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MONDE / GÉOPOLITIQUE IRANIENNE POUR LES NULS

Unilatéralisme américain VS panchi’isme iranien

lundi 7 mai 2007 par Mehdi Dadsetan
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Quatrième volet de notre saga « géopolitique iranienne pour les nuls ». Ou comment les États-Unis jouent le grand arbitre de l’instabilité moyen-orientale. Et bien sûr tous les coups sont permis, de la guerre préventive du donneur de leçon aux coups de bâton… Juste de quoi allumer la fièvre islamique.

Loin de conduire à de véritables réformes de structure, la politique américaine risque de conduire directement à une refondation d’un autoritarisme au niveau international. L’ultime contradiction des néo-conservateurs repose sur la conception de la démocratie. Il en existerait finalement deux versions, l’une appartenant à Mars, la démocratie guerrière réservée aux États-Unis et à Israël, et une démocratie pacifique ou vénusienne pour le reste des autres pays .

Guerre martienne vs guerre vénusienne

Les deux maîtres-mots sont : unilatéralisme et « guerre préventive ». Il a fallu attendre le premier mandat de Clinton pour reconnaître l’unilatéralisme de la diplomatie américaine et du Sénat américain, à savoir la liberté d’agir comme bon lui semble, d’autant plus que le frein soviétique était porté disparu. Madeleine Albright, encore ambassadrice aux Nations Unies et futur chef de la diplomatie de le la deuxième administration Clinton (1996-2000), déclarait sans ambages en octobre 1994 : « Pour défendre nos intérêts vitaux (…) les États-Unis agiront multilatéralement toutes les fois qu’ils le pourront et unilatéralement toutes les fois qu’ils le devront ». Ce style de déclaration sera encore plus radicalisé dans l’administration Bush Jr. En 1993, Clinton refuse d’adhérer à la convention interdisant les armes chimiques et il envahit Haïti avant de recevoir l’aval du Conseil de Sécurité. En 1997, il refuse, la même année, de signer le protocole de Kyoto (décision confirmée par le président Georges Bush Jr.), le traité de Rome qui établit la Cour pénale internationale, et la convention internationale interdisant les mines antipersonnelles. « L’Axe du Mal » pour Bush a remplacé la terminologie des « États voyous » (« Rogues States ») de Clinton. Nous pouvons nous interroger d’ailleurs si, à tort ou à raison, les démocrates américains constituent ou non une aile minoritaire du parti républicain.

Robert Kagan, l’un des théoriciens du mouvement néo-conservateur, critique les « belles âmes » qui s’insurgent contre toute intervention puisqu’elle bafouerait l’égalité souveraine et inviolable de toutes les Nations, qui, soit dit en passant, n’est autre que le principe fondamental de la Charte des Nations Unies sur laquelle repose depuis des siècles le Droit international. Comme le dit Kagan, le déséquilibre militaire se perpétuera aussi longtemps que les Européens « préféreront le beurre aux canons », formule à l’emporte-pièce qui n’a que le mérite d’être claire. À l’opposé des Européens, les Américains préfèrent le recours au bâton plutôt qu’à la carotte dans la gestion de leurs relations internationales. Selon ce stratège, l’Union européenne ne deviendra jamais une super-puissance dans l’avenir si elle perdure dans la politique de la carotte. L’Europe devrait plutôt « s’adapter » par réalisme au statut de la puissance dominante des États-Unis. À première vue, nous sommes tentés de lui donner raison, mais cette faiblesse constitue aussi une plus grande chance pour une diplomatie d’un autre type, qui assimilerait aussi certaines éthiques. La fracture de l’entité européenne est profonde, entre les « pro-américains » et les « indépendantistes », entre la « nouvelle » et l’ « ancienne » Europe, celle qui s’adapte et connaît un fort taux de croissance et l’autre qui renâcle et n’arrive pas à faire décoller son économie.

