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Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin

Justice / vendredi 17 septembre 2010 par Xavier Monnier, Gari John
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Bakchich a retrouvé le témoin clé du procès des émeutiers de Villiers-le-Bel. En échange de son témoignage, Christopher Bénard avait négocié de l’argent et une protection. Il affirme avoir été manipulé.

Témoignage sous X. Une pratique à la limite de la pornographie judiciaire. Dans le procès dit de Villiers-le-Bel (lire encadré en fin d’article), les témoins anonymes ont eu la part belle. Leur « utilisation » a fait couler beaucoup d’encre et nombreuses sont les voix qui se sont élevées pour dénoncer ce qui s’apparente à une grave dérive. Pour une audience à forte connotation politique.

Novembre 2007. La ville du Val-d’Oise rejoue la Commune. Heurts avec les forces de l’ordre après qu’une voiture de flic a renversé deux jeunes. Deux morts. Dans les banlieues du XXIe siècle, les barricades du XIXe deviennent des émeutes. Dans la nuit du 25 au 26, quand Villiers-le-Bel s’enflamme, la police se fait tirer dessus. Humiliée.

"Priorité absolue"

Trouver les coupables permettra de sanctionner les sauvageons. Il revient donc au tribunal de Pontoise de laver l’honneur de la maison Poulaga et de redonner sa fierté à l’Intérieur, pilier du régime Sarkozy. Les loustics sur le banc des accusés, franchement basanés, doivent être condamnés. « Mettez les moyens que vous voulez, (…) ça ne peut pas rester impuni, c’est une priorité absolue », lance Nicolas Sarkozy aux policiers, peu après les événements.

Quitte à servir les témoins sur un plateau et à les mettre dans les meilleures dispositions. Par exemple en distribuant, après les émeutes, des tracts appelant à la délation ou promettant une récompense sonnante et trébuchante pour les bavards. Saine et aveugle justice dans la patrie des droits de l’homme.

Déposition sous escorte

Las, les velléitaires qui ont répondu à l’appel du drapeau ont été dupés. Bakchich a retrouvé l’un d’eux. Franchement frustré. Il a été un témoin capital lors du procès des émeutiers de Villiers-le- Bel. Le 30 juin, Christopher Bénard a parlé à visage découvert. Une déposition spontanée, après deux reculades, et sous bonne escorte. Spontanée ?

En 2008, Christopher Bénard purge une peine de prison pour avoir renversé une jeune fille à vélo. Morte sur le coup. Il n’a que 19 ans. Il vit une très mauvaise passe. Trois mois plus tôt, Christopher avait dû décrocher son père, retrouvé pendu chez lui. Un jour de mars 2008, tandis qu’il croupit dans les geôles de la cour d’appel de Versailles, Christopher entend deux hommes palabrer sur les tirs de Villiers-le- Bel. Il raconte : «  Un a dit : “Je dirai que j’étais à la mosquée, ça passera comme une lettre à la poste”, et l’autre : “J’ai tiré, mais ils ne pourront pas le prouver, on va sortir bientôt”. » Accablant pour deux des accusés, Adama Kamara et Maka Kante – dit « Mara » –, que Christopher identifiera lors des audiences.

En prison, il est victime de racket, mais l’administration pénitentiaire reste sourde à ses demandes de transfert. Seule solution, dès lors, contacter le procureur de la République par écrit pour lui faire part de ses révélations à propos de l’enquête sur les jeunes qui ont tiré sur la police. Avec le fol espoir de voir sa situation s’améliorer, le prisonnier déverse une première fois ce qu’il redira à la barre de Pontoise.

Des conseillers à l’écoute

Ensemble, tout devient possible. Sorti de cabane, le futur repenti est reçu à l’Élysée, en septembre 2008, par deux hauts fonctionnaires. Pas de simples valets. Rien de moins qu’un des conseillers justice de Nicolas Sarkozy et l’un des membres de cabinet de la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot- Marie.

