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Une bombe sur l’Afghanistan

Cinéma / lundi 20 décembre 2010 par Marc Godin
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Primé à Cannes par la Semaine de la critique, Armadillo est un documentaire, tourné comme une fiction, sur une escouade de soldats danois en Afghanistan. Rencontre avec le réalisateur, Janus Metz.

Bakchich Hebdo : Comment avezvous obtenu les autorisations pour suivre ces soldats danois dans la province du Helmand, dans le sud de l’Afghanistan ?

Janus Metz : Les autorisations ont été négociées par mes deux producteurs, un an avant que je commence à filmer. Nous avons tout de suite expliqué que nous ne ferions pas un film de propagande à la gloire de l’armée danoise mais un film sur la nature du conflit et ce que c’est d’être un soldat en Afghanistan. J’ai d’abord eu le droit de filmer trois semaines. Avec Lars Skree, mon chef opérateur, nous avons gagné la confiance des généraux, des officiers, des soldats et nous sommes restés trois mois et demi. Même si Armadillo est dur et brutal, nous n’attaquons pas l’armée ou le Premier ministre. C’est un film sur la violence et le chaos, sur l’effet de la guerre sur les hommes.

B. H. : Étiez-vous conscient des risques que vous preniez ?

J. M. : Pas vraiment. Je savais que j’allais sur le terrain mais, tant que vous n’y êtes pas vraiment , c’est assez vague. Avant de partir, j’ai dû écrire à mes parents, ma femme, mes enfants une lettre commençant par : « Si vous lisez cette lettre, c’est que je suis mort. » Pas évident… Et chaque soldat fait la même chose ! Je suis content d’être revenu en un seul morceau, mais je me suis demandé à plusieurs reprises ce que je faisais là-bas.

B. H. : Comment avez-vous choisi les soldats du groupe ?

J. M. : Ils étaient volontaires et ont été choisis par l’armée. Je voulais filmer une unité de dix garçons qui allaient en Afghanistan pour la première fois. Dans le groupe, j’avais une vraie galerie de personnages, dont Mads, un mec très idéaliste mais rejeté par les autres à cause de sa petite taille, et Daniel, le mâle alpha dans toute sa splendeur, sombre et cynique, accro à l’adrénaline. C’était un antagonisme parfait, l’ange et le diable, comme dans Platoon. D’autres avaient comme idée de faire le « truc ultime » : tuer un mec ! J’avais également en tête que chacun de mes personnages pouvait être abattu ou pouvait sauter sur la mine des talibans avant la fin du tournage.

B. H. : À la fin, Mads est de retour au Danemark, mais il veut repartir en Afghanistan. Pourquoi ?

J. M. : Mads se bat avec sa masculinité. Il ne s’est pas rebellé contre les autres, il a toujours ses problèmes avec sa mère, son voyage n’est pas terminé. J’aurais préféré qu’il revienne et dise : « Rien à foutre de cette guerre. » Mais Armadillo montre également le pouvoir de séduction de la guerre. Les soldats sont accros à l’adrénaline, à la mort. Comme dans Démineurs, de Kathryn Bigelow.

B. H. : Et vous, êtes-vous devenu accro à la guerre ?

J. M. : Bien sûr ! Mais, avec Lars, on rentrait au Danemark de temps en temps. Nous étions « embarqués » avec les soldats, nous n’étions pas des soldats.

B. H. : De plus en plus de films de fiction, comme Green Zone ou Démineurs, sont tournés à la façon des documentaires. Vous, vous avez fait l’inverse, un docu façon fiction. Pourquoi ce choix ?

J. M. : Je voulais faire un documentaire de l’esprit, une représentation poétique de la réalité. Aborder des questions philosophiques : qu’est-ce que le bien et le mal, la raison et la folie, la civilisation et la barbarie ? Je voulais également faire vivre l’expérience de la guerre. Pour ce faire, nous avons eu tous les moyens du cinéma, de très grosses caméras HD avec des objectifs ciné, pour faire la plus belle image possible, même si c’était dur sur le terrain. Nous avons pu filmer l’Afghanistan de façon épique. Il y a des plans de paysages très lyriques ou de soldats qui attendent, mais aussi des plans très « reportage », avec des caméras placées sur les casques, quand le bataillon court ou essuie des coups de feu ennemis.