Même si la thèse d’Emmanuel Todd a aussi de quoi séduire dans la prédiction d’un emballement économique qui précipiterait la chute de ce nouvel « empire », il reste que l’hégémonie américaine est loin d’être terminée.

Nous affirmons pour notre part l’idée que les changements des sociétés musulmanes viendront de l’intérieur et que leurs partenaires occidentaux doivent soutenir les mouvements de démocratisation dans le respect des dignités nationales. La spécificité à la fois intérieure et extérieure de l’Iran dans le Moyen-Orient renvoie aussi à sa position incontournable dans la question de l’énergie et dans la production pétrolière, de cuivre et des réserves de gaz inexploitées. Ces deux caractéristiques géographiques et géoéconomiques de l’Iran se nourrissent d’une histoire complexe et largement frustrée dans la quête d’une population pour une démocratie . L’Iran fait partie de ces grandes puissances régionales du Moyen-Orient qui lorgnent sur ce que l’on pourrait dire avec Brzezinski, conseiller éminent du président Jimmy Carter (1975-1979) et du clan des démocrates américains, sur les « Balkans eurasiens » , ou les nouveaux États d’Asie centrale de l’ex-bloc de l’Union soviétique. Pour ce stratège « démocrate », les « Balkans eurasiens » rappellent beaucoup les Balkans du siècle dernier, en ce qu’ils combinent pouvoir vacant et velléité d’absorption débouchant dans des conflits ethniques et régionaux de grande envergure. Les États-Unis doivent ainsi se présenter comme l’arbitre de toute instabilité politique du Moyen-Orient pour garantir les livraisons d’hydrocarbures à l’Europe et à l’Extrême-Orient dans leur dynamique économique (Chine, Corée du Sud, Japon, Malaisie). C’est ainsi que les États-Unis pourraient s’assurer la mainmise de l’énergétique mondiale en contrôlant les deux bouts du continent double eurasien. Le Golfe persique représente la région cruciale à mi-parcours pour fournir toutes les demandes pétrolières.

Téhéran, la tiers-mondiste ?

Le panchi’isme délibéré de la politique de Téhéran les mènera à soutenir les communautés musulmanes à travers le monde pour faire concurrence à l’Islam wahhabite de l’Arabie Saoudite, notamment en Afrique subsaharienne. Cette diplomatie qui ne consistait pas tant dans une diplomatie de prosélytisme pour le chiisme islamique que dans la cause des opprimés et des musulmans, s’est largement manifestée dans l’exemple des prises d’otages et le soutien des groupes islamistes. Leur soutien aux groupes terroristes les poussera sur la plupart des fronts à s’engager dans la lutte de l’Islam contre l’Occident. La fameuse unité passdaran « Qods » (dont Ahmadinejad a été l’un des commandants) se retrouve après la guerre Iran-Irak dans le ciblage d’assassinats d’opposants comme dans le soutien de groupes armés musulmans, notamment en Bosnie. Ces nouvelles pratiques de Téhéran ont ainsi créé de nouveaux principes idéologiques et diplomatiques qui rompent radicalement avec les anciennes structures du régime du Chah pro-occidental. Le premier objectif de cette nouvelle République islamique était d’exporter, conformément au panislamisme clamé par Khomeiny, la révolution islamique comme solution pour les pays musulmans, qu’ils soient de confession chi’ite ou non. C‘est ce qui explique le soutien de la radicalisation politique de certains groupes terroristes comme la création du Hezbollah au Sud Liban, le soutien au Hamas d’obédience sunnite et à la Djihad islamique en Palestine.