Les deux commis écoutent sa complainte. Christopher accepte de témoigner au procès, mais veut qu’on le paie, qu’on lui assure une protection policière et qu’on lui arrange ses problèmes avec la justice. Si possible obtenir le plus tôt possible une audience de jugement pour son homicide involontaire. « L’un des deux s’est chargé de me donner une date de procès rapide, ça m’a encouragé. » En revanche, pour l’argent, les deux grands serviteurs de l’État se chamaillent. L’un est hostile à toute forme de rémunération malgré les promesses policières, l’autre lui assure un dédommagement. Aujourd’hui, l’Élysée dément qu’il y ait eu pareil rendez-vous, au risque de décrédibiliser un témoin pourtant essentiel du procès.

"Je regrette"

Et qu’elles semblent loin, les promesses des deux hauts fonctionnaires du Château ! « Je n’ai rien eu de ce qu’on m’avait promis : je n’ai pas reçu de récompense, je n’ai aucune protection et je vis caché, décrivait-il à Bakchich au début de l’été. Je suis en route pour l’étranger. Je n’ai pas le choix. »

Le jeune homme de 22 ans, fragilisé par la vie, a le net sentiment d’avoir été manipulé par le pouvoir politique en général, policier en particulier. « Je regrette d’avoir dénoncé ce que j’ai su en prison, l’implication de deux personnes dans les tirs. J’étais totalement affaibli, j’ai vécu plusieurs épisodes douloureux à la suite, j’étais agressé en prison, je suis sous anxiolytiques depuis la mort de mon père. Je ne voyais aucune solution pour m’en sortir. »

Pourquoi, alors, avoir témoigné ? «  J’étais trop impliqué pour reculer, on a fait en sorte que les suspects me voient ! J’ai même été confronté à eux dans le cabinet du juge alors qu’on ne m’avait pas prévenu ! »

Menacé, contraint de se terrer quelque part en France, Christopher Bénard rumine. « J’en suis à plus de 10 000 euros de frais depuis que je dors de ville en ville, je multiplie les crises d’angoisse. Je ne sais plus quoi faire. Je ne peux plus rester en France. » Pour finir par sortir du silence le 16 septembre. "C’était un arrangement entre nous", a-t-il confié à BFM TV. Mais que fait la police ?

Clic : Un drame et une parodie de procès

Le 25 novembre 2007, deux adolescents, Moushin et Lakamy, sont fauchés et tués par une voiture de police. Le jour même, des habitants manifestent contre cette injustice. La manif tourne court. Le soir et toute la nuit, une centaine de policiers se font canarder par des dizaines de jeunes, à balles parfois réelles. En retour, les jeunes sont matraqués par les forces de l’ordre. On dénombre des blessés graves… des deux côtés.

Match nul ? Pas vraiment. Cinq jeunes (de 23 à 30 ans) ont comparu, du 21 juin au 4 juillet dernier, devant la cour d’assises de Pontoise. Ils sont jugés pour «  tentative de meurtre » en bande organisée sur des fonctionnaires de police et pour «  complicité » des mêmes faits. Le parquet réclamait vingt ans de cabane. À la barre, les témoignages fumeux se succèdent. Sous X ou aussi spontanés que celui de Christopher Bénard, que Bakchich a retrouvé. Parmi les quatre témoins anonymes cités à comparaître, deux se désisteront. Au final, le dossier d’accusation, seulement fondé sur des dénonciations, est très mince. Un témoignage anonyme ne permet pas à lui seul une condamnation.

Et ce procès ne doit pas être « celui de la banlieue », a insisté l’un des avocats généraux et procureur de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry. Dans la nuit du 3 au 4 juillet, aucun incendie à Villiers-le-Bel. Ni heurts. Mais un verdict lourd comme la pierre. Les peines au Kärcher s’étalent de trois à quinze ans pour quatre des cinq prévenus. Ferme. Sans preuves.