B. H. : Dans le passage où les soldats plongent dans la rivière, il y a une lumière incroyable, comme si c’était une renaissance. Avez-vous dirigé les soldats, apporté des projecteurs, mis en scène cette situation ?

J. M. : Parfois, il suffit d’un bon photographe pour réaliser une grande scène. Ces soldats sont en Afghanistan depuis cinq mois et c’est comme une purification, malgré les hélicoptères qui tournent. On a fait de sublimes plans sur le ciel, des gros plans sur l’eau et le spectacle de ces mômes qui s’amusent se transforme en un rite de passage mythologique. Je n’ai donné aucune indication… Pour ce qui est de mon influence, je peux vous donner un exemple. Je savais que la relation de Mads avec sa mère était primordiale pour le film. J’avais besoin de le filmer au téléphone avec sa mère. Donc, de temps en temps, je lui demandais quand il comptait l’appeler…

B. H. : Quelle perception ont les Danois de cette guerre ?

J. M. : Les gens se foutent que nos jeunes reviennent d’Afghanistan dans des bodybags. C’est la tragédie de cette guerre qui est, à mon humble avis, perdue. Au Danemark, personne ne se posait de questions, d’où mon envie de faire ce film. Quand Armadillo est sorti, les gens se sont rués dans les salles, les politiques, dont le ministre de la Défense, ont pris la parole. Il y a enfin eu un débat.

B. H. : Parlez-nous de la fusillade avec les talibans et de la tuerie dans le fossé, avec cette réplique folle : « Je l’ai achevé le plus humainement possible. »

J. M. : Oui, ce soldat parle comme s’il avait abattu des animaux. Mais ce qui est encore plus choquant, c’est que tous les autres se marrent. Après la scène de la liquidation dans le fossé, les autorités militaires ont essayé de confisquer notre matériel et de couper certaines scènes, ce que nous n’avons pas permis.

B. H. : Qu’ont pensé les dix soldats quand ils ont visionné le film ?

J. M. : Ils ont été très choqués, très en colère contre moi. Pour la scène de la tuerie dans le fossé, certains ont eu peur d’être envoyés devant la cour martiale à cause de moi. Il y a eu une enquête de l’armée et cela s’est arrêté là.

Armadillo, de Janus Metz, en salles depuis le 15 décembre

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4 MESSAGES

Forum

  • Une bombe sur l’Afghanistan
    le dimanche 26 décembre 2010 à 21:35
    Intéressant, mais il passe où ce film ??? Il a l air de ne plus être à l affiche dix jours après sa sortie !
  • Une bombe sur l’Afghanistan
    le mercredi 22 décembre 2010 à 13:15, mister dust a dit :
    l’être humain : une espèce addict à la guerre, au pouvoir, à l’argent etc…. la planète s’en passerai bien… http://picasaweb.google.com/lh/photo/qWO9Cre3m-WD5v-eF0YQGA ?feat=directlink
  • Armadillo
    le mardi 21 décembre 2010 à 20:02, Un des leurs a dit :

    J’ai vu ce film. Je suis content qu’il sorte en salle en France. Ce film n’est ni contre ni pour la guerre. Il ne répond à aucune question : il nous oblige à nous en poser.

    Il n’y a pas de débat en France sur cette guerre. Nous avons perdu le 52éme soldat français cette semaine, et tout le monde s’en fout.

    J’aimerai que l’on respecte ceux qui se battent la-bas. Que la cause soit juste ou pas. Certains diront qu’ils se sont engagé et que donc si ils se font tuer, c’est bien fait pour leur gueule … Peut-être. Mais la plupart d’entre eux se disent que cela en vaut la peine ne serais-ce que pour que des gamines puissent aller à l’école sans risquer leurs vies.

    Pour Noël j’aimerai bien que l’on pense à eux comme aux deux journalistes piégés depuis prés d’un an. Que l’on pense à leurs femmes et à leurs gosses.

    Allez voir ce film et vous aurez une idée de ce qu’ils vivent.

  • Une bombe sur l’Afghanistan
    le lundi 20 décembre 2010 à 08:17, Phil2922 a dit :
    les spectateurs sont fouillés à l’entrée de la salle du film… ? En tout cas, comme une bombe, je vais me dépêcher d’aller voir ce docu…
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