La politique étrangère de la République islamique a fini par replier l’Iran sur ses intérêts uniquement nationaux . Cette politique est d’ailleurs habitée par une contradiction interne entre l’internationalisme et le nationalisme, qui tient à la fois de la tradition de la diplomatie musulmane, du fait que le Guide de la Révolution est aussi le chef de toute l’ommat (la communauté musulmane) et le responsable de l’intégrité de la terre sacrée de l’État iranien. Aux yeux des idéologues de cette révolution islamique, la révolution iranienne est l’avant-garde d’une révolution islamique mondiale, qui réinstaurera l’ommat de tous les musulmans par-delà les régimes laïcs en pays musulman. « La route de Qods (Qods signifie littéralement Jérusalem) passe par Karbala » disait le slogan du temps de la guerre contre l’Irak, pour signifier la destruction de l’Irak comme signe avant-coureur de la destruction d’Israël. Khomeiny n’hésitera pas à considérer que cette révolution est principalement panislamique pour dénoncer la limitation de cette révolution à un nationalisme iranien.

Dans la question de l’islam politique, le sunnisme extrémiste du groupe Al Qaida peut être entrevu sous l’angle du « chi’isme » politique, si nous acceptons le terrorisme islamique comme instrument géopolitique, ce que le régime de Téhéran avait privilégié au cours de la première décennie de la révolution islamique en opposition à l’Occident. De manière plus précise, nous pouvons mettre en évidence l’influence radicale de l’extrémisme sunnite d’un Qotb et des « Frères Musulmans » sur la naissance de l’Islam politique qui s’est réalisée dans le panislamisme chi’ite de la République islamique. Cette dimension tendue entre les deux grands courants de l’islam est au cœur même des relations tendues entre l’Arabie Saoudite et le régime islamique iranien qui a la prétention de retrouver le message originel de l’islam de Mohammed. La Révolution iranienne devenue islamique a cristallisé les revendications des populations à l’encontre des formes politiques autoritaires imposées de l’extérieur par les grandes puissances internationales. Mais les mouvements islamiques se sont joints aux protestations tiers-mondistes et ne peuvent se réduire à des mouvements uniquement fondamentalistes. La Révolution islamique n’est donc pas surgie de nulle part. De nombreux mouvements islamistes iraniens, tenants d’un ultra-conservatisme réfractaire à toute modernité dans l’histoire iranienne, ont contribué à préparer le terrain de son émergence. Citons par exemple les « Fedayins de l’Islam » : organisation extrémiste terroriste iranienne fondée après la deuxième guerre mondiale et instrumentalisée couramment par les services de renseignements anglais dans l’affaire de la nationalisation du pétrole par Dr. Mossadegh dans les années 1950-1953. Les mouvements de radicalisation politique dans des groupes religieux existaient notamment dans l’islam sunnite, plus particulièrement dans les courants salafistes des Frères Musulmans. Khomeiny a lui-même traduit Sayyid Qotb, l’une des figures de proue de cette radicalisation islamique sunnite, pendu par le président égyptien Nasser en 1966 . Mais comme la Révolution iranienne nous le montre, il s’agit même encore aujourd’hui dans les actions terroristes d’Al Qaida, non seulement d’un regain d’orthodoxie qui retrouve ses origines, ou d’une certaine pureté du message islamique, mais aussi d’une revendication politique tiers-mondiste qui, dans la manifestation médiatique du terrorisme, vise à déstabiliser le jeu des rapports de force sur la scène internationale.

Effet tâche d’huile

L’Iran chiite n’est pas et ne peut pas être la seule cause de l’émergence de l’islamisme, mais elle symbolise et catalyse un panislamisme politique déterminant dans la politique du Moyen-Orient. Le gouvernement islamique en tire même sa justification politique au regard de sa population et au regard de l’ensemble de l’ommat des croyants musulmans. Ce que nous pouvons dire de l’apport de la Révolution iranienne dans les discours islamiques et le terrorisme, c’est que le chi’isme par sa structure religieuse a permis cette radicalisation du panislamisme tout en se confinant dans cette limitation restreinte qu’elle représente aux yeux de la majorité musulmane sunnite. Mais déjà dans sa structure, elle appelle, en tant que religion minoritaire, à un renversement de l’Islam pour lui redonner son authenticité. De nombreuses conditions qui ont préparé la révolution islamique en Iran existent aujourd’hui dans la plupart des pays musulmans, que nous pensons aux Frères Musulmans en Egypte (même si la dernière élection présidentielle de septembre 2005 n’était démocratique que de nom).