Anaëlle Verzaux

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En ces jours d’extrême médiatisation du déploiement policier à Villiers-le-Bel, « Bakchich » se tourne vers le sociologue Laurent Bonelli, auteur du livre « La France a peur » (La Découverte) pour comprendre pourquoi l’insécurité est devenue une obsession (…)

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6 MESSAGES

Forum

  • Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin
    le vendredi 17 septembre 2010 à 06:36, Phil2922 a dit :
    Quand j’étais encore en activité et que j’allais, avec les copains de la CNT, manifester, on gueulait "Police partout, justice nulle part". Les manifestants de la CGT, qui étaient devant, nous prenaient pour des "allumés de la provoc". S’ils savaient… !!
  • Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin
    le vendredi 17 septembre 2010 à 00:27
    >Les procès pour raison d’Etat (personnels) dignes de l’Urss ne sont pas étrangers à la France. Yvan Colonna pourrait expliquer comment cela fonctionne
  • Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin
    le jeudi 16 septembre 2010 à 13:40, Jean-Luc LUMEN a dit :

    Nous sommes bien dans une démocratie policière…non ?

    Alors il ne faut s’étonner de rien…

    Pas plus que l’intervention du big boss de la police pour protéger son fils…

    rien de plus normal selon les syndicats policiers, cela se fait toujours quand un de nos enfants commet une chose contraire aux lois

    il ont oubliés de dire qu’il n’y a que la tolérance zéro qui compte pour les autres.

    Comportements de corrupteurs et de corrompus fascistes de surcroît

    ce big boss de la police ainsi que ceux qui le soutiennent devraient être radiés avec interdiction d’exercer un emploie d’état et dans une branche approchante

    • Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin
      le vendredi 17 septembre 2010 à 13:45, Lima a dit :

      Si nous étions dans une démocratie policière, les policiers auraient riposté à Villiers-le-Bel et les témoins auraient moins peur… Nous sommes "juste" dans une mutation de société et la justice a du mal à suivre. Au Brésil, la guerre gangs-police en est à l’usage d’hélicoptères (armés, pas juste des projecteurs). Aux Etats-Unis, la Garde Nationale intervient avec des blindés sur les quartiers en émeute. En Afrique du Sud, il y a plus de vigiles privés et armés que de policiers et la police est priée de prendre exemple sur leurs méthodes… En bref, nous en France sommes encore un peu idéalistes et naïfs, et fort en retard lorsqu’il s’agit de regarder la réalité en face.

      J’espère qu’on peut encore se le permettre pour quelques temps…

      • Villiers-le-Bel, l’Elysée coache le témoin
        le lundi 27 septembre 2010 à 00:09, Michel a dit :
        Vous avez lu l’article ? votre com fait un peu froid dans le dos.. Ben alors, y a pas plus de monde sympa sur Bakchich ? merdre alors !
  • Temps heureux où on pouvait menacer un temoin retif
    le jeudi 16 septembre 2010 à 10:58, Abdalak a dit :

    "La ville du Val-d’Oise rejoue la Commune"

    Insulte publique à la Commune ! Scandaleux !

    "Par exemple en distribuant, après les émeutes, des tracts appelant à la délation ou promettant une récompense sonnante et trébuchante pour les bavards. Saine et aveugle justice dans la patrie des droits de l’homme."

    Il est vrai que des menaces physiques contre la personne et sa famille eurent été plus acceptables … Sauf qu’il parait que seuls les suspects ont le droit de pratiquer ces techniques … Vous trouvez ça injuste n’est ce pas ?

    Tout ça est bien beau mais à aucun moment notre petit gars ne revient sur son témoignage … Payer ou pas payer, il a dit ce qu’il avait entendu.

    On voit simplement que pour qu’un témoin accepte de témoigner contre ces gentils messieurs des quartiers, il faut lui en promettre beaucoup. Ca démontre la peur que savent suciter ces braves gens chez le citoyen de base.

    Ce genre d’affaire fait le bonheur de Marine et de son papa … Au lieu de vous offusquer, vous devriez penser à tout ce bien que vous faîtes au FN !!!

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