1er février 2010 à 15:30, loulou a dit :

    Poliment et sans gros mots, Mr 23 Nogod, je trouve votre commentaire curieux voire excessivement bizarre. quelle légitimité avez vous donc à affirmer que yasmina khadra esr un piètre écrivain, etc etc… ?

    que vous n’aimiez pas ce écrivain c’est votre droit ça ne se commande pas, mais beaucoup de gens l’aiment et le considèrent comme un grand écrivain ce sont tous des abrutis ? et vous seul êtes habilité (par quelle haute autorité ?) à distribuer des bons et des mauvais points ? je trouve ça curieux voire étrange, Mr 23 NOgod.

    • Yasmina Khadra voit rouge
      le samedi 20 février 2010 à 00:08, 23Nogod a dit :
      Je redis que Yasmina Khadra est bel et bien un piètre écrivain parce que je ne lis pas que Yasmina Khadra ! Je lis avant tout de bons écrivains tels Kaulkner, Dostoievsky, Flaubert, Rachid Mimouni, Shakespeare, Adonis, Gunter Grass, Kateb, Saramago et toutes autres littératures. Et ensuite en venant lire Khdra, qu’est ce je trouve ? Rien d’intéressant ! Des polars des plus mal fichus, illisibles ! Pas d’idees, aucune approche philosophique, aucun sens aigu de l’Histoire, nada ! Alors bien sûr il a des fans ! mais je m’en fou d’eux. Moi je me fais mon propre opinion qu’à la lecture du roman et non aux nombre de ventes comme beaucoup le font ! D’ailleurs les vrais connaisseurs l’ont mis de coté pour les prix littéraires et à juste titre. Ceux qui s’arrêtent à lecteur d’un roman voir moins par ans peuvent continuer à apprécier cette littérature creuse !
      • Yasmina Khadra voit rouge
        le vendredi 30 juillet 2010 à 09:24, julien a dit :
        quand on n’a lu qu’un seul livre d’un auteur, comment pouvoir le juger ? c’est sûr que le polar (la part du mort)n’est pas le style de roman où khadra excelle, mais essayez l’attentat, ou les sirènes de Bagdad, et vous aurez peut être une autre vision de cet auteur extrait des sirènes de Bagdad : nous étions pauvres, humbles, mais nous étions tranquilles, jusqu’au jour où dans les jardins de Babylone, des brutes bardées de grenades et de menottes sont venues apprendre à nos poètes à être des hommes libres.
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