L’expérience iranienne permet de mieux apprécier ainsi les mouvements islamiques dans tous ces pays. Nous pouvons encore craindre pour l’avenir des pays comme l’Egypte, la Tunisie, le Maroc et l’Arabie Saoudite à des regains d’islamisme.

Nous essaierons de mettre en lumière les différentes forces et composantes dans l’équilibre du pouvoir qui se jouent actuellement dans la région du Moyen-Orient. L’Iran est un acteur prépondérant de la nouvelle donne stratégique dans le nouveau système politique de la région. La démocratie dans les pays musulmans du Golfe est annoncée comme la nouvelle alternative de la politique des Etats-Unis et de la mondialisation. Le brasier irakien de faible intensité pourrait se propager dans l’ensemble du Moyen-Orient. Les évènements du conflit au Sud Liban entre Hezbollah et l’armée israélienne manifestent amplement une limite au volontarisme militaire (juillet 2006-août 2006).

La révolution iranienne (1979), les deux guerre de l’Irak, (1990-1991 et 2003), l’intervention des forces militaires de O.T.A.N. en Afghanistan, la question palestinienne, les interventions successives de l’armée israélienne en Palestine et au Liban et les interrogations sur le rôle des chiites libanais dans la perspective d’un Liban unifié et démocratique, la situation politique en Asie centrale, le nucléaire iranien, sont tant de questions et de sujets brûlant, à éclaircir l’élément majeur de ces conflits, à savoir le chiisme et son rôle dans le monde musulman. Cette force émergente a crée des situations explosives (Irak, Liban, Palestine, Arabie Saoudite, Bahreïn).


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1 MESSAGES

Forum

  • Unilatéralisme américain VS panchi’isme iranien
    le samedi 19 mai 2007 à 11:46, Zwartepiet a dit :

    Cette histoire de "panchi’isme" n’est que la version recyclée de l’épouvantail ottoman brandi par les Britanniques lors de la première guerre mondiale… Souvenez-vous : à l’époque (1916-1918), il s’agissait, pour TE Lawrence (agent de renseignement de Sa Gracieuse Majesté) de saboter la ligne de chemin de fer reliant Damas à la Mecque (the Hejjaz Railways). C’était, en quelque sorte, le précurseur ottoman de l’actuel "Croissant Chiite". Cette ligne de chemin de fer permettait à l’armée turque de déployer assez rapidement ses troupes à Jaffa, Jerusalem, Médine, etc.

    La (géo)politique poursuivie par Lawrence d’Arabie était en tous points similaire à celle des Anglo-Saxons aujourd’hui : promettre monts et merveilles aux tribus bédouines d’Arabie (qui n’était pas encore Saoudite) et de Mésopotamie (Iraq) en échange de leur alliance contre l’hégémon ottoman… Accessoirement, il s’agissait aussi d’évincer la France —puissance coloniale rivale— du Liban et de la Syrie. Cette dernière ambition britannique se voyant, au grand dam de TE lawrence, revue à la baisse sous la forme de l’Accord Sykes-Picot….

    Les Arabes furent évidemment roulés dans la semoule : la Grande Arabie souveraine, de Damas a Baghdad en passant par la Mecque ne vit jamais le jour. Pire : la Grande-Bretagne avait secrètement accordé au Sionistes (Chaim Weizmann) le droit d’établir un foyer juif en Palestine… Il y a un dicton anglais qui s’énonce comme suit : Fool me once, shame on you. Fool me twice, shame on me. Traduction : Roules-moi une première fois, honte à toi. Roules-moi une seconde fois, honte à moi. Les pays arabes modérés (Arabie Saoudite, Jordanie, Egypte,…), courtisés aujourd’hui par les Américains en vue d’un affrontement avec l’Iran, se souviendront-ils de la duplicité britannique lors de la première guerre mondiale ?

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