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Allemagne

Une taxe germaine sur les traces de la taxe Tobin

25 août 2010 à 18h43
Bonne nouvelle : l’Allemagne ouvre la marche pour la création d’une taxe sur les organismes financiers. Un beau symbole, mais une mesure insuffisante.

Hourra.

De retour de vacances, et comme dans mon précédent billet, j’ai décidé de commencer sur une note résolument optimiste — de manière à ne pas nous pourrir le moral dès la rentrée.

Bonne nouvelle donc… aujourd’hui, l’Allemagne ouvre la marche pour la création d’une taxe sur les organismes financiers — et ô joie : la France pourrait lui embrayer le pas !

Le but de cette taxe est tout à fait noble et sans détour : contraindre les banques à reverser une partie de leurs juteux bénéfices afin de créer un bas de laine en cas de coup dur.

(J’entends par "coup dur" l’effet dévastateur de l’avidité d’une classe d’élites schizoïde dont les accès lubriques peuvent conduire des pays entiers à la faillite.)

Freud m’en est témoin : obliger les banques à mettre au pot après 30 ans d’insouciance et de cadeaux scatologiques fièrement posés au beau milieu du salon, c’est sain.

… il est grand temps de sortir du stade anal !

Sans compter que cette "révolution propre" aurait au moins deux vertus : responsabiliser le jeune et éviter que ses parents ne se sentent victimes d’un immonde chantage.

Enfant roi, impossible de lui imposer une règle. Cette raclure saccage votre maison, piétine votre potager, pique dans votre porte-monnaie… et en plus cela, il n’est même pas mignon !

Imaginez une seconde qu’à la moindre menace de punition, le morveux devienne tout rouge et vous réponde avec véhémence : "si tu fais ça, j’égorge toute ma fratrie."

Trêve de métaphore, la dérégulation entraine les deux sempiternelles réponses : quand tout va bien, la capitalisation des richesses — et quand tout va mal, la nationalisation des pertes.

Au final, ce sont les mêmes conséquences qui nous attendent, à la différence que les banques s’en sortent grâce à l’aide des états — c’est tellement plus pratique comme cela !

Oui mais voilà… c’est sans compter l’inébranlable rigueur allemande particulièrement échaudée par cette crise financière et qui ne l’entend pas de cette oreille…

Haben wir die Mittel, um Sie zahlen !

Aujourd’hui je suis donc tombé sur ce projet de loi à l’initiative de la chancelière allemande.

Selon les estimations indexées sur une année 2006 florissante, une telle taxe rapporterait en Allemagne environ 1,3 milliard d’euros par an. C’est pas mal du tout… Pour vous donner un ordre d’idée c’est ce que touche en bénéfice net la Deutsche Bank… sur un trimestre !

Et quand on commence à comparer… on peut vite déchanter. Selon l’AFP, pendant la crise, "l’Etat allemand a dû nationaliser en catastrophe l’établissement spécialisé Hypo Real Estate (HRE), bénéficiaire de plus de 100 milliards d’euros de garanties publiques, ou encore entrer au capital de la Commerzbank [à hauteur de 25%, ndr]."

"Dans les deux cas, les banques ont bénéficié de gros versement en liquide d’argent public : 7,8 milliards pour HRE et 18,2 milliards pour Commerzbank."

Et ça, ça fait beaucoup d’argent pour le coup.

Calculons ensemble : 7,8 + 18,2 = 26 milliards d’euros dépensés… contre 1,3 milliard engrangés ? Ça fait quel ratio ça : 1/20 ? Hum…

Cela veut dire que d’ici 20 ans de taxes bancaires, à un rythme équivalent à celui de 2006 — c’est-à-dire plutôt effréné, les Allemands auront de quoi renflouer 2 banques en faillite.

En attendant, si jamais ô grand jamais une nouvelle crise devait advenir, prière de ne pas hurler pendant l’épilation — ça ne changerait rien à la situation…

Au secours, je me perds mon capital bien-être estival !

Tout ça pour dire que cette taxe pourrait bien être la montagne qui accouche d’une souris… ou alors la planète qui accouche d’une puce… ou alors l’univers qui accouche d’une bactérie… ou encore Dieu qui invente le gaz.

Symboliquement, évidemment, cette mesure va dans le bon sens. On regrette simplement que, comme toujours, elle soit insuffisante. Pourtant, à l’échelle de la planète, certains économistes n’hésitent plus à poser les chiffres… Ils estiment qu’une taxe de 0,1% pourrait rapporter 920 milliards de dollars — soit l’équivalent d’un plan de relance mondial.

On serait donc tenté de penser que si tous les pays de l’union européenne acceptaient de taxer leurs banques à l’image des Allemands, cela pourrait rapporter déjà quelques dizaines de milliards d’euros. Et que si les grandes puissances leurs embrayaient le pas, la mesure prendrait tout son sens.

Mais à l’issu du G20 les pays membres ont largement manifesté leur désintérêt à l’égard d’une telle taxe bancaire qui ne figure pas dans les priorités de certains pays finalement peu touchés par la crise financière. Il n’existe pour l’heure aucune espèce d’embryon de sentiment d’unité.

Le premier pas vers un consensus en matière de régulation financière n’est donc pas pour demain. Dommage. Et c’est d’autant plus décevant quand on constate que là où l’économie a servi de catalyseur de sociabilité et de pacification pendant des siècles — la finance, sa fille naturelle et dépravée, ressemble à une coquille, vide…

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